Conduite thérapeutique lors de péritonite septique - Le Point Vétérinaire n° 304 du 01/04/2010
Le Point Vétérinaire n° 304 du 01/04/2010

Médecine interne du chien et du chat

Mise à jour

CONDUITE À TENIR

Auteur(s) : Guillaume Ragetly*, Chantal Ragetly**

Fonctions :
*Département de médecine clinique vétérinaire
Université de l’Illinois
Urbana, Illinois 61802, États-Unis.
gragetly@yahoo.fr
**Département de médecine clinique vétérinaire
Université de l’Illinois
Urbana, Illinois 61802, États-Unis.
gragetly@yahoo.fr

Lorsque le diagnostic de péritonite septique est établi, la prise en charge doit être rapide. La laparotomie est envisagée dès que l’animal est stabilisé.

Lors de péritonite septique, les signes cliniques sont variables selon l’étiologie, la durée et la sévérité de la maladie. Les animaux atteints sont souvent présentés en consultation pour des vomissements, des douleurs abdominales ou parfois des signes plus généraux liés à l’état de choc. Le diagnostic est souvent guidé par le résultat radiographique ou échographique, mais le diagnostic définitif est établi par l’examen cytologique de l’épanchement abdominal. Si des granulocytes neutrophiles dégénérés et des débris organiques ou des bactéries sont identifiés, la mise en place du traitement doit être rapide. Une laparotomie exploratrice est effectuée dès que l’animal est stabilisé.

Étape 1 : traitement médical

1. Fluidothérapie

Bien que l’acte chirurgical soit le traitement définitif, la mise en place d’un accès vasculaire et l’administration de soluté isotonique (lactate de Ringer ou chlorure de sodium 0,9 %) par voie intraveineuse est la priorité une fois le diagnostic de péritonite confirmé.

La dose de choc est de 90 ml/kg pour les chiens et de 50 ml/kg pour les chats. Un quart du volume est injecté rapidement, le reste est donné sous forme de bolus successifs en fonction de l’état clinique de l’animal. Des solutés hypertoniques (chlorure de sodium 7,5 %, 3 à 5 ml/kg) et/ou des colloïdes (hydroxyéthylamidon, 5 à 20 ml/kg) peuvent aussi être administrés, même lors de choc septique et d’endotoxémie.

Une fluidothérapie appropriée peut avoir un effet marqué et rapide.

Une évaluation périodique de la fonction cardiovasculaire (fréquence cardiaque, couleur des muqueuses, pression artérielle, pression veineuse centrale) et de l’oxygénation (pression artérielle en oxygène et saturation en oxygène) permet de suivre la réponse de l’animal et d’ajuster le volume administré.

L’hypoprotéinémie et l’augmentation de la perméabilité vasculaire sont fréquentes chez les animaux atteints de péritonite septique, ce qui peut entraîner une diminution de la pression osmotique.

Les colloïdes permettent de contrecarrer cette baisse de pression. Leur dose de choc est de 10 à 20 ml/kg chez le chien, 5 à 10 ml/kg chez le chat, souvent administrée par bolus de 5 ml/kg.

Si les valeurs des temps et des paramètres d’évaluation de la coagulation sont élevées (temps de Quick ou temps de céphaline activée supérieurs à 1,5 fois la valeur normale, produit de dégradation de la fibrine [PDF] supérieur à 10 à 20 mg/ml) et que la numération plaquettaire est en baisse, une coagulation intravasculaire disséminée (CIVD) est probable. Du plasma peut être administré pour favoriser le retour à la normale des valeurs de coagulation.

2. Antibiothérapie

Le choc métabolique augmente la demande en oxygène, par conséquent, les animaux doivent être supplémentés. En général, l’oxygène est délivré à l’aide d’un masque, ce qui permet de continuer l’évaluation de l’animal et la mise en place du traitement médical. La fonction respiratoire est mesurée à l’aide d’un oxymètre de pouls et par l’analyse des gaz sanguins (prélèvement artériel).

