Un pas en avant pour “mesurer” l’ostertagiose bovine - Le Point Vétérinaire n° 295 du 01/05/2009
Le Point Vétérinaire n° 295 du 01/05/2009

Parasitisme intestinal en élevage laitier

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FOCUS

Auteur(s) : Béatrice Bouquet

Fonctions : Cabinet Vétérinaire
8, Rue Des Déportés, 80220 Gamaches

L’interprétation de la mesure du taux d’anticorps anti-Ostertagia ostertagi impose de prendre en compte la conduite de pâturage.

« Docteur, le taux d’anticorps anti-Ostertagia dans mon lait de tank est trop élevé, je voudrais un vermifuge. » Science-fiction ? Pas vraiment. Viendra sans doute un temps où les éleveurs liront leur manque à gagner dans le taux d’anticorps anti-Ostertagia. Celui-ci vient en effet de montrer quelques lettres de noblesse supplémentaires, comme critère objectif et quantitatif dans l’évaluation de la charge parasitaire en élevage.

• Des équipes de parasitologues belges et canadiens ont été les précurseurs dans les essais d’application pratique de ce paramètre. Des études cantonnées à leurs territoires, il était ressorti que la mesure des anticorps dirigés contre Ostertagia ostertagi dans le lait de tank semble avoir une valeur diagnostique bien plus élaborée qu’un “blanc ou noir” qui ne veut pas dire grand-chose en parasitisme : elle reflète ce parasitisme quantitativement, dans sa capacité à induire des pertes de production. Autre point susceptible d’intéresser les thérapeutes, elle est un indicateur de réponse au traitement anti-Ostertagia dans les élevages laitiers.

• Restait à faire de ce paramètre une référence mondiale. C’est chose faite, à quelques nuances de seuils près. Une étude a été mise en œuvre sous la houlette du laboratoire Merial (le chercheur Andrew Forbes) avec l’appui de l’équipe de parasitologues de l’université de Gand (Vercruysse J et coll.) pour déterminer les valeurs observées dans les laits de tank de différents pays d’Europe. Les échantillons ont été collectés à l’automne, en 2005 et en 2006, dans 1 185 fermes laitières réparties dans différentes régions du Danemark, de l’Allemagne, de l’Irlande, de l’Italie, des Pays-Bas, du Portugal, de l’Espagne et du Royaume-Uni (encadré 1).

Les titres en anticorps ont été établis par une méthode Elisa indirecte et exprimés en ratios de densité optique (RDO). Des associations avec différentes pratiques d’élevage ont été recherchées.

Des disparités ramenées à la conduite de pâturage

• Au premier abord, les résultats obtenus peuvent paraître décevants en ce qui concerne leur universalité : la moyenne des résultats varie considérablement entre les pays : de 0,3 en Italie à 0,6 au Royaume-Uni et en Irlande (valeurs moyennes obtenues pour les troupeaux ayant un accès à l’extérieur, y compris minime). Les résultats sont globalement inférieurs à ceux précédemment publiés pour la Belgique, mais à peu près comparables aux données disponibles pour le Canada.

Toutefois, les variations entre pays ont pu être ramenées à des différences de conduite d’élevage, en particulier au pâturage. Une corrélation statistique a pu être mise en évidence entre le RDO pour O. ostertagi sur lait de tank, l’accès à l’extérieur et la conduite de pâturage. Dès lors, cette étude paneuropéenne confirme les précédentes analyses belges et canadiennes, et l’enrichit (encadré 2).

• Selon les auteurs, un peu de chemin est encore nécessaire pour proposer des valeurs diagnostiques validées en fonction des différents environnements ou des situations de production. Assurément, ce test va permettre alors une évaluation quantitative du statut “Ostertagia” des troupeaux laitiers, pouvant servir de reflet à l’impact de ce parasite sur les performances et les réponses aux traitements anthelmintiques. Il s’agirait donc d’un « pas en avant dans la médecine objective pour le vétérinaire, les conseillers et les éleveurs ».

Du Benelux au reste de l’Europe en passant par le Canada

• Dès le départ, le taux d’anticorps anti-Ostertagia a eu tous les atouts pour être candidat au poste de critère discriminant pour les niveaux d’infection et l’exposition aux parasites : la palette de variations interindividuelles et intercheptels observée est largement ressortie dans les différentes études, tout autant que la corrélation (négative) des résultats avec la production laitière (que ce soit sur du sérum/du lait individuel ou du lait de tank, et y compris en France dans une étude par Guiot et coll. parue en 2007).

• L’idée de l’utiliser pour prédire la réponse de la production à un traitement anthelmintique chez la vache laitière adulte est née aux Pays-Bas, avec l’utilisation d’éprinomectine (Eprinex®) au tarissement, et l’étude des moyennes sur sérum individuel : le résultat a été significatif (p < 0,05). Elle a tenté d’être confirmée un peu après dans ce même pays sur lait de tank, mais les résultats n’ont plus été significatifs, pour une vermifugation en période sèche (plus de 28 jours avant vêlage), avec un lot d’étude restreint (34 élevages). Par la suite, les nombreux autres résultats obtenus avec une vermifugation majoritairement en lactation se sont révélés significatifs (relation entre résultats des anticorps sur vaches individuelles ou lait de tank et hausse de production), tant au Benelux qu’au Canada. Restait à “extrapoler” aux autres pays.

