La myringotomie : revue et cas cliniques - Le Point Vétérinaire n° 306 du 01/06/2010
Le Point Vétérinaire n° 306 du 01/06/2010

Otologie et neurologie du chien et du chat

Mise à jour

LE POINT SUR…

Auteur(s) : Nicolas Granger

Fonctions : University of Cambridge The Queen’s Veterinary
School Hospital
Madingley Road, CB3 0ES
Royaume-Uni
email : ng311@cam.ac.uk

La myringotomie est un acte simple. Le résultat des analyses cytologique et bactériologique du contenu de la bulle tympanique revêt un intérêt important pour le diagnostic d’une otite moyenne.

Les otites chroniques chez le chien et le chat constituent une affection difficile et coûteuse à traiter, et qui peut conduire le propriétaire à demander l’euthanasie de son animal. Les causes d’otite externe sont nombreuses et peuvent être séparées en facteurs prédisposants, primaires ou d’entretien. L’atteinte de l’oreille moyenne est un facteur d’entretien et du passage à la chronicité des otites externes, après la sténose du conduit auditif [2, 11]. Les otites moyennes sont en très grande majorité d’origine bactérienne. Associées ou non à une atteinte de l’oreille interne, elles peuvent se compliquer de déficits nerveux (paralysie faciale et syndrome de Claude-Bernard-Horner lors d’otite moyenne, syndrome vestibulaire lors d’otite interne) ou d’une perte de l’audition. Le succès du traitement repose sur le diagnostic étiologique de l’infection : identification des bactéries responsables de l’infection, réalisation d’un antibiogramme et mise en place d’une antibiothérapie ciblée.

La myringotomie permet d’obtenir rapidement, de manière non chirurgicale, un prélèvement de l’oreille moyenne. Elle a un rôle à la fois diagnostique et thérapeutique puisque la vidange de la bulle tympanique va réduire la pression et soulager l’animal. Plus rarement, la myringotomie est une aide au diagnostic d’affections plus graves, telles que le lymphome chez le chat.

Anatomie de l’oreille moyenne

L’oreille moyenne est formée de la cavité tympanique et du tympan qui représente l’interface avec le conduit auditif externe. Chez le chien, la cavité tympanique est constituée d’un petit récessus dorsal (récessus épitympanique) et de la bulle tympanique ventrale (ou cavité hypotympanique) (photo 1). Chez le chat, elle est beaucoup plus ronde et séparée en deux compartiments communicants (ventro-médial ou cavité entotympanique, et dorso-latéral ou cavité ectotympanique) (photos 2a et 2b).

Les osselets, c’est-à-dire le marteau, l’enclume et l’étrier, sont situés dans la cavité méso- et épitympanique, et amplifient les vibrations de l’air du tympan jusqu’à l’oreille interne. Le tympan est une membrane semi-transparente concave, fine en son centre et plus épaisse en périphérie, composée de deux parties :

– la pars flaccida, dans le quadrant supérieur, est lâche, opaque et rose car elle contient de petits vaisseaux sanguins ;

– la pars tensa, située sous la pars flaccida, attachée au manubrium du marteau, est tendue, transparente et gris perle (figure, photo 3).

La bulle tympanique est recouverte d’un épithélium respiratoire modifié et possède quatre ouvertures : le tympan, la fenêtre vestibulaire (ou fenêtre ovale), la fenêtre cochléaire (ou fenêtre ronde) et l’ostium du tube auditif (trompe d’Eustache chez l’homme) qui forme la communication avec la partie caudale du nasopharynx. Les fenêtres vestibulaire cochléaire et dorsale communiquent avec l’oreille interne [5].

Structures nerveuses de l’oreille moyenne

Le nerf facial chemine dans le canal facial, un conduit osseux qui s’étend depuis le méat acoustique interne, à l’intérieur de la boîte crânienne, jusqu’au foramen stylo-mastoïdien. Au cours de son cheminement, le canal facial débouche dans la cavité tympanique, latéralement à la fenêtre vestibulaire. C’est à cet endroit que le nerf facial est vulnérable lors d’affection de l’oreille moyenne.

