Premier cas de besnoitiose bovine dans le Rhône - Le Point Vétérinaire expert rural n° 317 du 01/07/2011
Le Point Vétérinaire expert rural n° 317 du 01/07/2011

MALADIES PARASITAIRES DES BOVINS

Cas clinique

Auteur(s) : Gilles Le Sobre*, Didier Pin**

Fonctions :
*Unité clinique rurale de l’Arbresle
**Dermatologiedermatopathologie
VetAgro Sup, Campus vétérinaire de Lyon
1, avenue Bourgelat, 69280 MarcyL’Étoile

La maladie s’étendant en France, tout praticien peut être confronté pour la première fois à la maladie. Il doit pouvoir reconnaître les symptômes, établir le diagnostic et proposer des solutions.

La besnoitiose bovine est en développement en France et remonte vers le nord, sans diagnostic officiel jusqu’alors, audelà de l’Ardèche en ce qui concerne le sudest de la France. Ce premier cas diagnostiqué dans le Rhône date de 2007.

CAS CLINIQUE

1. Motif de consultation :

Un taureau limousin âgé de 4,5 ? ans est présenté à la consultation de l’unité clinique rurale de l’Arbresle début août 2007 pour une prostration, une anorexie et l’apparition de plis cutanés.

Cet animal se trouve chez un négociant qui vient de le ramener d’Ardèche. En effet, l’acheteur a demandé sa reprise le 30 juillet à la suite d’une anorexie et de symptômes cutanés apparus après son achat, le 23 mars. Le négociant a alors décidé de reprendre l’animal chez lui dans le Rhône pour le soigner.

2. Symptômes observés

L’animal est au couloir de contention. Il présente des dépilations, un érythème et un épaississement de la peau généralisés, sans prurit. Les lésions sont particulièrement marquées sur les joues, les faces interne et périnéale des cuisses et sur le scrotum (photos 1 et 2). Elles affectent aussi la tête, le cou et le fanon (photo 3). Une pigmentation réticulée arborescente en « feuille de fougère », un jetage muqueux bilatéral et des yeux à reflet bleuté avec un épiphora, ainsi que des sabots à corne sèche et déformée sont observés (photos 4, 5 et 6). Selon le propriétaire, l’animal a des difficultés à se lever et à se déplacer, et présente un très faible remplissage du rumen, avec un abdomen remonté et un thorax déformé dus à un couchage prolongé.

L’examen attentif de la sclère oculaire révèle la présence de « grains de sable » à jour frisant (photo 7). La besnoitiose est alors suspectée.

3. Diagnostic différentiel

Le diagnostic différentiel de besnoitiose est établi face aux autres affections cutanées non prurigineuses (tableau).

4. Réalisation de prélèvements

Des raclages cutanés, des prélèvements de “copeaux” cutanés et des biopsies sont effectués au trépan sous anesthésie locale, et de nombreuses photos sont prises.

L’examen au microscope (grossissement × 100) du produit des raclages cutanés, délayé dans du lactophénol, et des copeaux cutanés (grossissement × 50), écrasés entre deux lames, permet de confirmer aisément l’hypothèse diagnostique principale de besnoitiose (photo 8). Des kystes à paroi épaisse contenant de très nombreux bradyzoïtes sont mis en évidence (grossissement × 1 500) (photos 9 et 10, figure).

5. Décision d’euthanasie

Le pronostic vital est sombre car la mort peut survenir dans 10 % des cas pendant la phase aiguë. Il s’améliore si le diagnostic et le traitement sont précoces [1]. Le pronostic économique est très mauvais car les animaux deviennent des nonvaleurs économiques, le cuir est inutilisable et la fertilité des mâles est très affectée [4]. Le risque de dissémination du parasite au reste du troupeau est élevé.

La décision d’euthanasie est prise en accord avec le propriétaire et le Groupement de défense sanitaire (GDS) du Rhône qui accorde une aide à l’élimination rapide de ce bovin.

Elle s’effectue sur le campus de l’École vétérinaire de Lyon(1) le 7 août. Une autopsie et des prélèvements pour des examens histopathologiques sont réalisés.

6. Lésions macroscopiques

La carcasse est hydrocachectique, et de très nombreux kystes sont visibles dans le tissu conjonctif souscutané, les aponévroses intermusculaires, les fascias et les capsules articulaires.

