MALADIES PARASITAIRES DES BOVINS
Avis d’experts
Auteur(s) : Philippe Jacquiet*, Jean-Pierre Alzieu**
Fonctions :
*Service de parasitologie
ENV de Toulouse
23, chemin des Capelles
31076 Toulouse Cedex 3
**Laboratoire vétérinaire départemental de l’Ariège
Rue de Las Escoumes
09008 Foix CDIS
Situation actuelle, diagnostic, traitement de la besnoitiose bovine : deux experts répondent aux questions les plus fréquentes des praticiens.
Bien que la besnoitiose bovine soit présente sur le territoire français depuis plusieurs années, de nombreux points méritent quelques précisions d’actualité, pour répondre aux questions des praticiens, notamment de ceux qui n’y ont pas encore été confrontés.
La besnoitiose bovine est en extension constante depuis une quinzaine d’années en France. Toutefois, la situation est très différente selon les départements. Certains d’entre eux (Dordogne, Deux-Sèvres par exemple) présentent uniquement un ou deux cheptels infectés. En revanche, d’autres, comme ceux du massif des Pyrénées et du sud du Massif central, comportent un nombre plus élevé de troupeaux infectés, sans pour autant que tous les élevages de ces départements soient touchés. L’unité de gestion sanitaire pour la besnoitiose est donc le troupeau et non l’ensemble d’un département.
En Europe, la besnoitiose s’étend maintenant en Espagne et en Italie. Les premiers cas décrits en Allemagne dans un cheptel allaitant de Bavière restent pour le moment circonscrits à celui-ci [5]. La plus extrême vigilance reste toutefois d’actualité. En 2010, l’Efsa (European Food Safety Agency) a officiellement reconnu la besnoitiose comme une maladie émergente des bovins en Europe.
La transmission par les vecteurs mécaniques (Tabanidés et Stomoxyinés) a été démontrée expérimentalement par R. Bigalke en Afrique du Sud, il y a maintenant plus de 40 ans (photos 1a et 1b) [2, 3]. La contamination par les aiguilles est vraisemblable. Dans les troupeaux atteints, il est recommandé d’utiliser une aiguille par animal.
Les études épidémiologiques en France et en Allemagne, ainsi que le comportement des insectes piqueurs incriminés dans la transmission plaident pour une contamination intense au sein d’un même troupeau et plus difficile entre les cheptels. En effet, en Bavière, l’élevage infecté (60 à 80 % d’animaux séropositifs) est entouré de cheptels parfaitement sains et cette situation perdure depuis 3 ans (N. Gollnick, communication personnelle). De plus, quand les Tabanidés et les stomoxes sont dérangés dans leur repas sanguin, ils cherchent à le compléter sur le même animal ou sur les bêtes à proximité immédiate (moins de 5 m). Ce comportement favorise donc la transmission au sein d’un même troupeau et complique singulièrement celle entre les cheptels, même s’il ne peut être exclu que les taons et les stomoxes franchissent une clôture pour finir un repas sanguin sur un animal du voisin.
Dans notre étude en Ariège, nous avons pu montrer que les séroconversions se produisent sur 9 à 10 mois par an, seule la période hivernale semblant exempte de nouvelle contamination [4]. Les cas cliniques dans le massif des Pyrénées paraissent toutefois liés à la période d’activité des taons. Cependant, ce n’est pas une règle générale et de nombreux éleveurs sont confrontés à des cas au printemps, en automne, voire en plein hiver.
Une forte proportion d’animaux qui déclarent une forme clinique de besnoitiose présentent des kystes sur la sclère (photo 2). Toutefois, cela n’est pas général. Actuellement, une génisse limousine en phase avancée de sclérodermie de besnoitiose, hospitalisée à l’École nationale vétérinaire de Toulouse, en est indemne. Un quart seulement des animaux séropositifs mais asymptomatiques sont porteurs de kystes sur la sclère. Cette recherche est un élément de diagnostic, mais en aucun cas suffisante pour établir le diagnostic, et encore moins pour mettre en place une politique de détection des animaux infectés.
Oui, la photosensibilisation fait partie du diagnostic différentiel, essentiellement en phase aiguë ou subaiguë, lors de l’apparition des œdèmes et des premiers signes cutanés. Au dernier stade, celui des lésions de la peau, il est impossible de confondre la photosensibilisation et la besnoitiose, car la première provoque des exfoliations par plaques fines et la seconde des épaississements cutanés importants, cartonnés, avec une hyperkératose sans desquamation (photo 3).
Dans la phase fébrile, la sérologie est inopérante, les animaux n’ayant pas encore eu le temps de développer une réponse anticorps suffisante pour qu’elle soit détectée par nos méthodes de diagnostic usuelles (Elisa, Western blot, etc.). Un test de PCR (polymerase chain reaction) quantitative est actuellement à l’étude à l’école vétérinaire de Toulouse pour pouvoir démontrer la présence d’ADN de Besnoitia besnoiti dans le sang circulant des animaux en phase fébrile et au stade des œdèmes. Nous souhaiterions associer les praticiens à cette mise au point, dont le protocole est simple, durant la saison de pâturage 2011 (encadré 1).
