L’enrofloxacine résiste bien aux critiques de ses détracteurs - Le Point Vétérinaire expert rural n° 320 du 01/11/2011
Le Point Vétérinaire expert rural n° 320 du 01/11/2011

MAMMITES COLIBACILLAIRES BOVINES

Analyse d’article

Auteur(s) : Olivier Salat

Fonctions : Cabinet vétérinaire
de la Haute-Auvergne
2, avenue du Lioran
15100 Saint-Flour

“L’enrofloxacine déconseillée lors de mammite colibacillaire.” Voilà un titre d’article pour le moins surprenant que les lecteurs du Point Vétérinaire ont pu lire dans le numéro de juillet-août 2011. Même l’auteur de l’article original ainsi raccourci n’avait pas osé formuler pareille conclusion(1).

Une telle affirmation n’est pas non plus en phase avec les autres études au moins aussi sérieuses menées depuis une quinzaine d’années sur l’intérêt des fluoroquinolones dans les mammites colibacillaires [3, 4, 8, 10].

Suojala appartient à une équipe qui, depuis plusieurs années, dénigre systématiquement l’intérêt des fluoroquinolones, et en particulier de l’enrofloxacine, lors d’infections mammaires colibacillaires [5, 7, 9]. Pour ces universitaires, la survie de quelques vaches de plus ou de moins n’a pas la même importance que pour un praticien qui a souvent une obligation de résultat, dans le contexte économique actuel en élevage laitier.

L’étude récemment publiée a pour intérêt majeur de se situer dans les conditions de la pratique quotidienne (infection naturelle). Elle ne paraît toutefois pas aussi solide que précédemment évoqué dans le Point Vétérinaire.

Certaines critiques peuvent être formulées sur les “matériel et méthodes”, et sur l’interprétation des résultats.

DES PARAMÈTRES CLINIQUES INCOMPLETS

La principale indication de l’antibiothérapie sur les mammites colibacillaires est l’atteinte sévère de l’état général de l’animal. Dans ce cas, en effet, les risques de bactériémie et/ou d’endotoxémie sont élevés [1, 13]. Un score clinique complet permet de décrire correctement l’atteinte de l’état général lors de mammite aiguë [11, 12]. Il inclut les paramètres suivants : température corporelle, état de déshydratation, comportement général et motricité ruminale. Selon la note obtenue, l’atteinte est qualifiée de légère, de modérée ou de sévère. Suojala fait référence à un score clinique non redéfini (il renvoie à [5]). Établi à partir de la température corporelle, de la fréquence cardiaque et de la motricité ruminale, sans plus de détails, celui-ci conduit à seulement deux classes : atteinte légère (inférieure ou égale à 1,5) et atteinte modérée à sévère (supérieure à 2).

La plupart des auteurs s’accordent sur l’utilité de l’antibiothérapie dans les cas sévères. En revanche, celle-ci n’a aucun effet lorsque l’état général de l’animal est peu affecté ou ne l’est pas [1, 2, 13].

DE PETITS EFFECTIFS PAS VRAIMENT ÉQUIVALENTS

Les deux lots de départ ne sont pas parfaitement comparables (tableau). En effet, le nombre de vaches présentant une atteinte modérée à sévère est plus élevé dans le lot avec antibiotique et les cas sont, en proportion, plus graves (par référence au recours plus important à la fluidothérapie dans ce lot) que dans le lot “sans”.

Les différences observées entre les deux lots ne sont pas statistiquement significatives, au regard des effectifs relativement réduits de cet essai. Des remarques peuvent également être formulées sur les critères objectifs de guérison.

La guérison clinique est définie comme un retour à la normale de tous les paramètres cliniques. Cette normalité n’est pas explicitée au préalable.

Le retour à une production normale est laissé à l’appréciation de l’éleveur, c’est donc un paramètre subjectif, alors que la production laitière avant et après mammite est un élément facilement mesurable et objectif.

L’écart à J2 et à J21 entre les lots avec ou sans antibiotique est de 8 vaches guéries en faveur de ce dernier. Or c’est exactement le nombre de bovins supplémentaires qui ont reçu une fluidothérapie dans le lot avec antibiotique.

En définitive, si les vaches dont l’atteinte clinique est légère sont exclues de l’analyse, le taux de mortalité dans le lot avec antibiotique est près de la moitié de celui observé chez les vaches non traitées avec l’enrofloxacine. Erskine et coll., en 2002, affirment que l’emploi de ceftiofur lors de mammites colibacillaires graves diminue la mortalité de 25 % [2]. Ici, l’enrofloxacine permet une baisse de celle-ci de 45 % (les effectifs sont toutefois trop faibles pour que la différence puisse être qualifiée de significative).

DES CONCLUSIONS RÉCURRENTES GOMMANT LA MORTALITÉ

Ce type d’essai comparant les anti-inflammatoires (AINS) avec ou sans antibiotique a précédemment été réalisé par la même équipe sur des vaches infectées expérimentalement par E. coli [6]. La conclusion a été la même (absence d’intérêt d’une antibiothérapie), malgré la mort de 2 vaches sur 6 dans le lot sans enrofloxacine et d’aucune dans le lot “avec”.

Les seuls éléments de cette étude où une différence statistiquement significative a été notée sont le niveau de guérison bactériologique à J2 (en faveur du lot avec antibiotique) et le taux de guérison clinique à J2 (en faveur du lot “sans”). À nouveau, les faibles effectifs concernés mettent en doute la significativité, surtout au vu des différences constatées entre les deux lots (nombre de cas modérés à sévères, recours à la fluidothérapie, mais aussi pratique des traites fréquentes). Or ces dissemblances présentent des liens statistiquement significatifs avec la guérison clinique à J2.

Conclusion

Ainsi, il est prudent face à pareille étude en contradiction avec les autres de s’interroger précisément sur la méthodologie et de ne pas arrêter sa réflexion au fait qu’elle a été publiée dans une revue à comité de lecture prestigieuse.

  • (1) Suojala et coll. “Antibiothérapie. L’enrofloxacine déconseillée lors de mammite colibacillaire”. Point Vét. 2011;317:9.

  • (2) Le résumé présenté ici s’inspire de la version proposée dans le Journal of Dairy Science. Il n’a pas été rédigé par l’auteur de cette analyse d’article.

RÉSUMÉ(2)

OBJECTIF

Comparer l’efficacité de terrain d’un traitement associant l’enrofloxacine et les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) à l’administration d’un AINS seul, chez des vaches laitières naturellement affectées de mammites cliniques à Escherichia coli.

MÉTHODE

• 132 vaches infectées naturellement, avec confirmation bactériologique, sont réparties au hasard dans l’un des deux groupes de traitement (AINS : kétoprofène, à la dose de 3 mg/kg par voie intramusculaire ou 4 mg/kg par voie orale une fois par jour pendant 1 à 3 jours, avec ou sans enrofloxacine, à la dose de 5 mg/kg, à 24 heures d’intervalle, la première dose par voie intraveineuse, la seconde par voie sous-cutanée).

• La réponse au traitement est évaluée cliniquement et bactériologiquement (culture et recherche de l’activité enzymatique N-acétyl-Β-d-glucosaminidase [NAGase]), à 2 et à 21 jours après les traitements.

RÉSULTATS

• L’ajout d’enrofloxacine au traitement n’augmente pas le taux de guérisons bactériologiques (90,5 % chez les vaches traitées contre 86,8 % dans le lot sans antibiotique) ou cliniques (46,7 % contre 57,1 %), le taux de survie (95,3 % contre 92,7 %) ou la production de lait par quartier évaluée à J21 (21,8 % contre 29,3 % de retours au niveau préinfectieux). Il ne diminue pas non plus les dommages tissulaires locaux.

Le traitement n’a pas d’effet sur le nombre de vaches de l’étude restées dans l’élevage après 6 mois (71,9 % contre 80,6 %).

• Les seules actions significatives de l’enrofloxacine sont d’accroître la guérison bactériologique (odds ratio = 3,32 pour les vaches traitées) et de diminuer la guérison clinique (odds ratio = 0,05), 2 jours après le traitement.

Selon ces auteurs, «  ces résultats n’encouragent pas l’utilisation d’enrofloxacine pour traiter une mammite clinique à E. coli ».

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