Le mycophénolate mofétil dans le traitement des dermatoses à médiation immune chez 14 chiens - Le Point Vétérinaire expert canin n° 374 du 01/04/2017
Le Point Vétérinaire expert canin n° 374 du 01/04/2017

MÉDECINE INTERNE

Analyse d’article

Auteur(s) : Charline Pressanti

Fonctions : INP-ENV Toulouse
23, chemin des Capelles
31076 Toulouse
c.pressanti@envt.fr

Le mycophénolate mofétil (MMF) est fréquemment utilisé en médecine humaine pour le traitement des affections à médiation immune. Peu employé en médecine vétérinaire, il présente néanmoins un mode d’action similaire à l’azathioprine et serait mieux toléré que cette dernière. L’objectif de cette étude était d’évaluer l’efficacité et la toxicité du MMF pour la prise en charge des dermatoses à médiation immune chez le chien.

GÉNÉRALITÉS

Le MMF est une molécule aux propriétés immunosuppressives, utilisée chez l’homme et l’animal pour la prise en charge des affections auto-immunes et dysimmunitaires [2, 4]. Le MMF était initialement administré chez l’homme pour la prévention du rejet de greffe. Chez le chien, il est préférentiellement employé pour la prise en charge des anémies hémolytiques à médiation immune, la myasthénie grave et le pemphigus vulgaire [8].

Le MMF est la prodrogue de l’acide mycophénolique. Ce dernier agit comme un inhibiteur de l’inosine monophosphate déshydrogénase (IMPDH). Cette enzyme est indispensable à la formation de la guanosine qui, elle, permet la formation du nucléotide : la guanine. La cytotoxicité du MMF est spécifique des lymphocytes T (LT) et B. En effet, ces cellules ont besoin de synthétiser de novo les bases puriques, or le MMF empêche la synthèse de la guanine. Plus spécifiquement, l’acide mycophénolique cible l’isoforme de type II de l’IMPDH particulièrement abondante au sein des LT activés. Le MMF est donc relativement spécifique des LT et B, réduisant ainsi les réponses immunitaires cellulaires et humorales. Le MMF est rapidement actif lorsqu’il est utilisé par voie orale. Sa myélotoxicité et son hépatotoxicité sont également réduites par rapport à l’azathioprine (AZT). Malgré ces avantages, le MMF n’est pas la molécule le plus souvent rapportée comme agent d’épargne des corticoïdes chez le chien. Les effets secondaires rapportés chez cette espèce sont des désordres digestifs (diarrhée, vomissements), une perte de poids, des réactions allergiques et des papillomatoses [4, 6].

EFFICACITÉ

L’objectif de l’étude était de décrire l’efficacité du MMF en association avec les glucocorticoïdes (GC) dans la prise en charge des dermatoses à médiation immune chez le chien.

Elle démontre que le MMF est un agent intéressant pour la prise en charge de ces affections. De plus, les effets secondaires sont minimes. Le MMF a permis une résolution complète des symptômes dans six cas sur neuf de pemphigus foliacé. Ce résultat est en contradiction avec des données précédemment publiées, montrant une efficacité mitigée du MMF lors de pemphigus superficiel. Toutefois, dans cette ancienne étude, le MMF était utilisé comme agent de première ligne, ce qui peut expliquer les différences de résultat. Le MMF a montré une bonne efficacité dans la prise en charge des seuls cas d’épidermolyse bulleuse acquise et de lupus vésiculeux. Peu de données sont rapportées sur l’efficacité du MMF dans ces affections.

Le chien présentant des fistules anales n’a pas montré d’amélioration avec l’utilisation du MMF. Ce type de molécule n’est toutefois pas rapporté comme permettant une bonne gestion de cette affection.

L’AZT utilisée dans une étude précédemment publiée montrait un effet variable. Bien que les effets soient positifs dans un nombre important de cas, les effets secondaires tels que la myélotoxicité étaient fréquents et rendaient difficile l’utilisation de cette molécule [1].

La durée moyenne de rémission des affections dans cette étude était de 5,7 semaines. Il est en général estimé que les effets du MMF sont perceptibles en 3 à 6 semaines. Avec l’AZT, les durées sont équivalentes.

EFFETS SECONDAIRES, TOXICITÉ

Les effets secondaires liés à l’utilisation de ce type de molécule à propriété cytotoxique sont fréquents. Le MMF a un mécanisme d’action similaire à celui de l’AZT. Sa myélotoxicité est toutefois réduite, ses effets secondaires sont modérés et transitoires. Dans cette étude, les toxicités médullaire et hépatique n’ont pas été prouvées. L’AZT est responsable d’une hépatotoxicité dans 15 à 30 % des cas et d’une toxicité médullaire dans 8 à 13 % des cas [3, 5].

Sur les 14 chiens traités, 6 ont présenté des signes de diarrhée. Le MMF peut entraîner une nécrose intestinale et donc de la diarrhée lorsqu’il est utilisé à forte dose (10 à 15 mg/kg toutes les 8 heures) [7]. Ces signes peuvent être létaux, avec des lésions d’entérocolite ulcérative et de nécrose des cryptes. Lorsque le MMF est utilisé deux fois par jour, les signes digestifs sont moins marqués et répondent aux effets du métronidazole. Ces éléments incitent donc à ne pas utiliser le MMF à forte dose, ou trois fois par jour.

LIMITES DE L’ÉTUDE

Le caractère rétrospectif de l’étude en limite sa puissance. De plus, le nombre de chiens est faible. Le dosage exact en GC n’est pas disponible chez tous les animaux et les autres traitements administrés peuvent limiter l’interprétation des résultats.

Conclusion

Malgré certaines limites, cette étude montre que le MMF est une option thérapeutique utilisable chez le chien en association avec les GC pour la prise en charge de certaines dermatoses à médiation immune. Sa toxicité plus faible le rend plus attractif que l’AZT, pourtant toujours couramment utilisée en dermatologie.

Références

  • 1. Harkin KR, Phillips D, Wilkerson M. Evaluation of azathioprine on lesion severity and lymphocyte blastogenesis in dogs with perianal fistulas. J. Am. Anim. Hosp. Assoc. 2007;43(1):21-26.
  • 2. Orvis AK, Wesson SK, Breza TS et coll. Mycophenolate mofetil in dermatology. J. Am. Acad. Dermatol. 2009;60(2):183-199;quiz 200-2.
  • 3. Piek CJ, Van Spil WE, Junius G, Dekker A. Lack of evidence of a beneficial effect of azathioprine in dogs treated with prednisolone for idiopathic immune-mediated hemolytic anemia: a retrospective cohort study. BMC Vet. Res. 2011;7:15.
  • 4. Viviano KR. Update on immununosuppressive therapies for dogs and cats. Vet. Clin. North Am. Small Anim. Pract. 2013;43(5):1149-1170.
  • 5. Wallisch K, Trepanier LA. Incidence, timing, and risk factors of azathioprine hepatotoxicosis in dogs. J. Vet. Intern. Med. 2015;29(2):513-518.
  • 6. Wang A, Smith JR, Creevy KE. Treatment of canine idiopathic immune-mediated haemolytic anaemia with mycophenolate mofetil and glucocorticoids: 30 cases (2007 to 2011). J. Small Anim. Pract. 2013;54(8):399-404.
  • 7. West LD, Hart JR. Treatment of idiopathic immune-mediated hemolytic anemia with mycophenolate mofetil in five dogs. J. Vet. Emerg. Crit. Care. 2014;24(2):226-231.
  • 8. Whitley NT, Day MJ. Immunomodulatory drugs and their application to the management of canine immune-mediated disease. J. Small Anim. Pract. 2011;52(2):70-85.

Conflit d’intérêts

Aucun.

RÉSUMÉ

CONTEXTE

Le mycophénolate mofétil (MMF) est un immunosuppresseur lymphocytotoxique couramment utilisé en médecine humaine pour le traitement des affections à médiation immune. Cette molécule est souvent préférée à l’azathioprine, car elle présente une myélotoxicité et une hépatotoxicité réduite.

OBJECTIFS

Démontrer que le MMF peut être utilisé comme immunomodulateur en association avec les glucocorticoïdes (GC) et permet un meilleur contrôle des dermatoses. Les effets secondaires liés à l’utilisation de cette molécule sont également recensés.

MATÉRIEL ET MÉTHODE

Il s’agit d’une étude rétrospective étudiant 14 chiens atteints d’une dermatose à médiation immune. Les cas ont été recensés entre 2010 et 2015.

RÉSULTATS

• Tous les animaux ont reçu, conjointement aux GC, du MMF dont la dose moyenne journalière était de 14,7 mg/kg toutes les 12 heures.

• Les dermatoses étaient notamment le pemphigus foliacé, le lupus vésiculeux, les fistules périanales et les dermatoses bulleuses.

• L’état de 10 chiens sur 14 s’est amélioré ; 10 chiens ont présenté une rémission complète et 2 une amélioration partielle.

• La durée moyenne de rémission était de 5,7 semaines.

• Le traitement a été interrompu chez un animal qui ne montrait aucune amélioration et chez un autre individu ayant développé une tumeur.

• 6 chiens ont présenté de la diarrhée, 2 une hématochézie et 3 des vomissements. Les signes digestifs étaient peu graves. Un seul animal a développé des papillomes.

• Aucune myélosuppression ou hépatotoxicité n’a été constatée.

CONCLUSION

Le MMF est donc une molécule utilisable en association avec les GC pour la prise en charge des dermatoses à médiation immune chez le chien.

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