Lors de découverte “initiale”, c’est-à-dire d’un premier cas de sérologie besnoitiose-positive dans un troupeau, il convient d’obtenir confirmation par Western blot. Ce dernier est la référence (gold standard) qui permet de s’assurer qu’il s’agit bien d’une besnoitiose, et non d’une très rare, mais possible, réaction croisée avec des protozoaires proches (Toxoplasma gondii, Neospora caninum). Si le cas est avéré, la conduite à tenir dans le cheptel auparavant indemne est celle usuellement recommandée [1].
La présence d’anticorps chez les adultes est due au fait que le parasite persiste plusieurs années (voire toute la vie de l’animal) sous la forme de kystes à bradyzoïtes. Ce phénomène est à l’origine d’une stimulation antigénique permanente.
Lors d’un suivi longitudinal sur 2 années, nous avons observé que les animaux séropositifs au début de l’étude le demeurent pendant toute sa durée [4]. Une nuance doit toutefois être apportée à cette affirmation : nous avons noté une baisse des taux d’anticorps au cours de la période hivernale. Ainsi, quelques individus séropositifs en automne ont présenté des titres d’anticorps sous le seuil de positivité en Elisa, mais les Western blots étaient toujours positifs.
Si l’oxytétracycline a montré une certaine activité expérimentalement chez la gerbille, des travaux récents démontrent sa relative inefficacité aux posologies usuelles lors de besnoitiose.
À ce jour, le traitement à base de sulfamides est le seul recommandé, à des posologies qui ne sont pas celles des autorisations de mise sur le marché (AMM) (encadré 2).
Le praticien doit donc bien respecter le dosage conseillé et, pour cela, se méfier des associations de sulfamides avec d’autres anti-infectieux comme le triméthoprime. Les posologies indiquées avec ces spécialités entraînent en effet fréquemment un sous-dosage en sulfamides et, pour cette raison, l’action escomptée sur la besnoitiose n’est pas atteinte, ce qui est très fréquent sur le terrain.
La besnoitiose n’est pas une zoonose. Aucune saisie n’est donc effectuée pour prévenir une contamination humaine. En revanche, l’intense congestion en phase fébrile induit une saisie totale (cas rare). En phase de sclérodermie, les seuls cas de saisie sont liés à des lésions de fibrose sous-cutanée et sur les fascias plus ou moins étendues, ne nécessitant que des parages localisés (photo 4).
Une première sérologie doit être réalisée à l’achat, de préférence chez le vendeur. Pour un diagnostic de certitude, refaire une sérologie de contrôle 6 semaines plus tard est plus prudent.
La vigilance vis-à-vis de la besnoitiose est d’actualité. Son traitement est envisageable, mais à la condition que les posologies conseillées soient respectées. De plus, la gestion de cette maladie doit s’opérer à l’échelle du troupeau et non d’un département.
→ La besnoitiose bovine est officiellement reconnue comme une maladie émergente en Europe.
→ L’unité de gestion sanitaire est le troupeau et non l’ensemble d’un département.
→ L’affection se transmet davantage au sein d’un même troupeau.
→ Lors d’un premier cas de séroconversion dans un cheptel, il convient d’obtenir confirmation par Western blot.
→ Les praticiens sont conviés à participer à un test de diagnostic par PCR (polymerase chain reaction) quantitative sur les formes aiguës (phases d’hyperthermie et d’œdème).
→ Le traitement par les sulfamides est le seul recommandé. Les doses efficaces, à respecter, sont supérieures à celles des autorisations de mise sur le marché.
→ Lors d’une suspicion clinique de phase fébrile, deux prélèvements de sang (EDTA et tube sec) doivent être réalisés et envoyés au laboratoire de parasitologie de l’école vétérinaire de Toulouse.
→ Une PCR (polymerase chain reaction) quantitative est effectuée sur le tube EDTA et un Western blot sur le sérum.
→ Comme la sérologie sera très probablement négative à ce moment-là, nous recommandons de réaliser les deux mêmes prélèvements 30 à 40 jours plus tard et de nous les envoyer également. Une séroconversion attestée par le Western blot permet de vérifier que l’animal était bien en phase fébrile de besnoitiose le premier jour.
Le coût des analyses est pris en charge en 2011.
→ Sulfadimérazine : 150 mg/kg par voie intraveineuse à J0 et J2, puis en relais pendant 5 jours per os ou par voie intramusculaire.
→ Sulfadiméthoxine : 80 mg/kg par voie intraveineuse à J0 et J2, puis en relais pendant 5 jours per os ou par voie intramusculaire.
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