Le masitinib : un anticancéreux contre les mastocytomes de grades II et III - Le Point Vétérinaire n° 297 du 01/07/2009
Le Point Vétérinaire n° 297 du 01/07/2009

Cancérologie canine

Infos

FOCUS

Auteur(s) : Eric Vandaële

Fonctions : 4, Square de Tourville
44470 Carquefou

Cet inhibiteur de la tyrosine kinase s’administre sur le long terme chez le chien, en complément le cas échéant de la chimiothérapie, de la radiothérapie ou de la chirurgie.

Le masitinib (Masivet®) est une première à plus d’un titre. Le masitinib est le premier anticancéreux de l’histoire de la médecine vétérinaire à être autorisé chez le chien. Si les vétérinaires peuvent se réjouir de voir enfin arriver un médicament anticancéreux avec une telle autorisation de mise sur le marché (AMM), c’est aussi pour regretter que d’autres n’aient pas été autorisés précédemment. D’autres molécules anticancéreuses seront autorisées dans les mois ou les années à venir. Pfizer vient d’obtenir l’approbation de l’Agence européenne du médicament pour un autre anticancéreux contre les mastocytomes cutanés des chiens : le tocéranib (Palladia®). C’est aussi la première fois qu’un médicament destiné à l’homme est d’abord commercialisé en médecine vétérinaire. Il est encore en développement clinique chez l’homme, avec une AMM espérée pour 2012. C’est le choix du laboratoire AB Science, qui l’a développé, que de s’intéresser d’abord au modèle du mastocytome cutané canin pour le traitement de la mastocytose chez l’homme. Pour une fois, c’est donc le chien qui inaugure les futures molécules révolutionnaires réservées aux hôpitaux.

Un inhibiteur de la tyrosine kinase à un coût exceptionnel

C’est encore la première fois qu’un anticancéreux de ce type, un inhibiteur de la tyrosine kinase, est destiné, chez le chien, à une thérapie ciblée qui s’administre sur le très long terme, voire à vie, pour “contrôler” la tumeur et son évolution. Il ne s’agit donc pas d’une chimiothérapie avec des cytotoxiques : des armes de destruction cellulaire massive avec des effets secondaires “collatéraux” et des durées de traitement nécessairement limitées par cette toxicité. C’est, enfin, la première fois qu’un médicament destiné aux chiens est présenté à un coût aussi élevé. La boîte de 30 comprimés (non sécables) de 150 mg destinés au traitement d’un mois pour un chien de 12 kg (à 12,5 mg/kg/j en prise unique) est présentée à 103,50 € HT (soit environ 124 € TTC en prix d’achat par le vétérinaire). La boîte de 30 comprimés (non sécables) de 50 mg permet d’ajuster cette posologie de 12,5 mg/kg/j par tranche de 4 kg et revient à 34,50 € HT (41 € TTC). Compte tenu de ces prix, AB Science n’a pas souhaité faire référencer ces médicaments en centrales. Les vétérinaires peuvent les commander directement sur le site www.masivet.com. Pour le vétérinaire, le coût de traitement pour un chien de 12 kg revient donc, en prix d’achat toutes taxes comprises (sans y ajouter aucune marge), à plus de 4 € par jour ou 1 500 € par an. Chez l’homme, le coût du traitement par un inhibiteur de la tyrosine kinase avoisine les 100 à 200 €par jour.

Une thérapie ciblée et non une chimiothérapie “toxique”

Le masitinib est un inhibiteur de la tyrosine kinase (c-kit), une nouvelle classe d’anticancéreux dont le premier représentant (l’imatinib) n’est autorisé que depuis 2001 en médecine humaine. Ces molécules inhibent spécifiquement et sélectivement cette enzyme c-kit de prolifération cellulaire. Elles reprogramment les cellules visées, en l’occurrence les mastocytes chez le chien, et induisent leur apoptose comme pour toute cellule non cancéreuse. Avec cette nouvelle approche de thérapie ciblée, ces molécules non cytotoxiques, mieux tolérées sur le long terme (elles sont d’ailleurs destinées à être administrées sans interruption tant que la réponse clinique est satisfaisante), sont faciles d’emploi. Ce n’est donc pas un médicament classique de chimiothérapie, mais un médicament de stabilisation au long cours de la tumeur, avec un pronostic favorable sur le long terme.

Sur les mastocytomes de grade II ou III

Selon le libellé officiel retenu par l’Agence européenne du médicament, Masivet® est indiqué comme « traitement des mastocytomes de grade II ou III à l’histologie, non opérables chirurgicalement avec confirmation du récepteur d’une protéine tyrosine kinase (c-kit) mutée ».

