Équilibre nutritionnel et mammite chez la vache laitière - Le Point Vétérinaire n° 302 du 01/01/2010
Le Point Vétérinaire n° 302 du 01/01/2010

Nutrition et reproduction des bovins

Mise à jour

LE POINT SUR…

Auteur(s) : Dominique Rémy*, Andrew Ponter**

Fonctions :
*Reproduction animale
**Zootechnie
ENV d’Alfort
7, avenue du Général-de-Gaulle
94700 Maisons-Alfort Cedex

Le rôle des oligo-éléments et des vitamines pour la santé de la mamelle est mieux connu. Avant de préconiser des complémentations, le praticien doit analyser la ration et vérifier les apports déjà réalisés.

Chez les races laitières bovines, les mammites constituent un des principaux troubles de la santé. Si les agents biologiques représentent le facteur causal, les mammites n’apparaissent dans un élevage que si des facteurs de risque sont présents. Ils se divisent en trois catégories, liées :

– aux sources de ces agents biologiques ;

– à leur mode de transmission d’une vache infectée à une autre saine et à l’environnement de la mamelle ;

– aux défenses de l’animal, divisées en défenses hautes (non immunitaires, immunitaires spécifiques et non spécifiques) et basses dont les supports sont les différentes structures du canal du trayon.

Lorsque l’intégrité de la peau du trayon est respectée, le premier obstacle pour les micro-organismes responsables des mammites est le canal du trayon, d’où l’importance de son étanchéité et de l’efficacité de ses défenses. La qualité de l’épithélium et de la kératine est indispensable à l’efficacité de l’étanchéité du trayon. Lorsque certains d’entre eux pénètrent dans la citerne du trayon et migrent vers les acini, un second système de défense se met en place, qui est dominé par les leucocytes du lait. Ces deux défenses sont en première ligne lors des agressions de la mamelle.

Les défenses du quartier sécrètent lors de la phase aiguë de l’inflammation un grand nombre de substances appelées cytokines ou interleukines permettant le recrutement des polynucléaires neutrophiles (PNN), puis des lymphocytes, la phagocytose des bactéries et leur destruction. Ces deux dernières phases entraînent la production de substances oxydantes toxiques pour les bactéries, mais aussi pour les cellules de la lignée blanche et du tissu mammaire. Les substances oxydantes sont contrées par de nombreuses substances anti-oxydantes, dont les vitamines et les oligo-éléments. L’excès de production des premières, associées ou non à l’insuffisance de la présence des secondes, se traduit par un stress oxydatif.

L’alimentation en général, l’équilibre énergétique et protéique, les apports minéraux et ceux en vitamines et oligo-éléments participent à la qualité de ces défenses au même titre que la gestion de la santé de la mamelle au cours de la traite, dans le bâtiment ou à l’aide des traitements en lactation et au tarissement.

Incidence des apports énergétiques et protéiques

Les infections mammaires surviennent à tout moment au cours de la lactation, mais la période autour du vêlage est critique. Environ 50 % des mammites cliniques ont lieu entre la dernière semaine de gestation et des deux premiers mois de lactation [72]. Les erreurs alimentaires fréquentes pendant cette période du péripartum aggravent les déséquilibres provoqués par l’augmentation brutale de la production lactée, même si l’immunodépression à cette période est aussi liée aux modifications hormonales [50].

1. Apports protéiques et mammites

Une fréquente élévation de l’urémie dans les profils sanguins est observée dans les troupeaux français à forte incidence de mammites cliniques [4]. L’excès azoté, surtout sous forme d’azote soluble, est notamment souvent considéré comme un facteur susceptible de favoriser les mammites cliniques [43]. Cette relation positive n’est pas retrouvée lors des mammites subcliniques qui sont associées à des taux d’urée du lait plus faibles [40]. Enfin, l’apport de protéines en fin de gestation (apport élevé de ray-grass anglais) améliore la santé de la mamelle en début de lactation. Cet état nutritionnel est sans doute favorable à la défense de la mamelle, bien qu’il soit difficile d’indiquer quel mécanisme de protection serait en jeu.

Si un excès d’azote soluble dans la ration favorise les mammites cliniques, c’est plus le manque de protéines avant ou après le vêlage qui altère la santé de la mamelle, alors qu’un apport correct et de qualité a un effet bénéfique. Ces données déjà anciennes sont confirmées par des études récentes sur l’apport de luzerne ou de méthionine protégée [48, 56].

2. Apports énergétiques, maladies métaboliques et mammite

Les études anciennes citées par Bailleux-Baudry montraient un effet négatif de l’excès de concentré en fin de gestation sur le nombre de mammites cliniques et sur l’élévation des concentrations cellulaires individuelles (CCI) après le vêlage, surtout chez les primipares [4]. Elles insistaient aussi sur son rôle dans les œdèmes mammaires. Les études plus récentes, datant d’une vingtaine d’années, montrent que le déficit énergétique est associé à une dépression de tout le système immunitaire, ce qui prédispose les vaches aux maladies cliniques ou subcliniques pendant les premières semaines après le vêlage avec une atteinte de la fonction des lymphocytes T (LT) et B (LB) [47].

Les conséquences du déficit énergétique autour du vêlage chez la vache sont à présent connues. Il se traduit par une lipomobilisation avec une augmentation des acides gras non estérifiés (AGNE) et par l’incapacité du foie à exporter les triglycérides synthétisés à partir des AGNE. Lacetera montre une relation entre un taux d’AGNE supérieur à 0,5 mmol/l et l’immunodépression [38]. Cet effet est confirmé par Perkins, mais il pense qu’autour du vêlage ce sont l’augmentation importante de la cortisolémie et une progestéronémie diminuée relayée par un taux d’œstrogènes élevé, et non le déficit énergétique qui ont un effet immunodépresseur [50]. Suriyasathaporn précise que l’effet du déficit énergétique, sur l’immunodépression s’exprime lorsque l’influence hormonale a disparu [63]. Berry montre cependant au travers d’études de terrain que la santé des mamelles des vaches hautes productrices subissant une lipomobilisation importante en début de lactation n’est pas affectée [11].

Au bilan, il semble qu’une lipomobilisation restant dans des normes habituelles n’affecte pas la santé mammaire des vaches. Seul un déficit, aggravé par des erreurs alimentaires pendant la période sèche et le début de lactation, provoquant certaines maladies métaboliques semble avoir une incidence sur les mammites cliniques et l’élévation anormale des comptages cellulaires somatiques individuels (CCSI). Le foie est la cible principale de ces erreurs, mais le vétérinaire ne doit pas ignorer l’effet néfaste de certains parasites ( photos 1 et 2 ).

Santé de la mamelle et maladies métaboliques

1. Cétose et mammite

Ces erreurs (manque d’appétit, insuffisance d’apport, démarrage brutal de la production laitière) aboutissent directement et indirectement à des cétoses subcliniques, pouvant évoluer vers des formes cliniques graves.

Le lien entre les cétoses et les mammites cliniques ou subcliniques est connu depuis longtemps [34, 46]. Meissonier, citant plusieurs études, évoquait la relation entre les maladies métaboliques du péripartum et l’augmentation du taux de mammites cliniques : une hausse de 40 % du taux de triglycérides hépatiques se traduit par une incidence 7 fois plus élevée des mammites cliniques [11]. Janosi, Suriyasathaporn ainsi que Krémer ont montré qu’un niveau élevé de β-hydroxybutyrate (BOH ≥ 1 mmol/l de sang) prédispose une vache à développer une mammite à entérobactéries dans les 4 semaines qui suivent la cétose [35, 36, 63]. Cette prédisposition n’existe pas pour les bactéries de traite comme S. aureus dont l’évolution de l’infection est moins rapide. De plus, l’effet immunodépresseur des corps cétoniques a été démontré expérimentalement et se traduit par une diminution du chimiotactisme des PNN et son impact sur la gravité des mammites [16]. Il semblerait aussi que les corps cétoniques empêchent la fixation des substances inflammatoires sur la paroi des leucocytes, rendant leur chimiotactisme et leur activité moins efficaces [63]. Les troupeaux sous-alimentés, donc prédisposés aux cétoses subcliniques, ont un niveau de taux de lymphocytes B et T plus faible que les troupeaux avec une alimentation correcte [45].

2. Vaches grasses et mammite

La stéatose hépatique responsable du syndrome de la vache grasse est le résultat d’un déséquilibre provoqué par la synthèse importante de triglycérides par le foie à partir des AGNE circulants et son incapacité à les exporter dans les “very low density lipoprotein” (VLDL) ( photo 3 ). Elle est associée à une lipomobilisation anormale qui commence avant le vêlage.

Des études menées dans plusieurs exploitations laitières ont montré qu’une lipomobilisation importante avant le vêlage se traduit par une augmentation des mammites cliniques et des infections mammaires [9, 15 , 20]. Les LB et les LT des vaches grasses sont moins fonctionnels et ces derniers produisent moins d’IgM et d’IFN-γ lorsqu’ils sont stimulés. Leur concentration est plus faible que chez les vaches normales [38]. À cet effet immunodépresseur de la lipomobilisation vient s’ajouter une dégradation de la fonction de synthèse du foie.

Bernabucci a aussi montré l’étroite relation entre une grande sensibilité au stress oxydatif et l’engraissement excessif chez les vaches pendant le péripartum [9]. Les mitochondries des hépatocytes stéatosés génèrent la production en excès de radicaux oxydants qui entraînent une nécrose hépatique. Cette nécrose aggrave le stress oxydatif car le foie synthétise l’albumine et le glutathion, constituants de nombreux antioxydants.

3. Acidose

Une enquête américaine montre que 18 % des vaches en début de lactation et 23 % de celles en milieu de lactation sont atteintes d’acidose chronique [46]. S’appuyant sur des enquêtes de terrain et des études expérimentales, Meissonier montre la relation entre le manque de fibres dans la ration pendant le péripartum et l’augmentation de l’incidence des mammites cliniques en début de lactation [43]. Peu d’études spécifiques ont été réalisées sur les mécanismes expliquant cette relation, mais Enemark montre le lien très fort qui existe entre l’acidose chronique et l’immunodépression [22]. L’acidose se traduit par une augmentation de la cortisolémie, une diminution du chimiotactisme des PNN associée à une baisse de leurs capacités phagocytaire et bactéricide.

Des liens indirects ont aussi été évoqués. Ametaj a montré que l’endotoxine des souches d’E. coli qui se développent dans le rumen lors de consommation importante de concentrés (le taux d’endotoxine est multiplié par 20) passe dans le sang et est éliminée dans le foie [3]. Elle provoque une réaction des macrophages hépatiques (cellules de Küpffer) qui entraîne une aggravation de la stéatose hépatique sans que les mécanismes soient exactement connus. Enfin, l’acidose chronique peut détériorer rapidement l’état de la litière en provoquant un ramollissement des bouses ( photo 4 ). Cette humidification est favorable à la multiplication rapide des entérobactéries responsables de mammites cliniques aiguës [52].

4. Mammite et œdème mammaire

L’origine de l’œdème mammaire est encore mal connue même si de nombreux facteurs de risque y sont associés : citons les déséquilibres hormonaux autour du vêlage, un excès d’énergie et l’apport excessif de sodium ou de potassium pendant la période sèche [1, 41]. L’enquête de Compton confirme qu’une stéatose hépatique excessive avant le vêlage, associée ou non à une cétose subclinique, favorise l’apparition d’un œdème mammaire [16].

