Bénéfice d’un copolymère injectable d’acides gras dans le traitement des maladies articulaires - Le Point Vétérinaire expert canin n° 372 du 01/01/2017
Le Point Vétérinaire expert canin n° 372 du 01/01/2017

MALADIES DU CARTILAGE

Étude

Auteur(s) : Catherine Baugé*, Gérard Ewert**, Juliette Aury-Landas***, Marion Berthelot****, Karim Boumediene*****, Emmanuel Devaux******

Fonctions :
*Normandie Université, UNICAEN, BioConnecT,
UFR de médecine,
université de Caen,
Caen Cedex 5, CS14032 Caen
**Sexmoor Laboratoires,
ZI de la Massane,
497, avenue de la Massane,
13210 Saint-Rémy-de-Provence
***Normandie Université, UNICAEN, BioConnecT,
UFR de médecine,
université de Caen,
Caen Cedex 5, CS14032 Caen
****Normandie Université, UNICAEN, BioConnecT,
UFR de médecine,
université de Caen,
Caen Cedex 5, CS14032 Caen
*****Normandie Université, UNICAEN, BioConnecT,
UFR de médecine,
université de Caen,
Caen Cedex 5, CS14032 Caen
******Sexmoor Laboratoires,
ZI de la Massane,
497, avenue de la Massane,
13210 Saint-Rémy-de-Provence

Une étude a été réalisée par des équipes caennaises et lyonnaises pour évaluer l’efficacité et les modalités d’action d’un copolymère d’acides gras in vitro sur des chondrocytes et des synoviocytes, et, in vivo, chez des rats arthritiques.

Les maladies articulaires inflammatoires, telles que l’arthrose ou la polyarthrite, se caractérisent par une augmentation des taux de cytokines pro-inflammatoires, et notamment de l’interleukine-1β. Ces cytokines stimulent l’expression et le relargage de métalloprotéases matricielles (MMP, pour matrix metalloproteases), entraînant la dégradation de la matrice extracellulaire du cartilage et, par conséquent, une réduction de la mobilité et des douleurs pour les patients. L’objectif de cette étude était d’examiner le potentiel thérapeutique d’un copolymère d’acides gras dans des modèles d’inflammation du cartilage in vitro et in vivo.

CONTEXTE

Les maladies articulaires, comme l’arthrose ou la poly­arthrite rhumatoïde, sont caractérisées par une dégradation importante du cartilage articulaire, due à la surexpression de MMP et à une réduction de l’activité anabolique des chondrocytes. Les MMP, produites par les chondrocytes et les synoviocytes, sont des protéases dépendantes du zinc qui dégradent le cartilage et causent de graves lésions articulaires. Les MMP-1 et MMP-13, en particulier, digèrent le collagène de type II, le principal collagène du cartilage hyalin. La MMP-3, quant à elle, est également impliquée dans la dégradation de la matrice extracellulaire cartilagineuse en détériorant les protéoglycanes.

1. Rôle de l’interleukine 1

L’interleukine 1β (IL-1β) a été détectée dans le liquide synovial de patients souffrant d’arthrose [16]. Elle joue un rôle majeur dans les maladies articulaires, en provoquant une surproduction de prostaglandine E2 (PGE2), des espèces réactives de l’oxygène (ROS, pour reactive oxygen species), d’oxyde nitrique (NO) et de MMP. Tous ces acteurs contribuent à la dégradation du cartilage. De plus, l’IL-1b réduit les niveaux des inhibiteurs tissulaires des MMP (TIMP, pour tissue inhibitor of MMPs) dans les articulations arthrosiques, ainsi que la biosynthèse du collagène de type II et de l’agrécane, ce qui limite les possibilités de réparation du cartilage. Ces effets ont été confirmés par des études in vivo qui montrent que l’administration intra-articulaire d’IL-1β entraîne une perte en protéoglycanes. Cependant, même si l’IL-1β est un facteur crucial dans les mécanismes de dégradation du cartilage, d’autres cytokines pro-inflammatoires, en particulier le facteur de nécrose tumorale (TNF, pour tumor necrosis factor) a et l’IL-6, jouent également un rôle majeur et peuvent stimuler l’inflammation, notamment au cours de la polyarthrite.

Ces données ont conduit de nombreuses équipes à tester le bénéfice potentiel d’agents thérapeutiques dans des modèles in vitro d’arthrose ou d’arthrite, en étudiant leur capacité à lutter contre les effets de l’IL-1β. Ces travaux ont permis de valider les effets anti-inflammatoires de certains médicaments en mesurant l’expression des MMP, de PGE2 ou du NO dans des chondrocytes traités à l’IL-1β [2]. De plus, les cellules de la synoviale, appelées synoviocytes, jouent également un rôle majeur dans les maladies articulaires. C’est pourquoi il est essentiel d’étudier les effets anti-inflammatoires des traitements potentiels de l’arthrose ou de l’arthrite sur ces cellules présentes également dans l’articulation.

2. Thérapeutique articulaire

Le principal objectif des médicaments utilisés dans les maladies articulaires est la prise en charge des symptômes, en réduisant la douleur et l’inflammation sous-jacente [18]. Toutefois, étant donné leur coût et leur faible efficacité chez certains patients, il existe une forte demande pour le développement de nouveaux agents thérapeutiques, utilisables en médecine humaine ou vétérinaire [10, 20]. Fait intéressant, certains acides gras poly-insaturés sont bénéfiques pour la santé des mammifères. Par exemple, les acides gras n-3 à longue chaîne sont retrouvés dans les poissons et les mammifères marins, et les données épidémiologiques indiquent une corrélation entre les régimes alimentaires riches en poissons et une plus faible incidence des maladies inflammatoires [7]. En outre, ces acides gras semblent présenter une activité thérapeutique bénéfique dans de nombreuses affections, y compris pour la polyarthrite rhumatoïde ou l’arthrose [6, 17, 19]. Cela pourrait être associé à une augmentation de la synthèse de collagène et à une diminution de l’expression de médiateurs de l’inflammation, tels que la PGE2, comme caractérisée dans des fibroblastes in vitro [12]. Plus récemment, il a été montré, chez des chiens arthrosiques, qu’un régime alimentaire thérapeutique riche en acides gras de type acides gras oméga 3 réduit leur handicap locomoteur et améliore leurs performances dans les activités de la vie quotidienne [14]. Un effet bénéfique a également été montré chez des cochons d’Inde pour lesquels une alimentation riche en oméga 3 a réduit la sévérité de l’arthrose [13]. De plus, la capacité d’un copolymère d’acides gras, composé d’acide oléique, d’acide palmitique et d’acide stéarique, appelé ara 3000 beta®, à réduire les symptômes d’arthrose chez des chiens, avec une réduction de la boiterie et de la douleur, a été mise en évidence [9]. Ce gel injectable inhibe aussi la synthèse de leucotriènes et la dégranulation de mastocytes.

Dans cette étude, les propriétés anti-inflammatoires de ce copolymère d’acides gras, l’ara 3000 beta®, dans l’articulation ont été évaluées. Ont été observés ses effets sur la production de MMP induite par l’IL-1 et sur d’autres marqueurs de l’inflammation dans des cultures de chondrocytes articulaires, ainsi que sur des synoviocytes traités au lipopolysaccharide (LPS). De plus, un modèle d’inflammation in vivo a été utilisé afin d’apprécier l’intérêt thérapeutique de ce copolymère d’acides gras dans les maladies articulaires à forte composante inflammatoire, comme l’arthrose ou la polyarthrite rhumatoïde.

MÉTHODOLOGIE

1. Réactifs

Les réactifs ont été obtenus chez Invitrogen(1), sauf mention contraire. L’IL-1β(2) a été dissoute dans du tampon phosphate (phosphate buffer saline, PBS) avec de l’albumine sérique bovine (bovine serum albumin, BSA). Le LPS(2) from Escherichia coli 055:B5 a été dissous dans du PBS. Les oligonucléotides ont été fournis par Eurogentec(3). Le copolymère d’acides gras ara 3000 beta® (acide oléique : 8,75 mg/ml ; acide palmitique : 5,4 mg/ml ; acide stéarique : 4 mg/ml) a été fourni par les laboratoires Sexmoor et dilué au dixième dans du PBS supplémenté avec 0,25 % de BSA. Cette solution a été utilisée à deux dilutions (1:250 et 1:1000) dans du milieu RPMI (Roswell Park Memorial Institute) contenant 10 % de sérum de veau fœtal (SVF) et 0,25 % de BSA pour atteindre les concentrations finales suivantes (1:250 correspondant à 1,28 × 10-4 M d’acide oléique, 1,88 × 10-4 M d’acide palmitique et 2,84 × 10-4 M d’acide stéarique ; ou 1:1000 correspondant à 3,2 × 10-5 M d’acide oléique, 4,7 × 10-5 M d’acide palmitique et 7,11 × 10-5 M d’acide stéarique).

2. C*ulture des chondrocytes et traitements

Des chondrocytes articulaires sont préparés à partir de têtes fémorales de patients opérés pour des fractures de la hanche. Tous les donneurs ont signé un consentement avant l’opération, selon la réglementation locale en vigueur (accord obtenu auprès du Comité de protection des personnes Nord-Ouest III). Les cellules sont isolées et cultivées comme précédemment décrit [3]. Les échantillons de cartilage sont coupés en petits copeaux et les chondrocytes sont isolés par digestion séquentielle avec de la protéase type XIV(2) et de la collagénase de Clostridium histolyticum (Invitrogen)(1). La suspension cellulaire est filtrée et ensemencée à la densité de 4 × 104 cellules/cm2. Les cellules sont cultivées dans du milieu DMEM (Dulbecco’s modified eagle medium) supplémenté avec 10 % de SVF et des antibiotiques dans une atmosphère à 5 % de CO2. Le milieu est changé deux fois par semaine.

À J8, les cellules sont incubées avec du RPMI contenant 10 % de SVF et 0,25 % de BSA en présence ou non d’ara 3000 beta® (dilution 1:1000 ou 1:250). Le lendemain, les milieux sont changés et les cellules incubées avec l’ara 3000 beta® en présence ou non d’IL-1β (1 ng/ml)(2).

3. Culture des synoviocytes et traitements

Des synoviocytes sont préparés à partir de têtes fémorales de patients opérés pour des fractures de la hanche. Tous les donneurs ont signé un consentement avant l’opération, selon la réglementation locale en vigueur (accord obtenu auprès du Comité de protection des personnes Nord-Ouest III). Les cellules de la synoviale provenant de trois patients différents sont isolées par digestion enzymatique (collagénase), puis amplifiées dans du milieu RPMI supplémenté avec 10 % de sérum. Les cellules sont repiquées par passage avant utilisation.

Pour les expériences, les cellules sont incubées pendant 1 heure avec du RPMI contenant 10 % de SVF et 0,25 % de BSA en présence ou non d’ara 3000 beta® (dilution 1:1000 ou 1:250) avant l’ajout de LPS (1 µg/ml)(2).

4. Extraction d’ARN et réaction de RT-PCR

Les ARN totaux sont extraits au Trizol®. Après extraction, 1 µg d’ARN traité à la DNase-1 est rétrotranscrit en ADNc en présence d’oligo-dT et de transcriptase inverse. La réaction est réalisée à 37 °C pendant 1 heure, suivie d’une étape de dénaturation (10 minutes à 95 °C). L’amplification de l’ADNc généré est effectuée par PCR (polymerase chain reaction) en temps réel(4). Le niveau d’ARNm est calculé selon la méthode 2-ΔΔCT.

5. Dosage ELISA

Le relargage de PGE2 et des MMP dans les milieux de culture est quantifié en utilisant des kits Elisa. L’absorbance est déterminée à 450 nm avec une correction à 540 nm.

6. Dosage du NO

La génération de NO est déterminée par mesure de l’accumulation du nitrite dans les milieux de culture conditionnés en utilisant le réactif de Griess (1 % de sulfanilamide et 0,1 % de N-(1-naphthyl)-éthylènediamine dihydrochloride dans 5 % H3PO4(2)). Les échantillons et le réactif de Griess (150 µl chacun) sont mélangés et incubés pendant 5 minutes. L’absorption est estimée sur un lecteur de plaque(5) à 540 nm. Du nitrite de sodium (NaNO2)(2) est utilisé comme contrôle positif.

7. Extraits nucléaires et retardement sur gel

Les extraits nucléaires sont préparés comme précédemment décrit [16]. Le taux protéique est déterminé par la procédure colorimétrique Bradford. Pour les expériences de retardement sur gel (electrophoretic mobility shift assay, EMSA), 5 femtomoles de sonde biotinylée (correspondant au site consensus de liaison de NFkB) et 5 µg de protéines nucléaires sont incubées à température ambiante pendant 30 minutes dans un tampon de liaison (50 mM Tris-HCl pH 8, 1 mM dithiothréitol, 750 mM KCl, 2,5 mM EDTA, 0,5 % Triton-X100, 65,5 % glycérol v/v) avec du poly-dIdC (1 µg). Les échantillons sont ensuite chargés sur un gel à 7 % d’acrylamide non dénaturant. Après séparation, les sondes et protéines sont électrotransférées sur membrane PVDF et incubées avec de la peroxydase conjuguée à de la streptavidine (Sigma). Les signaux sont révélés avec le SuperSignal West Pico Chemiluminescent Substrate(6) et exposés sur un film autoradiographique.

8. Expériences in vivo

Les procédures d’expérimentation animale ont été réalisées dans l’animalerie du centre Valbex de l’université Lyon 1 (Villeurbanne) selon la réglementation locale après approbation par le comité d’éthique interne de l’animalerie. Les animaux ont été traités humainement pendant toute l’expérience conformément aux principes éthiques, internationalement reconnus, pour l’utilisation en laboratoire et les soins des animaux, et tous les efforts ont été faits pour minimiser leurs souffrances.

L’arthrite induite par adjuvant (AIA) est provoquée à J0 par une injection intradermique de 500 pi d’une suspension d’adjuvant complet de Freund (Difco, ref 0638-607) dans la patte arrière droite de rats Wistar EIPS mâles brièvement anesthésiés avec de l’isoflurane (moins de 3 minutes, 4 % d’isoflurane). L’injection intradermique entraîne la diffusion de l’adjuvant de Freund dans l’ensemble de l’organisme, de la même manière que certains vaccins. Par conséquent, l’inflammation et l’arthrite induites sont plus rapides et plus prononcées au niveau de la patte injectée, mais l’effet se propage à l’ensemble de l’organisme (photos 1 et 2).

Le développement de l’AIA est évalué par les changements de volume des pattes et l’apparition de lésions secondaires (photos 3 à 5). Le volume des pattes arrière ayant ou non reçu l’injection est déterminé par pléthysmographie. Les mesures sont effectuées sur une période de 30 jours. Le poids corporel est évalué quotidiennement. Le score de sévérité de l’arthrite est apprécié sur une échelle allant de 0 à 4, avec les correspondances suivantes :

- 0 : absence d’érythème et d’inflammation ;

- 1 : érythème cutané ;

- 2 : inflammation modérée (œdème) et érythème ;

- 3 : inflammation sévère ;

- 4 : inflammation très sévère avec ankylose. La notation est toujours faite par la même personne, en aveugle.

Les animaux (n = 10 par groupe) ont été répartis en trois groupes :

- les animaux arthritiques qui ont reçu des injections intramusculaires de 600 µl de sérum physiologique un jour avant l’injection de l’adjuvant de Freund et 300 µl de sérum physiologique à J6, J9 et J12 (groupe contrôle) ;

- les animaux arthritiques qui ont reçu une injection intramusculaire de 600 µl d’ara 3000 beta® la veille de l’injection de l’adjuvant de Freund et 300 µl d’ara 3000 beta® à J6, J9 et J12 (groupe ara 3000 beta®) (photo 6) ;

- les animaux arthritiques qui ont reçu tous les jours une solution aqueuse d’acide acétylsalicylique (200 µg/g) par voie orale, de J1 à J12.

9. Analyses statistiques

Pour les expériences in vitro, trois expériences différentes ont été réalisées. Les valeurs représentent les moyennes ± SEM et la significativité des différences a été calculée par le test t de Student. Pour les expériences in vivo, 10 animaux ont été utilisés pour chaque groupe, et des tests ANOVA (mesure répétée) suivis de ceux de Fisher PLSD et de Student ont été réalisés.

RÉSULTATS

1. Effet du copolymère d’acides gras sur le taux d’ARNm des MMP dans les chondrocytes

Après mise en évidence de l’absence de toxicité de l’ara 3000 beta® sur les chondrocytes lorsqu’il est dilué d’un facteur supérieur à 1:250, son effet sur l’expression des MMP-1, -3 et -13 sur des chondrocytes traités à l’IL-1 a été analysé. Il en résulte qu’un traitement de 48 heures avec le copolymère d’acides gras empêche clairement l’induction de l’expression des ARN messagers des MMP par l’IL-1. Cet effet est plus important lorsque les cellules sont préincubées avec le copolymère d’acides gras 24 heures avant la stimulation par l’IL-1 (figure 1). C’est la raison pour laquelle cette condition a été utilisée pour les protocoles suivants.

2. Effet du copolymère d’acides gras sur le relargage des MMP, du NO et de PGE2 dans des chondrocytes stimulés à l’IL-1

Le relargage des MMP dans le milieu de culture a ensuite été évalué par Elisa. Les expériences indiquent clairement que le traitement à l’ara 3000 beta® s’oppose au relargage des MMP induit par l’IL-1. Cependant, cet effet est statistiquement significatif seulement pour MMP-1 à la dilution 1:1000, et pour MMP-3 à la dilution 1:250. De plus, l’ara 3000 beta® (dilution de 1:1000 et de 1:250) réduit significativement le relargage de NO et de PGE2 par les cellules stimulées à l’IL-1 (figure 2).

3. Effet du copolymère d’acides gras sur l’activation de NFκB

Pour déterminer si les effets anti-inflammatoires d’ara 3000 beta® pourraient être associés à la modulation de l’activation de NFκB, son activité de liaison à l’ADN par retardement sur gel a été analysée (figure 3). Alors que l’IL-1 induit la liaison de NFκB à l’ADN, le cotraitement à l’ara 3000 beta® empêche ce phénomène, ce qui confirme l’effet anti-inflammatoire du copolymère d’acides gras.

4. Effet du copolymère d’acides gras sur l’expression des MMP et de l’IL-6 dans des synoviocytes stimulés au LPS

Par la suite, les synoviocytes étant connus pour jouer un rôle important dans l’inflammation, l’effet de l’ara 3000 beta® sur ces cellules a été apprécié. L’expression des MMP-1, -3 et -13 et de l’IL-6 a été évaluée par RT-PCR. Les expériences indiquent clairement que le traitement à l’ara 3000 beta® s’oppose à l’induction de l’expression des MMP et de l’IL-6 induite par le LPS (traitement utilisé pour induire l’inflammation). Cet effet est statistiquement significatif pour MMP-1 et l’IL-6 à la dilution 1:250, et pour MMP-3 à la dilution 1:1000. L’ara 3000 beta® (dilué au 1:1000 et au 1:250) réduit également significativement l’induction de l’expression de MMP-13 (figure 4A). De plus, les expériences d’Elisa confirment que l’ara 3000 beta® réduit le relargage des MMP par les synoviocytes. À 24 heures, cet effet est significatif pour MMP-1 et -13 (figure 4B). De manière intéressante, il s’accentue à 48 heures, au moins pour MMP-13 (figure 4C).

5. Effets du copolymère d’acide gras dans un modèle d’arthrite in vivo

Les propriétés anti-inflammatoires du copolymère dans un modèle d’arthrite induite par adjuvant de Freund (AIA) chez le rat ont été étudiées. L’injection de l’adjuvant induit une réaction inflammatoire marquée au niveau de la patte arrière droite dès le premier jour, qui s’accroît progressivement au cours des 20 jours suivants. Une réponse inflammatoire dans la patte non injectée (patte arrière gauche) est observée à partir du dixième jour après l’induction de l’AIA et augmente progressivement jusqu’à J21. Le traitement des rats avec de l’acide acétylsalicylique ne permet pas de réduire significativement l’inflammation. En revanche, l’ara 3000 beta® réduit le développement de l’œdème à la patte droite (qui a reçu l’injection de l’adjuvant) (p < 0,01 à J12) et également dans la patte gauche, qui n’a pas été injectée avec l’adjuvant (p < 0,02 à partir de J16) (figure 5). De plus, le score de sévérité de l’arthrite au niveau des pattes postérieures et de la queue montre un effet bénéfique du copolymère d’acides gras (p < 0,05 à J12). À J14, les animaux sans traitement développent une inflammation modérée à sévère (score > 2), tandis que les animaux traités avec le copolymère d’acides gras présentent seulement une inflammation faible (score < 1,5). En ce qui concerne le poids des animaux, une augmentation progressive est observée jusqu’à J12. Ensuite, une légère perte de poids a lieu. Fait intéressant, les rats traités à l’ara 3000 beta® continuent de grossir jusqu’à la fin des manipulations (J30) (p < 0,03 à J18).

DISCUSSION

Ce travail visait à évaluer le potentiel thérapeutique et les propriétés anti-inflammatoires d’un copolymère d’acides gras composé d’acide oléique, d’acide palmitique et d’acide stéarique (ara 3000 beta®) in vitro et in vivo dans l’articulation.

Tout d’abord, la production de MMP et le relargage de ces enzymes, ainsi que du NO et de PGE2 ont été mesurés in vitro dans un modèle physiologiquement pertinent mimant l’inflammation induite lors des maladies articulaires à forte composante inflammatoire [1, 8]. L’étude montre que le polymère d’acide gras peut moduler l’expression de plusieurs gènes impliqués dans le catabolisme de la matrice extracellulaire. Il a été constaté que l’ara 3000 beta® était capable d’empêcher la stimulation de l’expression et du relargage des MMP-1, -3 et -13, induite par l’IL-1 dans les chondrocytes et par le LPS dans les synoviocytes. Ces données suggèrent un effet protecteur du copolymère d’acides gras sur la dégradation du cartilage. In vitro, la réduction de l’expression des MMP était plus importante quand l’ara 3000 beta® était utilisé en prétraitement, suggérant que ce copolymère d’acides gras devrait être utilisé comme traitement préventif. Cette réduction par l’ara 3000 beta® de la production des MMP peut être corrélée aux observations de l’équipe de Bernadat qui a montré que l’ara 3000 beta® diminue la dégradation des protéines dans des chondrocytes articulaires [5].

De plus, un net effet anti-inflammatoire du copolymère d’acides gras est mis en évidence, puisqu’il diminue l’activation de la voie de signalisation NFκB et le relargage de molécules liées à l’inflammation, comme NO et PGE2. Cet effet anti-inflammatoire pourrait empêcher l’expression des récepteurs d’adhésion des leucocytes, et par conséquent l’interaction leucocytes-endothélium. Les effets bénéfiques du copolymère pourraient donc être plus importants in vivo. Cela est en accord avec les observations de l’essai indiquant, sur un modèle animal d’arthrite, que l’ara 3000 beta® a un impact anti-inflammatoire sur les phases vasculaire et cellulaire de l’inflammation, caractérisé par le maintien de la croissance des rats et la réduction de l’œdème et de l’inflammation. Cela suggère qu’il contrecarre l’inflammation induite par l’IL-1 ou le LPS, comme les données in vitro l’ont montré, mais aussi que ce copolymère pourrait également réduire les effets du TNF-α et de l’IL-6, puisque ces cytokines sont fortement induites dans ce modèle d’arthrite chez le rat [15]. Cela est confirmé par le fait que l’ara 3000 beta® réduit l’expression de l’IL-6 dans les synoviocytes stimulés au LPS.

Ces données biologiques confortent la validité des observations cliniques qui montrent un effet bénéfique de l’ara 3000 beta® dans le traitement des affections locomotrices du chien, et apportent la preuve des propriétés anti-inflammatoires de ce copolymère d’acides gras sur les chondrocytes articulaires et les synoviocytes [9, 11]. Cependant, le mécanisme moléculaire par lequel il exerce ses effets est encore inconnu.

CONCLUSION

Cet article montre qu’un copolymère d’acides gras tel que l’ara 3000 beta® réduit l’inflammation dans l’articulation. In vitro, il contrecarre la stimulation des MMP par l’IL-1, le relargage de NO et de PGE2, et l’activation de la voie NFκB. De plus, in vivo, il réduit l’œdème, l’érythème et l’ankylose chez des rats arthritiques. Par son action anti-inflammatoire, il peut être utilisé dans le traitement de maladies comme l’arthrite ou l’arthrose.

  • (1) Fisher Bioblock Scientific, Illkirch, France.

  • (2) Sigma Aldrich, Saint-Quentin-Fallavier, France.

  • (3) Angers, France.

  • (4) Applied Biosystems SDS7000.

  • (5) 1420 Multilabel Counter, Perkin Elmer.

  • (6) Pierce Perbio Science, Brebières, France.

Conflit d’intérêts

Une partie de cette étude a été financée par les laboratoires Sexmoor. G. Ewert et E. Devaux appartiennent à la société Sexmoor. Toutefois, ils ne sont pas intervenus dans le design des expériences, ni dans leur analyse.

Points forts

→ L’arthrose découle d’une série de réactions initiées par l’interleukine (IL) 1β, qui appelle des effecteurs responsables de la dégradation du cartilage (métalloprotéases matricielles, espèces réactives de l’oxygène, oxyde nitrique) et inhibe les effecteurs responsables de la réparation du cartilage (chondrocytes, inhibiteurs tissulaires des MMP).

→ La plupart des traitements indiqués dans l’arthrose canine prennent en charge les symptômes, mais n’interviennent pas sur les mécanismes sous-jacents du phénomène arthrosique.

→ Un copolymère d’acides gras inhibe l’action de l’IL-1β, et limite ainsi la production et la libération de médiateurs pro-inflammatoires et de substances à l’origine de la dégradation du cartilage.

→ Un modèle animal de polyarthrite a permis de mettre en évidence l’effet préventif du copolymère d’acides gras sur l’inflammation arthritique.

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