Les fibres postganglionnaires du tronc sympathique cervical (responsables de l’innervation sympathique de l’œil) entrent caudalement dans la cavité crânienne par la fissure tympano-occipitale et passent dans la bulle tympanique. Elles forment un plexus dans la région dorsale de la cavité tympanique (cavité dorso-latérale chez le chat), à proximité de la fenêtre cochléaire. Ce plexus est particulièrement vulnérable chez le chat lorsque le septum séparant en deux parties la cavité tympanique est lésé [5].

Le nerf vestibulo-cochléaire est la structure nerveuse reliée à l’oreille interne. Il n’est toutefois pas mis en jeu lors d’affection de l’oreille moyenne.

Technique

La myringotomie est réalisée sous anesthésie. Un nettoyage préalable de l’oreille externe, de manière à ne pas introduire d’organismes contaminants dans l’oreille moyenne, et une inspection rigoureuse du tympan sont effectués (encadré 1). La myringotomie requiert un otoscope à main. Il est préférable d’utiliser un embout d’otoscope stérile.

Si le tympan est percé, un prélèvement est pratiqué directement à l’aide d’un écouvillon stérile inséré à l’intérieur de l’embout de l’otoscope jusque dans la bulle tympanique. Il est aussi possible d’instiller 1 ml de soluté salin (NaCl 0,9 %) stérile tiède avec une aiguille à ponction lombaire montée sur une seringue à insuline et de récupérer par aspiration le contenu de la bulle tympanique pour analyse (photo 4).

Si le tympan est intact, deux types de myringotomies peuvent être mises en œuvre :

– une simple ponction à l’aiguille (avec une aiguille à ponction lombaire montée sur une seringue à insuline et introduite à l’intérieur de l’embout de l’otoscope) ;

– ou bien une incision à la lame de myringotomie [10].

Dans les deux cas, la myringotomie se réalise dans le cadran caudo-ventral de la pars tensa, afin de ne pas léser les osselets et à limiter l’hémorragie. Le contenu de la bulle peut être aspiré directement ou bien irrigué comme décrit précédemment. Selon l’expérience de l’auteur, une ponction simple à l’aiguille est facile et procure de bons résultats.

Il est possible d’utiliser un oto-endoscope (permettant un meilleur examen du tympan), ainsi que des aiguilles à myringotomie et des cathéters spécialement adaptés, mais ces équipements sont plus coûteux.

La ponction à l’aiguille présente deux inconvénients. Le contenu de la bulle tympanique, qui peut être trop épais ou granuleux, est parfois difficile à aspirer. De plus, la ponction ne permet pas un drainage efficace de la bulle tympanique. À l’inverse, une incision à la lame est plus invasive et cicatrise moins rapidement, ce qui favorise l’entrée de micro-organismes contaminants, mais le drainage de la bulle tympanique est facilité [5].

Le liquide recueilli lors de la myringotomie est préservé sur tube EDTA (acide éthylène diamine tétra-acétique) pour l’analyse cytologique et sur tube sec pour l’analyse bactériologique. Pour la recherche simultanée de bactéries aérobies et anaérobies, le prélèvement peut être récolté à partir du tube sec stérile sur un écouvillon stérile et placé sur le milieu de culture Amies avec du charbon.

Cicatrisation de la myringotomie

À l’inverse de la peau où l’épithélialisation est la dernière phase de la cicatrisation, l’épithélium du tympan migre en premier pour combler l’ouverture tissulaire avant que la phase de granulation n’ait eu lieu. Ainsi, la fonction du tympan est rapidement restaurée. Une simple ponction à l’aiguille cicatrise très rapidement (quelques jours) et une incision qui s’accompagne d’une perte de tissu est complètement cicatrisée en 21 à 35 jours [12].

Indications

La décision de réaliser une myringotomie doit être fondée sur le résultat des examens d’imagerie et du tympan. La radiographie est largement disponible, donc attractive, même si sa sensibilité reste inférieure à celle des examens tomodensitométriques et d’imagerie par résonance magnétique (IRM) nucléaire. Un examen radiographique inclut idéalement trois vues : oblique latérale (pour chaque bulle tympanique), dorso-ventrale et rostro-caudale (bouche ouverte). Une opacification du contenu de la bulle tympanique sur un cliché, par exemple, suggère la présence de liquide (mucus, pus, etc.) ou d’une masse (encadré 2, photo 5). Les examens tomodensitométriques et d’imagerie par résonance magnétique nucléaire apportent une meilleure résolution des structures osseuses et des tissus mous, respectivement. Dans le meilleur des cas, ils devraient précéder la myringotomie, qui est susceptible de générer des hémorragies et des faux positifs. Il est cependant peu probable que ces examens coûteux et relativement peu disponibles remplacent les clichés radiographiques suivis d’une myringotomie dans la pratique quotidienne des vétérinaires.

La myringotomie perd de son intérêt lorsque le contenu de la bulle tympanique est tissulaire (tumeur, polype), donc plus difficile à prélever. L’utilisation d’un oto-endoscope permet une meilleure visualisation et l’extraction d’un polype, le curetage ou la biopsie d’une tumeur. Cependant, le traitement des polypes par simple traction expose à un risque de récidive. Si le tympan apparaît opaque, hémorragique, gris ou bombé, une otite moyenne (et possiblement interne) est suspectée.

La présence de déficits neurologiques (syndrome vestibulaire périphérique, paralysie faciale ou syndrome de Claude-Bernard-Horner isolés) suggère une atteinte de l’oreille moyenne et interne, et doit conduire à une recherche étiologique pour laquelle la myringotomie peut être indiquée.

Intérêts lors d’otite bactérienne

La principale cause d’affection de l’oreille moyenne est bactérienne. Chez le chien, l’otite moyenne a le plus souvent pour cause une otite externe (origine descendante). Chez le chat, le point de départ est plus fréquemment ascendant, secondaire à des troubles inflammatoires oropharyngés. Une infection de l’oreille externe peut se propager à l’oreille moyenne à travers le tympan, puis à l’oreille interne par les fenêtres cochléaire et vestibulaire. L’otite externe entraîne souvent la formation d’une brèche dans le tympan responsable de la contamination de l’oreille moyenne. Le tympan cicatrise très rapidement et la présence d’une membrane tympanique intacte n’exclut pas le diagnostic d’otite moyenne. En effet, lors d’otite externe chronique, 50 à 83 % des animaux sont atteints d’une otite moyenne associée [2, 7, 8]. Une perforation du tympan n’est visible que dans environ un quart des cas [2, 11]. L’oreille moyenne peut aussi, dans certains cas, être contaminée à partir d’une infection pharyngée via le tube auditif. Une infection par voie hématogène est plus rare.

Lors de suspicion d’infection bactérienne de l’oreille moyenne, en l’absence ou en présence d’une otite externe, une myringotomie est indiquée. Si le tympan est perforé, la recherche de bactéries (analyses cytologique et bactériologique) est pratiquée sur le contenu de la bulle tympanique.

Une étude a démontré que les bactéries isolées de l’oreille moyenne et de l’oreille externe lors d’infection concomitante sont différentes dans 90 % des cas [2]. Dans cet essai, les organismes les plus fréquemment isolés de l’oreille externe sont Staphylococcus intermedius et Malassezia pachydermatis, alors que Pseudomonas spp. est la bactérie la plus souvent retrouvée dans l’oreille moyenne. Staphylococcus spp., Malassezia pachydermatis et Escherichia coli sont présents dans moins de 10 % des oreilles moyennes de chiens normaux, contre plus de 60 % chez des chiens présentant une otite. Des germes tels que Enterococcus spp., Proteus spp., Citrobacter spp. ou Lactobacillus spp. ne sont pas isolés chez des chiens indemnes d’otite [2, 9]. Une autre étude montre que seulement 26 % des bactéries isolées de la bulle tympanique (44 oreilles testées) sont sensibles à la céfazoline (céphalosporine de première génération) et que, dans plus de 50 % des cas, au moins une bactérie isolée est résistante à l’antibiotique choisi [6].

Complications et limites

Les complications secondaires à une myringotomie résultent principalement d’un site de ponction inapproprié (introduction de l’aiguille dans la partie dorsale du tympan, risquant de léser les osselets et les structures sous-jacentes telles que les fenêtres rondes et ovales et les rameaux du nerf facial et sympathique) ou d’un rinçage trop agressif de la bulle tympanique [4]. Une simple ponction à l’aiguille du tympan dans sa partie caudo-ventrale, suivie de l’aspiration du contenu de la bulle tympanique, est donc peu risquée.

Les complications sont essentiellement nerveuses et comportent :

– une parésie/paralysie faciale et une sécheresse oculaire ;

– un syndrome de Claude-Bernard-Horner ;

– une baisse ou une perte de l’audition si les osselets ont été lésés, ou si des substances ototoxiques (certains céruminolytiques) ont été instillées dans la bulle tympanique ;

– un syndrome vestibulaire périphérique.

Les limites de la myringotomie sont principalement liées à l’impossibilité de visualiser le tympan lors de sténose du conduit auditif dans les portions distale mais surtout proximale. Chez le chat, les otites séreuses à tympan fermé sont fréquentes.

Cas cliniques

1. Cas clinique n° 1

Commémoratifs et anamnèse

Un chat siamois mâle castré âgé de 10 ans est présenté pour une baisse de l’appétit, un écoulement nasal et des pertes d’équilibre depuis une semaine. Le propriétaire mentionne que l’animal est atteint d’un coryza chronique.

Examen clinique

L’examen à distance met en évidence une démarche hésitante et une ataxie discrète des quatre membres, exacerbée lors de sauts ou bien lorsque le chat est placé dans l’obscurité, par exemple. À la marche, la tête du félin oscille puis penche de droite à gauche. L’examen neurologique rapproché est normal.

L’examen clinique révèle un écoulement nasal purulent bilatéral et une adénomégalie rétro-pharyngée modérée bilatérale. Du pus est observé dans le pharynx. Les pertes d’équilibre et l’examen à distance du chat suggèrent une atteinte bilatérale et symétrique du système de l’équilibre, soit périphérique soit central (tronc cérébral), ou bien du cervelet. Ainsi, une rhinopharyngite bactérienne (primaire ou secondaire à une infection virale) compliquée d’une otite moyenne et interne est suspectée. L’évolution d’un processus néoplasique tel qu’un lymphome est une autre hypothèse.

Examens complémentaires

Une analyse cytologique de l’écoulement nasal met en évidence des neutrophiles dégénérés, des macrophages et des bactéries de types diplococci, cocci et en bâtonnets, intra- et extracellulaires. Un écouvillon du pharynx est réalisé.

Une IRM de l’encéphale montre un comblement des deux bulles tympaniques, ainsi qu’une prise de contraste (gadolinium) de l’épithélium recouvrant la surface interne de la bulle tympanique (photos 6a et 6b). À l’examen des tympans, une membrane opaque modérément enflammée est notée.

Une myringotomie est pratiquée de chaque côté. L’ensemble des lames de cytologie montre la présence de neutrophiles dégénérés et de bactéries de type cocci intra- et extracellulaires.

