Étiopathogénie et mesures de prévention - Le Point Vétérinaire n° 373 du 01/03/2017
Le Point Vétérinaire n° 373 du 01/03/2017

PÉRITONITE INFECTIEUSE FÉLINE

Dossier

Auteur(s) : Édouard Martin*, Benjamin De Pauw**

Fonctions :
*Département des sciences cliniques,
Centre hospitalier universitaire vétérinaire
Faculté de médecine vétérinaire
Université de Montréal, Québec, Canada
3200, rue Sicotte, J2S 7C6
Saint-Hyacinthe, Québec, Canada
edouard.martin25@gmail.com
**CHV Massilia
121, avenue Saint-Julien
13012 Marseille b.depauw@animedis.com

Comprendre l’étiopathogénie de la péritonite infectieuse féline est essentielle pour mettre en place des mesures de prévention adaptées.

Le virus de la péritonite infectieuse féline (FIPV) fait partie des coronavirus félins (FCoV) et provient de la mutation du coronavirus entérique félin (FECV). Ce virus très présent chez les chats du monde entier n’est pas, en tant que tel, un agent pathogène d’importance. Seule une faible proportion des chats atteints du FECV va contracter une péritonite infectieuse féline (PIF). Un chat atteint de la PIF ne peut pas la propager directement, mais, en revanche, il peut transmettre le FECV. Mis à part des méthodes hygiéniques, peu de mesures préventives sont réellement efficaces [2, 4].

1 Pathogénie

Propriétés des coronavirus

Les FCoV appartiennent à la famille des Coronaviridae, de l’ordre des Nidovirales. Ils sont de grande taille, sphériques, enveloppés et à ARN positif simple brin [2].

Les coronavirus s’adaptent continuellement à leur hôte, et peuvent affecter toutes les espèces de mammifères et d’oiseaux. Ainsi, ils sont une cause commune de maladies transitoires entériques et respiratoires dans de nombreuses espèces (encadré) [4].

Les FCoV sont très semblables au coronavirus canin (CCoV) et au virus de la gastro-entérite transmissible porcine (TEGV). Tous trois font d’ailleurs partie de la même espèce virale dans le genre Alphacoronavirus.

Le génome des coronavirus est grand pour un génome à ARN (de 27 à 32 kb) et, comme tous les virus à ARN, il est sujet à des mutations ponctuelles.

Il existe deux types de FCoV. Le type I est le plus répandu en Europe et en Amérique, alors que le type II semble davantage présent en Asie [1, 4]. Ce dernier résulte d’une recombinaison entre le type I et le CCoV. Le type II est néanmoins le plus étudié en raison sa réplication plus facile in vitro.

Les FCoV existent sous deux formes : une forme entérique (FECV) et une forme responsable de la PIF (FIPV).

Le FECV est un agent pathogène présent en grand nombre dans le tractus intestinal des chats. L’infection est majoritairement subclinique. Néanmoins, elle est parfois associée à une légère diarrhée transitoire [4]. Les FCoV résistent 7 semaines dans un environnement sec, mais sont inactivés par la plupart des désinfectants [2].

Le FIPV provient probablement de mutations du FECV. Selon les études, environ 10 % des chats infectés par le FECV vont développer une PIF.

Les mutations peuvent se produire avec les deux types de FCoV, mais semblent plus fréquentes avec le type I. Trois gènes différents ont été associés aux mutations du FECV en FIPV. En l’état actuel des connaissances, il ne semble pas possible qu’un chat atteint de FIPV transmette le virus mutant de la PIF directement à d’autres chats, mais la reproduction expérimentale de la maladie est possible [4, 5].

Lors de PIF, le virus muté change de tropisme. Initialement présent dans les entérocytes, le virus va se répliquer dans les macrophages et les monocytes de l’hôte. La PIF est traditionnellement subdivisée en deux formes. La forme effusive (humide) est caractérisée par une polysérosite et une vascularite associées à des pyogranulomes. La forme non effusive (sèche) est caractérisée par la formation de granulomes. Ces deux formes théoriques sont deux présentations cliniques extrêmes d’une même maladie. Ainsi, de nombreux chats vont présenter des signes cliniques des deux entités [5, 6].

Il semblerait que la différence entre ces deux formes résulte de la réaction des macrophages à l’infection virale et de la réaction du système immunitaire aux cellules infectées. Ainsi, la forme effusive serait secondaire à une déficience de la réponse immunitaire à médiation cellulaire en lymphocytes T [4]. La forme sèche découlerait des suites d’une réponse immunitaire cellulaire partielle. L’infection virale serait restreinte à un faible nombre de macrophages dans des organes spécifiques (rate, foie, reins) [4] (figure).

Épidémiologie

La PIF est une maladie fatale et ubiquiste. De nombreuses études mettent en évidence plusieurs facteurs de risque, principalement l’âge, la race, le mode de vie et le sexe [4].

Ainsi, la PIF touche principalement de jeunes chats (moins de 2?ans) provenant d’endroits à forte concentration (chatterie, élevage, etc.). Les chats de race sont plus souvent atteints et certaines races apparaissent plus sensibles (bengal) [2]. Bien que sujet à controverse, le sexe semble également être un facteur de risque, les mâles entiers étant rapportés comme plus fréquemment atteints [1, 4]. De plus, le stress (anesthésie, changements d’environnement) serait un facteur favorisant à l’apparition de la mutation [4].

Dans les élevages, les chatons sont généralement infectés par le FECV vers l’âge de 5 à 6 semaines, lorsque les anticorps maternels diminuent. La transmission féco-orale est la plus fréquente. Les selles contenant des concentrations élevées de FECV, les litières représentent la principale source d’infection. La salive peut également jouer un rôle important dans les groupes à forte concentration. La transmission transplacentaire du FECV a été décrite, mais semble très rare [2].

Lors d’infection, les chats peuvent commencer à excréter le FCoV dans leurs selles après 1 semaine, et ce pendant des semaines ou des mois.

2 Prévention

Vaccination

Il existe un vaccin contre la PIF, disponible en Belgique et en Amérique du Nord, mais non en France (Primucell FIP®, Zoetis). La vaccination se fait par voie intranasale et contient une version mutée du FCoV de type II qui ne se multiplie qu’à faible température (celle des cavités nasales), et non à la température corporelle. Le virus vaccinal se multiplie localement et procure ainsi une immunité locale dans l’oropharynx, site d’entrée du virus. Cependant, le type d’immunité conféré par le vaccin est inconnu. Cette immunité ne peut être seulement locale, sinon elle ne suffirait pas à la protection.

L’efficacité de ce vaccin est contestée. Il protège les chats de la PIF dans 50 à 75 % des cas et n’est pas performant chez ceux qui sont déjà séropositifs. La vaccination contre la PIF pourrait donc être envisagée chez des chatons séronégatifs avant leur introduction dans un environnement infecté par le FCoV [1, 2].

Bien que cela ne soit pas mentionné par le fabricant, une détection des anticorps par Elisa est recommandée avant la vaccination, dans la mesure où ce vaccin est inefficace chez les chats séropositifs [1]. La primovaccination consiste en deux injections à 3 semaines d’intervalle à partir de l’âge de 16 semaines. Avant l’âge de 16 semaines, la vaccination n’a pas démontré de protection efficace. Par la suite, le rappel de vaccination est annuel. Ce vaccin peut être administré avec d’autres vaccins, chez des chattes gestantes ou des chats infectés par le virus de la leucose féline (FeLV) [1]. L’inconvénient de ce vaccin est que les chats vaccinés deviennent séropositifs, ce qui ne veut pas dire qu’ils sont infectés par la PIF, mais cela empêche tout contrôle sérologique par la suite [1, 2].

Gestion de l’environnement

Le FCoV étant un virus très contagieux, tout chat atteint de FIPV ou de FECV est une potentielle source d’infection de FCoV pour des congénères. Plusieurs mesures préventives et d’hygiène doivent être prises dans les environnements à forte concentration, comme les chatteries, les expositions ou les cliniques vétérinaires.

Le FCoV résiste jusqu’à 7 semaines dans l’environnement. Il est donc conseillé d’attendre 2 mois avant de réintroduire un nouvel individu dans un environnement où un chat atteint de PIF a vécu.

Lors de l’introduction d’un nouvel individu dans un environnement peuplé de chats non excréteurs de FCoV, une quarantaine de 2 mois est requise. Une RT-PCR (retro-transcriptase-polymerase chain reaction) sur écouvillon rectal devrait être réalisée afin de déterminer si le chat est excréteur de FCoV. Ainsi, les chats seraient séparés selon leur statut d’excrétion afin de limiter la propagation du virus [1, 2]. Le virus pouvant être excrété pendant au moins 2 à 3 mois, une RT-PCR sur selles tous les mois permettrait de suivre le statut des animaux. Un chat excrétant le virus pendant 9 mois devrait être considéré comme excréteur à vie. Ainsi, en réévaluant le statut d’excrétion régulièrement et en séparant les chats selon leurs statuts, il serait possible d’éliminer le FCoV d’une chatterie [1].

Dans la mesure où un chat atteint de PIF ne transmet pas le virus FIPV, lorsque cet animal provient d’un environnement à plusieurs chats, il est fort probable que les autres soient déjà infectés par le FCoV. Il n’y a donc théoriquement aucun bénéfice à isoler ce chat [2].

Les infections sont surtout problématiques dans les environnements à forte concentration. Les selles des chats infectés constituant la principale source d’infection, l’hygiène des litières est très importante (photo). Il convient de disposer d’un nombre suffisant de litières (une de plus que le nombre de chats), et de les nettoyer et désinfecter régulièrement. S’il n’est pas possible de donner aux chats accès à l’extérieur (où ils peuvent faire leurs selles et les enterrer), l’idéal serait de les séparer par groupe de trois par pièce [2].

Dans les cliniques vétérinaires, si un animal est suspecté de PIF, un nettoyage suivi d’une désinfection classique est suffisant avant l’introduction d’un autre chat dans la même cage. En effet, le FCoV est sensible à la plupart des désinfectants usuels [2].

Le FCoV n’est pas transmissible au chien. En revanche, les chats peuvent être infectés par le CCoV, mais ils ne développent pas de signes cliniques. De plus, il ne semble pas que l’homme puisse être infecté par le FCoV et les coronavirus humains n’infecteraient pas les chats de façon naturelle. Il n’y a donc pas d’inquiétude à avoir quant à des transmissions interespèces [1].

Conclusion

Les FECV sont présents de manière enzootique dans les environnements à forte concentration féline. Le FIPV provient de la mutation du FECV. Le pronostic étant réservé, la meilleure prise en charge est la prévention. La prophylaxie repose principalement sur des mesures hygiéniques, voire sur la vaccination lorsqu’elle est disponible.

Références

  • 1. Addie DD. Feline coronaviral infections. In: Greene CE, ed. Infectious diseases of the dog and cat. 4th ed. Saunders Elsevier, St Louis. 2012:92-107.
  • 2. Addie DD, Belák S, Boucraut-Baralon C et coll. Feline infectious peritonitis. ABCD guidelines on prevention and management. J. Feline Med. Surg. 2009;11 (7):594-604.
  • 3. De Wit E, van Doremalen N, Falzarano D et coll. SARS and MERS: recent insights into emerging coronaviruses Nature Rev. Microbiol. 2016;14:523-534.
  • 4. Pedersen NC. An update on feline infectious peritonitis: virology and immunopathogenesis. Vet. J. 2014;201 (2):123-132.
  • 5. Pedersen NC. An update on feline infectious peritonitis: diagnostics and therapeutics. Vet. J. 2014;201 (2):133-141.
  • 6. Thiry É. Virologie clinique du chien et du chat. Éd. Point Vét. 2015:232p.

Conflit d’intérêts

Aucun.

ENCADRÉ
Coronavirus chez l’homme

En médecine humaine, les coronavirus sont généralement responsables de rhumes ou de symptômes grippaux bénins. Ainsi, les infections ne sont généralement pas diagnostiquées en raison de leur caractère bénin et de leur guérison spontanée [3]. Néanmoins, les coronavirus ont récemment été responsables de deux épidémies mortelles. Le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS-COV) est le premier coronavirus à avoir provoqué une maladie grave chez l’homme. L’épidémie, survenue entre fin 2002 et début 2003, a commencé en Chine et s’est rapidement répandue, entraînant plus de 700 décès dans le monde. Le second est apparu en 2012 en Arabie saoudite : l’épidémie due au coronavirus du syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS-COV) est toujours en cours. Ce virus semble être faiblement transmissible, mais plus de 500 personnes sont décédées, principalement dans la péninsule Arabique [3]. Ces coronavirus émergents ont comme hôte réservoir une chauve-souris (ordre des Chiroptera). Un hôte intermédiaire est nécessaire à la transmission à l’homme. Il s’agirait de la civette palmiste (Paradoxurus hermaphroditus) pour le SRAS et du dromadaire (Camelus dromedarius) pour le MERS-COV [3].

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