PARATUBERCULOSE BOVINE
Étude
Auteur(s) : Nathalie Veillon-Vassallo
Fonctions : Immunologie bovine LDA22
Zoopole – BP 54
22440 Ploufragan
L’augmentation de la prise d’essai avant extraction va conduire à un bond en avant de la sensibilité du dépistage de Mycobacterium avium subsp. paratuberculosis.
Le repérage précoce et l’élimination des animaux infectés, sources majeures de contamination, sont parmi les clés de la maîtrise de l’infection paratuberculeuse (encadré 1).
La physiologie particulière de l’infection par le bacille Mycobacterium avium subsp. paratuberculosis (MAP) rend ce dépistage difficile. Qu’il soit direct ou indirect, le diagnostic reste souvent tardif par rapport à l’infection (encadré 2).
Différentes pistes ont récemment été proposées par les fabricants de réactifs pour améliorer la sensibilité des tests de diagnostic directs. Modifier les conditions de traitement de la prise d’essai paraît a priori intéressant.
Si les générations successives de tests Elisa ont gagné en sensibilité et en spécificité, ils ne peuvent prétendre à un dépistage précoce de l’infection. Le diagnostic direct reste donc une référence incontournable. Le développement de tests PCR a permis d’obtenir une réponse immédiate et spécifique en quelques heures, là où la culture demande plusieurs mois. La PCR n’offre cependant aucun gain de sensibilité par rapport à la culture (photo 1). Avec l’une comme avec l’autre des méthodes, la détection des animaux excréteurs est entravée par la coexistence de deux facteurs :
– l’intermittence de l’excrétion ;
– la grande hétérogénéité matricielle du prélèvement, les bacilles étant regroupés en amas dans les fèces (photo 2).
Dans le prolongement de ce second facteur, nous avons testé l’impact d’une augmentation de la prise d’essai pour le diagnostic direct(2).
Une étude analytique comparative a été mise en place, sur près de 100 prélèvements, couplée à une évaluation a minima de reproductibilité de la procédure totale, allant de la prise d’échantillon à la PCR en passant par l’extraction.
Des échantillons “tout venant” ont été utilisés, c’est-à-dire inclus sur le seul critère qu’ils ont été envoyés à notre laboratoire dans le cadre des diagnostics de routine et que leur volume permettait de pratiquer l’ensemble des tests.
L’objectif a été en effet d’évaluer l’impact qu’un changement de protocole pourrait avoir sur l’utilisation de la PCR paratuberculose dans notre département (Côtes-d’Armor) et dans les conditions usuelles locales.
Pour rappel, la PCR se décompose en une étape d’extraction (purification des acides nucléiques contenus dans les prélèvements), suivie d’une recherche de gène, lequel, s’il est présent, est fortement amplifié afin de devenir détectable (PCR proprement dite) (figure).
Le protocole d’extraction AES/Adiagène testé comprend une prise d’essai de 6 g de fèces et une extraction avec les réactifs DX sur automate Qiaxtractor (Qiagen). Il est désigné sous l’appellation abrégée DX dans cet article.
Il a été comparé au protocole utilisé jusqu’alors en routine au laboratoire, utilisant le kit d’extraction Adiapure (réactifs et système commercialisés par AES/Adiagène), désigné par l’abréviation Adia. Seule une prise d’essai de 1 g de fèces a été alors possible.
Tous les tests de l’étape PCR proprement dite ont été réalisés avec le même kit (Adiavet PCR Paratub Real Time).
En tout, 94 prélèvements parvenus au LDA22 pour un diagnostic de routine entre le 15 juillet et le 15 septembre 2010 ont été inclus.
Parmi eux figurent des suspicions cliniques, des prélèvements d’élevages en assainissement ou pour contrôle en vue de la certification établie selon le référentiel technique de l’Association de certification de la santé animale (Acersa).
Tous les échantillons ont été traités selon les deux protocoles.
De plus, chaque manipulation a été reproduite à quelques jours d’intervalle afin d’évaluer la reproductibilité de chaque protocole.
L’ensemble de la mise en œuvre technique a été réalisé par un même technicien.
En résumé :
– avec l’“ancien” protocole d’extraction Adia (1 g de fèces), 30 à 32 prélèvements positifs sont obtenus sur 94 (les deux chiffres correspondent au résultat respectivement des second et premier essai de reproductibilité) (tableau 1 complémentaire sur www.WK-Vet.fr) ;
– avec le “nouveau” protocole DX (6 g de fèces), 47 à 49 échantillons positifs sont obtenus en PCR paratuberculose (tableau 2).
Sur 94 prélèvements de diagnostic de routine, sur chaque série réalisée, 17 animaux infectés supplémentaires ont ainsi été détectés excréteurs par le nouveau protocole DX proposé par la firme AES/Adiagène (ils ne l’ont pas été par l’ancien). Au total, en confortant l’ensemble des résultats, 20 animaux supplémentaires sont détectés au moins une fois par le protocole DX alors qu’ils sont restés négatifs avec le protocole classique. Le nouveau protocole d’extraction à partir de 6 g de fèces a ainsi permis de trouver 53 % d’échantillons positifs supplémentaires par rapport au protocole Adiapure utilisé en routine au laboratoire à partir de 1 g de fèces.
La possibilité de détecter plus d’animaux infectés par MAP grâce à l’augmentation du volume de la prise d’essai a bien été mise en évidence à notre échelle d’analyse.
La différence entre les deux procédés réside dans l’augmentation de la prise d’essai : 6 g au lieu de 1 g avec application d’un nouveau protocole d’extraction dans la mise en œuvre de la trousse Adiatvet Paratub Real Time (AES/Adiagène). Ce paramètre expliquerait le gain de détectabilité avec le changement de “trousse”.
Un tel résultat était attendu : augmenter la prise d’essai maximise la probabilité de mettre en évidence une trace de bacilles, ceux-ci n’étant pas répartis de manière homogène dans le prélèvement.
Cette étude comparative a été effectuée dans un contexte particulier qui répondait parfaitement aux objectifs de l’étude (cerner les conséquences d’un changement de la prise d’essai tel que recommandé par le fournisseur sur le diagnostic proposé en routine dans notre département).
Le fait que la sélection ait été faite sur le volume de fèces fourni a pu être à l’origine d’un biais quant à la répartition des résultats (critère d’inclusion non exhaustif).
Les animaux prélevés sont majoritairement issus de cheptels en assainissement et des cas de suspicion clinique (fondés ou pas, le principal diagnostic différentiel s’établissant avec les salmonelloses). La demande dans le cadre d’une garantie de cheptel Acersa est plus rare. Elle peut être estimée localement à 10 % des dossiers sur l’année, mais le pourcentage d’animaux concernés est plus important que ces 10 % car les dépistages Acersa, comme les plans d’assainissement, amènent à échantillonner une large partie du cheptel, contrairement aux suspicions cliniques (où un dossier inclut seulement 1 ou 2 bovins).
Aucun animal n’a été prélevé en double (cet élément d’information est spécifié dans le dossier d’analyse).
Les prélèvements détectés positifs au moins une fois avec le nouveau protocole d’extraction (et non dépistés par le protocole classique) concernent 20 bovins(2). Parmi eux :
– 12 sont séropositifs et un est douteux ;
– un est de statut sérologique indéterminé ;
– 6 sont séronégatifs. Ces 7 derniers animaux font tous partie d’un cheptel où au moins un bovin a été l’objet d’une PCR paratuberculose positive dans la période des 2 mois qui a encadré l’essai.
Mieux détecter les animaux infectés par MAP ne peut être a priori que positif. C’est un moyen de dépister et d’éliminer plus rapidement les sources d’infection dans un cheptel.
D’autres conséquences d’un tel progrès sont toutefois à prendre en compte, à l’échelle aussi bien régionale que nationale :
– une augmentation totale du nombre d’animaux dépistés excréteurs est à prévoir. Le nombre de cheptels à assainir pourrait aussi progresser. Cela représente une hausse considérable du coût de la lutte contre la paratuberculose pour les groupements de défense sanitaire, maîtres d’œuvre de la lutte collective contre cette maladie en France ;
– les qualifications Acersa vis-à-vis de la paratuberculose pourraient être remises en cause. En effet, elles ont été définies sur la base de tests offrant une capacité moindre à détecter les individus infectés(3).
