Vers une gestion coordonnée de la vaccination contre la FCO - Le Point Vétérinaire expert rural n° 313 du 01/03/2011
Le Point Vétérinaire expert rural n° 313 du 01/03/2011

VACCINATION DU BÉTAIL

Article de synthèse

Auteur(s) : Guy Hendrickx*, Els Ducheyne**, Jacques Devos***

Fonctions :
*Avia-GIS, Risschotlei 33, B-2980
Zoersel, Belgique
ghendrickx@avia-gis.be
**Avia-GIS, Risschotlei 33, B-2980
Zoersel, Belgique
ghendrickx@avia-gis.be
***Clinique vétérinaire, Le Crozet,
42360 Panissières

Seul un taux de vaccination supérieur à 80 % dans un rayon de 180 km, en tenant compte des vents dominants, enraye la dispersion naturelle de la FCO après détection d’un foyer.

La vaccination de masse obligatoire contre la fièvre catarrhale ovine (FCO) orchestrée en 2009 et en 2010 a permis d’enrayer la progression spectaculaire des sérotypes BTV (blue tongue virus) 8 et BTV 1 en Europe tempérée, donc en France, et même probablement à plus long terme, bien que cela reste à confirmer, d’éliminer le virus du cheptel. À la suite de ce succès, la vaccination est maintenant devenue facultative. La France reste cependant à la merci d’une résurgence ou d’une réintroduction du virus. Dans ces conditions, une question importante se pose : une vaccination aléatoire peut-elle enrayer la progression de la maladie et quel niveau d’organisation est-il requis pour y parvenir ?

RAPPELS

1. Changements globaux

À la suite des changements globaux de ces dernières années, un nombre croissant de maladies émergentes en Europe est observé [1, 5]. Parmi celles-ci, les affections transmises par des arthropodes (insectes et tiques) sont majoritaires et leur épidémiologie particulière est souvent mal connue des vétérinaires. La FCO transmise par des moucherons piqueurs, la fièvre du Nil occidental par des moustiques et la fièvre hémorragique de Congo-Crimée par des tiques en sont des exemples récents.

2. FCO

L’impact économique de la FCO sur les ruminants domestiques est désormais bien connu. Vingt-quatre sérotypes différents de virus BTV peuvent être à l’origine de la maladie. L’invasion de l’Europe s’est effectuée en trois grandes étapes [4]. Dans un premier temps, depuis 1999, la partie méditerranéenne de l’Europe, y compris la Corse, a été envahie par les sérotypes BTV 1, 2, 4, 9, 16, transmis surtout par une espèce de moucheron des pays chauds dont la présence est limitée à cette zone : Culicoides imicola. Dans un deuxième temps, en 2006, l’Europe tempérée a été envahie par le sérotype BTV 8, introduit de façon non élucidée dans la région de Maastricht et dispersé sur une zone de plus d’un million et demi de km2 en 2 ans par des moucherons locaux. Enfin, en 2008, le sérotype BTV 1 a franchi les Pyrénées par la côte Basque et est ainsi passé de la zone méditerranéenne vers la zone tempérée.

ÉTUDES

1. Dispersion par le vent

Des résultats de recherches ont démontré que le vent est un facteur important de la dispersion de la FCO [2, 3, 6]. Sur le plan local, dans un rayon de 5 km, la dispersion s’effectue de façon circulaire dans toutes les directions. Sur de plus grandes distances, elle est asymétrique et suit les vents dominants. Le front de la maladie peut ainsi progresser à une vitesse moyenne de 15 km par semaine. Dans 5 % des cas, cette dispersion peut couvrir une grande distance de façon soudaine. En parallèle, l’introduction par le transport d’animaux infectés est également possible.

2. Impact de la vaccination sur la dispersion

Afin de tester l’hypothèse selon laquelle une vaccination aléatoire pourrait enrayer la progression de la maladie, les modèles de dispersion de la FCO par les vents sont appliqués en tenant compte de différents niveaux de vaccination. Selon les résultats obtenus, une dispersion ne peut être enrayée de façon efficace qu’avec un taux de vaccination supérieur à 80 % (photo, figures 1 et 2). Bien que les modèles utilisés ne tiennent pas compte de tous les facteurs influençant la transmission de la maladie d’un troupeau à l’autre et à l’intérieur d’un même cheptel, une action non concertée semble insuffisante pour induire un effet suffisant sur la dispersion de la FCO. Seuls les troupeaux vaccinés bénéficieraient d’une protection individuelle et l’affection pourrait progresser sur des zones étendues.

VERS UNE GESTION CONCERTÉE DE LA VACCINATION

Une première ébauche d’action concertée est proposée. Le délai d’instauration de l’immunité est pris en compte : 3 semaines après la vaccination unique chez les ovins et 3 semaines après la seconde injection, soit 6 semaines après la primovaccination, chez les bovins.

→ Dans un premier temps, la dispersion de la maladie semaine par semaine après son introduction est modélisée. Pour établir une barrière efficace contre la progression de l’affection, la zone prioritaire de vaccination correspond à la dispersion prédite entre 3 et 6 semaines après détection de l’introduction (figure 3, zone b). Les résultats de la modélisation indiquent que la distance maximale couverte après 6 semaines est de 180 km. Les animaux de cette zone seraient ainsi protégés avant l’arrivée du virus.

→ Ensuite, la campagne de vaccination pourrait se concentrer sur tous les troupeaux à l’intérieur de la zone de dispersion au cours des 3 premières semaines de l’épizootie (figure 3, zone a).

→ Enfin, une vaccination de renforcement serait envisagée en périphérie des zones a et b.

Les nombres estimés de troupeaux présents dans les zones ellipsoïdes a et b, ainsi que dans la partie française couverte par un cercle de 180 km autour du point d’introduction montrent le bénéfice numérique d’une telle opération (tableau).

Conclusion

Des études sont actuellement en cours pour approfondir cette approche en tenant compte d’un maximum d’éléments. En discuter avec les différents acteurs, éleveurs et vétérinaires est important, afin de voir qui serait en mesure de prendre la responsabilité d’une telle démarche. En adoptant un système de cotisation, une zone entière pourrait être protégée à un coût moindre que celui d’une vaccination de tous les animaux dans un rayon circulaire sans tenir compte des vents dominants. Cette approche pourrait être d’autant plus efficace que l’observation des premiers cas en France, à l’arrivée du BTV 8 dans le Nord en 2006 et du BTV 1 en Bretagne en 2008, a montré que le nombre d’animaux infectés peut rester très limité au cours du premier automne. Cela laisserait le temps d’organiser une vaccination efficace avant l’automne. Des observations semblables ont été effectuées au Royaume-Uni, qui a été peu touché car des mesures ad hoc ont été prises très vite, incluant la vaccination en anneau et l’abattage des individus virémiques. En parallèle, le transport d’animaux infectés est à éviter. À terme, cette approche concertée pourrait également être appliquée à d’autres maladies.

Références

  • 1. De La Rocque S, Hendrickx G, Morand S. Climate change : impact on the epidemiology and control of animal diseases. Sci. Tech. Rev. OIE. 2008;27(2):613.
  • 2. Ducheyne E, De Deken R, Becu S et coll. Quantifying the wind dispersal of Culicoides species in Greece and Bulgaria. Geospatial Health. 2007;2:177-189.
  • 3. Ducheyne E, Lange M, Van der Stede Y et coll. A stochastic predictive model for the natural spread of bluetongue. Preventive Veterinary Medicine – Special Issue on Modelling. 2010 (in press).
  • 4. Hendrickx G. The spread of bluetongue in Europe. Small Ruminant Res. 2009;86:34-39.
  • 5. Hendrickx G, Ducheyne E. Modélisation et cartographie du risque, l’exemple des maladies transmises par vecteurs. Biofutur. 2009;297:49-53.
  • 6. Hendrickx G, Gilbert M, Staubach C et coll. A wind density model to quantify the airborne spread of Culicoides species during North-Western Europe bluetongue epidemic. Prev. Vet. Med. 2008;87(1-2):162-181.
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