Traitement chirurgical de l’hypercorticisme - Le Point Vétérinaire n° 295 du 01/05/2009
Le Point Vétérinaire n° 295 du 01/05/2009

Chirurgie canine

Mise à jour

LE POINT SUR…

Auteur(s) : Stéphane Bureau*, Jean-Guillaume Grand**

Fonctions :
*Clinique vétérinaire
8, boulevard Godard
33300 Bordeaux
**Clinique vétérinaire
8, boulevard Godard
33300 Bordeaux

Les progrès en imagerie médicale et en techniques chirurgicales permettent de proposer des solutions alternatives au traitement médical de l’hypercorticisme chez le chien.

L’hypercorticisme ou syndrome de Cushing est une affection fréquente chez le chien, caractérisée par de nombreux signes cliniques secondaires à une production excessive de cortisol [15]. Une tumeur est responsable de cette affection dans 90 % des cas et peut avoir deux origines :

– une origine centrale ou hypophysaire dans 80 à 85 % des cas, avec une sécrétion inappropriée d’hormone adrénocorticotrope (ACTH) depuis l’hypophyse ;

– une origine périphérique ou surrénalienne dans 15 à 20 % des cas, avec une tumeur fonctionnelle de la corticale [3,9].

Le traitement médical de l’hypercorticisme nécessite une administration à vie avec un suivi régulier. Il peut s’accompagner d’effets secondaires, de récidives, et ne prévient pas l’apparition des métastases (tableau). Le développement des techniques d’imagerie et les progrès réalisés en chirurgie vétérinaire au cours des dernières années permettent de proposer des solutions chirurgicales avec des pronostics aussi bons, voire meilleurs, que lors des traitements médicaux.

La première étape indispensable reste la détermination de l’origine centrale ou périphérique de l’affection. Celle-ci détermine le traitement et le pronostic. Cette étape repose sur des tests hormonaux et des examens d’imagerie.

Localisation de l’origine de l’affection

1. Tests hormonaux

Test de freinage à la dexaméthasone

En situation physiologique, l’administration de dexaméthasone exerce un rétrocontrôle négatif sur l’hypophyse, ce qui induit une suppression de la sécrétion d’ACTH [3]. La concentration de cette dernière étant moindre, le cortex surrénalien est peu stimulé et la cortisolémie diminue. Ainsi, 4 et 8 heures après l’administration de dexaméthasone, la cortisolémie est basse.

Lors d’hypercorticisme d’origine centrale, l’hypophyse est assez résistante vis-à-vis de ce rétrocontrôle. Avec une dose faible de dexaméthasone, une sécrétion d’ACTH persiste et la cortisolémie se maintient. Avec une forte dose, la résistance de l’hypophyse peut être rompue et un rétrocontrôle obtenu avec une chute de l’ACTH et de la cortisolémie.

Lorsque l’affection est périphérique, l’ACTH endogène est déjà basse en raison du rétrocontrôle exercé par le fort taux de cortisol. Dans ce cas, l’administration de glucocorticoïdes n’a aucun effet sur la cortisolémie.

Par conséquent, un test de freinage avec une forte dose de dexaméthasone qui entraîne une chute de la cortisolémie (inférieure à 30 nmol/l ou réduction de la valeur de plus de 50 %) évoque un trouble central. Dans environ 30 % des cas, la cortisolémie n’est pas réduite par résistance de l’hypophyse. Il est donc impossible de conclure entre une origine centrale ou périphérique en cas de non-réduction de la cortisolémie.

Dosage de l’ACTH endogène

Le dosage de l’ACTH endogène ne permet pas d’établir un diagnostic d’hypercorticisme car il peut être dans les normes même en cas d’hypercorticisme [3]. Lorsque l’affection est centrale, la concentration en ACTH est normale à élevée du fait de sa sécrétion par la tumeur hypophysaire. Lorsque l’affection est périphérique, la concentration endogène est basse en raison du rétrocontrôle négatif exercé sur l’hypophyse. Néanmoins, lors de valeur intermédiaire, il est difficile de conclure. Ce dosage est diagnostique dans 82 à 95 % des cas [3].

Test de stimulation à l’ACTH

Le test de stimulation à l’ACTH a une sensibilité de 87 % lors d’hypercorticisme central et de seulement 61 % lors d’hypercorticisme périphérique. Pour ce dernier, 40 % des cas ne sont pas diagnostiqués avec ce seul examen [6].

2. Imagerie médicale

Examen radiographique

Dans une étude rétrospective sur 94 cas, la tumeur surrénalienne est identifiable dans 53 % des cas en raison de calcifications ou par visualisation directe de la masse sur un cliché radiographique abdominal [6]. Néanmoins, de discrètes minéralisations peuvent également se développer chez des chiens sains ou lors d’hypercorticisme d’origine centrale [3, 31].

Examen échographique

Lors d’origine centrale, une hypertrophie surrénalienne bilatérale est observée avec une homogénéité du tissu et de la texture à l’examen échographique abdominal. Une simple augmentation de l’échogénicité peut également être observée [3]. Une surrénale qui mesure plus de 1 cm dans son axe court et 2,4 cm dans son axe long est considérée comme hypertrophiée [29]. Une tumeur surrénalienne est plus aisément identifiée par un examen échographique que sur un cliché radiographique. Mais cet examen reste d’interprétation difficile, surtout pour la surrénale droite, car une asymétrie peut exister de manière physiologique. Sur une série de 79 tumeurs surrénaliennes, 86 % sont identifiées à l’examen échographique [6]. La surrénale peut être hypo-, iso- ou hyperéchogène, avec des minéralisations, des hémorragies, ou simplement hypertrophiée. Des cas de tumeurs bilatérales peuvent conduire à tort à suspecter une origine centrale. La distinction entre adénome et adénocarcinome est impossible à l’examen échographique bien que l’invasion de la veine cave soit plutôt évocatrice d’un carcinome [3]. La sensibilité et la spécificité de l’examen pour détecter un thrombus dans la veine cave sont respectivement de 80 et 90 % [20].

Examen tomodensitométrique

La tomodensitométrie est un examen sensible qui permet une comparaison aisée entre les glandes [3]. Néanmoins, l’hypertrophie n’est pas toujours évidente. Une tumeur surrénalienne bénigne est impossible à distinguer d’une tumeur maligne et l’invasion vasculaire reste difficile à apprécier.

Cet examen permet surtout d’évaluer la zone de l’hypophyse. Une imagerie détaillée est nécessaire lors d’intervention chirurgicale pour définir la localisation précise de la glande. L’examen tomodensitométrique conventionnel permet l’acquisition d’images transverses de 2 mm d’épaisseur au travers de la zone pituitaire avant et après l’injection de produit de contraste iodé [37, 38]. La tumeur se situe dans la selle turcique et s’étend dorsalement. Une minéralisation peut exister ainsi qu’un effet de masse. Le macroadénome est, en général, bien défini avec une fixation modérée du produit de contraste (photo 1). Les petites tumeurs ou microadénomes ne sont pas visibles. L’absence de masse ne signifie pas que l’affection n’est pas centrale. La limite de détection du scanner est de 5 à 6 mm et celle de l’imagerie par résonance magnétique (IRM) de 3 mm [28].

L’examen tomodensitométrique dynamique permet l’acquisition d’une série de coupes transverses au même endroit (centre de la glande) pendant et après l’injection de produit de contraste. Après le renforcement des artères carotides internes et du cercle artériel en périphérie de la glande, la partie centrale de l’hypophyse (ou neurohypophyse) se renforce dans un premier temps suivi par sa périphérie (ou adénohypophyse) avec alors une hypodensité de la neurohypophyse [21]. Tout déplacement, distorsion ou modification dans cette séquence aide à localiser une lésion de type microadénome [28, 37, 38]. Ainsi, 82 % des cas de lésions pituitaires apparaissent à l’examen dynamique [37].

Surrénalectomie

Une tumeur unilatérale fonctionnelle d’une surrénale peut être traitée par résection chirurgicale pour espérer une guérison.

