Examen clinique et évaluation de la douleur viscérale - Le Point Vétérinaire n° 310 du 01/11/2010
Le Point Vétérinaire n° 310 du 01/11/2010

ANALGÉSIE CANINE ET FÉLINE

Dossier

Auteur(s) : Thierry Poitte

Fonctions : Clinique vétérinaire
La Croix Michaud
17630 La Flotte
thierrypoitte@gmail.com

L’utilisation d’une grille d’évaluation spécifique de la douleur viscérale permet de la quantifier. Ainsi, le praticien choisit le niveau du traitement analgésique et l’adapte selon les besoins.

La douleur viscérale aiguë se traduit par une douleur abdominale non spécifique, dont l’intensité n’est pas toujours en relation avec l’importance de la lésion.

L’anamnèse, le respect de la séquence “inspection, auscultation, percussion, palpation” et les examens d’imagerie permettent le plus souvent de diagnostiquer une douleur viscérale vraie (tableau 1).

1 Examen clinique

La palpation abdominale est, dans un premier temps, douce et progressive afin de limiter les contractions musculaires gênantes. Méthodique (exploration de tous les quadrants) et plus profonde, elle renseigne sur la présence d’anses intestinales dilatées, d’un corps étranger, de masses abdominales, etc.

L’intensité de la réaction de l’animal est relevée : simple contraction, “ventre de bois” des péritonites, gémissements, grondements, immobilisation brutale ou tentative de fuite, mouvements de défense (postures de soumission ou d’attaque) (photos 1 et 2).

Les douleurs des péritonites (inflammatoires ou infectieuses) sont beaucoup plus spectaculaires chez l’homme que chez les chats et les chiens. Ces différences interespèces sont présentes aussi chez nos animaux de compagnie, la douleur pancréatique du chat étant ainsi moins constante et moins intense que pour le chien (tableaux 2 et 3) [3].

Hormis les symptômes susmentionnés, les douleurs viscérales chroniques peuvent aussi se traduire par des modifications comportementales : perte d’appétit, agitation ou insomnie, indifférence ou absence de fête au retour du propriétaire, moins d’entrain à faire de l’exercice, refus de jouer, gémissements spontanés ou lors de palpation du ventre, agressivité spontanée ou au toucher du ventre, léchage de celui-ci, etc. (photos 3a et 3b). Ces manifestations, de moindre intensité, s’inscrivent dans la durée.

L’ingestion régulière de substances non nutritives (herbe, terre, sable, etc.) et le léchage de matériaux environnants (sols, murs) constituent un signe non exclusif de douleur viscérale chronique.

Des envies continuelles et presque sans résultat d’aller à la selle (ténesmes) révèlent des sensations douloureuses de tension et de constriction des régions rectale et anale. Des contractions douloureuses et répétitives précédant une évacuation (épreintes) sont associées à une inflammation.

Les borborygmes (bruits émis par les intestins) accompagnent une activité spastique et représentent souvent des prodromes des entéropathies chroniques inflammatoires (encadré).

2 Évaluation de la douleur viscérale

Il convient d’évaluer la douleur. En effet, il n’existe pas de relation proportionnelle entre l’importance de la lésion et la douleur exprimée par l’animal, ni de marqueur spécifique de celle-ci. De plus, les animaux sont très souvent présentés aux vétérinaires dans un milieu inhabituel qui les incite à modifier leur comportement.

1. Grille d’évaluation

L’évaluation de la douleur animale devient ainsi un défi et repose sur la recherche d’un certain nombre de mécanismes mis en jeu par l’organisme face à la souffrance : réactions neurovégétatives, comportementales, etc.

Elle a pour objectifs de choisir le niveau de thérapeutique analgésique à mettre en place, d’apprécier l’efficacité des procédures et enfin d’adapter le traitement à la réponse thérapeutique. Parfois, elle permet d’identifier et de traiter des douleurs jusque-là insoupçonnées.

Nous proposons donc d’utiliser une grille multidimensionnelle d’évaluation de la douleur chronique viscérale, qui repose sur l’observation d’expressions et d’attitudes posturales, la réaction à la palpation abdominale et sur des modifications comportementales (tableau 4).

La tenue d’une grille d’évaluation des douleurs chroniques viscérales rend partiellement objectif ce qui est éminemment subjectif.

Cet outil permet au praticien de quantifier la douleur et a une valeur éducative auprès des propriétaires en leur apprenant à reconnaître les signes de douleur chez leurs animaux.

L’utilisation de grilles paramétriques minimise la variabilité entre les observateurs. Elle constitue aussi un outil de suivi des thérapies appliquées.

2. Entéropathies chroniques inflammatoires

L’approche clinique des entéropathies chroniques inflammatoires (ECI) par la mesure d’index cliniques permet de rationaliser le diagnostic, d’évaluer le stade clinique à J0, d’en apprécier la gravité et de mettre en place un suivi thérapeutique. Ces index sont très utilisés en gastroentérologie humaine, notamment pour le suivi de la maladie de Crohn. En médecine vétérinaire, l’index le plus utilisé est le Canine Inflammatory Bowel Disease Activity Index (CIBDAI), proposé par Jergens et Schreiner en 2003 et complété récemment par la mesure de l’albuminémie instaurée par Allenspach [1, 2].

Une grille d’évaluation de la douleur chronique viscérale aide le vétérinaire à évaluer systématiquement la douleur lors d’ECI. L’application d’un score de douleur en fonction de la note établie met l’accent sur la nécessité de prendre en charge la souffrance viscérale associée et peut compléter utilement le score CIBDAI (tableau 5).

Conclusion

La douleur viscérale ne doit plus être considérée comme le parent pauvre de la physiologie sensorielle. Les afférences viscérales relèvent d’une organisation anatomique et fonctionnelle riche, complexe, dont les intrications sont nombreuses. La tolérance à ces douleurs, longtemps surestimée, leur valeur symptomatique médiocre et leur topographie trompeuse rendent le challenge de l’appréciation par le vétérinaire encore plus difficile que pour la souffrance somatique. Des grilles d’évaluation multiparamétriques pour les douleurs viscérales chroniques pourront, après validation, aider le praticien à les reconnaître et à en suivre l’évolution.

Références

  • 1. Allenspach K, Wieland B, Grone A et coll. Chronic enteropathies in dogs: evaluation of risk factors for negative outcome. J. Vet. Intern. Med. 2007; 21: 700-708.
  • 2. Jergens AE, Schreiner CA, Frank DE et coll. A scoring index for disease activity in canine inflammatory bowel disease. J. Vet. Intern. Med. 2003; 17: 291-297.
  • 3. Leib MS. Diseases of the exocrine pancreas. In: Leib MS, Monroe WE, eds. Practical Small Internal Medicine. Saunders WB Compagny. 1997: 761-774.

ENCADRÉ
Cas particulier des entéropathies chroniques inflammatoires

Les entéropathies chroniques inflammatoires (ECI) sont des affections fréquentes touchant tout ou partie de l’appareil digestif chez les chiens et les chats de tout âge. Elles constituent la première cause de troubles digestifs chroniques ou récurrents dans ces espèces.

Les observations histologiques chez l’animal et le fait que la symptomatologie rétrocède à l’administration d’immunodépresseurs font suspecter, comme chez l’homme, une anomalie de la régulation de la réponse immunitaire aux stimulations antigéniques d’origine bactérienne ou alimentaire. La compréhension du dérèglement immunitaire et de la physiologie des douleurs viscérales permet de relier l’hypersensibilité à des antigènes et l’hypersensibilité digestive aux stimuli (mécaniques et chimiques) à l’origine de douleurs.

Ainsi, les ECI s’accompagnent souvent de douleurs de longue durée, récurrentes, d’intensité variable et pouvant détériorer gravement la qualité de vie de l’animal.

Ces douleurs chroniques ne sont pas détectées par les propriétaires, qui n’en connaissent pas les moyens d’évaluation. Elles sont rarement prises en charge par le vétérinaire, peu au fait de la physiologie des douleurs viscérales et inquiet des effets secondaires des antalgiques sur la sphère digestive.

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