Le traitement des mastocytomes bénins (de grade I non agressif) n’est pas utile puisque le taux de survie à 2 ans après exérèse chirurgicale est supérieur à 95 %. À l’inverse, le pronostic des mastocytomes de grade III (très agressif), même après exérèse, est sombre [1]. Les métastases sont fréquentes. Le taux de survie à 2 ans est faible : entre 5 et 10 %. Une thérapeutique adjuvante s’impose pour retarder les récidives et augmenter la survie. Le grade II, intermédiaire, est d’un pronostic mitigé : 44 % de survie (une chance sur deux). L’index de prolifération tumorale Ki-67 permet d’améliorer le pronostic si cet index est inférieur à 10 % (survie de 80 à 90 %) ou de l’assombrir s’il est supérieur à 10 % (survie de 20 à 30 %). Cet index oriente aussi vers une radiothérapie et une chimiothérapie adjuvante, plus efficace sur ces cellules en prolifération tumorale (et donc avec un index Ki-67 élevé).

Une meilleure efficacité en présence de c-kit mutée

La recherche de la protéine kinase mutée (c-kit mutée) dans le mastocytome permet aussi d’orienter vers le masitinib, avec une probabilité de succès thérapeutique plus élevée si cette mutation à l’origine (probable) du mastocytome est présente. En effet, un dérèglement de la c-kit mutée conduit à une prolifération cellulaire exagérée. Toutefois, le masitinib est un inhibiteur de la c-kit que cette enzyme soit ou non mutée. De plus, le dépistage des mutations c-kit reste complexe et coûteux : 320 € chez AB science. Un test plus simple pour environ 80 € est en cours de développement à l’ENV de Nantes, mais il ne détectera que la mutation la plus fréquente de cette c-kit, celle sur l’exon 11, alors que d’autres mutations sont possibles.

Des réponses favorables à 12 mois pour un quart à la moitié des cas

L’essai clinique du dossier d’AMM sur 202 cas démontre clairement l’efficacité du masitinib dans les grades II et III contre un placebo pour la progression de la tumeur, voire l’éviter sur des délais relativement longs, 12 mois, voire 24 mois (tableau et figure). L’évolution de certains cas cliniques “résistants” à la chimiothérapie, et apparemment condamnés à l’euthanasie, peut même apparaître parfois spectaculaire. Toutefois, ce traitement ne stabilise pas tous les chiens. Après 12 mois, en présence de la c-kit mutée, la stabilisation est observée chez un chien sur deux. Si la c-kit n’est pas mutée, la non-progression tumorale ne concerne plus qu’un chien sur quatre après 12 mois. Il s’agit donc d’une arme de plus, avec la chirurgie (lorsqu’elle est possible), la radiothérapie et la chimiothérapie classique (corticoïdes, vincristine, lomustine), et non d’une arme de première intention systématique qui devrait remplacer les autres dans tous les cas.

De plus, avant de prendre la décision d’arrêter ou non le traitement chez les animaux qui n’ont pas répondu, il convient d’apprécier la réponse clinique sur une longue période (au moins 6 mois). A 6 mois, en poursuivant le traitement, si une stabilisation ou une amélioration est observée, la survie à 12 mois est de 95 % et à 24 mois de 80 %. En revanche, la réponse à 6 semaines n’est pas prédictive de la survie à long terme.

Une sensibilité individuelle chez 3 à 4 % des chiens

Par rapport à la chimiothérapie, la tolérance sur le long terme semble bonne, en dehors des vomissements et des diarrhées très fréquents, mais d’intensité modérée et surtout transitoires. Une sensibilité individuelle chez 3 à 4 % des chiens, qui développent un syndrome de fuite protéique, nécessite un suivi de l’albuminémie durant les 3 premiers mois afin de les soustraire au traitement si le taux chute en dessous de 20 g/l. Le résumé officiel des caractéristiques du produit (RCP) multiplie de longues mises en garde. Il indique notamment qu’un suivi hématobiochimique est nécessaire. En cas de dégradation, la diminution des doses, voire l’arrêt du traitement sont préconisés.

Les risques et les précautions pour l’utilisateur (le propriétaire) sont moindres qu’avec les médicaments cytotoxiques. La notice indique toutefois qu’il convient de ne pas couper ni broyer les comprimés pelliculés de 50 ou de 150 mg et d’éviter tout contact direct (sans gant) avec l’urine, le vomi ou les selles des chiens traités.

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à notre Newsletter

Découvrez en avant-première chaque mois le sommaire du Point Vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné au Point Vétérinaire, retrouvez votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr