L’immunothérapie sublinguale, réponses cliniques et immunitaires chez des chiens atopiques sensibilisés aux acariens de la poussière - Le Point Vétérinaire expert canin n° 366 du 01/06/2016
Le Point Vétérinaire expert canin n° 366 du 01/06/2016

DERMATOLOGIE

Analyse d’article

Auteur(s) : Charline Pressanti

Fonctions : INP-ENV de Toulouse, 23,
chemin des Capelles,
31076 Toulouse
c.pressanti@envt.fr

L’immunothérapie sublinguale (ITSL) consiste à désensibiliser un individu en lui administrant des extraits allergéniques par voie orale. Elle est majoritairement utilisée en médecine humaine. De récentes analyses ont prouvé sa bonne tolérance et son efficacité. Cette forme de désensibilisation est plutôt indiquée dans l’asthme et les rhinites allergiques, mais également dans la prise en charge de la dermatite atopique [5, 6]. Chez les personnes sensibilisées aux acariens et traitées par l’ITSL, les études montrent des améliorations cliniques significatives et une réduction notable du recours aux autres formes de thérapeutiques.

DERMATITE ATOPIQUE CANINE ET DÉSENSIBILISATION PAR VOIE SUBLINGUALE

Les essais s’intéressant à cette voie de désensibilisation sont encore peu nombreux chez le chien. Celle-ci n’a jamais été évaluée chez des animaux présentant une forme spontanée de dermatite atopique. Une étude pilote, publiée en 2010, n’a pas montré d’amélioration clinique chez des modèles expérimentaux de chiens atopiques sensibilisés aux acariens de la poussière de maison [2]. Toutefois, les extraits allergéniques étaient administrés oralement dans du fromage et n’étaient donc pas directement appliqués au contact de la muqueuse buccale. La même équipe de recherche s’est de nouveau intéressée à l’action de cette immunothérapie sur des modèles de chiens atopiques en appliquant directement les allergènes sur les muqueuses [3]. Si les résultats cliniques ont été modestes, néanmoins, les profils cytokiniques des animaux ont révélé une augmentation significative du facteur de croissance transformant β (TGF-β) et de l’interleukine (IL-10), deux cytokines impliquées dans les réponses immunitaires tolérogènes.

RÉSULTATS

Bien que le nombre d’animaux soit réduit, une bonne tolérance de cette forme d’immunothérapie et une efficacité intéressante dans la prise en charge spécifique de la dermatite atopique canine lors de sensibilisation aux acariens ont été constatées.

La dermatite atopique était initialement contrôlée par une administration orale de méthylprednisolone. La dose de corticoïdes était la même durant les 15 premiers jours, puis devait être ajustée par les propriétaires de façon à assurer le confort de l’animal. Durant les 6 mois de l’étude, la diminution du score clinique CADESI (Canine Atopic Dermatitis Extent and Severity Index) et du score de prurit n’était pas significative. Toutefois, les auteurs ont considéré que ces deux critères étaient moins importants que la diminution du dosage de corticoïdes au cours du temps. En effet, quatre des chiens de l’étude ont pu être totalement sevrés en cortisone entre le quatrième et le sixième mois de désensibilisation. Les auteurs n’ont pas constaté d’impact de l’âge, de la race ou encore de la gravité de la dermatose sur les résultats obtenus.

Sur le plan biologique, l’ITSL a induit ici une diminution des immunoglobulines E (IgE) spécifiques d’allergènes et une augmentation des IgG. Ce changement de profil reflète la diminution de la réponse allergique orientée en Th2 au profit d’une réponse de type Th1. En médecine humaine, cette variation de profil est corrélée à une bonne efficacité de l’immunothérapie [1, 4]. Dans cette étude, les profils sériques des animaux testés corroboraient cette tendance. Toutefois, les diminutions d’IgE ou les augmentations d’IgG n’étaient pas toujours associées à une amélioration clinique de l’animal. Ce dernier point reflète le caractère multifactoriel de la dermatite atopique. En effet, de nombreux phénomènes immunitaires et biologiques sont impliqués dans la pathogénie de cette maladie, qui ne peut être réduite à une simple modification de la polarisation Th1/ Th2 des réponses immunitaires spécifiques.

Un examen plus approfondi des profils de réponses sériques à la désensibilisation a permis d’en identifier deux types chez les chiens de l’étude :

– 4 chiens ont présenté une augmentation significative des IgG à 2 mois, suivie d’une diminution à 4 et à 6 mois (profil 1) ;

– 6 chiens ont connu une augmentation légère des IgG à 2 et à 4 mois et une hausse très marquée à 6 mois (profil 2). Les animaux répondant au premier profil présentaient les plus mauvaises réponses cliniques. Les animaux répondant au second avaient une meilleure réponse. Le taux d’IgG et son augmentation au cours du temps pourraient donc représenter un bon marqueur de l’efficacité de la désensibilisation.

Les tests intradermiques pratiqués sur les 10 chiens de l’étude n’ont pas évolué au cours des 6 mois d’immunothérapie, comme dans les essais réalisés en médecine humaine. En effet, l’ITSL induit des modifications du profil IgE sérique sans changement du résultat des tests cutanés en dépit d’une évolution clinique positive [7].

LIMITES DE L’ÉTUDE

Le faible nombre d’animaux et le caractère ouvert de l’étude, sans groupe contrôle, rendent l’interprétation des résultats délicate.

Conclusion

Chez le chien atteint de dermatite atopique, l’ITSL représenterait une solution alternative thérapeutique intéressante. D’autres études plus complètes avec un plus large effectif seraient nécessaires pour compléter ces résultats. Il serait pertinent d’inclure des animaux polysensibilisés aux acariens, aux pollens et aux moisissures afin d’évaluer l’intérêt de cette désensibilisation dans une population canine plus large et plus représentative de la réalité.

Le protocole pourrait être ajusté selon les résultats et les réactions observées, et il serait judicieux d’utiliser des dosages sériques d’IgE et d’IgG chez ces chiens pour apprécier l’efficacité de ce traitement au cours du temps.

Références

  • 1. Eifan AO, Shamji MH, Durham SR. Long-term clinical and immunological effects of allergen immunotherapy. Curr. Opin. Allergy Clin. Immunol. 2011;11 (6):586-593.
  • 2. Marsella R. Tolerability and clinical efficacy of oral immunotherapy with house dust mites in a model of canine atopic dermatitis: a pilot study. Vet. Dermatol. 2010;21 (6):566-571.
  • 3. Marsella RA. Investigations on the effects of sublingual immunotherapy on clinical signs and immunological parameters using a canine model of atopic dermatitis: a double-blinded, randomized, controlled study. Vet. Dermatol. 2012;23 (Suppl.1): 66 (abstract).
  • 4. Moingeon P, Batard T, Fadel R et coll. Immune mechanisms of allergenspecific sublingual immunotherapy. Allergy. 2006;61 (2):151-165.
  • 5. Novak N. Allergen specific immunotherapy for atopic dermatitis. Curr. Opin. Allergy Clin. Immunol. 2007;7 (6):542-546.
  • 6. Pajno GB, Caminiti L, Vita D et coll. Sublingual immunotherapy in mite-sensitized children with atopic dermatitis: a randomized, double-blind, placebo-controlled study. J. Allergy Clin. immunol. 2007;120 (1):164-170.
  • 7. Queiros MGJ, Silva DAO, Siman IL et coll. Modulation of mucosal/systemic antibody response after sublingual immunotherapy in mite-allergic children. Pediat Allerg Imm-Uk. 2013;24 (8):752-761.

Conflit d’intérêts

Aucun.

RÉSUMÉ

OBJECTIF

L’immunothérapie sublinguale (ITSL) est utilisée avec succès en médecine humaine, chez le patient atopique sensibilisé aux acariens de la poussière. Cette méthode de désensibilisation demeure peu explorée chez le chien et n’a pas encore été évaluée chez un animal présentant une dermatite atopique “spontanée”.

L’objectif de l’étude est d’évaluer l’efficacité de l’ITSL chez le chien atopique à l’aide d’un protocole issu de la médecine humaine.

MATÉRIEL ET MÉTHODE

• 10 chiens atteints de dermatite atopique avec une sensibilisation aux acariens de la poussière ont été sélectionnés.

• Les animaux ont bénéficié d’une ITSL durant 6 mois et d’une corticothérapie à doses dégressives à base de méthylprednisolone.

• Les chiens ont été évalués cliniquement (score CADESI 3, échelle visuelle de prurit), et un dosage sérique quantitatif des immunoglobulines (Ig) E et G antiacariens a été réalisé tous les 2 mois.

RÉSULTATS

• La dose moyenne de méthylprednisolone entre les 2 premiers et les 2 derniers mois a diminué de 10,2 à 4,3 mg/kg tous les 2 mois (p < 0,001, test de Student). À 6 mois, 4 chiens ne recevaient plus de corticoïdes.

• Durant l’étude, le score CADESI 3 moyen est passé de 76,5 à 59 (p < 0,02, test de Wilcoxon).

• Le score de prurit moyen est passé de 65 à 37 (p < 0,01, test de Wilcoxon).

• Les différences entre les résultats des tests intradermiques “acariens” avant et après l’immunothérapie n’étaient pas significatives.

• Le dosage moyen des IgE dirigés contre Dermatophagoides farinae est passé de 150,2 x 103 unités arbitraires (UA)/ml à 3,6 x 103 UA/ml (p < 0,05, test de Wilcoxon).

• Le dosage moyen des IgG est passé de 18,5 x 106 UA/ml à 3 923,4 x 106 UA/ml (p < 0,05, test de Wilcoxon).

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