L’avancée technique permise par le protocole d’extraction DX validé avec la trousse Adiavet Paratub Real Time pour le dépistage de la paratuberculose est indéniable. Il s’agit de la faire connaître pour encourager les professionnels de l’élevage à mener une réflexion à ce sujet. Il s’agit de tirer le meilleur parti possible de ce progrès.
Il convient surtout d’éviter la persistance d’un diagnostic “à deux vitesses”.
(1) Réaction de polymérisation en chaîne, ou polymerase chain reaction.
(2) La taille de la prise d’essai était classiquement limitée par la nature de la matrice utilisée (les fèces sont riches en particules colmatant les filtres et sont également souvent chargées en inhibiteurs qui entravent les réactions de polymérisation).
(3) Les résultats auxquels il est fait référence sont contemporains de la date de réalisation des prélèvements inclus dans l’essai.
(3) Voir la définition de la qualification Acersa Paratub sur le site http://www.gds38.asso.fr/Web/gds.nsf/0/932d48caadb148b9c1256bff006857f7/$FILE/REFPT01B.PDF
→ Identifiée depuis plus d’un siècle, la paratuberculose des ruminants est considérée depuis 2001, par l’Office international des épizooties, comme une maladie d’importance globale majeure.
Outre son impact socio-économique, la paratuberculose a pu être considérée depuis une dizaine d’années comme une possible problématique de santé publique, en raison de la mise en cause de son agent étiologique, Mycobacterium avium paratuberculosis (MAP), dans la maladie de Crohn.
→ La paratuberculose est connue chez les bovins, ovins et caprins. Elle est décrite dans de nombreuses espèces de ruminants, d’élevage ou sauvages. Elle se caractérise par une très longue période d’incubation (de plusieurs mois à 10 ans), correspondant à une phase d’infection inapparente. Chez les bovins, les signes cliniques apparaissent entre 2 et 7 ans après infection : altération de l’état général avec conservation de l’appétit, puis apparition d’une diarrhée qui devient continue et cachectisante.
→ Dans les conditions naturelles, la contamination s’effectue par voie orale. Après ingestion, la pénétration de MAP se réalise préférentiellement dans l’intestin grêle, au niveau des plaques de Peyer [4]. Les macrophages phagocytent les bacilles et assurent leur transport et leur accumulation dans les follicules lymphoïdes, particulièrement nombreux dans l’iléon. La multiplication des bacilles provoque l’apparition de lésions d’entérite granulomateuse, à l’origine d’une diarrhée par malabsorption essentiellement postentérocytaire.
À partir de l’iléon, l’extension des lésions progresse vers le gros intestin, avec une atteinte possible du rectum dans quelques cas cliniques très évolués.
→ Au sein d’un troupeau infecté, la paratuberculose s’exprime de manière sporadique ou enzootique, avec la coexistence de quatre stades d’infection en proportions relativement constantes :
– 10 à 15 % d’individus infectés asymptomatiques non excréteurs ;
– 6 à 8 % d’individus infectés asymptomatiques excréteurs ;
– 1 à 2 % d’individus en début de phase clinique ;
– 1 % d’individus en phase clinique installée ;
– et 75 à 85 % d’individus non infectés.
→ La principale source d’infection est constituée par les fèces des animaux malades ou excréteurs asymptomatiques, l’excrétion pouvant être mise en évidence jusqu’à 2 ans avant l’apparition des premiers symptômes [7].
En plus des animaux en phase clinique ou terminale, il existe également des bovins asymptomatiques fortement excréteurs, dont les matières fécales comportent de 103 à 106 UFC/g [4].
→ La réponse humorale est, peu ou prou, concomitante du passage à la phase clinique. Le passage à la phase clinique correspondrait à un basculement de la réponse immunitaire adaptative, à dominante Th1 (cellulaire) pendant la phase asymptomatique, puis Th2 (humorale) avec l’apparition des premiers symptômes [3, 5].
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