Persistance du canal artériel chez le chien : traitement classique et nouveautés - Le Point Vétérinaire expert canin n° 366 du 01/06/2016
Le Point Vétérinaire expert canin n° 366 du 01/06/2016

CARDIOLOGIE

Article de synthèse

Auteur(s) : Jérémy Béguin*, Cyril Poncet**

Fonctions :
*CHV Frégis
43, avenue Aristide-Briand,
94110 Arcueil
**CHV Frégis
43, avenue Aristide-Briand,
94110 Arcueil

Mortelle mais curable, la persistance du canal artériel doit être diagnostiquée tôt pour être opérée avec succès. La ligature du shunt à thorax ouvert assure la guérison en attendant des techniques moins invasives qui sont à l’essai.

Le canal artériel est une communication fœtale reliant l’aorte thoracique à l’artère pulmonaire. La persistance du canal artériel (PCA) est la malformation congénitale cardiaque la plus fréquemment rencontrée chez le chien, avec la sténose sous-aortique et la sténose pulmonaire [5, 23]. Lorsqu’elle n’est pas traitée précocement, elle est mortelle pour 65 % des animaux un an après l’apparition des premiers signes d’insuffisance cardiaque [23]. L’insuffisance cardiaque est l’inaptitude du cœur à répondre aux besoins hémodynamiques de l’organisme, c’est-à-dire à maintenir un débit cardiaque correspondant aux efforts souhaités. Elle peut être compensée lorsque le débit cardiaque est maintenu grâce à des mécanismes adaptateurs. Lorsque le débit cardiaque chute, conduisant à des défaillances organiques multiples, il s’agit d’insuffisance cardiaque décompensée.

PHYSIOLOGIE ET PHYSIOPATHOLOGIE

1. Physiologie du canal artériel

Le canal artériel aussi appelé ductus arterious est une communication fœtale reliant l’aorte thoracique (après le tronc brachiocéphalique et l’artère sous-clavière gauche) à l’artère pulmonaire (figure 1). Il est composé à 98 % de muscles lisses, de fibres élastiques et de collagène [4].

Chez le fœtus, le canal artériel shunte le sang du poumon non fonctionnel vers la circulation systémique. À ce stade, les poumons sont collabés et seulement 5 à 8 % du sang de l’artère pulmonaire irrigue le poumon. À la naissance, l’augmentation de la pression partielle en oxygène dans le sang et la diminution du taux de prostaglandine stimulent la contraction des muscles lisses du canal. Après occlusion, celui-ci se fibrose et devient le ligament artériel. La fermeture physiologique du canal a lieu immédiatement après la naissance. Cependant, celui-ci reste présent sans être fonctionnel jusqu’au dixième jour [5, 11, 17].

2. Physiopathologie

Chez les animaux atteints d’une PCA, une distribution asymétrique des muscles lisses ou une proportion plus importante de tissus non contractiles sont à l’origine d’un défaut de fermeture du canal. La pression dans l’artère pulmonaire étant inférieure à celle de l’aorte thoracique, un shunt de l’aorte vers l’artère pulmonaire (gauchedroite) se met alors en place (figure 2).

Dans un premier temps, l’augmentation de la pression pulmonaire est compensée par une vasodilatation artérielle pulmonaire et un recrutement supplémentaire de capillaires. En réaction à l’élévation de la précharge pulmonaire, l’oreillette gauche et le ventricule se dilatent. Avec le temps, la pression artérielle pulmonaire continue à augmenter et le ventricule droit se dilate également. Cette présentation est la plus fréquente, environ 93 % des cas [17].

Dans un second temps, dans les stades très avancés, la pression artérielle pulmonaire devient telle que le shunt s’inverse et devient droite-gauche avec une hypertension pulmonaire secondaire et une hypoxie chronique.

D’autres morphologies, plus rares, de communication existent, telles que les fenêtres aorto-pulmonaires. Dans ce cas, les deux vaisseaux partagent une paroi perforée d’une communication qui autorise le passage d’un flux sanguin comparable à celui d’un canal artériel (photo 1) [9].

ÉPIDÉMIOLOGIE

Avec une incidence de 25 à 30 %, la PCA est une des maladies cardiaques congénitales les plus fréquentes chez le chien [6]. Elle est plus fréquemment rencontrée chez les animaux de race pure, avec une prédisposition des femelles (ratio d’environ 1 pour 4) (encadré 1) [17]. Une hérédité génétique a été établie chez le caniche (en raison d’une absence du muscle constricteur lisse du canal artériel) [20, 24]. Elle a été démontrée pour une portée de chihuahuas et est fortement suspectée dans d’autres races (collie, cocker spaniel, berger allemand, etc.) [1]. Il est donc préférable que les animaux atteints ne soient pas mis à la reproduction [4, 6, 20].

La PCA est une malformation rare chez le chat, parfois retrouvée chez les siamois et les persans. Dans ce cas, elle est souvent associée à d’autres affections cardiaques (anomalies septales ou valvulaires) [11].

PRÉSENTATION CLINIQUE

1. Anamnèse

La plupart des chiens atteints d’une PCA gauche-droite ou droite-gauche sont asymptomatiques, ou ne manifestent qu’une intolérance à l’effort et un retard de croissance. Chez les animaux symptomatiques d’une PCA gauchedroite, les propriétaires rapportent une toux et/ou un essoufflement dus à un œdème pulmonaire [12].

2. Examen clinique

L’identification d’une PCA est généralement réalisée lors des premières vaccinations entre l’âge de 6 à 12 semaines. Lors de PCA gauche-droite, l’examen des muqueuses est le plus souvent normal. Une cyanose est parfois observée secondairement à un œdème pulmonaire. L’examen cardiaque révèle un souffle continu pathognomonique dans 90 % des cas, dont l’auscultation est maximale à gauche à la base du cœur ou en région axillaire en regard du troisième espace intercostal [25]. De plus, la palpation du thorax peut mettre en évidence un frémissement vibratoire cranial puissant, appelé “frémissement cataire”. Enfin, en raison du trop-plein de sang présent dans le canal artériel lors de la diastole, le pouls fémoral paraît souvent très marqué (pouls hyperkinétique) (tableau 1).

Lors d’inversion du flux et d’installation d’un canal droite-gauche, une cyanose différentielle s’installe, et les muqueuses caudales sont cyanosées en comparaison des muqueuses craniales. Il arrive qu’aucune anomalie ne soit perçue à l’auscultation lorsque des modifications hématologiques (polycythémie) se sont installées.

DIAGNOSTIC

1. Radiographies thoraciques

Des radiographies thoraciques ventro-dorsale et latérale doivent être réalisées afin d’évaluer les altérations cardio- pulmonaires. Des modifications spécifiques de la silhouette cardiaque telles qu’une dilatation du ventricule et de l’oreillette gauches, et une dilatation de la crosse aortique et de l’artère pulmonaire doivent être recherchées. Celles-ci donnent au cœur une forme pathognomonique dite à trois bosses, surtout visible sur le cliché de face, mais dont l’observation reste rare (26 % des cas) (photos 2a et 2b) [16, 25]. Enfin, dans les formes décompensées, un œdème pulmonaire radiographique est noté dans 50 % des cas [11]. Dans ces cas de figure, la capacité d’adaptation du cœur à la surcharge volumique est dépassée. Il en résulte donc un accroissement de la pression en fin de diastole dans le ventricule gauche.

Les signes radiologiques d’un shunt inversé sont la présence d’une cardiomégalie droite et une diminution de taille des veines et des artères pulmonaires. Une hyperclarté du champ pulmonaire secondaire à l’augmentation de la pression artérielle pulmonaire sur une PCA inversée (syndrome d’Eisenmenger) est notée.

2. Électrocardiogramme

Il n’existe pas de modification électrocardiographique spécifique d’une PCA. En revanche, certains remaniements morphologiques ou rythmologiques sont importants à rechercher pour évaluer les conséquences physiopathologiques de la PCA sur la fonction cardiaque. Ils seront des éléments importants pour poser un pronostic. Une onde P mitrale (élargie) et un hypervoltage du ventriculogramme (R > 2,5 mV en DII) sont rapportés dans 63 % des cas, et traduisent une cardiomégalie atrioventriculaire gauche [25]. Dans les cas évolués, la distension atriale et l’hypoxie myocardique peuvent être responsables de l’apparition de troubles du rythme, le plus souvent supraventriculaires (tachycardie supraventriculaire, fibrillation atriale, etc.).

3. Échocardiographie

L’échocardiographie et le Doppler sont les examens complémentaires de choix. Ils permettent de confirmer le diagnostic, d’évaluer les conséquences physiopathologiques de la surcharge volumique consécutive à la PCA sur les structures cardiaques et les flux sanguins, d’examiner l’aspect du canal artériel en vue d’une correction chirurgicale et d’identifier des malformations associées. Ces éléments présentent un caractère pronostique important.

La mise en évidence du canal artériel est souvent délicate. Elle se fait à partir des coupes petit axe parasternales droite et gauche de la base du cœur [4].

Les principales modifications bidimensionnelles consécutives à une PCA sont des remaniements cardiaques tels qu’une surcharge du cœur gauche (dilatations atriale dans 35 % des cas et ventriculaire dans 82 % des cas), et une dilatation de la racine aortique et du tronc pulmonaire [25].

Au Doppler, la PCA est responsable d’un flux continu turbulent de haute vélocité dans le tronc pulmonaire (photos 3a et 3b). La gravité du shunt est en partie corrélée avec le remodelage du cœur gauche. Enfin, dans les formes les plus avancées, une insuffisance mitrale fonctionnelle peut être identifiée.

Un canal artériel très large est parfois responsable d’une hypertension artérielle pulmonaire précapillaire susceptible d’induire une inversion du shunt (qui devient un shunt droite-gauche). L’échographie 2D met alors en évidence une hypertrophie de la paroi ventriculaire droite avec un ventricule gauche normal ou discrètement dilaté. Une confirmation est obtenue par un “bublegram” (échographie de contraste) positif au niveau de l’aorte abdominale. Cette situation ne doit pas être confondue avec une hypertension artérielle pulmonaire postcapillaire secondaire à une surcharge volumique importante et chronique du ventricule gauche.

4. Bilan sanguin

Un examen hématologique peut révéler une hyperviscosité sanguine et une polycythémie dans les cas de canal droite-gauche [3, 4].

PRISE EN CHARGE

1. Traitement médical

Le traitement médical est prescrit dans l’attente de l’intervention chirurgicale ou lorsque celle-ci ne peut être réalisée. Il n’est pas toujours nécessaire avant l’opération. Il ne permet pas une occlusion du shunt, ni une résolution complète des troubles cardiaques. Seulement 34 % des chiens traités médicalement survivent au-delà de 1 an [10]. Ce traitement consiste en une prise en charge des conséquences de la PCA : troubles du rythme et insuffisance cardiaque gauche, selon les protocoles classiques. Les conséquences d’une PCA inversée sont une insuffisance cardiaque droite associée à la présence d’une ascite et d’une hypertension artérielle, ainsi que l’installation d’une polycythémie consécutive à une cyanose chronique.

2. Traitement chirurgical

Conditions

L’intervention chirurgicale doit être réalisée le plus précocement possible afin de prévenir le développement de modifications cardio-vasculaires irréversibles. L’âge idéal pour une fermeture chirurgicale de PCA est compris entre 8 et 16 semaines. Néanmoins, des animaux plus âgés, pour lesquels un diagnostic tardif a été établi, peuvent également être de bons candidats, mais le pronostic est le plus souvent moins favorable en raison des modifications cardio-vasculaires secondaires.

L’insuffisance cardiaque secondaire et l’hypertension pulmonaire (tant que la pression systémique est supérieure à la pression artérielle pulmonaire) doivent être prises en charge avant la chirurgie, mais n’en sont pas des contreindications. Cependant, les animaux présentant des fibrillations atriales et des régurgitations mitrales présentent un taux de mortalité de 50 % 1 mois après l’opération et de 5 % lorsque seules des régurgitations mitrales sont diagnostiquées [10]. Des contre-indications à l’intervention chirurgicale sont répertoriées (encadré 2).

Procédure préopératoire

Chez les chiots de moins de 1 an et les chiens en mauvais état général, une diète alimentaire de moins de 6 heures doit être instaurée. Une perfusion d’entretien supplémentée en glucose peut être administrée avant la chirurgie à un débit d’entretien (2,5 ml/kg/h) et au cours de l’acte opératoire à 10 ml/kg/h afin de prévenir une hypoglycémie. Un cathéter jugulaire est conseillé chez les animaux pour lesquels le risque anesthésique est élevé.

Des anticholinergiques (atropine, glycopyrrolate) peuvent être utilisés si le rythme cardiaque est inférieur à 60 battements par minute (bpm). À titre préventif, une poche de transfusion doit être disponible en cas d’hémorragie [2, 4].

Un monitorage cardio-respiratoire doit être mis en place tout au long de la chirurgie. Un stéthoscope œsophagien permet à l’anesthésiste de contrôler la ligature du canal artériel durant l’intervention chirurgicale.

Ligature chirurgicale

→ Technique

Le canal artériel est abordé par thoracotomie intercostale gauche au niveau du quatrième espace intercostal. Pour cela, l’animal est placé en décubitus latéral droit. Une serviette enroulée peut être placée sous l’animal afin d’augmenter l’exposition intercostale. Le thorax gauche est tondu et préparé de façon aseptique. Une incision ventrale au processus vertébral jusqu’à la jonction chondro-costale, en regard du quatrième espace intercostal, est pratiquée.

Le canal artériel se situe à l’intersection du nerf vague et de l’artère pulmonaire (photos 4a et 4b). Une fois les grands repères anatomiques identifiés (nerf phrénique, tronc pulmonaire, crosse aortique, nerf vague), une palpation d’un flux turbulent permet d’identifier rapidement le canal artériel. Une dissection minutieuse au moyen d’une pince à dissection et d’un dissecteur vasculaire à angle droit est ensuite réalisée (photo 4c) [4]. Il est préférable de mener une dissection proche de l’aorte (car le canal y est moins fragile) et profonde sur la face latérale [18]. Quand le dissecteur peut être glissé de part et d’autre du canal, deux longueurs de fil tressé irrésorbable de décimale 1 à 4 selon la taille du canal sont passées pour effectuer les ligatures (photo 5a). La ligature du canal s’effectue avec précaution afin de ne pas léser la paroi du canal en commençant par le pôle aortique. À ce stade, une bradycardie réflexe (réflexe de Branham) et une hypertension peuvent être observées. C’est pourquoi une ligature progressive durant 2 à 3 minutes est recommandée (photo 5b) [15]. Dans la plupart des cas, cette bradycardie ne dure que quelques minutes. En cas de bradycardie marquée (inférieure à 50 bpm) et persistante, un anticholinergique peut être administré [4]. Si l’animal est stable sur le plan hémodynamique, la ligature du pôle pulmonaire est ensuite réalisée. Après avoir vérifié l’absence de saignement et le gonflement normal du lobe pulmonaire cranial gauche, une fermeture classique de la cavité thoracique est effectuée. Un bloc anesthésique intercostal à base de bupivacaïne permet une analgésie dans la période postopératoire immédiate.

La ligature peut également être pratiquée par le biais d’un clip hémostatique en utilisant le même protocole que décrit précédemment (photo 6). Cependant, les canaux de plus de 12 mm ne peuvent être pris en charge par cette technique. Enfin, la ligature ou la pose du clip hémostatique est aussi réalisable de manière vidéo-assistée, pour une meilleure visualisation du champ opératoire.

Selon le diamètre du canal et sa conformation, la pose d’un clip hémostatique est envisageable à la place d’une ligature chirurgicale.

→ Complications

Le taux de complications dépend de l’expérience du chirurgien. Le taux de mortalité est compris entre 0 et 2 % pour les chirurgiens expérimentés, qui ont réalisé plus de 100 ligatures chirurgicales [19].

La rupture du canal est la complication la plus fréquente et aussi celle dont le pronostic est le plus réservé. Dans une série de 64 cas, l’occurrence des hémorragies peropératoires a été estimée à 6,25 % [15]. Lors d’hémorragie peropératoire, le taux de mortalité augmente significativement, et est compris entre 42 et 100 % [15]. La rupture du canal est souvent fatale, dans 50 % des cas. Chez un chiot de 5 kg, l’hémorragie est mortelle en moins de 20 secondes [3]. Les hémorragies se déclarent généralement lors de la dissection de la portion médiale du canal. Si le saignement est accessible et minime, une compression digitée peut être réalisée. Une fois l’effusion arrêtée, il convient de s’interroger sur la poursuite de la dissection ou sur le report de l’intervention chirurgicale. En cas de seconde intervention chirurgicale, celle-ci est toujours considérée comme plus difficile et plus risquée en raison des adhérences qui se sont créées [4, 15].

Lors d’hémorragie plus sévère, il convient de réaliser une transfusion à haut débit et d’interrompre le flux artériel pendant quelques minutes. Après avoir pratiqué une péricardectomie, le chirurgien place un clamp transatrial pour occlure l’artère pulmonaire et l’aorte ascendante. L’aorte descendante est clampée manuellement par un aide opératoire, et le chirurgien dispose alors de 5 à 10 minutes pour terminer la dissection et l’occlusion du canal avant de lever les points de compression [15].

À titre indicatif, l’utilisation de nitroprusside permettrait de diminuer la pression sanguine entre 45 et 60 mmHg afin de limiter l’hémorragie ductale. Cependant, son effet n’est observé que 10 minutes après son injection. L’administration préventive, au début de l’intervention, de nitroprusside et de phentolamine a également été utilisée afin de réduire la pression sanguine [4].

La persistance d’un souffle après ligature du canal est la conséquence d’un acte chirurgical incorrect ou d’une affection cardiaque non diagnostiquée, telle qu’une sténose aortique ou bien une insuffisance mitrale [6]. Lorsqu’une affection est secondaire à la présence du canal artériel, le souffle disparaît souvent une à deux semaines après la chirurgie [6, 11]. La réapparition d’un souffle très turbulent et la mise en évidence d’un nouveau shunt sont des signes de reperméabilisation du canal artériel. Cette complication est peu fréquente et ne représente que 2 à 3 % des cas, selon Eyster [11]. Un traitement médical est privilégié avant une nouvelle intervention chirurgicale, au cours de laquelle la section du canal est alors indiquée [6, 18].

Techniques minimalement invasives

Actuellement les procédures minimalement invasives disponibles sont la chirurgie sous thoracoscopie et les techniques intravasculaires.

→ Ligature du canal artériel sous thoracoscopie

Une incision à égale distance de la colonne et du sternum en regard du troisième espace intercostal permet de placer le vidéoscope. Au niveau du cinquième espace intercostal, une incision ventrale permet d’installer un rétracteur pulmonaire (forceps à thoracoscopie), une seconde ouverture plus dorsale autorise le passage de la pince à clip hémostatique. Le nerf vague sert de repère à l’identification du canal artériel. Une dissection minutieuse des tissus mous cranialement et caudalement à la PCA est suivie de la ligature du canal grâce à un clip hémostatique en titane [2].

Cette technique est indiquée chez les chiens de plus de 7 kg dont le diamètre du canal artériel est inférieur à 12 mm. Elle présente l’avantage de réduire les traumatismes tissulaires, la douleur et l’hypothermie, et favorise une récupération rapide de l’animal.

Elle n’est pas utilisable chez les chiens de petits formats (poids inférieur à 7 kg, thorax peu profond) en raison du manque de recul lors de la visualisation, ni lors de shunt de plus de 12 mm de diamètre en raison de la limite de taille des clips disponibles. Des risques de recanalisation sont décrits, qui se réalisent très rarement [8]. Enfin, le clip peut interférer dans l’interprétation d’un examen d’imagerie ultérieur (imagerie par résonance magnétique, radiographie).

La ligature traditionnelle vidéo-assistée est également une option envisageable (photos 7a à 7c). Elle permet une meilleure visualisation du canal artériel.

→ Techniques intravasculaires

Ces techniques intravasculaires ne sont actuellement réalisées que dans des centres de cardiologie interventionnelle.

Une angiographie est effectuée au préalable afin de déterminer la taille et la forme du canal. L’artère fémorale est généralement utilisée comme voie artérielle permettant la mise en place d’un implant thrombogénique (coil) ou d’un dispositif d’occlusion (Amplatz®) (photos 8 et 9).

Les coils sont des spires expansibles métalliques hérissées de poils et dont la surface peut être couverte de matériaux agrégants. Ils sont fixés à un guide détachable et introduits par voie veineuse ou artérielle fémorale. L’occlusion par thrombogenèse est indiquée pour les canaux artériels de diamètre inférieur à 4 mm. Durant la chirurgie, l’occlusion est confirmée lorsque le souffle caractéristique disparaît à l’auscultation transœsophagienne. Des dispositifs thrombogéniques doivent donc être mis en place jusqu’à disparition de ce dernier.

Cette technique est prometteuse. En effet, l’occlusion complète du canal est obtenue pour 85 % des chiens à 90 jours postopératoires (dont 50 à 60 % à l’issue de l’intervention chirurgicale) [14]. Pour 15 % des chiens, un flot résiduel, sans conséquence clinique et ne nécessitant pas de seconde chirurgie, persiste [14]. Enfin, 5 % des cas requièrent une seconde opération [14]. Les complications rencontrées sont le déplacement, le déploiement insuffisant ou l’infection de l’implant, ainsi que la persistance d’un flot résiduel et le développement d’une embolie pulmonaire.

Selon les études, aucune différence significative de la durée de l’opération et du taux de mortalité n’est observée entre la ligature chirurgicale et la mise en place d’un dispositif thrombogénique. Le risque de complication majeure serait même plus faible lors d’occlusion par thrombogenèse, comparée à la ligature après thoracotomie (tableau 2). Cependant, pour des raisons de coût, de matériel et de savoir-faire, cette technique n’est pas pratiquée en France.

Les Amplatz® sont des dispositifs résultant du tissage de filaments très fins en nitinol (pour nickel-titanium alloy, alliage de nickel et de titane). Ils adoptent une forme cylindrique ou plus complexe (double champignon, par exemple) une fois libérés de leur gaine de largage et favorisent l’obstruction du canal. L’occlusion par un dispositif de type Amplatz® est indiquée pour les canaux artériels de diamètre supérieur à 5 mm. Sa mise en place, ainsi que les complications associées sont similaires à celles d’un coil [21].

PRONOSTIC

Les chiens présentant une PCA non pris en charge chirurgicalement développent une insuffisance cardiaque gauche et un œdème pulmonaire. Près de 70 % d’entre eux meurent avant l’âge de 1 an. Les animaux traités par ligature chirurgicale présentent, quant à eux, un taux de survie de 92 % à 1 an et de 87 % à 2 ans [7].

Conclusion

La PCA est une affection congénitale assez fréquente chez le chien. La fermeture du canal après thoracotomie peut se réaliser par une ligature classique ou la pose d’hémoclips. La fermeture du canal sous thoracoscopie par des clips hémostatiques est une technique peu invasive prometteuse, permettant une bonne visualisation du canal, surtout chez les chiens dont le thorax est profond. La persistance d’un souffle après la ligature chirurgicale du canal est le signe d’un échec opératoire ou de l’existence d’une affection cardiaque non diagnostiquée. De nouvelles méthodes endovasculaires peu invasives sont décrites, dont les perspectives d’avenir sont prometteuses.

Références

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Conflit d’intérêts

Aucun.

ENCADRÉ 1
Races prédisposées à la persistance du canal artériel

→ Caniche.

→ Welsh Corgi.

→ Spitz loup.

→ Bichon frisé.

→ Bichon maltais.

→ Cocker spaniel.

→ Pékinois.

→ Collie.

→ Shetland.

→ Rottweiller.

→ Loulou de Poméranie.

→ Berger allemand.

→ Yorkshire terrier.

→ Chihuahua.

ENCADRÉ 2
Contre-indications à un traitement chirurgical de la persistance du canal artériel

→ Un shunt droite-gauche.

→ Un shunt bidirectionnel.

→ La découverte peropératoire d’une fenêtre aorto-pulmonaire.

Les deux vaisseaux partagent une paroi perforée d’une communication qui autorise le passage d’un flux sanguin comparable à celui d’un canal artériel.

→ Toute maladie cardiaque concomitante, telle que la tétralogie de Fallot, nécessitant la PCA pour garantir la survie de l’animal.

PCA : persistance du canal artériel.

Points forts

→ Le souffle pathognomonique de la persistance du canal artériel (patent ductus arteriosis) est systolo-diastolique et son auscultation est maximale en regard du troisième espace intercostal gauche à la base du cœur.

→ Le canal artériel est souvent difficile à identifier à l’examen échocardiographique.

→ Le traitement chirurgical doit intervenir précocement afin de prévenir le développement de modifications cardio-vasculaires irréversibles : idéalement entre 8 et 16 semaines d’âge.

→ La fermeture du canal après thoracotomie reste actuellement la technique de choix. Elle peut se réaliser par une ligature classique ou par la pose d’hémoclips.

→ La fermeture du canal sous thoracoscopie par des clips hémostatiques est une méthode prometteuse permettant une bonne visualisation du canal surtout chez les chiens dont le thorax est profond.

→ De nouvelles techniques endovasculaires peu invasives sont décrites, qui offrent des perspectives prometteuses.

→ La persistance d’un souffle après la ligature chirurgicale du canal est le signe d’un échec opératoire ou de l’existence d’une affection cardiaque non diagnostiquée.

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L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

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