1. Phase préopératoire

En phase préopératoire, des corticoïdes sont administrés (dexaméthasone 0,1 à 0,2 mg/kg ou prednisolone 1 à 2 mg/kg par voie intraveineuse lors de l’induction puis en phase postopératoire) afin de prévenir un hypocorticisme fatal dans les 12 à 18 heures postopératoires. La glande controlatérale est atrophiée et elle va mettre plusieurs semaines à redevenir fonctionnelle [8]. La prednisolone (Megasolone®) est administrée à dose physiologique soit 0,25 mg/kg per os une fois par jour pendant 1 à 2 semaines. La dose est ensuite réduite progressivement jusqu’à ce qu’un test de stimulation à l’ACTH mette en évidence une sécrétion adéquate de cortisol. Une production normale est, en général, observée après 3 à 9 semaines postopératoires [8, 9, 36].

Un antibiotique à large spectre (céfalexine par exemple) est également administré en raison du risque majoré d’infection par l’état d’hypercorticisme.

2. Technique chirurgicale

Bien que la voie d’abord puisse être paralombaire, l’approche ventrale standard est préférée, car elle permet une exploration complète de la cavité abdominale [30].

Les surrénales sont rétropéritonéales, craniales et médiales aux pôles craniaux des reins [8]. Chacune est recouverte par une fine capsule et de la graisse. La glande surrénale droite est proche de la veine cave caudale, sa capsule est parfois même en continuité avec la paroi veineuse (photo 2). Chez certains chiens, la veine cave doit être rétractée pour la visualiser. Ce geste doit être réalisé avec précaution en raison de la réduction secondaire du retour veineux. La glande gauche est plus volumineuse et légèrement plus caudale. La veine phrénico-abdominale, située à la surface ventrale de la glande, est isolée, ligaturée et sectionnée (photos 3 et 4). La glande est progressivement disséquée. La pose d’une suture sur cette dernière peut aider à la manipuler. Elle présente une riche vascularisation en face dorsale depuis les branches aortiques et phréniques, rénales, rénales accessoires, lombaires et phrénico-abdominales, ce qui rend nécessaire l’utilisation du bistouri électrique et des hémoclips (photo 5). La veine surrénale droite rejoint la veine cave alors que la veine surrénale gauche se connecte sur la veine surrénale gauche. Les veines surrénales peuvent aussi rejoindre les veines phrénico-abdominales [8]. Lors d’invasion du rein, une néphrectomie est pratiquée.

Un thrombus est présent dans la veine cave dans environ 11 à 20 % des cas [3, 20]. Il n’est pas une contre-indication chirurgicale et n’entraîne pas de hausse de la mortalité sous réserve que le chirurgien soit expérimenté en techniques de chirurgie vasculaire. Dans la plupart des cas, le thrombus envahit d’abord la veine phrénico-abdominale avant de s’étendre dans la veine cave. Dans ce cas, la veinotomie est réalisée en regard de l’abouchement de la veine phrénico-abdominale avec occlusion temporaire de la veine cave. Il est également possible de placer un clamp de Satinski de manière tangentielle sur la veine cave et de réséquer la portion envahie, suivie d’une suture au polypropylène (décimale 5/0) [8]. L’occlusion de la veine cave doit toujours être la plus courte possible en raison de la chute marquée de retour veineux.

3. Complications

Les complications potentielles sont une hémorragie, un hypoadrénocorticisme, une thrombo-embolie, une pancréatite, un retard de cicatrisation et un sepsis [2, 8, 13, 20, 36]. D’anciennes études rapportent un taux de mortalité atteignant 60 % [35, 39]. Des études plus récentes sur 21 et 40 cas présentent respectivement des taux de mortalité péri-opératoire de 19 et 21 % [2, 20]. Deux chiens qui ont subi des résections partielles présentent des survies bonnes à long terme avec une gestion médicale. Une tumeur qui ne peut pas être retirée en intégralité et la présence de métastases ne doivent pas être des indications d’euthanasie [2].

4. Pronostic

Les récidives sont peu fréquentes. L’intervention chirurgicale, bien que technique, offre un pronostic correct. Elle améliore également le contrôle de l’éventuel diabète secondaire à l’hypercorticisme. La médiane de survie pour 18 chiens affectés de carcinome est de 778 jours [2]. Le taux de métastases est de 5 % au moment de l’opération et de 14 % à long terme [2]. L’âge de l’animal, la taille de la tumeur et sa nature n’influencent pas la survie [2]. Un traitement médical complémentaire (mitotane ou trilostane) est nécessaire lorsque la tumeur ne peut pas être retirée en totalité ou lorsque des métastases sont présentes, avec un contrôle des signes cliniques [2, 36].

Hypophysectomie

Le rôle du chirurgien dans la gestion de l’hypercorticisme d’origine centrale est bien établi en médecine humaine. En 1914, le neurochirurgien Harvey Cushing rend populaire la technique d’approche transsphénoïdale de l’hypophyse [3]. Chez l’homme, l’ablation sélective de la tumeur hypophysaire est la technique la plus recommandée [22]. La première hypophysectomie à visée thérapeutique chez le chien a été réalisée en 1968 à l’université d’Utrecht [28]. Dans la décennie suivante, 28 cas opérés sont rapportés, ce qui souligne que ce geste chirurgical est une option valable. Néanmoins, des difficultés techniques sont rencontrées, notamment chez les chiens non mésocéphaliques. La glande se situe au sein d’une dépression osseuse dans l’os sphénoïde, la selle turcique, mais a une position variable selon la conformation de la tête du chien. Les repères osseux ne sont pas suffisants pour se repérer. Or une localisation précise est nécessaire car la glande est entourée par des sinus veineux caverneux, le cercle artériel cérébral, les nerfs oculomoteurs, trochléaires et abducteurs, et la branche ophtalmique du nerf trijumeau (figure) [4]. Le recours aux techniques d’imagerie (examen tomodensitométrique et IRM) permet de localiser précisément l’hypophyse, ce qui rend ainsi le traitement chirurgical plus abordable [9, 28]. La majorité des techniques publiées utilise la voie d’abord transsphénoïdale initiale avec des variations plus ou moins mineures [3, 17]. Les autres approches sont une approche intermandibulaire rostrale, une approche paramédiane ventrale et une approche intra-crânienne transtemporale ont été décrites [4, 28].

1. Indications

Les tumeurs hypophysaires sont le plus souvent des adénomes de la pars distalis et intermédiaire. Les adénocarcinomes représentent moins de 3 % des tumeurs. Dans 80 à 90 % des cas, la lésion est un microadénome (lésion de moins de 1 cm). Or la plupart des traitements médicaux visent les surrénales et non cette tumeur [16]. Un grand nombre de lésions évoluent secondairement en macroadénomes, ce qui entraîne dans 10 à 30 % des cas une compression des structures neurologiques avoisinantes [7, 9, 28]. Les signes nerveux apparaissent selon la vitesse de croissance de la masse et sa taille (le plus souvent vers 8 à 10 mm), et sont peu spécifiques : abattement, désorientation, troubles visuels [41].

Les indications suivantes peuvent être proposées :

– une hypophyse de taille normale (25 % des cas d’origine centrale) est une excellente indication opératoire ;

– une masse hypophysaire confinée à la selle turcique (50 % des cas d’origine centrale) est une indication avec un pronostic favorable ;

– une masse hypophysaire qui s’étend dorsalement avec impact sur les structures nerveuses et présence ou non de signes neurologiques (25 % des cas) est une mauvaise indication opératoire. Plus la lésion est importante, moins le pronostic est bon [3, 15, 28].

2. Technique chirurgicale

Le chien est placé en position sternale, la tête relevée avec la gueule ouverte au maximum (photo 6) [23, 25]. La selle turcique est une dépression à la surface dorsale de l’os basisphénoïde qui forme la base de la boîte crânienne. Pour l’atteindre, le palais mou est incisé longitudinalement, puis le mucopérioste est récliné (photo 7). L’ostéotomie de l’os sphénoïde, d’épaisseur variable, doit être parfaitement centrée et permettre d’obtenir une ouverture de 5 à 6 mm (photo 8). Elle est réalisée au moyen d’un moteur pneumatique équipé d’une fraise. Le principal obstacle technique est la variabilité des repères osseux pour déterminer le site d’ostéotomie :

– les processus hamulaires, parties caudales de l’os ptérygoïde, sont plus ou moins palpables car recouverts par les muscles tenseurs du palais et du mucopérioste. La ligne qui joint leur pointe caudale détermine un point sur la ligne médiane du sphénoïde qui correspond au site d’ostéotomie à 5 mm près ;

– la liaison entre les os basisphénoïde et présphénoïde correspond au centre de la selle turcique principalement chez les mésocéphaliques, mais elle n’est pas toujours identifiable et seule une crête osseuse peut être détectée ;

– la veine émissaire, si elle est présente, peut être un bon repère. En la suivant au travers du sphénoïde, le centre de l’hypophyse peut être atteint (photo 9) [28].

L’utilisation de l’examen tomodensitométrique et des coupes en trois dimensions (3D) permet la mesure de distances précises depuis différents repères et aident à localiser la zone d’ostéotomie. Après ostéotomie, un sinus caverneux en forme de fer à cheval est visible autour de l’hypophyse qui, elle, apparaît rosâtre (photo 10). Ces sinus ne doivent pas être lésés au risque de provoquer une hémorragie fatale car ils ne se collabent pas. Les artères carotides internes sont latérales. Le sinus rostral intercaverneux se situe caudalement à l’hypophyse, entre la glande et la selle dorsale. Ainsi, ce cercle vasculaire n’est incomplet qu’en partie rostrale, entre la glande et le chiasma optique. Par conséquent, durant l’intervention, l’élargissement du site n’est possible que dans cette direction. Durant l’hypophysectomie, des saignements mineurs peuvent survenir depuis les vaisseaux hypophysaires. La glande est couverte en partie ventrale par la dure-mère et l’espace sous-dural contient du liquide céphalo-rachidien qui s’échappe dès l’incision de la dure-mère. L’hypophyse tend alors à faire protrusion. Elle est retirée par succion ou au moyen de pinces atraumatiques [3, 28]. En raison de la taille de la glande, le retrait seul de l’adénome est illusoire et c’est l’ensemble qui est réséqué. L’orifice d’ostéotomie est occlus par un morceau de tissu musculaire prélevé sur le palais mou et maintenu par une suture du périoste, ou par application de cire à os.

3. Soins postopératoires

Un antibiotique à large spectre (céfalexine par exemple) est administré car l’intervention est de type “contaminé”. Le chien est supplémenté en :

– hormones thyroïdiennes (à la dose de 0,02 mg/kg/j per os, Forthyron®, Leventa®) en raison de la suppression de la TSH, stimulant la thyroïde, et ce à vie [3, 28] ;

– en hormone antidiurétique synthétique telle que la desmopressine (Minirin®(1), 1 goutte dans le sac conjonctival deux à trois fois par jour) car la partie postérieure de l’hypophyse est retirée, ce qui supprime le stock d’hormone antidiurétique [3, 28]. Une hypernatrémie transitoire peut être rapportée même lors de traitement et s’explique par une résistance à la desmopressine. Il est donc conseillé de perfuser des solutés pauvres en sodium en phase postopératoire (NaCl 0,45 % avec dextrose 2,5 %) [4, 15]. La vasopressine est synthétisée dans l’hypothalamus et stockée dans la neurohypophyse. Ainsi la fonction antidiurétique est restaurée par les centres hypothalamiques et la supplémentation à long terme n’est pas nécessaire. La concentration en vasopressine est normale dans les 2 semaines postopératoires dans 80 % des cas [3, 4, 15, 28] ;

– en corticoïdes (prednisolone, Mégasolone®, per os, 0,2 mg/kg/j), le plus souvent à vie. Le retrait complet de la glande est néanmoins difficile et des cellules de tous types demeurent, mais seules les cellules ACTH sont fonctionnelles [4, 24]. Cela peut être en rapport avec leur nombre et leur localisation dans le lobe antérieur, et explique les récidives observées ainsi que la supplémentation en corticoïdes à long terme non nécessaire dans certains cas [4, 28].

L’apport de growth hormone (GH) n’est pas utile chez l’adulte. Le chien devient stérile par arrêt de la production de l’hormone lutéinisante (LH) et de l’hormone folliculostimulante (FSH) [3, 28].

L’analyse histologique de l’hypophyse permet de donner un pronostic plus précis. Les rares adénocarcinomes, qui peuvent initialement être confondus avec un microadénome, ont un mauvais pronostic.

4. Complications

Quelques complications peuvent survenir pendant ou après une hypophysectomie [4, 28].

Le développement d’une kérato-conjonctivite sèche (KCS) est possible. Elle est diagnostiquée par la réalisation en phase postopératoire d’un test de Schirmer et se résout dans la majorité des cas. Cette baisse de production lacrymale est observée plus fréquemment à gauche. Cela est peut-être lié au fait que le chirurgien droitier tend à dévier son forage vers la gauche du chien. Plusieurs causes sont avancées pour expliquer cette complication [15] :

– la lésion traumatique ou ischémique des nerfs des glandes lacrymales ;

– la lésion du ganglion ptérygopalatin par pression prolongée du processus mandibulaire coronoïde sur la région rétrobulbaire lors de l’abord transoral gueule ouverte. Le degré d’ouverture de la gueule et l’incidence des KCS diminuent d’ailleurs avec l’expérience du chirurgien [15] ;

– la lésion du nerf ptérygopalatin, qui se situe caudo-rostralement à l’os sphénoïde, lors de la rétraction du mucopérioste en partie caudale des processus hamulus.

Une myosite des masticateurs secondaire au maintien de la gueule ouverte pendant l’opération peut être observée.

Une déhiscence du palais mou peut survenir entre le deuxième et le quatrième jour. La suture doit être effectuée en deux plans.

Des hémorragies par lésion des structures vasculaires peuvent se produire.

5. Pronostic

Les signes de l’hypercorticisme disparaissent en quelques semaines [28]. La plus grande étude menée chez le chien concerne 150 cas et rapporte :

– 8 % de mortalité en phase péri-opératoire et dans le mois qui suit l’intervention par hémorragie, embolie, hypernatrémie, diabète acido-cétosique ou pneumonie ;

– 9 % de persistance d’un hypercorticisme ;

– l’obtention d’une rémission pour 84,6 % des cas dont les trois quarts ne présentent aucune récidive et une médiane de survie de 28 mois, et pour le quart restant, une récidive avec une médiane de survie de 18,3 mois [15].

6. Comparaison avec le traitement médical

De nombreux facteurs influencent le choix du traitement : le coût, la préférence du propriétaire, la facilité. Du point de vue économique, l’intervention chirurgicale est plus onéreuse à court terme par rapport au traitement médical, mais elle l’est moins à moyen et long termes. Sur du long terme, l’administration de mitotane est de seulement deux ou trois fois par semaine, alors que celle du trilostane, comme la supplémentation après hypophysectomie, est quotidienne. La sécurité du traitement est à prendre en considération. Des morts brutales sont rapportées avec le trilostane et l’intervention peut conduire à une mort péri-opératoire [10, 13, 16].

Le kétoconazole est très efficace en raison de son inhibition enzymatique multiple et de sa capacité à supprimer la sécrétion d’ACTH. Cependant, il n’a jamais été réellement étudié chez le chien [9].

Dans deux études sur 11 et 78 chiens traités avec du trilostane, la rémission de la polyuro-polydipsie est obtenue respectivement dans 100 et 70 % des cas, celle des troubles cutanés chez 82 et 62 % des animaux [27, 34]. Dans un autre essai sur 78 cas, la médiane de survie des 26 chiens morts est de 549 jours [27].

Néanmoins, il n’existe pas à ce jour d’étude rétrospective suffisante qui permette une comparaison entre trilostane et hypophysectomie.

Le traitement par le mitotane devient souvent moins efficace avec le temps et les rechutes sont nombreuses [9]. Sur 129 chiens, la rémission est obtenue dans 86 % des cas et 39 % présentent une récidive [11]. Dans une étude sur 54 cas de syndrome de Cushing traités au mitotane, la survie à 3 ans est de 45 % [12]. Dans une autre étude sur 200 cas avec une origine centrale, la survie après 3ans est de 30 % [18].

Le taux de succès global de l’hypophysectomie est de 65 % contre 61 % avec le traitement par mitotane [11, 15]. Néanmoins, à long terme, l’hypophysectomie admet de meilleures survies :

– après 1 an, 90 % des animaux opérés sont normaux ;

– après 2 ans, plus de 80 % des chiens opérés sont vivants ;

– après 3 ans, 61 % des chiens traités au mitotane sont vivants contre 72 % de ceux ayant subi une hypophysectomie. 44 % des chiens traités ne présentent pas de signes cliniques contre 66 % des animaux opérés [15, 28].

Pour les tumeurs surrénaliennes, l’intervention chirurgicale, bien que délicate, est souvent la solution retenue. Pour les lésions hypophysaires, le développement de l’hypophysectomie est lent en raison du recours à des actes d’imagerie spécialisés et à la localisation anatomique “délicate” de la glande. Néanmoins, si la complexité de l’acte est réelle, il n’en reste pas moins abordable et permet de proposer une démarche plus “logique” avec le retrait de la masse. Le suivi postopératoire est peu contraignant et le pronostic à long terme meilleur.

  • (1) Médicament humain.

Références

  • 2 – Anderson CR, Birchard SJ, Powers BE et coll. Surgical treatment of adrenocortical tumors: 21 cases (1990-1996). J. Am. Anim. Hosp. Assoc. 2001;37(1):93-97.
  • 3 – Axlund TW, Behrend EN. Surgical treatment of canine hyper-adrenocorticism. Compend. Contin. Educ. Pract. Vet. 2003;25(5):334-346.
  • 9 – Brown CG, Graves TK. Hyperadrenocorticism: treating dogs. Compend. Contin. Educ. Pract. Vet. 2007:132-146.
  • 15 – Hanson JM, Van’t Hoofd MM, Voorhout G et coll. Efficacy of transsphenoidal hypophysectomy in treatment of dogs with pituitary-dependant hyperadrenocorticism. J. Vet. Intern. Med. 2005;19(5):687-694.
  • 20 – Kyles AE, Feldman EC, De Cock HEV et coll. Surgical management of adrenal gland tumors with and without associated tumor thrombi in dogs: 40 cases (1994-2001). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2003;223(5):654-662.
  • 23 – Meij BP. Transspheidal hypophysectomy for the treatment of pituitary dependant hyperadrenocorticism in dogs. Vet. Quart. 1998;20(Suppl 1):98-100.
  • 24 – Meij BP, Mol JA, Bevers MM et coll. Residual pituitary function after transsphenoidal hypophysectomy in dogs with pituitary-dependant hyperadrenocorticism. J. Endocrinol. 1997;155(3):531-539.
  • 28 – Niebauer GW. Hypophysectomy. In: Fossum TW. Textbook of Small Animal Surgery. 3rd ed. Saunders Company, Philadelphia. 2002;2:1677-1694.
  • 37 – Van der Vlugt-Meijer RH, Meij BP, Van den Ingh TS et coll. Dynamic computed tomography of the pituitary gland in dogs with pituitary-dependant hyperadrenocorticism. J. Vet. Intern. Med. 2003;17(6):773-780.

POINTS FORTS

• Plus de 80 % des cas d’hypercorticisme ont une origine hypophysaire.

• L’examen tomodensitométrique est indispensable pour évaluer la taille de la tumeur et sa localisation précise.

• La surrénale droite est proche de la veine cave caudale.

• Après une hypophysectomie, le chien est supplémenté à vie en hormones thyroïdiennes et en corticoïdes.

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