Les plaies de morsure thoraciques chez le chien et le chat D - Le Point Vétérinaire expert canin n° 370 du 01/11/2016
Le Point Vétérinaire expert canin n° 370 du 01/11/2016

CHIRURGIE CANINE ET FÉLINE

Analyse d’article

Auteur(s) : Alexandre Caron

Fonctions : CHV Atlantia, 22 rue René-Viviani,
44200 Nantes
a.caron@chv-atlantia.com

Dans l’étude résumée, les morsures représentent 0,3 % des urgences canines et 0,09 % des urgences félines. Faibles par leur nombre, ces cas sont souvent graves, comme l’attestent les taux de traitement chirurgical (45,2 %) et surtout de mortalité (15,4 %) [2].

LE POIL QUI CACHE LA PLAIE

Les plaies de morsure impliquent un traumatisme par déchirement, tension et compression. Le déchirement est causé par les dents acérées du mordeur. La force de tension est infligée lorsque les crocs pénètrent selon un angle de moins de 90° par rapport à la surface de la peau. Enfin, la force de compression est provoquée par la pression de la mâchoire. Cette dernière est particulièrement importante dans les cas de morsure au thorax et responsable des fractures de côtes. Les molaires et les prémolaires du chien provoquent une force de compression-écrasement particulièrement importante [4]. Ces forces entraînent œdème, ischémie et nécrose tissulaire.

La difficulté des plaies de morsure réside dans le fait que la partie la plus souvent visible de la plaie correspond à celle où les crocs ont pénétré la peau avec un angle de 90°. Cette configuration de force est singulière. Parfois, seules des contusions cutanées sont présentes. Néanmoins, en lien avec le nombre et les différents types de dents canines ou félines, les lésions sous-cutanées et musculaires non visibles sont très souvent graves. Il est alors crucial, en cas de morsure avérée, de tondre largement la zone incriminée à la recherche de points d’entrée. Dans de nombreux cas, les plaies sont insoupçonnables avant la tonte. Lorsque le thorax est atteint, la réalisation d’une radiographie offre des informations utiles [2, 8-10]. Ainsi, une décision de gestion chirurgicale ou non chirurgicale de la plaie peut être prise.

TRAITEMENT MÉDICAL VERSUS CHIRURGICAL ?

Cette question est à la base de l’apprentissage du chirurgien. Il doit se la poser tous les jours et pour chaque cas. La plaie de morsure thoracique est une affection pour laquelle la réponse ne peut être universelle et doit être adaptée individuellement. Certains éléments orientent vers la nécessité d’une intervention chirurgicale : un volet costal, un pseudo-volet costal, l’observation par la plaie d’organes thoraciques (ou abdominaux), la présence radiographique d’un pneumothorax, d’une hernie diaphragmatique ou d’un épanchement pleural, par exemple [2, 9].

Dans les données publiées, une distinction est souvent faite entre le volet costal et le pseudo-volet costal. Le premier consiste en un détachement complet d’au moins deux côtes adjacentes du reste de la cage thoracique (double fracture de chaque côte). Un pseudo-volet costal induit la même apparence clinique de mouvements respiratoires anormaux localement sur une zone de la cage thoracique. D’un point de vue lésionnel, une seule fracture de côte au maximum a eu lieu et le mouvement paradoxal provient des dégâts graves de la musculature intercostale seulement [1, 7, 9].

La prise en charge chirurgicale d’une plaie de morsure thoracique peut consister en une exploration simple de celle-ci ou en une thoracotomie exploratrice [2, 4, 8]. Cette dernière doit être mise en œuvre lors d’une perforation thoracique évidente, de lésions radiographiques évocatrices de pénétration thoracique, et est parfois rendue nécessaire par la mise en évidence, lors du nettoyage de la plaie, d’une brèche thoracique. Dans les cas les plus graves, une perte de substance significative peut nécessiter une reconstruction biologique (voire synthétique) pour fermer la plaie (lambeau musculaire, cutané, etc.). Cette reconstruction doit être réalisée primitivement si possible, mais, dans les cas les plus graves et/ou d’instabilité de l’animal, une plaie thoracique peut être gérée de manière ouverte. Récemment, un cas de gestion de plaie de morsure thoracique à l’aide d’un système de fermeture par pression négative (VAC®) a été rapporté [6].

La mise en place d’un drain thoracique et/ou sous-cutané est recommandée à la suite d’une gestion chirurgicale d’une plaie de morsure, compte tenu du caractère contaminé.

PLAIES CONTAMINÉES

Les plaies de morsure sont sans nul doute des plaies contaminées. Ainsi, le risque infectieux est élevé : 4,6 à 12 % d’infections de plaies postopératoires [10]. Une question particulièrement d’actualité réside dans le type d’antibiothérapie à mettre en place.

Une étude récente évalue le type de bactéries présentes au sein de ces plaies, ainsi que leur sensibilité aux antibiotiques [5]. Bien que seules 21/104 plaies paraissaient infectées cytologiquement, 84 % des plaies étaient considérées comme infectées à la suite de la réalisation d’une culture bactérienne : 16 % contenaient une bactérie aérobie seule, 1 % une bactérie anaérobie seule et 67 % un mélange d’agents pathogènes aérobies et anaérobies. L’association amoxicilline-acide clavulanique ou les céphalosporines de première génération font partie dans cette étude des antibiotiques les plus souvent efficaces in vitro contre les bactéries isolées. Ces résultats confirment ceux d’une autre étude publiée auparavant [3].

Conclusion

Les plaies de morsure au thorax cachent généralement des lésions graves. Une prise en charge rapide impliquant des examens complémentaires, une tonte large, bien souvent une intervention chirurgicale et une antibiothérapie raisonnée est recommandée.

Références

  • 1. Ahn S, Jeong S, Yoon H. Repair of flail chest using interfragmentary wiring and stability augmentation with basket-weave fashion sutures in a toy breed dog: a case report. Vet. Med. 2016;61(6):348-352.
  • 2. Cabon Q, Deroy C, Ferrand FX et coll. Thoracic bite trauma in dogs and cats: a retrospective study of 65 cases. Vet. Comp. Orthop. Traumatol. 2015;28(6):448-454.
  • 3. Griffin GM, Holt DE. Dog-bite wounds: bacteriology and treatment outcome in 37 cases. J. Am. Anim. Hosp. Assoc. 2001;37:453-460.
  • 4. Holt DE, Griffin G. Bite wounds in dogs and cats. Vet. Clin. Elsevier Masson SAS. 2000;30(3):669-679.
  • 5. Meyers B, Schoeman JP, Goddard A, Picard J. The bacteriology and antimicrobial susceptibility of infected and non-infected dog bite wounds: fifty cases. Vet. Microbiol. 2008;127(3-4):360-368.
  • 6. Nolff MC, Pieper K, Meyer-Lindenberg A. Treatment of a perforating thoracic bite wound in a dog with negative pressure wound therapy. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2016;249(7):794-800.
  • 7. Olsen D, Renberg W, Perrett J, Hauptman JG et coll. Clinical management of flail chest in dogs and cats: a retrospective study of 24 cases (1989-1999). J. Am. Anim. Hosp. Assoc. 2002;38(4):315-320.
  • 8. Shahar R, Shamir M, Johnston DE. A Technique for management of bite wounds of the thoracic wall in small dogs. Vet. Surg. 1997;26:45-50.
  • 9. Scheepens ETF, Peeters ME, Leplattenier HF, Kirpensteijn J. Thoracic bite trauma in dogs: a comparison of clinical and radiological parameters with surgical results. J. Small Anim. Pract. Blackwell Publishing Ltd. 2006;47(12):721-726.
  • 10. Tobias KM, Johnston SA. Veterinary surgery: small animal. Chapter 10: Wound infections and antimicrobial use. Elsevier Health Sciences. 2013:135-139.

Conflit d’intérêts

Aucun.

RÉSUMÉ

OBJECTIFS

• Décrire les découvertes cliniques et les résultats en fonction du traitement dans une population de chiens et de chats présentant des plaies de morsure thoraciques.

• Évaluer les facteurs de risque de mort dans cette population.

MÉTHODE

Étude rétrospective. Les chiens et les chats présentés pour une plaie de morsure au thorax sont inclus. Les animaux déjà morts ou n’ayant pas eu le temps de recevoir des soins avant leur mort sont exclus.

RÉSULTATS

• 54 chiens et 8 chats sont inclus dans l’étude. Le poids médian est de 6 kg pour les chiens et de 3,8 kg pour les chats. Tous les animaux ont été mordus par des chiens de plus grande taille. Les chiens sont significativement plus souvent atteints que les chats.

• Les animaux présentant une plaie thoracique pénétrante sont plus souvent traités chirurgicalement avec une durée d’hospitalisation significativement plus élevée. 28 individus ont été opérés dont 18 ont subi une exploration thoracique.

• Le taux de mortalité est de 15,4 % dans cette étude. Le type de plaie n’est pas associé au taux de mortalité.

• La présence d’un pseudo-volet costal est associée à celle plus fréquente de lésions thoraciques, d’un pneumothorax, à la mise en place plus fréquente d’un drain thoracique et d’un traitement chirurgical. Cependant, ces animaux ne démontrent pas plus souvent de dyspnée lors de l’admission (p = 0,056). Le risque de mortalité n’est pas plus élevé (p = 0,4).

• Un délai de présentation de plus de 6 heures n’est pas corrélé statistiquement à un taux de mortalité plus élevé (p = 0,06). De même, une dyspnée (p = 0,098), des lésions radiographiques multiples (p = 0,08), un volet costal (p = 0,06) ou la nécessité d’une chirurgie (p = 0,67) ne sont pas statistiquement corrélés à un risque de mort plus élevé.

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