Sialocèle chez un chat - Le Point Vétérinaire expert canin n° 374 du 01/04/2017
Le Point Vétérinaire expert canin n° 374 du 01/04/2017

CHIRURGIE

Cas clinique

Auteur(s) : Florian Couronne

Fonctions : Clinique vétérinaire Bio’Vet santé animale
186, avenue du Général-de-Gaulle
40300 Peyrehorade
www.biovetsanteanimale.fr
couronne.biosud@orange.fr

Un cas rare de sialocèle est traité avec succès chez un chat âgé de 1 an, par exérèse de la glande parotide et de son conduit, tout en préservant le nerf facial.

Les sialocèles sont rares chez le chat et souvent d’étiologie indéterminée. Cet article présente la prise en charge chirurgicale d’une sialocèle d’origine parotidienne.

CAS CLINIQUE

1. Anamnèse

Une chatte stérilisée de 1 an et demi est présentée pour une tuméfaction sur la joue droite évoluant depuis 1 semaine (photo 1). L’animal est correctement vacciné et vermifugé, et vit à l’extérieur en contact avec d’autres chats. Aucun antécédent médical n’est rapporté, mais des conflits avec des congénères sont évoqués. L’appétit et la prise d’eau sont conservés.

2. Examen clinique

L’examen clinique général est normal. Hormis une tuméfaction de 3 cm de diamètre d’aspect fluctuant et non douloureuse à la palpation, aucune autre lésion n’est visible sur la joue droite. L’examen neurologique des nerfs crâniens, ainsi que l’examen de l’œil droit et de ses annexes sont normaux. Aucune anomalie de la cavité buccale n’est mise en évidence (photo 2).

3. Hypothèses diagnostiques

Le diagnostic différentiel d’une masse dans cette localisation comprend un abcès (par griffure ou morsure, ou abcès dentaire), un hématome, un sérome inflammatoire, une sialocèle (à la suite d’une rupture traumatique, d’une sténose ou d’une obstruction du canal parotidien par un calcul), une sialadénite et une néoplasie (adénome, adéno­carcinome, fibrosarcome, etc.) [3, 5, 11].

4. Examens complémentaires

En raison du jeune âge de l’animal, les néoplasies semblent peu probables. Un examen radiographique de la tête en incidence dorso-ventrale montre un gonflement des tissus mous à droite, et permet d’exclure la présence d’un sialolithe ou d’un corps étranger radio-opaque (dans la limite de la sensibilité de la radiographie) (photo 3). Une paracentèse de la masse met en évidence un liquide transparent et séreux, paucicellulaire avec quelques hématies et des cellules phagocytaires vacuolées compatibles avec des macrophages (photos 4 et 5). L’aspect du liquide et la cytologie sont en faveur d’une sialocèle (secondaire à la rupture ou à la sténose du canal parotidien), sans pouvoir exclure un sérome inflammatoire. L’absence de lésion oculaire et de tuméfaction intrabuccale rend peu probable l’hypothèse d’une sialocèle zygomatique. Après une tonte de la zone, une cicatrice de 1 cm compatible avec une griffure est visible caudalement à la sialocèle, ce qui renforce la suspicion d’une origine traumatique de la rupture du canal parotidien (photo 6).

5. Traitement

Deux paracentèses à 24 heures d’intervalle ont été effectuées. Les traitements antibiotique (amoxicilline-acide clavulanique, 12,5 mg/kg deux fois par jour per os pendant 10 jours) et anti-inflammatoire stéroïdien (prednisolone, 0,5 mg/kg une fois par jour per os pendant 5 jours, puis 0,25 mg/kg une fois par jour per os pendant 10 jours) n’ont pas permis d’obtenir une amélioration clinique. Étant donné la suspicion de sialocèle, un traitement chirurgical sous anesthésie générale est proposé.

L’anesthésie est induite avec du butorphanol (0,3 mg/kg par voie intramusculaire [IM]), de la médétomidine (20 µg/kg IM) et de la kétamine (10 mg/kg par voie intraveineuse), puis maintenue à l’isoflurane à 1,5 % avec une fluidothérapie à 5 ml/kg/h de NaCl 0,9 % en phase péri-opératoire.

L’animal est placé en décubitus latéral, avec la tête en extension pour dégager la région pharyngée. Une incision horizontale en regard de la glande parotide droite depuis la base du méat acoustique externe jusqu’à la sialocèle est réalisée (photo 7). Le muscle parotido-auriculaire, situé latéralement à la glande, est sectionné et les branches du nerf facial sont identifiées et protégées (photo 8). Les vaisseaux temporaux superficiels et auriculaires caudaux sont ligaturés (ils sont de petite taille chez le chat). La dissection de la glande parotide commence par sa partie dorso-caudale et se poursuit ventralement. Le canal parotidien est ensuite disséqué en direction rostrale jusqu’à la sialocèle et les deux éléments sont ainsi retirés (photo 9). Une incision de la sialocèle sans retrait de la capsule est pratiquée, cette dernière n’étant pas sécrétante, et pour prévenir d’éventuelles lésions sur les structures vasculo-nerveuses locales (photo 10). Une fermeture minutieuse plan par plan est réalisée afin de limiter les espaces morts et la formation de séromes postopératoires.

L’animal est rendu à son propriétaire avec une collerette et des anti-inflammatoires non stéroïdiens (méloxicam, 0,05 mg/kg une fois par jour per os pendant 10 jours).

6. Suivi

Lors du retrait des points à 15 jours, aucune complication n’est décrite par les propriétaires, excepté un léger sérome 24 heures après l’intervention chirurgicale et la déhiscence d’un point de suture. L’évaluation des nerfs crâniens est normale et la sensibilité faciale conservée. Aucune récidive n’est actuellement rapportée (photo 11).

DISCUSSION

Les sialocèles (ou mucocèles salivaires) sont des accumulations de salive limitées par un tissu de granulation [3]. Elles sont rares chez le chat. Il existe peu de cas décrits dans les données publiées, et seulement trois cas de rupture du conduit parotidien (traumatique, iatrogénique et sténose) [3, 6, 8, 11]. Le chat possède cinq glandes salivaires : parotide, sublinguale, mandibulaire, zygomatique et molaire. La glande sublinguale est la plus souvent affectée, et plus rarement les glandes mandibulaire, parotide et zygomatique [2, 3, 5, 10]. Les sialocèles sont principalement d’origine indéterminée, mais leur apparition peut être due à un traumatisme (chocs, piqûres, morsures, etc.), à des corps étrangers ou à des sialolithes. Chez le chien, l’origine traumatique n’a été objectivée que dans 16 % des cas [1].

Le diagnostic est établi tout d’abord par la mise en évidence d’une tuméfaction d’apparition progressive en regard des régions anatomiques des glandes salivaires et/ou de leurs conduits. Dans le cas d’une sialocèle d’origine parotidienne, la paracentèse permet de recueillir un liquide transparent (parfois jaunâtre ou rosé), séreux et paucicellulaire à la cytologie. Les cellules les plus fréquentes sont celles de l’épithélium glandulaire, de type phagocytaire (macrophages), des hématies et parfois des neutrophiles lors d’inflammation ou d’infection secondaire [12]. Cette technique est l’examen de choix pour le diagnostic de la sialocèle.

L’imagerie (examens radiographique, échographique, tomodensitométrique et par résonance magnétique) permet de détecter la présence d’un sialolithe ou d’un corps étranger radio-opaque, et de délimiter les contours de la sialocèle. La sialographie est un examen complémentaire envisageable, surtout dans le cas d’une affection de la glande parotide et de son conduit, mais elle est techniquement difficile et ne permet que rarement d’être décisive dans le choix thérapeutique [3, 5, 8, 11].

La sialocèle d’origine zygomatique est généralement associée à des modifications secondaires de l’œil, comme une conjonctivite, un chémosis, une exophtalmie ou un strabisme [8]. Dans le cas décrit, la localisation anatomique et l’absence de lésion oculaire n’ont pas privilégié cette affection, et une rupture du canal parotidien est fortement suspectée.

Le protocole d’anesthésie-analgésie pour une parotidectomie doit être optimal et adapté comme pour toute intervention chirurgicale. L’association de butorphanol et de médétomidine aux doses utilisées dans ce cas (0,3 mg/kg et 20 µg/kg respectivement) ne permet d’obtenir qu’une analgésie faible et de courte durée. La dose de butorphanol aurait probablement pu être augmentée à 0,4 mg/kg afin d’obtenir une meilleure analgésie. Une solution alternative possible aurait été d’administrer de la buprénorphine à la dose de 20 µg/kg ou de la méthadone à celle de 0,5 mg/kg, comme le suggèrent certaines études dans cette espèce [7]. Une anesthésie locale aurait aussi dû être envisagée pour ce type d’intervention, par blocs ou directement sur la zone opératoire. Une association de lidocaïne à 2 % (1 mg/kg, soit 0,05 ml/kg) et de bupivacaïne à 0,5 % (1 mg/kg, soit 0,2 ml/kg) réparties dans la même seringue peut être utilisée [9]. En effet, la lidocaïne procure une anesthésie locale rapide mais de courte durée, alors que la bupivacaïne a un temps d’installation plus long (20 minutes) mais une action prolongée [9]. L’administration préopératoire de méloxicam aurait également pu être envisagée, pour prendre en charge plus efficacement la douleur essentiellement inflammatoire de cet acte opératoire.

La parotidectomie chez le chat, comme dans toute autre espèce, est un acte chirurgical délicat, au cours duquel l’intégrité du nerf facial et de ses branches situées ventralement et dorsalement au canal parotidien doit être préservée [2, 10].

La ligature du conduit parotidien peut être une option chirurgicale plus simple, qui a fait ses preuves chez le rat et le chien [4, 11]. En effet, la production de salive sans évacuation induirait une atrophie glandulaire. Mais il semble que, chez le chat, l’obstruction des canaux salivaires provoque plutôt la formation de sialocèles ainsi qu’une atrophie partielle des acini, ce qui motive un retrait complet de la glande et de ses canaux pour un meilleur succès thérapeutique [4, 11]. La pose d’un drain est facultative et dépend de la possibilité de la réduction des espaces morts.

Le traitement médical postopératoire consiste en l’administration d’anti-inflammatoires non stéroïdiens pour leur effet analgésique et pour aider à pallier la formation de séromes inflammatoires. Des antibiotiques sont prescrits en cas de suspicion d’infection secondaire. Les principales complications sont les séromes (les plus fréquents), les récidives (5 % des cas chez le chien), les infections secondaires et les lésions du nerf facial [3, 8]. Le pronostic est excellent en l’absence de complications.

Conclusion

La rupture traumatique du canal parotidien chez le chat est une affection rare et de très bon pronostic après traitement chirurgical. Peu de complications surviennent si le nerf facial et ses branches sont protégés soigneusement et les espaces morts réduits. Les récidives sont rares, sauf en cas d’exérèse incomplète de la glande.

Références

  • 1. Bellenger CR, Simpson DJ. Canine sialocoeles: 60 cases. J. Small Anim. Pract. 1992;33:376.
  • 2. Gil J, Gimeno M, Laborda J, Nuviala J. Anatomia del perro: protocolos de diseccion. 2nd ed. Elsevier Masson. 2005:248.
  • 3. Grand JG, Bureau S. Diagnostic et traitement des mucocèles salivaires. Point Vét. 2009;294:29-34.
  • 4. Harrison JD, Fouad HMA, Garrett JR. The effects of ductal obstruction on the acinar cells of the parotid of cat. Arch. Oral Biol. 2000;45:945-949.
  • 5. Proot JLJ, Nelissen P, Ladlow JF et coll. Parotidectomy for the treatment of parotid sialocoele in 14 dogs. J. Small Anim. Pract. 2016;57:79-83.
  • 6. Rahal SC, Nunes AL, Teixeira CR, Cruz ML. Salivary mucocele in a wild cat. Can. Vet. J. 2003;44:933-934.
  • 7. Slingsby SL, Bortolami E, Murrell JC. Methadone in combination with medetomidine as premedication prior to ovariohysterectomy and castration in the cat. J. Feline Med. Surg. 2015;17:864-872.
  • 8. Speakman AJ, Baines SJ, Williams JM, Kelly DF. Zygomatic salivary cyst with mucocele formation in a cat. J. Small Anim. Pract.1997;38:468-470.
  • 9. Spreux D, Holopherme D. Le RUMM block en images. Point Vét. 2009;300:50-51.
  • 10. Tobias KM, Johnston SA. Veterinary surgery small animal. Elsevier. 2012:1439.
  • 11. Vallefuoco R, Jardel N, El Mrini M et coll. Parotid salivary duct sialocele associated with glandular duct stenosis in a cat. J. Feline Med. Surg. 2011;13:781-783.
  • 12. Villiers E, Blackwoods L. Manual de diagnostico de laboratorio en pequeños animales. 2nd ed. Coleccion British Small Animal Veterinary Association. 2009:449.

Conflit d’intérêts

Aucun.

Points forts

→ Chez le chat, les ruptures du conduit parotidien sont rares, avec seulement trois cas décrits dans les données publiées (ruptures traumatique, iatrogénique et secondaire à une sténose).

→ La paracentèse d’une masse récoltant un liquide transparent, séreux et paucicellulaire est compatible avec une sialocèle.

→ La parotidectomie totale est la seule option thérapeutique efficace lors de rupture du canal parotidien.

→ La conservation de l’intégrité du nerf facial est le point critique majeur de la chirurgie.

REMERCIEMENTS

À Mle Marie Bourlon, auxiliaire spécialisée vétérinaire à la clinique vétérinaire Bio’Vet santé animale, pour la prise des photos.

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