3. Antibiothérapie

L’administration d’antibiotiques est réalisée dès que le diagnostic de péritonite septique est obtenu et qu’un échantillon a été soumis pour une culture et un antibiogramme. Bien que le choix initial soit empirique jusqu’aux résultats de l’antibiogramme, il doit être rationnel. L’antibiotique doit présenter un large spectre car la flore gastro-intestinale est souvent une combinaison de bactéries aérobies et anaérobies. Une association d’ampicilline et d’aminoglycosides ou d’une fluoroquinolone permet une couverture large jusqu’à ce que les résultats de l’antibiogramme soient disponibles.

4. Analgésie

L’abdomen possède un grand nombre de récepteurs sympathiques nociceptifs, l’administration d’opioïdes ou d’autres analgésiques est bénéfique (tableau 1). Les opioïdes peuvent être administrés par voies intraveineuse, intramusculaire et/ou épidurale. Une diffusion continue d’analgésiques est une méthode efficace et permet un ajustement en fonction de la réponse de l’animal. La morphine, la lidocaïne et la kétamine sont souvent combinées chez le chien, le fentanyl et la kétamine chez le chat.

Étape 2 : traitement chirurgical

1. Décision du moment de l’intervention

Lors de péritonite secondaire, une laparotomie adaptée à la cause est effectuée dès que l’animal est stabilisé (rythme cardiaque normal [< 120 à 140 battements par minute chez le chien, 140 à 225 chez le chat], paramètres de perfusion normaux [muqueuses roses avec un temps de remplissage capillaire de 1 à 2 secondes, pouls fort et régulier] et pression artérielle dans les normes [moyenne supérieure à 70 mm de mercure]).

Si l’animal n’est pas stable en dépit d’une réanimation adéquate, il est réévalué pour déterminer la présence éventuelle d’une cause non diagnostiquée ou de facteurs aggravants tels qu’une maladie cardiaque, une hémorragie, une hypoglycémie, une hypokaliémie, une vasodilatation sévère ou une arythmie. Si le volume de fluide administré paraît suffisant et que la pression artérielle est toujours basse, une administration de dopamine en perfusion continue (5 à 15 µg/kg/min) est recommandée.

L’intervention chirurgicale n’est envisagée que lorsque tous les efforts de réanimation ont été entrepris et que la stabilisation est peu probable.

2. Protocole anesthésique

La prémédication est réalisée à l’aide d’un opioïde. Le fentanyl (5 à 10 µg/kg) est souvent utilisé car il présente peu d’effets cardiovasculaires et son action est de courte durée. L’induction se réalise par une injection lente de propofol (2 à 3 mg/kg). L’animal est intubé dès la disparition du réflexe laryngé.

Le relais anesthésique est pris par l’inhalation d’isoflurane ou de sévoflurane, ou à l’aide d’une perfusion continue de fentanyl (5 à 20 µg/kg/h) chez les animaux débilités.

3. Étapes de l’intervention chirurgicale

Les objectifs du traitement chirurgical chez les animaux atteints de péritonite septique généralisée comprennent :

– l’identification et la correction de la cause sous-jacente ;

– un lavage et un drainage adéquat de la cavité péritonéale ;

– la mise en place éventuelle d’un moyen de support nutritionnel postopératoire (sonde d’alimentation) ;

– la mise en place éventuelle d’un moyen de drainage postopératoire.

Le traitement chirurgical de la maladie sous-jacente est centré sur la correction ou l’exérèse de l’organe endommagé (excision d’un lobe hépatique abcédé, résection-anastomose intestinale, etc.).

Après le traitement de la cause de la péritonite, un lavage abdominal est essentiel pour éliminer les débris, les bactéries et les toxines. Une solution isotonique de chlorure de sodium tiède (38 ºC) est utilisée à un volume de 200 ml/kg. Le liquide péritonéal doit être retiré en totalité à la fin du lavage abdominal. La présence de liquide résiduel peut servir de source d’infection et réduire l’opsonisation et le chimiotactisme des granulocytes neutrophiles.

4. Drainage abdominal

Des controverses majeures existent sur la décision de drainage postopératoire. Le drainage péritonéal est promu par certains auteurs [4, 9, 13]. Les méthodes décrites sont le drainage péritonéal ouvert ou l’utilisation de drains transabdominaux (tableau 2). Le choix de la technique utilisée est régi par l’expérience personnelle et la préférence du chirurgien, la nature et la gravité de la péritonite, les moyens financiers des propriétaires, la disponibilité de soins intensifs, l’albuminémie et le tempérament plus ou moins coopératif de l’animal, pour la réalisation de soins postopératoires. La fermeture primitive de la cavité abdominale est une méthode acceptable si la source de contamination a été isolée et corrigée, et la cavité péritonéale abondamment lavée.

Le drainage de l’abdomen est facilité par l’utilisation de drains passifs ou actifs. Le drainage passif utilise la différence de pression entre la cavité péritonéale et le milieu extérieur pour permettre un écoulement par gravité et capillarité. Les drains multitubulaires sont préférés au drain de Penrose.

Un drainage actif est le plus souvent choisi. Il nécessite la création d’un vide externe pour créer une pression négative dans la cavité péritonéale. Les drains actifs sont multifenestrés pour limiter le risque d’occlusion par l’omentum et la fibrine, et présentent une valve à sens unique pour prévenir le reflux de liquide et réduire le risque de contamination iatrogène. Certains auteurs suggèrent aussi un lavage intermittent de l’abdomen lors de l’utilisation de drains. Deux drains sont alors mis en place. L’un est utilisé pour l’instillation de soluté salé, l’autre comme drain d’aspiration. La solution est instillée dans l’abdomen 4 fois par jour (500 ml à 1,5 l) puis réaspirée après 10 minutes.

Lors de drainage péritonéal ouvert, la ligne blanche et la peau sont laissées partiellement ouvertes et sont recouvertes d’un bandage stérile qui est changé 1 ou 2 fois par jour (photos 1 à 5).

L’analyse cytologique de l’épanchement abdominal est un bon outil de surveillance postopératoire. Une seconde laparotomie peut être justifiée si l’inflammation s’aggrave soudainement ou ne se normalise pas après le quatrième jour postopératoire.

Étape 3 : mesures de soutien

Des mesures de soutien peuvent être indiquées pendant la période postopératoire. Si l’animal est en décubitus, il doit être changé de position toutes les 4 à 6 heures et maintenu propre et sec. Être couché dans la même position trop longtemps peut provoquer une atélectasie pulmonaire et des escarres.

Ces animaux sont prédisposés à des ulcères gastro-intestinaux secondaires à une mauvaise perfusion et aux effets des corticostéroïdes endogènes. De nombreux médicaments à visée digestive peuvent être utilisés (tableau 3).

L’hypoprotéinémie est une complication post-opératoire commune lors de péritonite septique. Elle affecte 12,5 à 69 % des animaux [4, 9, 13]. Un soutien nutritionnel précoce par nutrition entérale réduit le risque d’hypoprotéinémie [2]. Ce mode de nutrition soutient également les entérocytes pour le maintien de l’intégrité gastro-intestinale. Le placement chirurgical d’un tube d’œsophagostomie, de gastrostomie, de gastrojéjunostomie ou d’entérostomie permet de démarrer plus précocement une alimentation à haute teneur en protéines [2, 10]. Si l’hypoprotéinémie devient sévère (albumine < 15 g/l, protéines totales < 30 g/l), de l’albumine humaine peut être administrée. Cependant, des études approfondies sont nécessaires, car le taux de complications liées à son usage chez les animaux de compagnie est inconnu [12]. Certains auteurs recommandent l’administration de plasma, mais ses effets sur l’osmolarité sanguine de l’animal sont minimes (22 ml/kg de plasma sont nécessaires pour accroître l’albumine sérique de 5 g/l) [10]. L’administration de plasma est cependant préconisée si l’animal développe un état de CIVD pendant la période postopératoire.

Étape 4 : pronostic

Le pronostic est déterminé par la cause sous-jacente, l’état de santé de l’animal, la réponse au traitement médical, le délai avant l’intervention chirurgicale, l’efficacité du traitement chirurgical et le choix des antibiotiques. Le taux de mortalité varie de 20 à 68 % [1, 3, 4, 7, 9]. Une hyperlactatémie persistant plus de 6 heures, malgré l’administration de fluides, est associée à un taux de mortalité élevé [11]. L’impact de la source de contamination n’a pas pu être statistiquement démontré. Cependant, le pronostic est plus favorable chez l’homme lorsque la cause primaire est un abcès intra-abdominal. Pour les animaux de compagnie, le pronostic est plus sombre lors de péritonite septique biliaire. Dans une étude rétrospective sur les péritonites biliaires, 100 % des animaux dont les cultures sont négatives ont survécu (15/15), contre seulement 27 % des animaux ayant une culture positive (3/11) [8].

La baisse pré-, per- ou postopératoire de la pression artérielle est un indicateur pronostique négatif [1, 9]. La survie est faible si l’animal est atteint de CIVD ou si un antibiotique inefficace a été administré avant l’obtention des résultats de l’antibiogramme [6].

Bien qu’une intervention chirurgicale soit le traitement de choix de la péritonite septique, la stabilisation médicale de l’animal est la première priorité.

Les objectifs de la laparotomie comprennent la correction de la cause sous-jacente, le lavage de la cavité péritonéale et la mise en place éventuelle de moyens de support nutritionnel et de drainage postopératoire. Le pronostic dépend de la cause sous-jacente, de l’état de l’animal et de l’efficacité des traitements médical et chirurgical.

Références

  • 1 – Bentley AM, Otto CM, Shofer FS. Comparison of dogs with septic peritonitis: 1988-1993 versus 1999-2003. J. Vet. Emerg. Crit. Care. 2007;17:391-398.
  • 2 – Cavanaugh RP, Kovak JR, Fischetti AJ et coll. Evaluation of surgically placed gastrojejunostomy feeding tubes in critically ill dogs. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2008;232(3):380-388.
  • 3 – Costello MF, Drobatz KJ, Aronson LR et coll. Underlying cause, pathophysiologic abnormalities, and response to treatment in cats with septic peritonitis: 51 cases (1990-2001). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2004;225(6):897-902.
  • 4 – Greenfield CL, Walshaw R. Open peritoneal drainage for treatment of contaminated peritoneal cavity and septic peritonitis in dogs and cats: 24 cases (1980-1986). J. Am. Vet. Med. Assoc. 1987;191(1):100-105.
  • 5 – Hansen B. Analgesia for the critically ill dog or cat: an update. Vet. Clin. Small Anim. 2008;38(6):1353-1363.
  • 6 – King LG. Postoperative complications and prognostic indicators in dogs and cats with septic peritonitis: 23 cases (1989-1992). J. Am. Vet. Med. Assoc. 1994;204(3):407-414.
  • 7 – Lanz OI, Ellison GW, Bellah JR et coll. Surgical treatment of septic peritonitis without abdominal drainage in 28 dogs. J. Am. Anim. Hosp. Assoc. 2001;37(1):87-92.
  • 8 – Ludwig LL, McLoughlin MA, Graves TK et coll. Surgical treatment of bile peritonitis in 24 dogs and 2 cats: a retrospective study (1987-1994). Vet. Surg. 1997;26(2):90-98.
  • 9 – Mueller MG, Ludwig LL, Barton LJ. Use of closed-suction drains to treat generalized peritonitis in dogs and cats: 40 cases (1997-1999). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2001;219(6):789-794.
  • 10 – Seim HB. Management of peritonitis. In: ed. Bonagura JD. Kirk’s Current veterinary therapy: small animal practice. XIIth ed. Saunders, Philadelphia. 1998:764-770.
  • 11 – Stevenson CK, Kidney BA, Duke T et coll. Serial lactate concentrations in systemically ill dogs. Vet. Clin. Pathol. 2007;36(3):234-239.
  • 12 – Trow AV, Rozanski EA, Delaforcade AM et coll. Evaluation of use of human albumin in critically ill dogs: 73 cases (2003-2006). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2008;233(4):607-612.
  • 13 – Woolfson JM, Dulish ML. Open abdominal drainage in the treatment of generalized peritonitis in 25 dogs and cats. Vet. Surg. 1986;15:27-32.
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