L’analyse bactériologique à la fois de l’écouvillon pharyngé et des prélèvements des bulles tympaniques permet d’isoler un Staphylococcus intermedius sensible à l’amoxicilline potentialisée par l’acide clavulanique.

Un syndrome vestibulaire périphérique bilatéral secondaire à une otite moyenne bilatérale est diagnostiqué chez ce chat.

Traitement

Un traitement de 6 semaines à base d’amoxicilline et d’acide clavulanique (Clavaseptin®, 25 mg/kg/j, per os, en deux prises quotidiennes) a permis la résolution des pertes d’équilibre et des signes de rhinopharyngite 2 semaines après son arrêt.

Une IRM des bulles tympaniques, effectuée à la fin du traitement, a montré des dommages similaires aux lésions initiales.

Une nouvelle myringotomie est réalisée de chaque côté, permettant d’isoler la bactérie : Vibrio parahæmolyticus, sensible à l’association amoxicilline et acide clavulanique. Ce traitement est mis en place pendant 6 semaines. Le chat présente une récidive 4 mois plus tard et est traité chirurgicalement par bullotomie ventrale bilatérale.

Aucune rechute n’a été observée dans les deux années qui ont suivi.

Synthèse

Ce cas clinique démontre qu’une infection nasopharyngée peut se propager à l’oreille moyenne et interne par le tube auditif (isolement de la même bactérie dans le pharynx et les bulles tympaniques), conduisant à l’apparition de déficits neurologiques. Les syndromes vestibulaires périphériques bilatéraux sont rares et difficiles à diagnostiquer car la présentation clinique est très peu spécifique.

En effet, puisque l’atteinte est bilatérale, l’animal ne présente ni la tête penchée ni le nystagmus caractéristiques des affections vestibulaires unilatérales. En revanche, une démarche hésitante et des mouvements anormaux de la tête, de type balancier, comme dans le cas présent, sont souvent observés. Le drainage des bulles tympaniques (soit lors de la myringotomie sous contrôle oto-endoscopique, soit chirurgicalement) est souvent nécessaire pour éradiquer complètement l’infection.

2. Cas clinique n° 2

Commémoratifs et anamnèse

Un cavalier king Charles spaniel (CKCS) femelle âgée d’un an, sans signe clinique, est référé pour un dépistage IRM de syringomyélie (malformation kystique intramédullaire rencontrée spécifiquement dans cette race) avant sa mise à la reproduction.

À l’occasion de cet examen, des anomalies de la bulle tympanique sont examinées, comme la présence d’un contenu tissulaire dans la bulle tympanique droite (photos 7a et 7b). L’examen externe du tympan de cette oreille est normal. Une myringotomie de l’oreille droite révèle un matériel acellulaire visqueux, opaque et de couleur jaunâtre. Le seuil d’audition (déterminé à l’aide de potentiels évoqués auditifs) est anormal à droite (30 dB) et normal à gauche (0 dB). Ces résultats conduisent au diagnostic d’otite sécrétante primaire. La chienne ne présentant pas de signe clinique au moment du diagnostic, aucun traitement n’a été instauré. Elle a été suivie pendant un an sans que des troubles de l’audition ne soient détectés.

Synthèse

Chez le CKCS, une otite sécrétante primaire est décrite [13]. La bulle tympanique est alors comblée par un matériel mucoïde anormal. Celui-ci résulte peut-être d’une production excessive de mucus et/ou d’un défaut de drainage de la bulle tympanique par le tube auditif. La physiopathologie de cette affection reste inconnue. Les chiens atteints présentent parfois des signes de douleur cervicale et céphalique notamment, ainsi qu’une baisse ou une perte complète de l’audition. Les signes cliniques ne sont pas spécifiques et la recherche d’autres causes (hernie discale, méningite, syringomyélie, otite moyenne bactérienne, etc.) reste indispensable avant d’établir un diagnostic d’otite sécrétante primaire de certitude. Un grand nombre de CKCS sont probablement atteints de cette affection de façon subclinique car seule l’audition peut être affectée, comme dans ce cas.

3. Cas clinique n° 3

Commémoratifs et anamnèse

Une chatte européenne stérilisée âgée de 8 ans est présentée pour un écoulement nasal purulent à gauche, la tête penchée également à gauche et une perte de l’appétit depuis une semaine. La vigilance est diminuée. L’animal présente un coryza depuis un mois.

Examen clinique

En plus de la tête penchée, l’examen neurologique révèle un nystagmus horizontal (phase rapide à droite) et une paralysie faciale gauche, suggérant une atteinte vestibulaire (périphérique ou centrale) à gauche. Le reste de l’examen neurologique et clinique est normal. Les hypothèses diagnostiques sont similaires à celles du cas clinique n° 1.

Examens complémentaires

Un contenu de densité liquidienne à tissulaire dans les deux bulles tympaniques est observé à l’examen tomodensitométrique de l’encéphale (photo 8). Une lésion cérébrale extra-axiale fixant le produit de contraste iodé et située en regard de la bulle tympanique droite est également détectée.

L’examen du tympan à l’otoscope est anormal à gauche. Une myringotomie est réalisée dans chaque oreille, ainsi qu’une ponction du liquide cérébrospinal (LCS). Ce dernier contient 175 cellules nucléées et 20 hématies par millimètre cube(un LCS normal comporte moins de 5 cellules nucléées et moins de 5 hématies par millimètre cube). La majorité des cellules sont identiques à celles qui sont observées dans la bulle tympanique gauche. Il s’agit de grandes cellules d’aspect lymphoïde dont le rapport nucléo-cytoplasmique est élevé, au noyau rond à chromatine décondensée, qui laissent apparaître de multiples et volumineux nucléoles. Leur cytoplasme est hyperbasophile. La bulle tympanique droite contient une forte densité de cellules majoritairement nécrotiques et des granulocytes neutrophiles fortement dégénérés. Ces résultats suggèrent l’évolution d’un lymphome.

Traitement

La chatte a reçu une chimiothérapie à base de lomustine (Lomustine®(1), 60 mg/m2/mois, per os) et de corticostéroïdes (prednisone, Megasolone 5®, 2 mg/kg/j, per os) qui a permis une résolution temporaire des signes cliniques. Elle a été euthanasiée 2 mois après le diagnostic en raison de l’aggravation des déficits nerveux.

Synthèse

Le lymphome représente la tumeur nasale la plus fréquente et la deuxième tumeur cérébrale chez le chat. Les résultats d’une étude récente ont suggéré que le lymphome nasopharyngé peut s’étendre à la boite crânienne par envahissement local via le canal cranio-pharyngé (communication entre la selle turcique et le pharynx), les foramens de la boite crânienne, ou le drainage lymphatique entre le pharynx et l’encéphale, et non selon un processus multicentrique [1]. Un cas de lymphome strictement localisé à la bulle tympanique a aussi été décrit [3]. Dans ce cas, l’origine de la tumeur serait le tissu lymphoïde présent dans l’épithélium de la bulle tympanique [3].

La myringotomie est un geste simple à réaliser en pratique. Cet acte offre la possibilité d’établir un diagnostic étiologique et, par conséquent, oriente le traitement. Les cas cliniques présentés démontrent l’intérêt diagnostique de cette procédure. Pour ces trois animaux, le matériel étant disponible au moment de leur gestion, les examens d’imagerie ont été réalisés et étayent les diagnostics. Cependant, une myringotomie seule, fondée sur l’étude radiographique des bulles tympaniques, par exemple, aurait probablement abouti à des conclusions similaires.

  • (1) Médicament humain

Références

  • 1 – Chang Y, Thompson H, Reed N et coll. Clinical and magnetic resonance imaging features of nasopharyngeal lymphoma in two cats with concurrent intracranial mass. J. Small Anim. Pract. 2006;47(11):678-681.
  • 2 – Cole LK, Kwochka KW, Kwochka JJ et coll. Microbial flora and antimicrobial susceptibility patterns of isolated pathogens from the horizontal ear canal and middle ear in dogs with otitis media. J. Am. Vet. Med. Assoc. 1998;212(4):534-538.
  • 3 – De Lorimier LP, Alexander SD, Fan TM. T-cell lymphoma of the tympanic bulla in a feline leukemia virus-negative cat. Can. Vet. J. 2003;44(12):987-989.
  • 4 – Griffin CE. Otitis techniques to improve practice. Clin. Tech. Small Anim. Pract. 2006;21(3):96-105.
  • 5 – Harvey RG, Harari J, Delauche AJ. Ear diseases of the dog and cat. Manson Publishing, Londres. 2001;272p.
  • 6 – Hettlich BE, Boothe HW, Simpson RB et coll. Effect of tympanic cavity evacuation and flushing on microbial isolates during total ear canal ablation with lateral bulla osteotomy in dogs. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2005;227(5):748-755.
  • 7 – Little CJL, Lane JG. An evaluation of tympanometry, otoscopy and palpation for assessment of the canine tympanic membrane. Vet. Rec. 1989;124(1):5-8.
  • 8 – Little CJL, Lane JG, Pearson GR. Inflammatory ear disease of the dog : the pathology of otitis media. Vet. Rec. 1991;128(13):293-296.
  • 9 – Matsuda H, Tojo M, Fukui K et coll. The aerobic bacterial flora of the middle and external ears in normal dogs. J. Small Anim. Pract. 1984;25:269-274.
  • 10 – Rose WR. Myringotomy. Vet. Med. Small Anim. Clin. 1977;72(10):1646-1650.
  • 11 – Saridomichelakis MN, Farmaki R, Leontide LS et coll. Ætiology of canine otitis externa: a retrospective study of 100 cases. Vet. Dermatol. 2007;18(5):341-347.
  • 12 – Steiss JE, Boosinger TR, Wright JC et coll. Healing of experimentally perforated tympanic membranes demonstrated by electrodiagnostic testing and histopathology. J. Am. Anim. Hosp. Assoc. 1982;28:307-310.
  • 13 – Stern-Bertholtz W, Sjöström L, Håkanson NW. Primary secretory otitis media in the Cavalier King Charles spaniel: a review of 61 cases. J. Small Anim. Pract. 2003;44(6):253-256.

Encadré 1 : Nettoyage de l’oreille externe sous anesthésie générale

• Appliquer un nettoyant auriculaire céruminolytique dans le conduit auditif externe pendant 10 minutes.

• Rincer l’oreille avec du soluté salin tiède à l’aide d’une poire à lavement pour évacuer les débris de grosse taille.

• Rincer ensuite la partie horizontale du conduit auditif à l’aide d’un cathéter urinaire de 8 French et de soluté salin tiède, par inspection directe à l’otoscope à main.

Encadré 2 : Diagnostic différentiel du contenu anormal de la bulle tympanique

• Pus.

• Cérumen.

• Mucus.

• Cholestéatome (hyperplasie épithéliale et kératinisation du tympan à l’intérieur de la bulle tympanique).

• Polype.

• Tumeur (carcinome épithélioïde, adénocarcinome des glandes cérumineuses ou sébacées, lymphome).

POINTS FORTS

• Une myringotomie correspond à une incision de la membrane tympanique lorsque le tympan est intact.

• La ponction se réalise dans la partie caudo-ventrale du tympan, qui cicatrise très vite.

• Lors d’otite externe, le tympan peut se perforer, entraînant la contamination de l’oreille moyenne, puis se refermer.

• Les otites moyennes constituent un important facteur d’entretien des otites externes chroniques.

• La myringotomie permet d’identifier les bactéries responsables de l’infection et de réaliser un antibiogramme.

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