Une solution alternative au propylène glycol pour renforcer le métabolisme énergétique des vaches ? - Le Point Vétérinaire n° 311 du 01/12/2010
Le Point Vétérinaire n° 311 du 01/12/2010

PREVENTION DES DEFICITS ENERGETIQUES EN PERI-PARTUM

Thérapeutique

Auteur(s) : Béatrice Bouquet

Fonctions : 8, rue des Déportés
80220 Gamaches

Un médicament vétérinaire à base de phosphore, mais surtout de vitamine B12 prouve son efficacité contre l’acétonémie subclinique chez la vache holstein.

Certains médicaments mériteraient un changement d’étagère dans notre pharmacie. Ainsi, la solution injectable Catosal®, indiquée dans « la prévention et le traitement des carences en phosphore », selon l’autorisation de mise sur le marché (AMM), a confirmé récemment son indication métabolique. C’est alors principalement la cyanocobalamine (vitamine B12), également incluse, qui officierait, mais le phosphore jouerait un rôle, peut-être synergique, comme donneur de radical P pour la synthèse hépatique d’ATP.

Deux investigations cliniques ont précisé les contours de l’intérêt de ce médicament dans des contextes de production moderne. Leur solidité (scientifique, statistique), et les nuances apportées dans la discussion leur ont valu une publication de renom [3, 6].

La première, réalisée aux États-Unis, incluait plus de 500 vaches traitées, et presque autant de témoins, ayant reçu un placebo en aveugle [6]. La spécialité a été administrée par voie sous-cutanée le jour et le lendemain du vêlage, à la dose de 25 ml, soit la limite supérieure de l’intervalle posologique recommandé dans la notice de son AMM en France, par voie sous-cutanée en plusieurs points.

Pas d’intérêt avant trois lactations

Pour le β-hydroxybutyrate sérique (B-OH-B : corps cétonique qui reflète l’ampleur du déficit énergétique en début de lactation), des différences significatives ont été observées, jusqu’à une semaine post-partum, mais seulement dans le groupe de vaches en troisième lactation ou davantage. L’effet du traitement est maintenu après ajustement aux divers paramètres dans l’analyse multivariée.

Un second volet est attendu pour confirmer l’effet “santé” du traitement (c’est-à-dire la baisse d’incidence des métrites, de déplacements de caillette, etc.). Le seuil de B-OH-B (≥ 1 200 µmol/l) a justement été choisi car il est prédictif (meilleur compromis de sensibilité et de spécificité) pour ces maladies et la baisse de production induites par l’acétonémie. Dans le sous-groupe des vaches matures, la note d’état corporel (NEC) influe sur le risque d’acétonémie (odds ratio [OR] presque quadruplé entre NEC 3 et NEC 4), ainsi que la rétention placentaire (OR sextuplé) et l’allongement de la période sèche (au-delà de 70 jours : OR doublé), mais pas la dystocie. Une administration ciblée permettrait donc de gagner en pertinence économique (vaches grasses et/ou non délivrées et/ou taries précocement).

Manquent, dans cette étude, des données sur la ration distribuée (mais les vaches provenaient de quatre élevages différents, situés dans deux États distincts), et des dosages de B12 avant et après administration. Les doses se situeraient dix fois au-dessus des besoins en vitamine B12 établis par le National Research Council (2,5 mg sur 2 jours).

La cyanocobalamine est une coenzyme de la néoglucogenèse et de la synthèse de méthionine, acide aminé clé dans le métabolisme énergétique. Les micro-organismes du rumen en sont une source conséquente chez le ruminant. La synergie métabolique entre B12 et P est suspectée, mais non avérée (absence de comparaison avec la vitamine B12 seule) ni explicitée.

S’il agit métaboliquement, le P de Catosal® n’a aucun effet significatif sur l’homéostasie phosphocalcique. La dose est peut-être en cause (25 ml de Catosal® apportent douze fois moins que l’apport préconisé pour le traitement d’une hypophosphatémie clinique).

Allemagne : de la B12 après un déplacement de caillette

Nos voisins allemands s’intéressent aussi à l’intérêt de l’association B12 + P. En 2006, un chercheur de l’université de Leipzig (appartenant au collège européen Gestion de la santé bovine) conseillait l’administration de Catosal® avant une chirurgie de caillette déplacée à gauche. Constatant une amélioration de la motilité ruminale, il n’éclairait pas les mécanismes en jeu (photo) [4]. Cette année, il enfonce le clou [3]. Associé au célèbre Peter Constable, il conclut lui aussi à l’intérêt d’une administration répétée de Catosal® face au risque d’acétonémie en peri-partum. Son protocole diffère du précédent : trois ou six injections quotidiennes par voie intraveineuse dans les 1 à 2 semaines avant le vêlage, à des doses doubles de la limite supérieure de l’AMM France. À six injections (soient trois flacons de 100 ml au total), l’effet “santé” est avéré (baisse de la prévalence des infections induites). Dans cette étude, contrairement à la précédente, la B12 sérique des vaches a été mesurée.

Conclusion

Ainsi, la cyanocobalamine sera peut-être le propylène glycol de demain pour les vaches (encadré).

Références

  • 1. Afssaps. Point d’information sur les cigarettes électroniques 7 juillet 2008. http://www.afssaps.fr/Infos-de-securite/Communiques-Points-presse/Point-d-information-sur-les-cigarettes-electroniques
  • 2. Commission européenne. Liste des additifs autorisés dans l’alimentation des animaux publiée en application de l’article 9 T, point b), de la directive 70/524/CEE du Conseil concernant les additifs dans l’alimentation des animaux FR. Journal officiel de l’Union européenne du 25 février 2004. http://ec.europa.eu/food/food/animalnutrition/feedadditives/c_50_fr.pdf
  • 3. Fürll M, Deniz A, Westphal B et coll. Effect of multiple intraveinous injections of butaphosphan and cyanocobalamin on the metabolism of periparturient dairy cows. J. Dairy Sci. 2010; 93(9): 4155-4164.
  • 4. Fürll M, Wittek T, Gengenbach S et coll. Effects of preoperative application of butaphosphan and cyanocobalamin on reconvalescence, clinico-chemical parameters, antioxidative metabolism and postoperative abomasal emptying in cows with abomasal dislocation. Tieraerztl. Prax. Ausg. Grosstiere. Nutztiere. 2006; 34: 351-356.
  • 5. Institut national de recherche et de sécurité. Propylène glycol. Fiche toxicologique 226 consultable en ligne http://www.inrs.fr/INRS-PUB/inrs01.nsf/0/91018D65A315739CC1256CE8005A622A/$FILE/ft226.pdf
  • 6. Parlement européen & Conseil de l’europe, directive 89/107/CEE du 21 décembre 1988 relative au rapprochement des législations des États membres concernant les additifs pouvant être employés dans les denrées destinées à l’alimentation humaine. Journal officiel de l’Union européenne. 1989; L 040: 27-33. Version actualisée : http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:1989:040:0027:011:FR:HTML
  • 7. Rollin E, Berghaus RD, Rapnicki P et coll. The effect of injectable butaphosphan and cyanocobalamin on postpartum serum-hydroxybutyrate, calcium, and phosphorus concentrations in dairy cattle. J. Dairy Sci. 2010; 93: 978-987.

ENCADRÉ
Du propylène glycol “à toutes les sauces”

→ Davantage que la vitamine B12, le recours au propylène glycol est ancré dans les mœurs pour la prévention de l’acétonémie subclinique de la vache laitière haute productrice en post-partum, par l’encouragement à la néoglucogenèse. Il est inclus dans diverses spécialités, dont un médicament vétérinaire (Acétal®) et de nombreux aliments complémentaires (Calflash®, Cetophyton®, Céto-lact®, Lactobios®, Toniflash®, etc.). L’Union européenne l’autorise comme additif dans les rations des vaches laitières, dans la catégorie “agents émulsifiants, stabilisants, épaississants et gélifiants” (E 490) [2].

→ Il est aussi un additif en alimentation humaine (“humectant, mouillant, dispersant” E 1520) [6]. Il est utilisé “à toutes les sauces” (émulsifiant) et pour tous les goûts (dans les arômes).

Largement employé en cosmétologie et en hygiène corporelle, il l’est aussi comme excipient de suppositoires, dans les fumées des spectacles et comme antigel pour les ailes d’avion. Contrairement à l’éthylène glycol, il est généralement considéré comme peu toxique chez l’homme, quoiqu’un peu irritant pour les muqueuses. Dans les cigarettes électroniques, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) émettait en 2008 les réserves suivantes : « Le propylène glycol est un solvant au pouvoir irritant, qui peut également entraîner des effets neurologiques comparables à l’état d’ébriété » [1]. Des cas d’intoxication par ingestion accidentelle chez l’enfant sont rapportés [5]. Il est relativement plus toxique chez le chat (modifications hématologiques après ingestion répétée) [5].

→ Ce composé pourrait effrayer le consommateur en raison de son ubiquité et de ses liens de parenté avec le biodiesel, son isomère 1,3. Le besoin de “carburants métaboliques” alternatifs pour les vaches laitières pourrait donc se faire sentir.

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