En revanche, un apport d’anions et d’antioxydants avant le vêlage diminue le risque [30]. Un essai effectué à l’université du Tennessee cité par le même auteur démontre que les génisses qui ont reçu un apport de zinc chelaté ont présenté moins d’œdème au vêlage que celles qui ont bénéficié d’un apport d’oligo-éléments inorganiques.

L’œdème mammaire est une cause aggravante des mammites cliniques en début de lactation ( photos 5 et 6 ). Il augmente 3,5 fois le risque d’une mammite aiguë et 4,3 fois celui de mammite chronique [41, 66].

Trois causes expliqueraient l’augmentation du risque de mammite lié à l’œdème :

– une perte d’étanchéité du canal du trayon ;

– la difficulté de la mulsion qui favorise la séquestration et la multiplication des bactéries ;

– lorsque cet œdème se renouvelle pendant plusieurs lactations, il provoque le décrochage de la mamelle, ce qui rapproche les trayons du sol et augmente le risque de traumatismes du canal du trayon [17].

5. Mammite et fièvre vitulaire

D’après Mulligan, la fréquence de l’hypocalcémie lors du péripartum sans signe clinique, tous âges confondus, est de 33 %, avec un taux de fièvre de lait de 5 % [46]. Celle-ci augmente le risque de mammites au travers de plusieurs changements métaboliques.

Les vaches atteintes de fièvre vitulaire présentent une élévation des concentrations de cortisol et une diminution de celles d’insuline au vêlage, deux phénomènes qui altèrent la fonction immunitaire. L’hypocalcémie diminue l’étanchéité du canal du trayon en limitant les contractions des muscles lisses du sphincter.

Les vaches restent couchées après le vêlage, ce qui augmente le contact avec les bactéries de l’environnement [30].

Enfin, l’effet de l’hypocalcémie sur l’immunité a été démontré. Lors de fièvre vitulaire, elle déprime le calcium intracellulaire des cellules mononucléés et participe à l’immunodépression lors du péripartum ( photo 7 ) [32].

Malgré cela, les premières études n’établissaient pas de lien statistique entre la fièvre vitulaire et les mammites, mais un essai épidémiologique récent montre que les vaches atteintes de fièvre vitulaire présentent un taux de mammites cliniques en début de lactation une fois et demie supérieur à celui des vaches non atteintes [16, 46]. Ce risque s’est révélé encore plus important (multiplié par 8) selon Berry [11].

Bilan des deux premières parties

Les déséquilibres énergétiques ou protéiques qui surviennent lors de la période de transition ou en début de lactation sont peut-être responsables d’une augmentation de l’incidence et de la gravité des mammites cliniques, ainsi que de l’apparition de nouvelles infections mammaires en début de lactation. Certains paramètres permettent d’évaluer le niveau énergétique et protéique de la ration ( tableau 1 ). Les maladies métaboliques expliquent au travers de la baisse de l’immunité et l’apparition de la majorité des infections mammaires et de leur expression clinique. La place de l’hypocalcémie et de l’œdème mammaire est aussi bien connue dans l’étanchéité du canal du trayon, mais d’autres mécanismes peuvent être envisagés. Les antioxydants participent largement au bon fonctionnement des cellules de la lignée blanche. Les différents nutriments étudiés au cours de la troisième partie sont soit des antioxydants, soit des cofacteurs de ces antioxydants.

