ENDOCRINOLOGIE CANINE ET FÉLINE
Dossier
Auteur(s) : Brigitte Siliart*, Julie Delfau**, Laëtitia Jaillardon***
Fonctions :
*École nationale vétérinaire
Unité de nutrition et d’endocrinologie
LDHV, Oniris
Atlanpôle La Chantrerie
BP 40706
44307 Nantes Cedex 03
**École nationale vétérinaire
Unité de nutrition et d’endocrinologie
LDHV, Oniris
Atlanpôle La Chantrerie
BP 40706
44307 Nantes Cedex 03
***École nationale vétérinaire
Unité de nutrition et d’endocrinologie
LDHV, Oniris
Atlanpôle La Chantrerie
BP 40706
44307 Nantes Cedex 03
Lorsque l’insulinothérapie semble inefficace, l’analyse des variations de la glycémie couplées à celles de l’insulinémie est une des solutions permettant d’ajuster le traitement.
Même lorsque la mise en place et le suivi de l’insulinothérapie sont réalisés avec beaucoup de soin par le vétérinaire et que le propriétaire applique scrupuleusement les directives, il arrive, surtout dans l’espèce féline, que la réponse de l’animal au traitement soit très médiocre ou que la situation se dégrade apparemment sans raison. Il est alors nécessaire d’apporter une solution rapidement efficace car le diabète est une maladie grave susceptible de compromettre le pronostic vital et la motivation du propriétaire de l’animal.
La première des raisons de l’échec d’une insulinothérapie est un traitement inadapté ou dont l’observance est irrégulière, et ce pour diverses raisons.
L’insulinothérapie a toutes les chances d’échouer lorsque le praticien cherche à équilibrer trop rapidement le diabète, par exemple en modifiant chaque jour la dose d’insuline en fonction d’une seule mesure de la glycémie. Cela se produit quand les paliers de 2 à 3 semaines qui permettent à l’organisme de trouver une nouvelle stabilité ne sont pas respectés. Des doses supérieures à 1 U/kg par injection peuvent vite être atteintes. Or, à partir de ce seuil, la probabilité d’une insulinorésistance est très grande.
Lorsque l’insuline est administrée une seule fois par jour, une amélioration satisfaisante de l’animal peut généralement être obtenue à l’instauration du traitement. Mais, après quelques semaines, des alternances d’hypo- et d’hyperglycémie préjudiciables à l’état de l’animal surviennent. Cette fréquence n’est donc pas suffisante.
Il est rare qu’un animal (chien comme chat) puisse être correctement traité à l’aide d’une dose inférieure à 0,5 U/kg deux fois par jour.
L’insulinothérapie tend à restaurer l’équilibre métabolique, améliore le fonctionnement des organes et entraîne des variations de poids et du rapport muscle/graisse, au point de modifier les besoins en insuline, qui doivent être régulièrement réévalués.
Le traitement peut s’avérer inefficace dans certaines circonstances, comme lors d’insulinorésistance ou de gluco-toxicité [5, 10]. Dans ce dernier cas, l’insulinothérapie peut devenir rapidement excessive et provoquer des hypoglycémies [6].
Lorsqu’un diabète est diagnostiqué chez une chienne en diœstrus, il peut faire partie d’une polydysendocrinie induite par l’activité lutéale (l’échec survient surtout lorsqu’une chienne, dont les ovaires sont polykystiques, est ovariectomisée rapidement après la découverte de son diabète). La polydysendrocrinie allie une hypercortisolémie, une acromégalie et une insulinorésistance. Quand la sécrétion de progestérone disparaît, la sensibilité à l’insuline revient progressivement, mais de façon très variable dans le temps. Elle déclenche alors des alternances d’hypo- et d’hyper-glycémies. L’insulinothérapie devient alors très délicate à gérer : si les administrations d’insuline sont arrêtées, la glycémie augmente. Si elles sont reprises, elles déclenchent des hypoglycémies. Il convient donc de modifier le traitement avec précaution dans l’objectif d’une rémission. Il est possible, par exemple, de diminuer beaucoup les doses (50 %) par paliers longs (3 à 4 semaines).
Un animal qui reçoit des stéroïdes, que ce soit des corticoïdes ou des progestatifs (contraceptifs, antiandrogènes ou médicaments à visée cutanée chez le chat), développe une insulinorésistance qui peut déclencher un diabète. L’arrêt des stéroïdes (recommandé quand cela est possible) restaure la sensibilité à l’insuline. Si l’administration de stéroïdes ne peut être totalement supprimée, par exemple dans certaines maladies inflammatoires chroniques sévères (atopie, asthme, affection inflammatoire chronique de l’intestin), il est quasi impossible d’obtenir une insulinothérapie correcte.
Chez les chats, une hyperglycémie transitoire due à une glucotoxicité peut être confondue avec un diabète. En effet, cette espèce est physiologiquement peu capable de faire baisser rapidement une hyperglycémie. Chez le chat, qui est un carnivore strict, l’activité glucokinase hépatique est faible, ainsi que la capacité des îlots de Langerhans à sécréter de l’insuline en réponse à une hyperglycémie. Pour ces raisons, toute maladie (inflammatoire ou source de stress) à l’origine de la sécrétion de facteurs hyperglycémiants (catécholamines, tumor necrosis factor) peut entraîner une hyperglycémie transitoire (photos 1a et 1b). Si elle n’est pas traitée en quelques jours, elle induit une hypersécrétion conjointe d’insuline et d’amyline, qui en se polymérisant autour des îlots provoquent leur apoptose. Le chat devient alors insulinopénique absolu. Le traitement du diabète, en rétablissant une glycémie normale, permet la régénération des îlots et le diabète guérit progressivement après des périodes d’hypoglycémie de plus en plus longues au cours de l’insulinothérapie. Il convient d’être vigilant, car, dans quelques cas, il est indispensable de maintenir les animaux à une dose très faible d’insuline (non quantifiable) pour obtenir un bon résultat clinique, alors que l’arrêt total entraîne des récidives.
L’obésité est également reconnue comme l’un des facteurs majeurs de l’augmentation de la prévalence du diabète chez les carnivores, même si de plus en plus de facteurs génétiques prédisposants sont découverts [2]. Il s’agit d’une maladie chronique inflammatoire qui entraîne une insulinorésistance, aggravée par l’hyperleptinémie et l’hypoadiponectinémie [3, 12].
Diverses maladies endocriniennes sont aussi génératrices d’insulinorésistance, soit directement, soit indirectement, par l’intermédiaire de l’obésité ou des dysendocrinies qu’elles induisent. Il s’agit de l’hypothyroïdie, de l’hypercorticisme, de l’acromégalie et de toutes les affections gonadiques à l’origine d’une hyperprogestéronémie [9].
Les processus auto-immuns, qui sont l’une des composantes du diabète encore insuffisamment précisée chez les animaux domestiques, favorisent probablement la circulation d’anticorps anti-insuline [4, 11]. Ils sont susceptibles de fixer l’insuline exogène, ou d’inhiber sa fixation ou son effet sur les récepteurs. Le rôle des anticorps anti-insuline exogène est probablement moins important.
Lors de diabète, des productions anormales de facteurs inflammatoires qui augmentent le risque oncogène sont favorisées. Si un processus de tumorisation et un insulinome apparaissent, le diabète évolue progressivement vers une hypoglycémie permanente [1]. Ce dernier cas est exceptionnel.
Le diabète étant une maladie complexe, il n’est pas rare qu’une insulinothérapie ne soit pas totalement efficace. En revanche, il est possible d’obtenir une optimisation du traitement pour assurer le maintien d’un bon état général. Pour cela, il convient d’adopter une démarche systématique en recherchant une amélioration clinique, plus qu’une régulation de la glycémie aux concentrations physiologiques (1 g/l).
Il convient de vérifier que le protocole standard d’administration de l’insuline est bien respecté(1). Il consiste en deux administrations par jour de Caninsulin®, de 0,5 (chat) ou de 0,7 (chien) à 1 U/kg chacune. L’évaluation est programmée 2 à 3 semaines plus tard.
Si le suivi du protocole est correct, il est nécessaire de réaliser un examen clinique accompagné d’un bilan biologique pour dépister d’éventuelles maladies intercurrentes(1). Si une affection inflammatoire (en particulier, une cystite, une stomatite, une pneumopathie) est dépistée, elle doit être traitée en priorité.
Les variations journalières de la glycémie sont évaluées par au moins quatre prélèvements, environ toutes les 2 heures, entre les deux administrations d’insuline. Il est essentiel de conserver ces prélèvements, car une mesure supplémentaire des insulinémies peut être requise quand les glycémies sont insuffisantes et ne permettent pas de comprendre la raison de l’échec. Avec les techniques actuelles, l’insuline dosée est d’origine aussi bien endogène qu’exogène. La précision du dosage n’est que de l’ordre de 20 % et les valeurs souhaitées se situent entre 25 et 40 µU/ml pour une glycémie comprise entre 0,7 et 1,2 g/l. En général, l’ensemble des résultats modifie utilement le traitement et apporte une solution. En cas d’échec, la mesure de la fructosamine est sans intérêt, car elle n’apporte aucun élément complémentaire pour modifier le traitement. Le suivi des glycémies (+/– les insulinémies concomitantes) permet de repérer certaines anomalies et de prendre les mesures correctives (figure).
En cas d’insulinorésistance, surtout si le changement de type d’insuline n’apporte pas d’amélioration satisfaisante, il faut en rechercher et traiter la (ou les) cause(s) (tableau).
Lors d’échec de l’insulinothérapie, il convient, en première intention, de revoir le protocole, de rechercher les maladies intercurrentes, les causes d’insulinorésistance, et de traiter les affections extradiabétiques. La modification de l’insulinothérapie doit être réalisée progressivement, par paliers de 2 à 3 semaines. L’évaluation du traitement repose sur un suivi journalier de la glycémie et, éventuellement, de l’insulinémie.
(1) Voir l’article “Mise en place du traitement du diabète sucré chez le chien et le chat”, des mêmes auteurs, dans ce numéro.
Tout animal diabétique, ou dont le diabète est mal traité, subit un stress métabolique caractérisé par une déficience énergétique, entraînant souvent une stéatose, voire une insuffisance hépatique, à l’origine d’une hypersécrétion du cortisol. Il ne faut donc pas rechercher une “maladie de Cushing” lors du diagnostic ou en début de traitement du diabète, car l’hypercortisolisme mis en évidence peut n’être que fonctionnel, même s’il accroît le processus d’insulinorésistance. Ce n’est que lorsque les essais de traitement classique par l’insuline échouent qu’il faut rechercher un hypercortisolisme (Cushing) qui pourrait être la cause primaire au diabète. Cette prudence s’impose car le traitement par le trilostane n’est pas sans risque, et augmente considérablement le coût et la difficulté du suivi [7]. Exceptionnellement, une atteinte hypophysaire est aussi possible (ne pouvant être mise en évidence que par des examens biologiques associés à un scanner ou à une imagerie par résistance magnétique), à l’origine d’une hyperproduction d’ACTH, d’hormone de croissance ou de prolactine, toutes trois diabétogènes [8].
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