MÉDECINE INTERNE
Dossier
Auteur(s) : Maud Debreuque*, Brice Reynolds**
Fonctions :
*Université Toulouse, ENVT
23, chemin des Capelles
BP 87614
31076 Toulouse Cedex 3
**Université Toulouse, ENVT
23, chemin des Capelles
BP 87614
31076 Toulouse Cedex 3
Une fois le diagnostic hypertension artérielle systémique établi, la prise en charge consiste en un traitement antihypertenseur et un suivi rigoureux.
Une hypertension artérielle systémique (HTAS) est définie comme une élévation de la pression artérielle systémique au-delà de 160 mmHg par la méthode Doppler(1). L’existence de lésions secondaires d’organes cibles (LOC) associées et/ou de maladies concomitantes doit inciter le praticien à effectuer un bilan raisonné permettant de prendre en charge les chats hypertendus de manière adaptée.
Le traitement d’une HTAS doit être envisagé en présence de LOC ou lorsqu’une HTAS est confirmée avec un risque d’apparition de LOC modéré à important (figure 1).
Face à des lésions oculaires ou nerveuses, le traitement antihypertenseur est débuté immédiatement. Son objectif est de diminuer le risque d’apparition ou d’aggravation de LOC en ramenant rapidement la pression artérielle systolique (PAS) en deçà de 150 mmHg(1).
Chez le chat, le traitement de choix est l’amlodipine, un vasodilatateur inhibiteur des canaux calciques. Cette molécule est préconisée en première intention quel que soit le contexte clinique.
De nombreuses études ont montré son efficacité et son innocuité dans le cadre du traitement de l’HTAS chez le chat [1, 6, 7, 14]. La dose initiale recommandée est de 0,625 mg in toto, une fois par jour per os (PO). Une diminution moyenne de 30 à 55 mmHg est constatée en quelques heures à quelques jours chez les chats présentant une HTAS modérée à importante [2, 8, 14]. Une présentation vétérinaire est maintenant disponible sous forme de comprimés sécables dosés à 1,25 mg (Amodip(r), Sogéval) [6 bis].
À l’inverse des traitements antihypertenseurs décrits en médecine humaine, associant généralement plusieurs médicaments en plusieurs prises quotidiennes, une monothérapie avec une seule prise par jour est préférée en première intention chez le chat. L’observance est optimale tout en évitant les effets secondaires d’une polythérapie (diminution brutale de la pression artérielle et interactions médicamenteuses) [2]. Lors d’efficacité insuffisante, la dose d’amlodipine peut être doublée (1,25 mg/j, PO).
Aucun effet secondaire n’est décrit, sauf dans de rares cas isolés d’hypotension lors d’utilisation conjointe d’un b-bloquant. L’amlodipine étant majoritairement métabolisée par le foie, elle doit être utilisée avec précaution chez les chats qui présentent une insuffisance hépatique.
Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA) ont un effet antihypertenseur modeste en monothérapie chez le chat. Ils ne sont donc pas recommandés en première intention.
L’amlodipine, utilisée comme un agent antihypertenseur chez le chat, entraîne une diminution significative de la protéinurie rénale [7]. Cependant, lorsque celle-ci persiste sous amlodipine (rapport protéines sur créatinine urinaires [RPCU] > 0,4 chez le chat azotémique ou > 2 chez le chat non azotémique), un IECA peut y être utilement associé [6]. Ainsi, si un risque modéré de LOC demeure sous amlodipine ou si la prise en charge d’une protéinurie rénale persistante dans un contexte de maladie rénale chronique (MRC) concomitante justifie son utilité, un IECA peut être associé sans risque à l’amlodipine (bénazépril ou énalapril, 0,5 mg/kg/j en une prise PO) [2, 16]. Le telmisartan semble présenter un effet antiprotéinurique égal à celui des IECA dans la prise en charge d’un chat atteint de MRC [22]. Son emploi dans un contexte d’HTAS n’est pas documenté.
D’autres agents antihypertenseurs sont décrits en médecine féline, qui sont plus rarement prescrits (tableau). Certains auteurs préconisent l’administration d’un β-bloquant chez les chats hyperthyroïdiens. Les effets bénéfiques de ces médicaments sur l’hypertension artérielle, mais aussi sur la tachycardie, la polypnée, l’excitabilité et les troubles du rythme décrits lors d’hyperthyroïdie en feraient des molécules de choix, notamment dans la perspective d’une anesthésie générale [11].
La mise en place d’un régime restreint en sodium n’est pas conseillée chez le chat hypertendu [2]. Le consensus actuel recommande uniquement d’éviter tout apport sodé excessif.
Lorsqu’une affection concomitante (MRC, hyperthyroïdie, hyperaldostéronisme, etc.) est diagnostiquée, il convient de mettre en place le traitement adéquat. Cependant, celui-ci ne résout pas toujours l’HTAS, malgré une bonne gestion de la maladie, notamment dans le cadre d’une MRC ou d’une hyperthyroïdie [2]. Cela peut être un argument supplémentaire en faveur de la difficulté d’établir un lien direct de cause à effet entre ces deux affections et une hypertension.
Lorsque des lésions secondaires oculaires ou nerveuses sont détectées, un traitement est à instaurer en urgence. Dans ce cas de figure, son efficacité doit être constatée dans les heures qui suivent l’administration en répétant les mesures de PAS, ce qui nécessite une hospitalisation de l’animal. La dose est réitérée si la diminution de la PAS n’est pas jugée suffisante 2 à 4 heures après la prise du médicament (redonner 0,625 mg, PO). La PAS est ensuite contrôlée tous les 1 à 3 jours selon la réponse au traitement, et ce dernier est réadapté en fonction des résultats.
Dans la majorité des cas, et quelle que soit l’origine de l’HTAS, l’administration d’amlodipine PO parvient à diminuer efficacement la PAS lors d’élévation sévère avec un risque minime d’hypotension. Lorsque la voie PO est impossible, un traitement par voie parentérale peut être envisagé. Cependant, il est recommandé de l’associer à un suivi continu de la PAS par mesure directe, ce qui nécessite la pose d’un cathéter artériel [2]. Différents protocoles à base d’esmolol ou d’hydralazine sont rapportés, même si peu de données précises et récentes existent chez le chat [2].
Dans le cadre d’une HTAS supérieure à 180 mmHg sans LOC associée, l’hospitalisation pour un traitement en urgence n’est pas systématique. Cette décision thérapeutique est néanmoins envisageable selon le contexte clinique.
Lorsqu’une HTAS est avérée sans LOC associée, le traitement antihypertenseur n’est pas une urgence absolue en général, même s’il reste indispensable (figure 2). Le premier contrôle est effectué dans les 7 à 10 jours suivants la mise en place de l’amlodipine.
Si le risque d’apparition de LOC est encore élevé au premier contrôle, la dose initiale est doublée et la PAS est contrôlée de nouveau dans les 7 à 10 jours.
Si la PAS obtenue est inférieure à 150 mmHg et qu’aucun effet secondaire n’est constaté, la posologie initiale est maintenue. Un suivi tous les 1 à 3 mois est ensuite préconisé. La fréquence des contrôles est adaptée individuellement en fonction du contexte clinique.
Si la PAS est inférieure à 120 mmHg, une adaptation du traitement est indiquée. Aucun consensus n’est clairement défini à ce sujet. Une diminution de dose ou une administration tous les 2 jours peut être envisagée, de même que le remplacement de l’inhibiteur calcique par un IECA. Cette situation étant extrêmement rare, il convient dans un premier temps de vérifier l’existence même de l’HTAS initiale.
Le suivi d’un chat hypertendu inclut systématiquement, outre l’examen clinique général, et les examens ophtalmologique et neurologique, une mesure de la PAS (si possible toujours dans les mêmes conditions) et un bilan rénal (créatininémie, analyse urinaire et RPCU) [2]. Un ionogramme peut également être réalisé.
Seules la mise en évidence d’une protéinurie au moment du diagnostic et son absence de diminution significative après l’instauration du traitement hypertenseur seraient des indicateurs pronostiques péjoratifs [4, 15]. L’âge de l’animal, le stade de la MRC associée, ou la présence ou la sévérité des LOC ne sont pas corrélés à la gravité de l’HTAS, ni à la durée de survie de l’animal. Le contrôle du RPCU et la prise en charge d’une éventuelle protéinurie rénale sont donc deux éléments indispensables dans la gestion globale du chat hypertendu.
L’évolution des LOC après la mise en place du traitement antihypertenseur est difficile à prévoir. Le pronostic est généralement bon lors de la prise en charge précoce d’une encéphalopathie hypertensive, souvent considérée comme réversible [1, 12]. Une résolution rapide et complète est notée dans les heures ou les jours suivant la normalisation de la PAS.
La récupération visuelle est difficile à pronostiquer. Une régression des lésions du fond d’œil peut être constatée, et ce d’autant plus que le traitement est instauré rapidement. Certaines études montrent jusqu’à 70 % d’amélioration des cas traités, avec diminution ou disparition de l’œdème, des hémorragies ou du décollement rétinien et récupération complète de la vision [16]. Malgré tout, le pronostic reste toujours réservé en raison du risque de complications secondaires, comme la dégénérescence rétinienne ou le glaucome [10].
La régression de l’hypertrophie myocardique n’a pas été clairement démontrée dans le cadre d’une HTAS correctement régulée [14].
Dans un contexte de MRC, il semblerait que la présence d’une HTAS n’influe pas sur la durée de survie si le traitement antihypertenseur est mis en place [7, 18]. Dans le cadre d’une HTAS associée à une hyperthyroïdie, ce fait est plus discuté [20]. La majorité des études conclut toutefois à l’absence de différence de survie entre les animaux hyperthyroïdiens hypertendus ou non [7, 19].
Quelle que soit l’origine de l’HTAS, les données des publications indiquent des médianes de survie allant de 4 à 18 mois [5, 7, 9].
La mise en évidence d’une HTAS, associée ou non à des lésions secondaires, doit entraîner une prise en charge adaptée associant un traitement antihypertenseur et un suivi rigoureux. L’amlodipine PO est le traitement de choix chez le chat. Cet inhibiteur calcique peut être instauré en urgence dans le cadre d’une surveillance en hospitalisation, en présence de LOC ou lors de risque sévère d’apparition, ou bien dans un contexte de prise en charge globale moins agressive. Les visites de contrôle pour un chat hypertendu doivent être systématisés. Elles comprennent un examen à la fois clinique, neurologique et ophtalmologique. Un suivi de la fonction rénale, en particulier de la protéinurie, est également préconisé.
(1) Voir les articles “Physiopathologie et diagnostic de l’hypertension artérielle systémique féline” des mêmes auteurs, dans ce numéro.
Aucun.
→ L’antihypertenseur de choix dans l’espèce féline est l’amlodipine, un vasodilatateur inhibiteur des canaux calciques.
→ Le suivi d’un animal hypertendu doit systématiquement inclure une mesure de la pression artérielle, un bilan rénal et un examen du fond d’œil.
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