Rôle des antioxydants

Les PNN et dans une moindre mesure les macrophages du lait produisent de grandes quantités de métabolites réactifs de l’oxygène lorsqu’ils luttent contre les agents pathogènes. La production de ces métabolites par les PNN est essentielle à la destruction des bactéries. Cependant, si les concentrations deviennent excessives au site d’infection, les PNN et les autres cellules immunitaires sont détruits. Les antioxydants sont importants pour la maîtrise de ces métabolites (encadré). Plusieurs oligo-éléments cofacteurs d’enzymes et certaines vitamines (vitamine A ou son précurseur le β-carotène, vitamine E) sont des constituants du système antioxydant ( tableau 2 ). Le système comporte des antioxydants hydrosolubles (dans le cytosol des cellules) et des antioxydants liposolubles (dans les membranes cellulaires). Les deux catégories sont nécessaires parce que les radicaux libres se retrouvent dans les deux parties des cellules et qu’un radical libre situé dans la membrane cellulaire ne peut être neutralisé par un antioxydant qui se trouve dans le cytosol. Les voies connues des antioxydants laissent à penser que les besoins en éléments nutritifs antioxydants sont interdépendants. Une carence d’un antioxydant peut accroître le besoin d’un autre élément nutritif. Cependant, la carence d’un anti-oxydant donné ne peut être entièrement corrigée par l’apport d’un autre.

1. Mammite, vitamine A et β-carotène

La vitamine A, encore appelée rétinol, est liposoluble et très importante pour l’organisme. Déjà en 1925, des travaux avaient montré l’effet d’une carence en vitamine A sur la santé de la mamelle. Le β-carotène est une provitamine A (1 mg permet la synthèse de 400 UI de vitamine A), mais il est indispensable en l’état car il a un effet direct sur l’immunité. Chew montre que des vaches recevant 300 mg/j de β-carotène associés aux besoins recommandés en vitamine A ont des CCSI inférieurs à celles qui reçoivent uniquement l’apport recommandé de vitamine A [14]. Cependant, des apports supérieurs aux précédents, pendant la période sèche ou en début de lactation, n’améliorent pas la santé de la mamelle ni ne diminuent l’incidence des mammites cliniques [71]. Enfin, les vaches ayant un taux sanguin en vitamine A et en β-carotène élevé en début de lactation ont des mamelles plus saines que les vaches carencées [15].

Tous les auteurs s’accordent sur l’effet bénéfique de l’apport de β-carotène [13, 19, 71]. Son effet serait plus élevé lorsque les taux plasmatiques de vitamine A sont faibles [44]. Le β-carotène augmente le pouvoir bactéricide des phagocytes sanguins et du lait [14]. Il stimule la phagocytose et accélère la destruction de S. aureus au début de la période sèche. Weiss constate que l’apport de 300 à 600 mg/j de β-carotène améliore la prolifération lymphocytaire au cours du péripartum [71].

Est-ce que l’apport de vitamine A seule ou associée au β-carotène protège la mamelle ? Tous les auteurs s’accordent pour dire que des apports supérieurs à ceux habituellement préconisés en vitamine A (7 x 104 UI/j) avec ou sans β-carotène n’améliorent pas la santé de la mamelle et n’empêchent pas l’apparition de nouvelles infections mammaires [26]. Pourtant une augmentation du taux de rétinol avant le vêlage diminue l’incidence des mammites cliniques [27]. Le rôle protecteur de la vitamine A s’expliquerait par son implication dans l’intégrité et la santé des épithéliums, que ce soit celui du canal du trayon ou celui des alvéoles.

Cependant, des données récentes suggèrent que les apports préconisés en vitamine A et en β-carotène deviennent insuffisants pendant les 4 semaines avant le vêlage car la concentration sanguine de vitamine A et de β-carotène diminue fortement (69 et 87 % respectivement) même chez des vaches recevant du foin de bonne qualité ( photo 8 ) [27, 30]. En dessous de 3 mg/l, le β-carotène n’agit plus efficacement sur la santé de la mamelle. Weiss conseille une augmentation de 50 % d’apport de ces deux éléments avant le vêlage [71]. Mais si cet apport peut être bénéfique pour la vitamine A, le coût d’une cure de β-carotène reste élevé et il est peu probable qu’une seule cure se révèle rentable. Lors de certaines situations (foin de mauvaise qualité), un apport ciblé au moment du vêlage pourrait se révéler intéressant d’un point de vue économique, mais il nécessite un bilan sanguin préalable.

