MÉDECINE ET DENTISTERIE FÉLINE
Dossier
Auteur(s) : Estelle Jumelet*, Caroline Léger**
Fonctions :
*Clinique vétérinaire
14, avenue du Général-de-Gaulle
91160 Longjumeau
**Alliance Vet
73, avenue Jean-Kiffer
94420 Le Plessis-Trévise
La gingivostomatite désigne un ensemble d’affections chroniques inflammatoires d’origine multifactorielle, caractérisé par le portage très fréquent du calicivirus félin, l’intervention de la plaque dentaire et des réactions dysimmunitaires locales et systémiques inadaptées.
Les affections buccales sont fréquentes chez le chat. En général, elles se manifestent par une dysphagie, une dysorexie, une halitose et une douleur prononcée lors de la mastication ou de la manipulation de la tête.
Elles peuvent être à l’origine de complications, comme une déshydratation, un amaigrissement par dysorexie, voire anorexie (risque de lipidose hépatique).
La gingivostomatite chronique féline (GSCF) se caractérise par une inflammation marquée des muqueuses gingivales, mais aussi non gingivales de la cavité orale. Selon la localisation de l’atteinte, les termes de buccostomatite (muqueuses labiale et/ou jugale), de gingivite (arcades des prémolaires, molaires et canines), de palatoglossite (palais et/ou base de la langue), de stomatite caudale ou de faucitis, en anglais (loges amygdaliennes, plis et fosses palatoglosses), ou d’ouranite (palais) sont utilisés (photos 1 à 3).
L’aspect des lésions peut être érythémateux, ulcéroprolifératif, nécrotique, etc. La GSCF évolue souvent de manière chronique vers la parodontite (atteinte chronique et lytique des structures de soutien dentaire). La maladie parodontale est le terme générique employé. Ce dernier regroupe les gingivites et les parodontites. La parodontite “classique” associe une inflammation importante et une récession gingivale, une lyse de l’attache épithéliale, une exposition radiculaire, une mobilité et une chute de dents, ainsi qu’une lyse de l’os alvéolaire (photo 4).
Chez le chat, aux lésions du complexe GSCF, s’en ajoutent parfois d’autres, dites du “collet”. Ce sont des lésions de résorption odontoclastique ou dentaire (activité lytique de cellules multinucléées, les odontoclastes, sur les surfaces radiculaires).
Le motif de consultation est souvent l’halitose.
Certains points sont à aborder avec les propriétaires (tableau) [6].
Le premier élément observable par le clinicien est fréquemment la difficulté à l’ouverture de la cavité buccale ou à la manipulation la tête, en raison de la douleur. Afin d’effectuer un réel bilan lésionnel, il est préférable d’examiner la cavité buccale sous anesthésie [2, 5]. Les lésions des muqueuses doivent alors être précisément décrites : localisation(s), aspect de l’inflammation (ulcère, hyperplasie, saignement spontané ou à la pression), présence de récession gingivale (perte de tissu pouvant atteindre le sillon mucogingival). L’évaluation dentaire est systématique, comportant :
– un repérage de poches parodontales (à l’aide d’une sonde graduée) ;
– une recherche de lésions de résorption dentaire ou lésion du collet, neck lesion, en anglais (atteinte de la structure de la dent : de l’émail jusqu’à de possibles fractures de la couronne) ;
– un test de la mobilité des dents.
Le diagnostic différentiel comprend surtout les lésions du complexe granulome éosinophilique et les tumeurs buccales (carcinome épidermoïde) [1]. Ils peuvent, en effet, se présenter sous la forme de lésions macroscopiquement semblables, notamment sur la muqueuse linguale et ses piliers. En cas de doute, un examen histopathologique est nécessaire [5, 6]. Une attention particulière est portée à la présence éventuelle d’une adénomégalie des nœuds lymphatiques de drainage locorégionaux. Enfin, l’insuffisance rénale chronique, indépendamment de son rôle immunodépresseur favorisant le développement des GSCF, peut être à l’origine de lésions de stomatite par un autre mécanisme. L’urée, sécrétée en excès dans la salive, est transformée en ammoniac par des bactéries parodontales. L’ammoniac exerce alors sa toxicité sur les muqueuses.
Enfin, ce syndrome peut être totalement asymptomatique.
La GSCF s’accompagne souvent d’une augmentation des immunoglobulines sériques [3]. Chez certains chats, l’électrophorèse des protéines sériques révèle une hyperglobulinémie avec un bloc β-γ.
À défaut d’électrophorèse, une augmentation des protéines totales associée à une albuminémie dans les normes est en faveur de l’évolution d’un processus inflammatoire non spécifique.
L’existence de facteurs favorisants ou aggravants du développement d’une GSCF est explorée par des examens hémato-biochimiques (dépistage d’une insuffisance rénale, d’un diabète, d’une hyperthyroïdie, d’un syndrome malabsorption/maldigestion, d’une neutropénie et/ou d’une lymphopénie persistantes, etc.), ainsi que par la recherche d’agents viraux et parasitaires (virus de l’immunodéficience féline [FIV], virus de la leucose féline [FeLV], calicivirus [FCV], herpèsvirus [HV1], Giarda, Toxoplasma) [2, 6].
L’écouvillonnage des lésions (cytobrosses) permet de rechercher directement la présence du FCV et de l’HV1 par méthode PCR (polymerase chain reaction, réaction d’amplification par chaîne).
Dans le cadre du diagnostic différentiel, un examen cytologique et/ou histologique est conseillé afin d’écarter les hypothèses de tumeur ou de granulome éosinophilique [4].
La radiographie est l’examen de choix pour parfaire l’exploration des lésions. Elle permet d’explorer l’ensemble de la structure de chaque dent (ostéolyse alvéolaire, résorptions radiculaires, ostéomyélite, etc.). La perte osseuse est radiographiquement visible si la déminéralisation est de plus de 30 %. Des films spéciaux sont nécessaires. Les clichés de qualité sans superposition des arcades dentaires sont obtenus grâce au positionnement intrabuccal des films.
L’examen radiographique participe au choix thérapeutique : conservateur ou par extraction sélective, et permet une comparaison pré- et postchirurgicale [6].
Les conclusions cliniques et radiographiques sont complémentaires.
La GSCF est une affection multifactorielle qui constitue un réel défi thérapeutique. La mise en évidence des facteurs favorisants (mais non déterminants) est indispensable à la bonne prise en charge de l’animal. Le recueil des commémoratifs auprès des propriétaires est une étape importante. La recherche des agents pathogènes passe par l’investigation d’une immunodéficience (statut vis-à-vis des rétrovirus) et de la présence du FCV et du HV1 dans la cavité buccale (figure). Le recours à la radiographie dentaire est requis. Il permet, avec l’examen attentif des muqueuses buccales et des dents, d’évaluer l’étendue des lésions afin de choisir au mieux les options thérapeutiques et de les expliquer au propriétaire.
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