Les nœuds lymphatiques sont réactionnels et des foyers de dégénérescence testiculaire sont notés.

Les kystes sont présents dans les zones vascularisées de l’œil, c’estàdire l’iris, la sclère et la conjonctive.

Des kystes fixés, colorés et examinés aux grossissements 400 et 1 000 permettent de mettre en évidence des bradyzoïtes (photos 11 et 12).

DISCUSSION

1. Apparition de la maladie

La besnoitiose bovine est une maladie vectorielle émergente en forte progression en France et dans la région RhôneAlpes où elle est présente dans tous les départements. Elle atteint de nouvelles zones par l’introduction de bovins infectés [2, 6]. Dans le cas présenté, le taureau est vendu à un éleveur en Ardèche, puis ramené dans le Rhône.

La besnoitiose est due à un parasite microscopique de la famille des coccidies (Besnoitia besnoiti) transmis de bovin à bovin par des piqûres d’insectes (taons, stomoxes, etc.) ou d’aiguilles à usage multiple [3, 10]. Elle se manifeste surtout en été (contamination de juin à septembre par les insectes), mais des transmissions hivernales en bâtiment sont possibles (mouches, aiguilles). Dans le cas décrit, l’animal est présenté en consultation début août pour des signes cliniques apparus en juillet. Il n’est pas établi qu’il a été vendu malade. Il a vraisemblablement été infecté lors de son séjour en Ardèche, où il est resté 4 mois. L’incubation dure en effet une semaine avant l’apparition des premiers signes cliniques et l’animal était déjà en phase de sclérodermie lors de la consultation, dernière phase d’évolution de la maladie (encadré) [2].

2. Diagnostic

Le diagnostic clinique est difficile à établir en phases fébrile et d’œdèmes, mais aisé au stade de la sclérodermie. L’examen histopathologique est alors diagnostique, ainsi que les investigations directes (raclages et copeaux cutanés), qui sont simples à réaliser [2]. C’est la méthode diagnostique qui a été utilisée pour le cas présenté.

La maladie touche tous les bovins, quelle que soit leur race, et, de manière plus importante, les jeunes à partir d’un an et les mâles (qui peuvent devenir définitivement stériles). Chez ces derniers, les troubles de la reproduction sont très sévères car, souvent, ils conduisent à une stérilité définitive ou passagère [4, 7 9, 11]. Le risque économique est donc réel pour ce taureau reproducteur, chez lequel une baisse de la libido et une forte inflammation du scrotum accompagnée d’épaississement et de plissement sont observées (photo 13).

3. Traitement et prévention

Le traitement, efficace uniquement en tout début d’évolution (phase fébrile) grâce à de fortes doses de sulfamides, est long (au moins 5 jours), contraignant et d’un coût élevé pour des résultats qui ne sont pas toujours probants. Traités et guéris en apparence, les animaux restent porteurs de la maladie et sources de contamination. Les conséquences économiques peuvent être très lourdes [2]. De plus, il n’existe aucun vaccin en France.

Pour toutes ces raisons et afin de prendre le moins de risques de dissémination possible face à ce premier cas, l’euthanasie de l’animal a été décidée.

Cet article illustre le fait que le moyen de se protéger de la maladie est de limiter les mouvements d’animaux et de réaliser des contrôles sérologiques à l’introduction. Cela n’a pas été le cas pour ce taureau, car l’affection était à cette époque mal connue dans le Rhône. Un test Elisa rapide est commercialisé par AES Chemunex (Prionics), PrioCHECK(r) Besnoitia Ab, depuis fin 2009, et par ID Vet, ID screen Besnoitia indirect(r). Il possède de bonnes sensibilité et spécificité, mais permet la détection d’anticorps seulement 30 jours après le début de la phase fébrile.

Aucune mesure n’a été préconisée pour le troupeau acheteur en raison de la méconnaissance de la maladie à ce momentlà dans le Rhône. L’euthanasie ayant été rapide, les investigations n’ont pas été poursuivies, ce qui aurait été réalisé si un second cas s’était présenté dans cet élevage ou un cheptel voisin. Un contrôle à l’introduction, notamment, aurait pu être proposé, accompagné de conseils sur l’importance d’appliquer des antiparasitaires externes de manière répétée pendant toute la saison de pâturage.

Conclusion

Ce premier cas dans le département du Rhône montre que la besnoitiose est en train de se développer dans toute la France en remontant vers le Nord, à l’occasion de transactions commerciales et de mouvements d’animaux (estives, concours, etc.).

Le diagnostic clinique est aisé à établir en phase finale, mais difficile en début d’évolution, la seule période possible de traitement.

Le diagnostic de laboratoire est facile à réaliser en phase chronique et à lier à la clinique.

Les contrôles à l’introduction sont les seuls moyens de prévention, avec les traitements insecticides préventifs.

L’élaboration d’un vaccin efficace serait une voie vers le contrôle, mais les vaccins disponibles ne sont pas autorisés en France.

(1) Désormais dénommée VetAgro Sup.

Références

  • 1. Alzieu JP. L’extension de la besnoitiose bovine en France. Point Vét. 2007 ; 276 : 37-43.
  • 2. Alzieu JP, Jacquiet P. Actualités sur la transmission et le diagnostic de la besnoitiose bovine. Point Vét. 2009 ; 301 : 16-19.
  • 3. Bigalke RD. The artificial transmission of Besnoitia besnoiti (Marotel, 1912) from chronically infected to susceptible cattle and rabbits. Onderstepoort J. Vet. Res. 1967 ; 34 : 303-316.
  • 4. Euzéby J. Protozoologie médicale comparée. Fond Marcel Mérieux, Lyon. 1987 ; 2.
  • 5. Franc M, Gourreau JM, Ferrie J. La besnoitiose bovine. Point Vét. 1987 ; 19(107): 445-455.
  • 6. Jacquiet P, Alzieu JP. À quand la besnoitiose au nord de la Loire ? Point Vét. 2009 ; 301 : 11.
  • 7. Kumi-Diaka J, Wilson S, Sanusi A et coll. Bovine Besnoitiosis and its effect on the male reproductive system. Theriogenology. 1981 ; 16 : 523-530.
  • 8. Legrand P. La besnoitiose bovine en Ariège. Thèse de doctorat vétérinaire, Université Paul-Sabatier, Toulouse. 2003 : 87p.
  • 9. Nobel TA et coll. Kystes de Besnoitia besnoiti dans les organes génitaux de la vache. Bull. Acad. Vet. France. 1977 ; 50 : 569-574.
  • 10. Peteshev Y, Galuzo IG, Polomoshnov AP. Koshki-definitivnye Khoziaeva besnoiti (Les chats hôtes définitifs de Besnoitia besnoiti). Izv. Akad. Nauk. Kaz. SSR. Ser. Biol . 1974 ; 1 : 33-38.
  • 11. Sekoni et coll. Loss of libido and terminal sterility in a Fresian bull naturally infected with Besnoitia besnoiti in Northern Nigeria : a case report. Theriogenology. 1992 ; 37 : 533-549.

Points forts

→ La besnoitiose est en extension en France.

→ Elle se transmet par des piqûres d’insectes ou d’aiguilles à usage multiple.

→ Le traitement doit être très précoce pour être efficace.

→ La protection est fondée sur un dépistage sérologique, une limitation des mouvements d’animaux, un contrôle des entrées et une lutte contre les insectes piqueurs.

ENCADRÉ
Rappels sur la symptomatologie de la besnoitiose

→ La phase fébrile

La phase fébrile dure de 3 à 10 jours et se caractérise par de la fièvre (40 à 41°C), un larmoiement, un jetage (écoulement clair), un essoufflement et une congestion des muqueuses. L’animal s’isole et ne mange plus.

→ La phase des œdèmes

La phase des œdèmes dure de 1 à 2 semaines et se caractérise par une température normale, des déplacements difficiles, une peau chaude et douloureuse à la palpation, une congestion des muqueuses. Toutes les régions du corps peuvent être atteintes.

→ La phase de dépilation et de sclérodermie

À partir du deuxième mois après le début de la maladie, des kystes sur la sclère oculaire (blanc de l’œil), un épaississement cutané net et durable, des crevasses (complications infectieuses fréquentes), des dépilations et un amaigrissement apparaissent. L’animal devient une non-valeur économique et peut mourir.

D’après [2].

REMERCIEMENTS

au Groupement de défense sanitaire du Rhône et particulièrement à Sabine Patricot pour sa contribution à cet article.

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