La notion de danger grave et immédiat peut être remise en cause - Le Point Vétérinaire n° 309 du 01/10/2010
Le Point Vétérinaire n° 309 du 01/10/2010

EUTHANASIE DES CHIENS RÉPUTÉS DANGEREUX

Juridique

Auteur(s) : Christian Diaz

Fonctions : 7, rue Saint-Jean 31130 Balma

L’euthanasie lors de danger grave et immédiat peut être déclarée illégale par le juge dans certaines circonstances.

L’article L. 211-11 du Code rural autorise les maires à prescrire l’euthanasie d’un animal considéré comme dangereux en cas de danger grave et immédiat. Cependant, cet acte ne doit être mis en œuvre qu’en dernier recours, lorsque des mesures moins définitives n’ont pas été observées.

Les faits

Le 16 mai 2007, alors qu’il se promène sur la commune de S. C. en compagnie de son chien de type staffordshire terrier attaché à son fauteuil roulant, M. Jérémy A. n’est pas en mesure, lors d’un contrôle inopiné, de présenter aux gendarmes les documents administratifs afférents à la détention d’un chien de première catégorie. Le 1er juin, le maire de la commune lui signifie un arrêté de placement de l’animal en vue de son euthanasie. Le chien est alors mis en fourrière. Le 14 septembre, le maire prend un nouvel arrêté d’euthanasie et désigne un vétérinaire qui y procède le jour même.

Saisi par le propriétaire du chien, le tribunal administratif de Montpellier annule, le 4 novembre 2008, les arrêtés municipaux ordonnant le placement et l’euthanasie de l’animal. La commune de S. C. fait appel et la cour d’appel administrative rend son arrêt le 8 juillet 2010.

Les attendus du jugement

La cour rappelle les termes de l’article L. 211-11 du Code rural qui permet au maire d’ordonner l’euthanasie d’un animal qu’il considère comme dangereux, notamment en cas de danger grave et immédiat.

« […] Considérant qu’il résulte de ces dispositions que l’autorité chargée de la police municipale ne saurait prescrire la mise à mort sans condition ni délai d’un animal qu’en vue de parer un danger grave et immédiat ; que, par conséquent, lorsqu’il ressort des circonstances de fait existant à la date à laquelle ladite autorité statue, notamment de l’avis du vétérinaire qui aurait été recueilli en application des dispositions du II de l’article L. 211-11 précité, que le danger présenté par l’animal n’est pas tel que seule sa mise à mort puisse le parer, il lui appartient de prescrire les mesures appropriées au propriétaire ou au gardien de l’animal dans les conditions prévues au I de l’article précité, et de n’ordonner l’euthanasie que dans le cas où les prescriptions alors énoncées n’auraient pas été observées.

Considérant qu’il est constant qu’au moment de son interpellation la situation administrative du chien de M. A. n’était pas conforme à la législation sur les chiens dits dangereux ; que toutefois, si l’absence de déclaration, de stérilisation et d’assurance révèle une méconnaissance par l’intéressé des obligations qui lui incombaient en tant que propriétaire d’un chien de première catégorie, elle ne caractérise pas, en elle-même, une situation de danger grave et immédiat pour les personnes et les animaux domestiques ; que la seule présence de cet animal en ville ne créait pas davantage, en soi, une telle situation de danger, alors qu’il était attaché au fauteuil de son propriétaire, tétraplégique […] qu’il ressort en outre des trois certificats établis par deux vétérinaires différents, les 14 juin, 28 septembre et 9 octobre 2007, que l’animal ne montrait aucun signe d’agressivité et ne présentait aucune dangerosité particulière tant pour les hommes que pour les autres animaux […] qu’il résulte enfin d’autres pièces du dossier que M. A. a contracté une assurance pour son chien à compter du 31 mai 2007 et qu’il devait faire procéder à sa stérilisation le 6 juin suivant, attestant par là même de son souhait de mise en conformité de son chien avec la législation en vigueur ; que dans ces conditions, et alors qu’il appartenait au maire de prescrire dans un premier temps à M. A. les mesures nécessaires à la régularisation administrative de son chien, les arrêtés des 1er juin et 14 septembre 2007 […], sont entachés d’illégalité et doivent ainsi être annulés. »

La cour condamne la commune de S. C. à verser une somme de 2 000 € à M. A., ainsi qu’à la Ligue contre la vivisection.

Pédagogie du jugement

Cet arrêt suscite plusieurs commentaires : il confirme une position déjà affichée par la cour d’appel administrative de Bordeaux(1) selon laquelle la notion de danger grave et immédiat s’apprécie au moment de la prise de décision de l’autorité administrative, et l’euthanasie ne peut être ordonnée qu’en l’absence de respect des mesures prescrites par le vétérinaire obligatoirement consulté. En l’absence d’arrêt du Conseil d’État, il peut être considéré qu’il s’agit là de jurisprudence.

Alors que la loi du 5 mars 2007, en application au moment des faits, étend la notion de danger grave et immédiat aux chiens de première et de deuxième catégorie qui ne sont pas en règle sur le plan administratif, les juges ont décidé que les circonstances infirmaient cette conception, bien que l’animal soit « réputé présenter un danger grave et immédiat » selon les termes de la loi.

L’arrêté d’euthanasie étant annulé, il appartient au juge de remettre les choses en l’état antérieur. La mort du chien étant irréversible, la remise en état est impossible, et le juge doit se contenter de condamner la partie perdante à verser une certaine somme (ici 4 000 €) à ses adversaires.

Le maire n’a fait qu’appliquer les consignes du pouvoir exécutif transmises par les préfets. Les magistrats ont considéré que ces circulaires, bien que destinées aux maires, n’entraînaient aucune contrainte pour les juges en charge de constater l’illégalité de certains actes.

Les circulaires administratives étant dépourvues de pouvoir protecteur pour leurs propres destinataires, il convient de mettre en garde certains membres de la profession vétérinaire qui leur accordent abusivement un pouvoir contraignant et protecteur dans l’exercice d’un contrat de droit privé (évaluation comportementale) par définition non concerné, allant jusqu’à employer le terme abusif de “guide de méthodologie” (circulaire du 17 février 2010).

Enfin, les juges, chargés de dire le droit en toute indépendance, ont montré que l’exercice de la justice n’est pas incompatible avec une vision humanitaire de la législation, fût-elle opposée aux considérations politiques et médiatiques du pouvoir exécutif.

(1) Voir l’article « Une décision d’abattage peut être annulée par le juge », du même auteur. Point Vét. 2010;306:73.

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