• Dans l’étude “Europe”, récemment publiée, ont été inclus des élevages qui enregistrent leurs données correctement, à hauteur de 100 par pays/grande région sans oublier d’inclure des élevages “hors sol”, même si cette catégorie a été exclue in fine de certaines recherches d’associations (ils ont toutefois été inclus dans une analyse spécifique en Espagne visant la conduite des génisses). Les analyses ont été réalisées par le laboratoire de l’Université de Gand, avec une méthode déjà décrite.

• Les auteurs ont travaillé sur des moyennes, mais aussi des intervalles de confiance, des 25e ou 75e percentile(1) et des valeurs minimale et maximale. L’analyse statistique a été effectuée avec une méthode statistique dite “de Bonferroni”, de type “comparaison multiple”. Les associations avec la conduite au pâturage ont été recherchées avec des modèles de régression univariée (avec p ≤ 0,01) et/ou multivariée (avec p ≥ 0,05). Les tailles d’élevage et la production laitière ont été entrées dans le modèle lorsqu’elles étaient disponibles, comme covariables.

• Pour 3 000 élevages échantillonnés, les résultats moyens varient entre 0,6 et 0,97.

Une large gamme de recherche d’associations “autour” de la conduite de pâturage et de la production a été étudiée, mais pas pour tous les pays. Par exemple, l’association avec la séparation des vaches taries/génisses n’a pu être étudiée qu’en Espagne ; de même l’association avec l’âge au premier vêlage n’a pu l’être qu’en Allemagne, ou encore celle avec la présence de douve dans l’élevage porte seulement sur les Pays-Bas.

Seuil “impact production” fixé à 0,5

• Un kit Elisa est d’ores et déjà commercialisé (Svanova®). Partout en Europe, plus le résultat obtenu sur lait de tank est grand, moins les vaches du troupeau produisent.

Entre les vaches dans le 75e percentile et celles dans le 25e percentile de taux d’anticorps, une différence d’environ 1 kg de lait par jour est observée. Toutefois, il n’est pas facile de fixer un seuil absolu de “pénalisation pour la production” ou encore “de réponse satisfaisante au traitement” (éprinomectine). Dans l’immédiat, un seuil en dessous duquel l’impact d’Ostertagia sur la production de lait est nul a été fixé à 0,5 (ODR), arbitrairement, mais en tenant compte de ces récents résultats. Au-delà, la droite de régression descend linéairement, mais, à chaque point, une “barre d’erreur”, de plus en plus ample, intègre les fluctuations observées (figure). À l’avenir, la relation va être adaptée aux contextes locaux.

Les auteurs recommandent de fonder la décision sur un véritable audit individuel et d’inclure dans la décision de traitement tous les paramètres éventuels, notamment la présence d’autres parasites. En outre, les pertes “parasitaires” ne se mesurent pas seulement en perte de lait directe (voir aussi les performances de reproduction par exemple). L’audit est aussi là pour décider quelles vaches ou quel groupe de vaches traiter, et quand. Ainsi, à la demande d’un éleveur lors de résultat “anticorps Ostertagia”, il est raisonnable de proposer un audit parasitologie en accompagnement d’une prescription raisonnée(2).

  • (1) Percentile : valeur d’une variable en dessous de laquelle un certain pourcentage d’observations tombent, la médiane est le 50e percentile)

  • (2) Voir l’article “L’audit d’élevage en parasitologie bovine” de Ph. Camuset. Point Vét. 2009;40(N° spécial : les outils pour la visite d’élevage):23-27.

Encadré 1 : Résultats par pays de l’Union européenne

• Royaume-Uni et Irlande : 0,6

• Danemark : 0,48

• Pays-Bas : 0,45

• Allemagne : 0,48

• Espagne : 0,53

• Italie : 0,31

• France : 0,6 [2]

• Belgique : 0,82 (étude printemps 2003 : [1])

Pour situer la France et la Belgique par rapport aux résultats de cette étude “Europe”, Forbes AB et coll. citent des résultats récents : 0,6 pour la France, et 0,69, 0,82 ou 0,97 (selon les études) pour la Belgique.

Encadré 2 : Diversité des critères pour lesquels une association significative (p < 0,05) a été trouvée avec le taux d’anticorps Ostertagi lait de tank

• Accès en pâture

• Type de sortie (d’aucune à pâture très enherbée)

• Pourcentage de temps passé en pâture chaque jour

• Précocité du mois de sortie

• Rentrée à l’étable tardive

• Densité animale

• Taille d’élevage (-)

• Production de lait

• Traitement anthelmintique des vaches

• Agriculture biologique

• Veaux âgés de moins de 12 mois non sortis en pâture

• Taries allotées avec les génisses

• Nombre de primipares

• Fasciolose

• Âge au premier vêlage

• Race

SOURCE

Forbes AB, Vercruysse J, Charlier J. A survey of the exposure to Ostertagia ostertagi in dairy cow herds in Europe through the measurement of antibodies in milk samples from the bulk tank. Vet. Parasitol. 2008;157:100-107. https://biblio.ugent.be/input?func=downloadFile&fileOId=481146

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