2. Mammite et vitamine C

La vitamine C, ou acide ascorbique, est probablement l’antioxydant le plus important chez les mammifères. Elle est synthétisée par le foie et détruite dans le rumen. Sa carence est associée à la gravité des mammites et à leur fréquence, car les vaches atteintes ont des taux sanguins plus faibles en vitamine C [72]. Weiss signale que la vitamine C apportée juste après l’injection intramammaire d’endotoxine ne diminue pas les signes cliniques liés directement au quartier. Il conclut qu’une cure avant le vêlage n’a pas d’effet sur la production laitière, sur les signes cliniques ni sur le chimiotactisme des polynucléaires neutrophiles [73].

3. Mammite, sélénium et vitamine E

La vitamine E et le sélénium (Se) sont deux éléments présents dans l’herbe avec des variabilités régionales pour le Se. La plupart des fourrages sont pauvres en Se. Leur rôle sur l’inflammation et l’immunité est désormais connu. Leur apport est souvent systématique et pas toujours suivi de résultats.

Erksine pensait qu’un apport en vitamine E est toujours efficace quel que soit le statut sanguin des vaches, même si cet effet bénéfique dépend de l’agent responsable (positif avec E. coli., indifférent avec S. aureus) [25]. Leblanc précise que cet apport n’est bénéfique que si le niveau plasmatique est inférieur aux normes, sinon un apport supplémentaire aux besoins recommandés semble sans intérêt [39].

Les nouvelles études montrent que les apports en vitamine E sont soit favorables à une diminution de l’incidence des mammites, soit sans effet, même avec des doses élevées. Deux explications peuvent être proposées [2, 12, 51, 60] :

– la durée de pâture chez les vaches semble être une explication à la divergence des résultats observés dans les publications européennes et anglo-saxonnes. Les vaches européennes sont soumises à des stress oxydatifs moins importants que les vaches américaines, les vaches européennes étant plus longtemps en pâture ;

– dans certaines études, les apports en sélénium sont insuffisants, ce qui permet d’augmenter l’effet de la vitamine E [7, 71].

L’apport de 3 x 103 UI/vache/j de vitamine E lorsque les troupeaux sont carencés (ration à base de foin ou d’ensilage et de concentrés) constitue un consensus [73]. Un apport plus important (4 x 103 UI/j de vitamine E) 2 semaines avant et juste après le vêlage prévient la baisse de concentration correspondant à la fuite de vitamine vers les tissus fœtaux, et limite les mammites cliniques ainsi que l’augmentation des CCSI [72].

Les mêmes remarques peuvent être apportées sur le Se : un apport de 0,1 à 0,5 mg/kg MS/j semble nécessaire. Il peut être renouvelé après le vêlage. Il est plus efficace lorsque les vaches sont grasses, qu’il s’agisse de primipares ou d’animaux taris avec une ration à base de maïs et de foin.

4. Mammite et zinc

Le zinc (Zn) est un composant essentiel de plus de 200 systèmes enzymatiques dont les effets incluent le métabolisme des hydrates de carbone et de l’énergie, la synthèse des protéines, le métabolisme des acides nucléiques, l’intégrité des tissus épithéliaux, la restauration et la division cellulaires et le transport et l’utilisation des vitamines A et E. Les carences en zinc surviennent fréquemment, mais elles sont généralement marginales. Comme pour le Se, une diminution du taux de zinc plasmatique est observée autour du vêlage, mais le retour à des valeurs normales s’effectue rapidement. Le zinc a un effet protecteur sur la mamelle au travers de son rôle d’antioxydant comme cofacteur de la Cu-Zn superoxyde dismutase (SOD). Sa carence peut aussi affecter l’immunité au travers de son rôle dans la multiplication et la prolifération cellulaires. Lorsque la carence est faible, le zinc n’agit pas sur l’immunité à médiation humorale ou cellulaire [62].

Un autre mode d’action du zinc dans la réduction des CCSI est lié à son rôle dans la formation de la kératine, une barrière physique qui empêche les bactéries de remonter dans la glande mammaire et qui possède des propriétés bactéricides. Environ 40 % de la paroi de kératine des canaux des trayons des vaches laitières holstein sont perdus pendant la traite, ce qui nécessite un renouvellement permanent [17].

Weiss a résumé les résultats de 12 expériences et signale une réduction des CCI dans les groupes recevant du zinc (soit 200 mg sous forme de méthionine, soit 380 mg sous forme d’oxyde) [72]. Il évoque aussi des recherches démontrant que la supplémentation avec des chélates d’acides aminés et de zinc pendant la période sèche et la lactation permet de réduire de 41 % la CCI.

Enfin, l’étude rétrospective menée par Enjalbert a montré une forte relation entre le statut de cet oligo-élément et la santé de la mamelle [23]. Il considère qu’un troupeau est déficient lorsque la concentration plasmatique moyenne est inférieure à 10 µg/l.

5. Mammite et cuivre

Le cuivre (Cu) agit comme cofacteur sur un grand nombre d’enzymes et en particulier comme anti-oxydant au travers de la Cu-Zn SOD. Le statut en cuivre affecte le pouvoir bactéricide, mais pas la phagocytose des PNN et n’agit pas sur la population lymphocytaire. Il participe, comme le zinc, à la synthèse de kératine [17].

Scaletti a démontré expérimentalement qu’une ration contenant un apport de 20 ppm de cuivre comparativement à un régime contenant 7 ppm réduit la gravité, mais pas la durée d’une mammite résultant d’une infection expérimentale par E. coli [58]. Elle améliore le score clinique et l’hyperthermie. Cet apport diminue les CCI, mais pas le nombre de quartiers infectés dans le lot supplémenté. Même si du cuivre se trouve dans tous les aliments, une absence de supplémentation se traduit par une carence et des réserves hépatiques insuffisantes [58]. Un apport de 20 ppm de cuivre pendant 60 jours avant le vêlage est suffisant pour restaurer ces réserves hépatiques [53]. Pour Rollin, cet apport de 20 ppm semble mieux adapté chez les vaches hautes productrices que les 10 ppm proposés habituellement [57]. En France, la carence en cuivre est surtout primaire, plutôt que secondaire à un excès de molybdène [23].

6. Manganèse, chrome, iode et mammite

Le manganèse joue également un rôle important d’antioxydant et augmente le pouvoir bactéricide des macrophages du lait [17].

En ce qui concerne le chrome (Cr), son apport augmente la blastogenèse des lymphocytes, ainsi que la réponse humorale et cellulaire des lymphocytes activés. En revanche, même si les études sont limitées, un apport de Cr chélaté avant le part et dans les 2 semaines qui suivent n’améliore pas la santé de la mamelle [72].

La carence en iode entraîne une dépression du système immunitaire cellulaire et humoral. L’effet bactéricide de l’iode en synergie avec certaines enzymes a été démontré au travers de l’enzyme myéloperoxydase, qui utilise l’ion iodure pour substrat. La carence en iode est également accompagnée d’une diminution de la synthèse d’anticorps par les lymphocytes [57]. Cette découverte suggère un effet bénéfique de l’iode sur l’immunité locale de la mamelle, mais n’a jamais été confirmée sur le terrain.

7. Bilan de la troisième partie

Le fait qu’un élément nutritif agisse directement avec le système antioxydant ne signifie pas qu’un apport supplémentaire de cet élément au régime alimentaire va améliorer la santé des vaches. Ce sont les quantités adéquates des différents éléments qui optimisent leur santé. Un apport lors d’un manque peut améliorer la santé, mais un apport excessif ne l’améliore pas et peut même augmenter le stress oxydatif, réduire la fonction immunitaire et accroître les problèmes de santé [69].

Pour des raisons non complètement élucidées, les taux plasmatiques de la plupart de ces éléments diminuent beaucoup au moment du vêlage. Cette baisse participe à celle de l’immunité. Autrefois, l’origine de ces taux faibles était considérée comme hormonale. Désormais, l’hypothèse avancée est qu’une grande partie des antioxydants sanguins est utilisée lors de la synthèse de colostrum ou est orientée vers le fœtus, avec, en plus, pendant cette période, une ingestion diminuée [72].

Les recommandations actuelles semblent adéquates pour le cuivre, le zinc et la vitamine A. Les vaches en période de péripartum peuvent bénéficier d’un apport de vitamine E et en Se. Les quantités préconisées dans la ration pour améliorer la santé de la mamelle sont normalement couvertes par les besoins préconisés habituellement par l’Inra ( tableau 3 ).

La cétose, ainsi que la stéatose hépatique et l’acidose subaiguë agissent sur l’expression des mammites et les défenses de la mamelle. Le rôle de l’hypocalcémie dans l’incidence des mammites graves a été confirmé et est surtout mieux compris. Les cibles des défenses hautes et basses de la mamelle ont été identifiées ( figure ). Cela laisse penser que le rationnement et les règles qui ont été mises en place au cours de la période critique du péripartum trouvent leur place pour améliorer la santé de la mamelle et limiter la gravité et l’incidence des mammites cliniques. Même si le rôle des oligo-éléments et des différentes vitamines est mieux connu, il convient avant de préconiser des cures, d’analyser au préalable la ration, de vérifier les apports déjà réalisés et, s’il existe un doute, de vérifier le statut sanguin.

Encadré : Polynucléaires neutrophiles et “flambée oxydative”

Le pouvoir bactéricide des polynucléaires neutrophiles (PNN) est le résultat d’une série de réactions chimiques survenant dans ces cellules, appelée “flambée oxydative”, qui produit des métabolites réactifs de l’oxygène et qui est limitée par les antioxydants. Les cellules immunitaires sont très sensibles à la flambée oxydative, car leur membrane contient de grandes quantités d’acides gras polyinsaturés très sensibles à la peroxydation [62]. De plus, elles produisent de grandes quantités de radicaux oxygénés, car, lors d’une agression bactérienne, la phagocytose provoque une consommation d’oxygène 10 fois supérieure à celle des autres cellules [27].

Tous les leucocytes et les phagocytes activés, en particulier, ont besoin de grandes quantités d’antioxydants pour devenir efficaces. Leur capacité à améliorer la fonction leucocytaire peut expliquer en partie l’effet bénéfique de l’apport de certains éléments nutritifs sur la résistance des mamelles aux infections [27].

Deux systèmes antioxydants sont bien connus : la superoxyde dismutase (SOD), enzyme cuivre et zinc dépendante et la glutathion peroxydase (GPsx), enzyme sélénodépendante. La SOD est considérée comme la première défense contre les oxydants et permet la transformation des superoxydes en H2O2, alors que la glutathion peroxydase (GHSpx) convertit H2O2 en des formes réduites moins toxiques.

La vitamine C, la vitamine E et le β-carotène permettent la transformation de -OH en métabolites non actifs, ce qui évite la peroxydation des membranes et d’autres composants.

POINTS FORTS

• Seule une lipomobilisation excessive favorise les mammites.

• Les maladies métaboliques sont les principaux perturbateurs des défenses de la mamelle.

• Le stress oxydatif, au travers des carences en vitamines et en oligo-éléments, joue un rôle important dans les perturbations de l’immunité de la mamelle et la genèse des lésions.

• Avant de préconiser des cures systématiques d’oligo-éléments ou de vitamines, il est préférable d’analyser la ration, de vérifier les apports déjà réalisés et, si un doute existe, de vérifier le statut sanguin.

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à notre Newsletter

Découvrez en avant-première chaque mois le sommaire du Point Vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné au Point Vétérinaire, retrouvez votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr