Fracture vertébrale traitée par la mise en place de plaques verrouillées PAX® chez un chien - Le Point Vétérinaire expert canin n° 371 du 01/12/2016
Le Point Vétérinaire expert canin n° 371 du 01/12/2016

CHIRURGIE

Cas clinique

Auteur(s) : Véronique Livet*, François-Xavier Ferrand**, Éric Viguier***

Fonctions :
*Service de chirurgie
VetAgro Sup, Campus vétérinaire de Lyon
1, avenue Bourgelat
69280 Marcy-l’Étoile

Les fractures vertébrales nécessitent une prise en charge spécifique, du diagnostic au choix d’une technique chirurgicale adaptée à chaque situation.

Les fractures vertébrales sont des traumatismes ostéo-articulaires graves, faisant suite principalement à des chocs violents tels que les accidents de la voie publique. Elles entraînent ainsi le plus souvent des lésions médullaires sévères allant jusqu’à la paralysie avec perte de la sensibilité douloureuse profonde [3, 6, 11]. Le traitement des fractures vertébrales est le plus souvent chirurgical. Il a pour objectif de décomprimer la moelle épinière, de stabiliser la colonne vertébrale et de limiter les lésions neurologiques secondaires. Les principaux moyens de stabilisation vertébrale sont l’utilisation de broches et/ou de vis associées à un ciment chirurgical de résine polyméthylméthacrylate (PMMA) et les plaques vissées. L’utilisation des plaques verrouillées est plus récente [4]. Le pronostic après chirurgie est moyen à réservé si la sensibilité douloureuse profonde est encore présente, mauvais en l’absence de sensibilité profonde ou de fractures vertébrales multiples [30]. Ce cas illustre la prise en charge d’un chien qui présente une fracture par tassement de la quatrième vertèbre lombaire (L4) stabilisée avec une plaque verrouillée PAX® dont l’utilisation pour cette indication n’a pas encore été décrite en médecine vétérinaire.

CAS CLINIQUE

1. Anamnèse et commémoratifs

Un chien berger australien mâle entier âgé de un an et demi est référé par son vétérinaire traitant pour une fracture vertébrale.

Trois jours auparavant, le chien a été percuté par une voiture et aussitôt conduit chez son vétérinaire traitant. Celui-ci remarque une paralysie des membres pelviens, avec une sensibilité douloureuse profonde conservée et une polypnée. Il réalise des radiographies thoraciques et de la colonne vertébrale, et diagnostique une fracture vertébrale de L4 et un pneumothorax sévère (photos 1a et 1b). Il hospitalise le chien et stabilise son état général avant son transfert à VetAgro Sup, campus vétérinaire de Lyon, en vue d’un examen tomodensitométrique et d’une chirurgie de stabilisation de la colonne vertébrale.

2. Examen clinique général

À l’examen clinique d’admission, l’animal est abattu et en décubitus sternal. Ses muqueuses sont congestionnées et une tachypnée à 60 mouvements par minute (mpm) est observée. L’auscultation cardiaque ne révèle pas d’anomalie. Une hyperthermie modérée à 39,1 °C est également présente. L’animal est souillé par ses urines et une plaie d’escarre d’environ 2,5 cm est notée sur la cuisse droite.

3. Examen neurologique

L’animal est abattu. Une paralysie des membres pelviens est observée. Les nerfs crâniens ne présentent aucune anomalie. Les réactions de posture ne sont pas effectuées afin de ne pas manipuler le chien et de ne pas aggraver les lésions nerveuses. Les réflexes spinaux montrent un réflexe patellaire et un réflexe de retrait diminués sur les deux membres pelviens. Les réflexes sont normaux sur les deux membres thoraciques. Le réflexe périnéal est conservé. La nociception est présente sur les quatre membres, mais semble diminuée sur le membre pelvien droit.

L’examen neurologique est en faveur d’une atteinte médullaire de type motoneurone périphérique (MNP) postérieur, soit sur le segment L4-S2.

4. Hypothèses diagnostiques

En raison du traumatisme rapporté, une fracture ou une luxation vertébrale sont suspectées en premier lieu. Une embolie fibro-cartilagineuse ou une hernie discale ne peuvent cependant être exclues. La radiographie effectuée par le vétérinaire référent permet ici d’établir le diagnostic immédiat de fracture vertébrale en regard de L4 : fracture transverse du corps vertébral déplacée cranialement, avec télescopage des abouts fracturaires. Un élément d’opacité minérale de 5 mm de long est visible ventralement au trait de fracture, compatible en premier lieu avec une esquille osseuse. Une luxation ou une subluxation de L4 associée ne peut être exclue par la simple radiographie (encadré 1).

5. Examens complémentaires d’imagerie

Un examen tomodensitométrique de la colonne vertébrale thoraco-lombaire est réalisé, sans puis avec produit de contraste (Iodaxinol®(1), 2 ml/kg). Le chien est anesthésié à l’aide d’une prémédication au midazolam (0,2 mg/kg par voie intraveineuse [IV]), suivie d’une induction à l’étomidate (1 mg/kg IV) et d’un entretien à l’isoflurane avec 100 % d’oxygène. Étant donné la stabilisation respiratoire de l’animal chez le vétérinaire référent (sevrage en oxygène), aucune nouvelle radiographie thoracique n’est réalisée avant l’anesthésie.

Sur les images réalisées avant l’injection du produit de contraste, une fracture avec télescopage des abouts fracturaires (fracture par tassement) est visible en regard du corps vertébral de L4. Latéralisée à droite, elle concerne aussi les pédicules vertébraux, de manière bilatérale. Elle est associée à la présence de fragments osseux de petite taille et à une diminution modérée de la longueur totale du corps vertébral. Une discrète réduction de la hauteur du canal vertébral est également notable, mais sans que du matériel hyperdense soit visible dans celui-ci en regard du site fracturaire.

Après injection du produit de contraste dans l’espace sous-arachnoïdien ventral (entre L5 et L6), une baisse de la visualisation de l’espace sous-dural est remarquée au niveau du site fracturaire, associée à un déplacement dorsal minime de la colonne ventrale gauche (photos 2a à 2d). Aucune autre compression médullaire n’est visible sur l’ensemble de la colonne vertébrale explorée (régions thoracique et lombaire). Le reste des structures est indemne.

Un examen tomodensitométrique du thorax est également réalisé, qui montre la présence d’un pneumothorax modéré avec des contusions pulmonaires caudales droites.

6. Diagnostic

La radiographie et l’examen tomodensitométrique mettent en évidence une fracture avec télescopage des abouts fracturaires (fracture par tassement) en regard de L4 au niveau du corps et des pédicules vertébraux, responsable d’une discrète compression médullaire extradurale associée à un œdème médullaire. Un pneumothorax modéré est également présent.

7. Traitement chirurgical

L’anesthésie est maintenue et le chien est transféré directement de la salle d’examen tomodensitométrique au bloc opératoire. Le monitorage anesthésique comprend une capnographie, un électrocardiogramme, une pression artérielle non invasive, une sonde thermique et une oxymétrie de pouls. L’analgésie peropératoire est réalisée grâce à une perfusion continue associant du fentanyl (4 µg/kg/h), de la lidocaïne (50 µg/kg/min) et de la kétamine (10 µg/kg/min) après injection du bolus correspondant (fentanyl 3 µg/kg, lidocaïne 2 mg/kg et kétamine 5 mg/kg). Une antibioprophylaxie est débutée 30 minutes avant l’intervention chirurgicale à l’aide d’amoxicilline et d’acide clavulanique (20 mg/kg IV lente toutes les 90 minutes pendant l’opération, puis à 6 heures et à 12 heures postopératoires).

L’animal est placé en décubitus sternal et l’ensemble de la colonne lombaire est tondu et désinfecté. Un abord dorsal de la colonne vertébrale est réalisé le long des processus épineux de L3 à L5 environ. Une fracture comminutive du corps de L4 est visualisée (photo 3). Une hémilaminectomie est réalisée à droite en regard du pédicule de L4, permettant d’exposer la moelle épinière et les racines nerveuses (en vue de les protéger pendant la réduction-stabilisation) et d’extraire un fragment de la lame latérale incarcérée. La racine de L4 est dégagée des abouts osseux fracturés. Une traction est effectuée sur les deux plateaux vertébraux de L4 par mise en place de pinces à champ sur les processus épineux de L3 et L5 afin d’obtenir une bonne réduction du tassement de la fracture du corps de L4. Deux plaques vissées PAX® 2,7 mm sont mises en place à gauche (six vis) et à droite (quatre vis) sur les corps vertébraux L3, L4 et L5 (photos 4 et 5). Elles sont contournées afin de pouvoir ponter la fracture correctement et d’insérer deux vis dans L4 à gauche et une vis à droite. Un angle maximal de 10° avec la plaque est respecté pour la pose des vis. L’hémostase est réalisée à l’aide d’un bistouri électrique monopolaire en faisant très attention à la moelle épinière, puis une fermeture plan par plan est effectuée, avec un rinçage abondant entre chaque plan (surjet musculaire simple avec un fil monofilament résorbable polydioxanone décimale 3 [PDS®], surjet sous-cutané simple avec un fil monofilament résorbable polydioxanone décimale 2 [PDS®] et surjet cutané avec un fil monofilament irrésorbable nylon décimale 2 [Dafilon®]).

Les radiographies postopératoires montrent un alignement et une apposition satisfaisants des fragments osseux (photos 6a et 6b). Une nette diminution de l’espace intervertébral L4-L5 est visible.

8. Suivi

Hospitalisation postopératoire

Les soins postopératoires sont assurés au service de soins intensifs. L’analgésie mise en place lors de l’intervention chirurgicale est poursuivie jusqu’au réveil de l’animal, puis un relais avec de la méthadone (0,1 à 0,3 mg/kg IV toutes les 4 heures) et de la gabapentine (10 mg/kg per os [PO] trois fois par jour) est instauré, selon le score de douleur. Un traitement anti-inflammatoire est également commencé (méloxicam, 0,1 mg/kg, PO, une fois par jour, pendant 2 semaines).

L’animal n’étant pas capable de se lever, une sonde urinaire connectée à un système clos est mise en place pour limiter les risques de dermatite urineuse et d’escarres. De plus, une physiothérapie est commencée lorsque le chien est suffisamment confortable, d’abord passive (48 heures après l’opération, par des massages et des mouvements de flexion/extension des membres pelviens), puis active (1 semaine après l’intervention, par la mise en station debout et quelques pas, avec une sangle de soutien).

Cinq jours après l’intervention chirurgicale, un sérome apparaît en regard de la plaie, ainsi qu’une hyperthermie constante. L’animal est placé sous fluidothérapie. Un examen cytologique du liquide contenu dans le sérome révèle la présence de polynucléaires neutrophiles et de bacilles intracellulaires. Une seconde opération est alors programmée sous anesthésie générale afin de rouvrir la plaie, de vider la collection et de nettoyer les couches tissulaires concernées par celle-ci. Une avulsion du fascia thoraco-lombaire et une collection sous-cutanée sont observées. Un prélèvement pour examen bactériologique est effectué. Le fascia est débridé, puis fermé après rinçage abondant (surjet simple avec point d’arrêt à l’aide d’un fil monofilament résorbable composé de polydioxanone décimal 3) des zones d’ostéosynthèse. Un drain aspiratif sous-cutané (drain de Redon relié à une poire) est mis en place. Le traitement anti-inflammatoire est également continué à la même dose.

L’analyse bactériologique du prélèvement péri-opératoire révèle la présence d’une bactérie Enterobacter cloacae multirésistante. Parmi les antibiotiques testés, la bactérie n’est sensible qu’à la colistine. Celle-ci est administrée directement dans le drain laissé en place pour 2 semaines. Deux fois par jour, 150 000 UI de colistine dans 15 ml de NaCl 0,9 % sont administrés par le drain et laissés pendant 4 heures avant d’être réaspirés. Ce traitement a été réalisé de manière empirique, pour éviter l’administration de colistine par voie IV chez un animal déjà débilité.

Dix jours plus tard, le chien ne présente plus d’hyperthermie et la production du drain s’est tarie. Le traitement à base de colistine est arrêté et le drain est retiré.

Suivi neurologique

Concernant l’évolution neurologique, des mouvements volontaires apparaissent 4 jours après l’intervention chirurgicale. Ces mouvements sont cependant limités par l’apparition d’une contracture des muscles quadriceps due au décubitus prolongé et au statut neurologique initial entraînant une fibrose musculaire rapide et marquée. Des massages et un traitement myorelaxant sont mis en œuvre (dantrolène(1), 4 mg/kg, PO, trois fois par jour, baclofène (1), 0,2 mg/kg, PO, deux fois par jour). Après 2 semaines, le chien se déplace avec l’aide d’un léger support sous l’abdomen. Un corset est placé juste avant la sortie de l’animal pour éviter qu’il n’effectue des mouvements pouvant entraîner un stress trop important sur les implants. Ce corset est composé de deux films radiographiques enroulés, posés de part et d’autre de la colonne thoracique et lombaire et fixés à l’aide d’un bandage (coton et bandes collantes). Le chien a également recouvré sa continence urinaire et fécale, en même temps que l’apparition de mouvements volontaires.

Visites de contrôle

Deux mois après l’intervention chirurgicale, l’animal est capable de se déplacer sans aucune aide et présente seulement une ataxie modérée des membres pelviens. Les radiographies de contrôle montrent une bonne position des implants et une cicatrisation osseuse en cours (photos 7a et 7b). Le corps vertébral de L4 apparaît plus court, ce qui signale un nouveau tassement de la vertèbre. Une contracture du muscle quadriceps droit est toujours présente. Elle se manifeste par une impossibilité de flexion du grasset.

Neuf mois après l’opération, l’animal se déplace toujours de façon autonome. La contracture du muscle quadriceps droit n’a pas évolué et entraîne des plaies d’abrasion sur la face dorsale des doigts s’ils ne sont pas protégés. Une botte de protection est alors prescrite, qui permet à l’animal de se déplacer sans difficulté et sans risque de plaie. De la physiothérapie est également prescrite, qui ne semble pas donner de résultats. Un an après l’accident, l’animal conserve une très bonne qualité de vie malgré la contracture.

DISCUSSION

1. Fractures vertébrales thoraco-lombaires chez le chien

Les fractures vertébrales peuvent entraîner une myélopathie dont la manifestation va d’une simple algie (stade 1) à une plégie avec perte de la nociception profonde (stade 5). La principale cause de fracture est l’accident de voiture, responsable de 41 à 63 % des cas [3, 6, 11]. Des chutes, des morsures et des coups de feu sont également souvent rapportés [3, 6]. Les tumeurs, les infections et les maladies métaboliques sont aussi à l’origine de fractures plus anecdotiques [7, 21]. Toutes les régions de la moelle épinière peuvent être atteintes, mais les sites thoraco-lombaire (T3-L3) et lombaire (L4-L7) semblent être prédisposés [3, 6]. Dans tous les cas, il convient d’examiner l’ensemble de la colonne vertébrale. Le cas présenté ici est typique : il affecte la vertèbre lombaire L4 et résulte d’un accident de la voie publique.

Signes cliniques

Chez les sujets myélopathes, les signes cliniques sont ceux d’une atteinte médullaire d’apparition aiguë et ne sont pas spécifiques. Des altérations des placers proprioceptifs, des mouvements volontaires, des réflexes spinaux, ou encore une absence de la sensibilité douloureuse profonde sont les principaux signes neurologiques à rechercher [30]. L’examen neurologique doit être complet afin de localiser la lésion et de préciser le pronostic. Ici, une paralysie des membres pelviens était présente, associée à une diminution des réflexes spinaux et à une sensibilité douloureuse profonde conservée mais diminuée sur le membre pelvien droit.

Diagnostic

Le diagnostic d’une fracture vertébrale repose sur l’anamnèse, l’examen neurologique et des examens d’imagerie. La radiographie reste le premier outil diagnostique à utiliser après avoir localisé la lésion grâce à l’examen neurologique. Il est déconseillé d’anesthésier l’animal pour réaliser les examens complémentaires car la myorelaxation induite peut favoriser des mouvements des abouts fracturaires lors des manipulations liées à l’obtention d’incidences radiographiques exploitables [30]. Des images radiographiques de l’ensemble du rachis sont cependant recommandées puisque des lésions médullaires multiples peuvent être rencontrées. En effet, une lésion médullaire dans une région vertébrale peut masquer les signes d’une autre blessure dans une seconde localisation. Toutefois, la radiographie possède une mauvaise sensibilité, à 72 %, et la balance bénéfice/risque doit être appréciée avant de réaliser cet examen [15]. Notamment, elle ne permet pas de déterminer la présence de fragments dans le canal vertébral en cas de fracture comminutive. Ici, la radiographie montrait clairement une fracture vertébrale sur L4, mais était insuffisante pour planifier une intervention chirurgicale.

L’examen tomodensitométrique est l’examen de choix pour diagnostiquer les lésions osseuses responsables de compression médullaire. Il apporte plus d’informations et de précisions concernant les lésions et évite des manipulations dangereuses chez un animal dont la colonne vertébrale peut être instable [15]. Il permet également d’identifier les fragments osseux présents dans le canal vertébral, les disques vertébraux minéralisés et les hémorragies. Une injection de produit de contraste dans l’espace subarachnoïdien (myéloscan) augmente la sensibilité de l’examen concernant les compressions médullaires [9]. Il peut aussi être utilisé en phase postopératoire pour évaluer la bonne mise en place des implants [12]. Son point faible réside dans la visualisation insuffisante des tissus mous. Dans le cas présent, il a confirmé la fracture visualisée en L4 et a permis de planifier l’intervention. En effet, lors de l’examen tomodensitométrique, la longueur et la largeur des corps vertébraux sont mesurées, et il est possible de prévoir la longueur des différents implants. De plus, la reconstruction en trois dimensions facilite la visualisation dans l’espace pour le chirurgien.

2. Traitement des fractures vertébrales thoraco-lombaires

Le traitement des fractures vertébrales varie selon le statut neurologique de l’animal et la stabilité et la conformation de celles-ci. Comme pour la prise en charge de n’importe quel traumatisme, les lésions mettant en jeu la vie de l’animal sont à considérer en priorité, afin de stabiliser son état général [19]. Ensuite, un traitement conservateur et/ou chirurgical est à envisager. Ce berger australien a tout d’abord été stabilisé à l’aide d’une fluidothérapie et d’une analgésie, avant d’être référé pour une intervention chirurgicale, dans son cas indispensable à la stabilisation de la colonne vertébrale.

Traitement conservateur

Le traitement conservateur a pour objectif de minimiser les lésions médullaires secondaires grâce à des moyens de neuroprotection [30]. Ses indications sont limitées, mais non encore clairement établies. Cela concerne notamment les animaux qui présentent des déficits neurologiques minimaux et des fractures stables. Les meilleurs candidats au traitement conservateur restent probablement les individus de petite taille avec une dysfonction nerveuse minimale (stades 1 et 2), un compartiment ventral conservé et une absence de lésions thoraciques, abdominales ou pelviennes [2, 20].

La stabilité d’une fracture vertébrale peut être difficile à évaluer sur une radiographie. Les fractures avec des abouts osseux déplacés sont considérées comme instables. Cependant, les fractures minimalement déplacées ou non déplacées requièrent une évaluation plus approfondie [30].

Les fractures vertébrales peuvent être classées selon le principe des “trois colonnes”, tiré de la médecine humaine, qui divise les structures osseuses et les tissus mous en trois compartiments : les compartiments postérieur, moyen et antérieur qui, chez les carnivores sont transposés en compartiments dorsal, moyen et ventral, afin de prédire la stabilité d’une lésion et de proposer le traitement le plus adapté (photos 8a et 8b) [30]. Si plus d’un compartiment vertébral est touché, la fracture est considérée comme instable et un traitement chirurgical est recommandé. Ici, les trois compartiments étaient concernés.

Le traitement conservateur comprend, en premier lieu, un repos strict en cage durant un minimum de 4 à 6 semaines pour permettre une cicatrisation des tissus mous environnants et minimiser la charge sur la colonne vertébrale. Un corset peut être également réalisé, comme cela a été le cas ici à l’aide de films radiographiques rigides enroulés autour de la colonne vertébrale [6, 11, 23]. Des analgésiques et des anti-inflammatoires peuvent aussi être prescrits, comme du tramadol, de la gabapentine et des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) [13, 16, 25]. La durée de récupération à la suite du traitement médical prend parfois plus de 1 an [23]. Le pronostic semble cependant bon, avec une récupération fonctionnelle pour 85 à 95 % des animaux traités de manière conservatrice, selon des études qui incluent aussi des cas d’atteintes poly-compartimentales [8, 26].

Traitement chirurgical

L’objectif du traitement chirurgical est de réaligner et de stabiliser la colonne vertébrale tout en décomprimant la moelle épinière. L’abord opératoire que nous avons choisi est réalisé dorsalement, l’animal étant placé en décubitus sternal. L’ouverture cutanée s’étend de manière à ce que le chirurgien puisse aborder un espace intervertébral avant et un espace intervertébral après le site de la fracture. Les repères utilisés sont les processus épineux, comptés à partir de L7 au niveau des ailes du sacrum. La section des tissus sous-cutanés et musculaires est poursuivie jusqu’aux processus transverses des vertèbres lombaires. La fracture est alors identifiée et réduite. La réduction et la stabilisation peuvent être apportées par l’utilisation de pinces à champ, par exemple, placées à la base des processus épineux des vertèbres adjacentes à la fracture [30]. Une hémilaminectomie est parfois nécessaire pour assurer une décompression adéquate de la moelle épinière [30]. En effet, elle aide la réduction (par visualisation de l’alignement du corps vertébral) et permet de retirer les fragments osseux intracanalaires, ainsi que le matériel discal ou les hématomes susceptibles de comprimer la moelle épinière. L’hémilaminectomie peut cependant rendre la stabilisation vertébrale plus compliquée et doit être justifiée. Ici, elle a été pratiquée à droite afin d’extraire un fragment de lame latérale incarcérée, responsable d’une compression importante de la moelle épinière dans le canal vertébral.

Différents moyens de fixation des fractures vertébrales peuvent être utilisés : des broches et du ciment en PMMA, un fixateur externe ou des plaques verrouillées contournées (tableau). Plusieurs types de plaques sont disponibles, dont les plaques polyaxiales (PAX, Securos Surgical®) utilisées ici, pour la première fois dans cette indication à notre connaissance (encadré 2 complémentaire sur www.lepointveterinaire.fr). Les principales complications lors d’intervention chirurgicale sur les fractures de vertèbres lombaires sont vasculaires ou neurologiques. L’aorte abdominale peut être touchée lors de la mise en place de l’implant (elle passe ventralement aux corps vertébraux lombaires). Des erreurs techniques (choix erroné de la méthode de stabilisation ou de la taille de l’implant, mauvaise exécution lors de la mise en place de celui-ci) peuvent entraîner une rupture prématurée de l’implant. Une réduction imparfaite est également possible, qui peut être visualisée lors des radiographies postopératoires. Elle est possiblement responsable d’un pronostic moins bon si elle semble entraîner une décompression insuffisante de la moelle épinière. Il est alors préférable de réintervenir immédiatement. La fluoroscopie peropératoire peut être intéressante dans ce cas de figure [30]. Mettre en place les implants dans le canal vertébral est également un risque possible. Des recommandations existent pour pallier ce risque. Pour les vertèbres lombaires, le point d’entrée des broches ou des vis se situe entre la base du processus transverse et le processus accessoire, selon une direction latéro-médiale et cranio-ventrale dans la vertèbre craniale à la fracture, et selon une direction latéro-médiale et caudo-ventrale dans la vertèbre caudale [30].

Une formation excessive de cal osseux sur le site de fracture peut être à l’origine d’un pincement de la moelle épinière ou d’une racine nerveuse, mais cela reste rare (dépend de la stabilité de la fracture après l’intervention chirurgicale). Des migrations d’implant, notamment lors de l’utilisation des broches et du ciment PMMA, sont également possibles [30].

Enfin, des infections au niveau des implants se développent parfois. Des infections associées à une contamination peropératoire sont observées jusqu’à 1 an après l’opération et une infection de l’implant due à une translocation bactérienne peut survenir tant que celui-ci est présent [30]. Dans le cas décrit, il est probable que l’origine de l’infection soit un agent pathogène fécal venant de l’animal. L’infection profonde a été guérie par une antibiothérapie topique à travers un drain sous-cutané. L’antibiothérapie topique est fréquemment utilisée lors d’infection superficielle, car elle permet d’obtenir une concentration au niveau du site infectieux très supérieure à la concentration plasmatique procurée par une administration par voie générale [14]. Lors d’infection profonde, la voie locale est cependant rarement employée car elle est en général insuffisante, et une antibiothérapie par voie générale est souvent préférée. Ici, la reprise chirurgicale a permis d’effectuer un premier lavage intensif du site afin d’éliminer mécaniquement la plupart des bactéries présentes. L’antibiothérapie topique s’est révélée suffisante et a permis d’éviter une utilisation par voie générale de la colistine, seul antibiotique sensible et médicament néphrotoxique. Cependant, le taux de pénétration tissulaire est inconnu avec ce mode d’administration. De plus, aucun lâchage d’implant n’a été observé durant les premiers mois postopératoires. Cependant, un discret mouvement sur les vis de L4 a entraîné un tassement du corps vertébral. L’instabilité des implants peut être due à l’infection et a également favorisé celle-ci.

Pronostic

Le pronostic pour les fractures vertébrales lombaires est bon tant que la sensibilité douloureuse profonde est présente. Les études rapportent une récupération fonctionnelle de 80 à 100 % avec un traitement chirurgical (tous types de fractures confondus et quel que soit le montage chirurgical utilisé) et de 85 à 95 % avec un traitement conservateur [5, 8, 16, 23, 25]. Le retour à un état ambulatoire peut prendre jusqu’à 4 à 6 mois.

Ici, le chien a marché de nouveau dès 2 semaines après l’intervention chirurgicale. Cependant, une contracture du quadriceps droit est apparue, rendant la locomotion plus difficile. Cette contracture semble être liée au décubitus prolongé et à l’absence de mouvements volontaires, qui ont entraîné une fibrose musculaire rapide et marquée. Cependant, celle-ci pourrait également avoir une origine neurologique par lésion de la racine nerveuse de L4, une des racines du nerf fémoral, nerf moteur du muscle quadriceps.

Conclusion

Ce cas clinique décrit une fracture multiple de L4 avec tassement du corps vertébral chez un berger australien âgé de un an et demi. Les différents implants possibles pour la chirurgie stabilisatrice présentent chacun des avantages et des inconvénients à prendre en compte pour choisir celui qui est le mieux adapté à l’animal et à sa fracture. L’utilisation des plaques polyaxiales nécessite encore du recul et des études prospectives sont requises pour juger de leur efficacité par rapport aux autres implants présents sur le marché.

  • (1) Médicament humain.

Conflit d’intérêts

Aucun.

ENCADRÉ 1
Hypothèses diagnostiques

→ Vasculaire : embolie fibro-cartilagineuse.

→ Inflammatoire : méningomyélite.

→ Traumatique : fracture et/ou luxation vertébrale.

→ Anomalie congénitale : malformation de la moelle épinière.

→ Métabolique : myélopathies métaboliques.

→ Idiopathique.

→ Néoplasique : méningiome, gliome, métastases.

→ Dégénérative : hernie discale.

Points forts

→ Les fractures vertébrales peuvent entraîner une myélopathie dont la manifestation va d’une simple algie à une plégie avec perte de la nociception profonde.

→ La principale cause de fracture est l’accident de voiture, responsable de 41 à 63 % des cas.

→ Le traitement des fractures vertébrales est principalement chirurgical. Il a pour but de décomprimer la moelle épinière et de stabiliser la colonne vertébrale.

→ Plusieurs implants sont disponibles, dont le montage broches et ciment PMMA (polyméthylméthacrylate) et les plaques verrouillées.

→ De nouvelles plaques polyaxiales (PAX, Securos Surgical®) existent, qui semblent offrir certains avantages, nécessitant d’être confirmés par une étude à plus grande échelle.

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