Facteurs influençant le transfert de l’immunité passive - Le Point Vétérinaire expert rural n° 308 du 01/09/2010
Le Point Vétérinaire expert rural n° 308 du 01/09/2010

ABORD PRÉVENTIF EN ÉLEVAGE BOVIN

Fiche

Auteur(s) : Édouard Timsit*, Jean-Marie Nicol**

Fonctions :
*Oniris, UMR 1300 BioEpar
Atlanpole-La Chantrerie, BP 40706, 44307 Nantes
**Cabinet vétérinaire
15 rue des Anciens-Combattants, 44110 Châteaubriant

Certaines “croyances” sont sans fondement, comme celles relatives à la meilleure qualité du colostrum dès la deuxième lactation.

Le colostrum est la sécrétion lactée produite par la glande mammaire durant les 24 heures qui suivent le vêlage [28]. Il contient trois types d’immunoglobulines (Ig) : IgG, IgM et IgA. Les IgG représentent plus de 80 % de l’ensemble des Ig colostrales [17].

Le transfert d’immunoglobulines de la mère au nouveau-né, c’est-à-dire de l’immunité passive, est essentiel pour la protection de celui-ci contre les maladies infectieuses [3, 40]. Chez les bovins domestiques, la placentation syndesmochoriale, qui sépare le sang maternel du sang fœtal, ne permet pas le transfert in utero [3]. Les veaux naissent ainsi agammaglobulinémiques, ce qui rend essentielles l’ingestion et l’absorption d’une quantité suffisante d’Ig colostrales pour l’établissement de l’immunité passive.

Nombreux sont les facteurs qui influencent le transfert de l’immunité passive, mais trois sont particulièrement à prendre en compte [7, 13, 40].

Qualité

Un colostrum de vache laitière est dit excellent si sa concentration en IgG est supérieure à 90 g/l, bon entre 90 et 65 g/l, moyen entre 65 et 40 g/l et mauvais en dessous de 40 g/l, d’après Moran et coll. [23].

Dès la deuxième traite, la quantité d’IgG diminue (tableau 1).

La race, le niveau de production ainsi que la parité influent sur la qualité du colostrum.

• Le colostrum d’une vache jersey contient environ 90,4 g/l d’IgG, contre seulement 55,9 g/l pour une holstein [25]. Selon les études, la teneur moyenne en IgG du colostrum des vaches holstein oscille entre 41 g/l et 68,5 g/l, avec de fortes variations individuelles (interindividuelles) (4 à 235 g/l) [14] (tableau 2).

• Le colostrum des vaches qui produisent plus de 8,5 kg à la première traite est généralement de mauvaise qualité [26].

• La parité influence aussi la qualité du colostrum des vaches. Seul le colostrum issu de vaches en troisième lactation ou plus est significativement plus riche en IgG (race holstein) : 81,5 g/l d’IgG à trois lactations ou plus, contre 59,1 g/l en première lactation et 62,6 g/l en deuxième lactation [25].

De nombreuses études ont montré que les vaches (holstein) en deuxième lactation ne produisent pas un colostrum de meilleure qualité que les primipares [7, 25, 26].

Délai entre la naissance et l’administration

Durant les 24 à 36 premières heures de vie, les entérocytes de l’intestin grêle absorbent de manière non sélective, par pinocytose, une grande variété de macromolécules [40]. Parmi les macromolécules absorbées se trouvent les immunoglobulines, mais aussi des enzymes telles que les γ-glutamyl-transférases (γGT), qui peuvent alors servir de témoin d’absorption(1). Une fois dans les entérocytes, les immunoglobulines vont être transportées vers le système lymphatique par exocytose.

L’absorption des immunoglobulines est maximale durant les 4 premières heures qui suivent la naissance et diminue rapidement au-delà de 12 heures. Après ce délai, celle des IgG est inférieure à 50 % [18] (tableau 3).

Vingt à 24 heures après la naissance, les immunoglobulines colostrales ne sont plus absorbées [32]. Cet arrêt est dû à plusieurs facteurs, dont :

– la maturation des entérocytes (diminution de la pinocytose) ;

– l’augmentation croissante des sécrétions intestinales et de l’acidité gastrique (destruction des immunoglobulines) [28].

Lors du premier repas retardé ou d’hypoxie, la durée d’absorption des immunoglobulines peut être allongée jusqu’à 33 heures (si le premier repas intervient à 24 heures), voire 40,5 heures (si une hypoxie est présente à la naissance) [32-34].

Quantité ingérée

Le veau doit recevoir au minimum 100 g d’IgG pour bénéficier d’un transfert adéquat de l’immunité passive [28] (encadré 1). Ce “dogme” a récemment été remis en question : Chigerwe et coll. n’ont réussi à obtenir un transfert approprié de l’immunité passive qu’à partir de 153 g d’IgG [8].

La quantité de colostrum à administrer dépend de sa qualité [28]. Plus celle-ci est faible, plus la quantité distribuée est à augmenter. Par exemple, dans des exploitations laitières composées exclusivement de vaches de race pie noire holstein, seulement 36 % des colostrums fournissent une quantité suffisante d’IgG (> 100 g) si 2 l sont distribués alors que, pour 85 % d’entre eux, 4 l ingérés sont nécessaires pour obtenir un dosage adéquat d’IgG (> 100 g) [4].

D’autres facteurs, dits “secondaires”, agissent sur le transfert de l’immunité passive (encadré 2) [13].

(1) Voir aussi l’article “Veiller au bon transfert de l’immunité passive” des mêmes auteurs, dans ce numéro.

ENCADRÉ 1

Quel seuil de “réussite” ?

Le transfert de l’immunité passive est considéré comme adéquat quand la concentration en IgG sériques du veau est supérieure à 10 g/l à l’âge de 24 à 48 heures [40].

Selon les auteurs, ce seuil de “réussite” du transfert de l’immunité passive peut varier de 10 g/l à 13,4 g/l [4, 8].

ENCADRÉ 2

Facteurs secondaires affectant, ou non, le transfert de l’immunité passive chez les bovins

→ La présence de la mère augmente l’absorption des IgG par le veau [31].

→ L’acidose respiratoire du veau en post-partum la diminue [5].

Retarder la collecte du colostrum par rapport au vêlage abaisse sa concentration en IgG (de 17 % à 6 heures post-partum, de 27 % à 10 heures post-partum et de 33 % à 14 heures post-partum) [21, 22]. Il est donc nécessaire d’essayer de traire la vache le plus rapidement possible après le vêlage (dans les 4 premières heures)(1).

→ La contamination bactérienne du colostrum a un impact négatif. C’est pourquoi il convient de le distribuer dans les 2 heures qui suivent sa collecte ou de le placer au réfrigérateur (+ 4 °C), voire au congélateur (– 20 °C) [20](1).

→ La composition de la ration de tarissement n’influence pas fortement la teneur en IgG du colostrum. Elle affecterait néanmoins leur absorption par le veau [27].

→ Réduire le tarissement de 56 à 28 jours ne semble pas influer sur la qualité du colostrum [30].

EN SAVOIR PLUS

• Les références de cette fiche se trouvent avec celles de l’article “Veiller au bon transfert de l’immunité passive” des mêmes auteurs, dans ce numéro.

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