Bactériurie subclinique chez le chien et le chat - Le Point Vétérinaire expert canin n° 375 du 01/05/2017
Le Point Vétérinaire expert canin n° 375 du 01/05/2017

UROLOGIE

Analyse d’article

Auteur(s) : Magalie Decome

Fonctions : Faculté de médecine vétérinaire
3200, rue Sicotte
Service de médecine interne
Saint-Hyacinthe, J25 2M2 Canada

Une bactériurie subclinique correspond à une colonisation bactérienne du tractus urinaire en l’absence de signes cliniques. Cette condition a été largement étudiée en médecine humaine et semble plus fréquente chez la femme et chez les obèses. Tout comme en médecine humaine, les infections du tractus urinaire (ITU) sont parfois devenues difficiles à traiter chez le chat et le chien, en raison du développement de résistance aux antibiotiques [2]. Il est donc primordial de bien différencier une ITU d’une bactériurie subclinique.

BACTÉRIURIE ASYMPTOMATIQUE VERSUS ITU

Pour différencier une bactériurie asymptomatique d’une ITU, plusieurs étapes sont nécessaires.

Il convient dans un premier temps de déterminer si la bactériurie est significative ou non, selon le nombre de bactéries isolées. Ce dernier varie en fonction de la méthode de prélèvement de l’urine. Lors de cystocentèse, une bactériurie est considérée comme significative chez le chien et le chat, lorsque le nombre de bactéries est supérieur à 1 000 unités formant colonie (cfu)/ml. Lors d’un cathétérisme, la quantité de bactéries doit être supérieure à 10 000 cfu/ml chez le chien et à 1 000 cfu/ml chez le chat et, lors de miction naturelle, supérieure à 100 000 cfu/ml chez le chien et à 10 000 cfu/ml chez le chat [1].

Si la bactériurie est considérée comme significative, le recueil de l’anamnèse est primordial pour différencier une bactériurie asymptomatique d’une ITU. L’identification d’une dysurie, d’une pollakiurie, d’une strangurie, d’une hématurie ou d’urines malodorantes, corrélées à une culture urinaire positive, permet de diagnostiquer une ITU [6].

La prévalence d’une bactériurie asymptomatique est de 10 à 13 % chez le chat dans l’étude présentée ici. Ces chiffres sont relativement comparables à ceux décrits chez la chienne (8,9 %), bien qu’une étude récente menée chez des chiens éligibles à une chirurgie rapporte une prévalence inférieure (2,1 %) [4, 7]. Cette différence peut être expliquée par la répartition des chiens mâles et femelles dans les différentes études, car, comme en médecine humaine, les femelles sont considérées plus à risque.

La bactériurie a également été étudiée chez les chats ayant été cathétérisés à la suite d’une obstruction du bas appareil urinaire, et les chiens tétraplégiques et paraplégiques, mais, dans ces cas précis, l’interprétation des résultats doit être réalisée avec précaution, en raison de la difficulté d’observer des signes cliniques d’ITU [3-5].

ANTIBIORÉSISTANCE ET ITU

La majorité des ITU ou des bactériuries subcliniques est due à des agents pathogènes ascendants, possédant des facteurs de virulence tels que des adhésines, des toxines, ou des techniques d’évasion du système immunitaire. Les agents les plus souvent isolés sont E. coli (dans 30 à 50 % des cultures positives), suivi de bactéries Gram positif (Staphylococcus spp., Streptococcus spp. et Enterococcus spp.). Dans l’étude présentée ici, les agents pathogènes majoritairement rencontrés sont des E. coli, suivi de Staphylococcus spp. [7, 9].

Des patrons de résistance sont de plus en plus observés, rendant certains antibiotiques moins efficaces pour le traitement des ITU, ce qui est le cas de l’enrofloxacine, de la céphalexine et de l’oxytétracycline, dans une étude menée au Royaume-Uni chez le chien [2].

QUAND TRAITER ?

Bien qu’il soit tentant de traiter une bactériurie subclinique, surtout dans le contexte d’immunosuppression ou d’atteinte concomitante altérant le système immunitaire (Diabetus mellitus, hyperadrénocorticisme, par exemple), il n’existe aucune preuve appuyant la nécessité de la mise en place d’un traitement. Le consensus du Collège américain vétérinaire de médecine interne (ACVIM) de 2015 sur l’antibiothérapie recommande de ne traiter que les ITU, après la réalisation d’une culture urinaire. Il est déconseillé de traiter les bactériuries subcliniques, excepté dans des circonstances bien spécifiques (prévision d’une intervention urinaire, par exemple) [8]. La présence d’une pyurie (comme c’est le cas pour la majorité des chats de l’étude) ou celle d’un sédiment actif ne sont pas des arguments suffisants pour justifier la mise en place d’un traitement, en l’absence de signes cliniques. La survenue d’une pyélonéphrite à la suite d’une remontée d’agents pathogènes via les uretères, secondaire à une bactériurie subclinique, n’a jamais été démontrée. Dans l’article étudié ici, les animaux devenant azotémiques au cours de l’étude ont été exclus, mais il est intéressant de constater qu’aucune corrélation n’est observée entre la créatinine et la présence d’une bactériurie subclinique non traitée.

La réalisation de cultures de routine est déconseillée chez des animaux asymptomatiques, quelle que soit leur immunocompétence [8]. Une nuance peut toutefois être apportée, notamment lorsqu’il est difficile d’interpréter les signes urinaires (animaux présentant une polyurie-polydipsie, par exemple). La mise en place d’un traitement doit être décidée au cas par cas.

Conclusion

Une ITU doit être distinguée d’une bactériurie subclinique afin d’adopter la prise en charge thérapeutique adéquate et de limiter le développement de patrons de résistance aux antibiotiques. Traiter une bactériurie subclinique n’est pas recommandé chez des animaux présentant aucun autre signe d’infection. Lors d’atteinte prédisposant aux bactériuries, l’intérêt de la mise en place d’un traitement n’a pas été prouvé et demeure à la discrétion du clinicien, selon les signes cliniques observés.

Références

  • 1. Ettinger S, Feldman EC. Urinary tract infections. In: Textbook of veterinary internal medicine. 7th ed. Saunders AB ed., St Louis, Missouri. 2010:2036-2046.
  • 2. Hall J, Holmes M, Baines S. Prevalence and antimicrobial resistance of canine urinary tract pathogens. Vet. Rec. 2013;173:549.
  • 3. Hugonnard M, Chalvet-Monfray K, Dernis J et coll. Occurrence of bacteriuria in 18 catheterised cats with obstructive lower urinary tract disease: a pilot study. J. Feline Med. Surg. 2013:1098612X13477414.
  • 4. McGhie J, Stayt J, Hosgood G. Prevalence of bacteriuria in dogs without clinical signs of urinary tract infection presenting for elective surgical procedures. Aust. Vet. J. 2014;92:33-37.
  • 5. Olby N, Vaden S, Williams K et coll. Effect of cranberry extract on the frequency of bacteriuria in dogs with Aaute thoracolumbar disk herniation: a randomized controlled clinical trial. J. Vet. Intern. Med. 2017;31:60-68.
  • 6. Sørensen TM, Jensen A, Damborg P et coll. Evaluation of different sampling methods and criteria for diagnosing canine urinary tract infection by quantitative bacterial culture. Vet. J. 2016;216:168-173.
  • 7. Wan SY, Hartmann FA, Jooss MK et coll. Prevalence and clinical outcome of subclinical bacteriuria in female dogs. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2014;245:106-112.
  • 8. Weese JS, Giguère S, Guardabassi L et coll. ACVIM consensus statement on therapeutic antimicrobial use in animals and antimicrobial resistance. J. Vet. Intern. Med. 2015;29:487-498.
  • 9. White JD, Cave NJ, Grinberg A et coll. Subclinical Bacteriuria in older cats and its association with survival. J. Vet. Intern. Med. 2016;30:1824-1829.

Conflit d’intérêts

Aucun.

RÉSUMÉ

OBJECTIFS

Identifier la prévalence et l’incidence d’une bactériurie subclinique chez le chat non azotémique de plus de 7 ans, évaluer les facteurs de risque et rechercher la relation qui existe entre la survie de l’animal et une bactériurie non traitée.

MÉTHODE

Des chats non azotémiques, de plus de 7 ans, appartenant à une colonie de recherche ont été inclus. Sur une période de 3 ans, 256 échantillons d’urine sont prélevés chez 67 chats. Les individus développant une azotémie au cours de l’étude sont exclus. Ceux perdant du poids sont examinés et des tests sanguins et d’imagerie sont réalisés (hématologie, biochimie, mesure de la concentration en thyroxine totale [T4]). Si de plus amples investigations (invasives) sont requises et que les chats continuent à perdre du poids, ils sont euthanasiés. Les résultats de culture et d’analyse d’urine ne sont pas connus des vétérinaires en charge de la colonie au moment de la prise de décision d’euthanasie. Aucun traitement n’est mis en place pour une bactériurie subclinique. Les urines sont prélevées par cystocentèse.

RÉSULTATS

• 28 cultures positives sont obtenues (11 chats, dont 9 femelles), soit une prévalence de 10 à 13 %.

• Une pyurie est observée dans 13/28 échantillons.

• E. coli est identifié dans 16/20 échantillons et Staphylococcus dans 4/20 échantillons.

• 5/11 chats ayant une culture positive sont euthanasiés au cours de l’étude (perte de poids persistante secondaire à une maladie cardiaque, à un hyperthyroïdisme ou à un néoplasme).

• Une bactériurie subclinique n’est pas significativement associée à la survie, au poids ou à la concentration en créatinine sérique.

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