Les otites aspergillaires chez les carnivores domestiques : une étude rétrospective de 17 cas - Le Point Vétérinaire expert canin n° 362 du 01/01/2016
Le Point Vétérinaire expert canin n° 362 du 01/01/2016

OTO-RHINO-LARYNGOLOGIE CANINE ET FÉLINE

Analyse d’article

Auteur(s) : Charline Pressanti

Fonctions : Praticien hospitalier
en dermatologie,
INP-ENV de Toulouse,
23, chemin des Capelles,
31076 Toulouse
c.pressanti@envt.fr

Les otites externes sont fréquentes chez les carnivores domestiques et peuvent représenter jusqu’à 4,6 % des affections du chien. Les otites fongiques sont également courantes et sont diagnostiquées dans 26,7 % des cas. L’agent infectieux le plus souvent incriminé est Malassezia pachydermatis [1].

GÉNÉRALITÉS SUR LES AFFECTIONS ASPERGILLAIRES

Chez l’homme, les otites fongiques sont le plus souvent diagnostiquées sous les climats chauds et humides. Les facteurs prédisposants sont l’immunosuppression, les nettoyages excessifs au coton-tige, les interventions auriculaires, les baignades, l’application d’huile non stérile dans les oreilles, l’utilisation d’un cache-oreille, le prurit et l’administration d’antibiotiques ou de corticoïdes [2, 3]. Chez l’homme, les agents fongiques les plus souvent impliqués sont Aspergillus spp. et Candida spp. [4].

Aspergillus spp. est un agent saprophyte de l’environnement qui provoque occasionnellement des infections opportunistes chez les carnivores domestiques. Il s’agit le plus souvent d’aspergilloses sino-nasales et sino­orbitales [5, 6]. Plus rarement, en particulier lors d’immunosuppression et dans la race berger allemand, l’infection devient généralisée. Dans cette forme, Aspergillus terreus est souvent incriminé, alors que les formes nasales sont plus souvent dues à Aspergillus fumigatus.

Deux cas d’otomycoses causées par Aspergillus ont récemment été décrits chez le chien [7, 8]. Cependant, aucune étude recensant de nombreux cas n’avait été publiée auparavant.

RÉSULTATS DE L’ÉTUDE

Seuls 17 cas ont pu être regroupés sur une période de 25 ans. La plupart des otites étaient unilatérales, à l’image des cas vétérinaires et humains précédemment rapportés. Les cas bilatéraux en médecine humaine sont souvent observés chez des patients immunodéprimés et, dans cette étude, 2 chats présentaient une otite bilatérale et l’un d’entre eux était profondément immunodéprimé.

L’atteinte moyenne associée a été identifiée grâce à un examen tomodensitométrique ou à la visualisation directe de la rupture tympanique. Ces cas ont été confirmés par un prélèvement provenant de la bulle tympanique pour 4 animaux. Deux de ces animaux étaient gravement immunodéprimés, ce qui a pu expliquer l’extension en profondeur de l’infection. Un des chiens avaient également un épillet qui pourrait être à l’origine de la rupture tympanique. Pour les cas restants, aucun facteur prédisposant n’a été identifié.

Tous les chiens inclus dans cette étude étaient de grande race sans prédisposition raciale spécifique.

Les facteurs de risque identifiés ici étaient l’immunosuppression et la présence d’un corps étranger végétal auriculaire. Il est possible qu’Aspergillus ait été introduit dans le conduit auditif par le biais de l’élément végétal et favorisé par les lésions auriculaires associées. Chez l’homme, l’utilisation des fluoroquinolones semble contribuer au développement des otites fongiques [3]. Dans cette étude, l’administration préalable d’antibiotiques était très fréquente, et 3 chiens et 7 chats avaient reçu une quinolone topique et/ou systémique et de nombreuses autres familles d’antibiotiques.

TRAITEMENT

Selon les données de cette étude, le pronostic était meilleur pour l’espèce canine que pour l’espèce féline. Ainsi, 75 % des chiens ont guéri, contre 56 % des chats. Plus de chiens que de chats ont pu subir un nettoyage auriculaire sous anesthésie générale ou une intervention de type Tecabo (total ear canal ablation and bulla osteotomy), ce qui peut expliquer ces chiffres pronostiques. De manière similaire, le traitement des atteintes nasales nécessite également un nettoyage afin d’enlever les plaques aspergillaires, avant l’administration d’un traitement antifongique.

L’utilisation du clotrimazole est souvent recommandée dans le traitement des otites fongiques en raison de son large spectre d’action et de son absence d’ototoxicité. Aspergillus spp. présente souvent des résistances [9]. Dans cette étude, tous les animaux qui ont reçu un traitement systémique à base d’itraconazole ont guéri, alors que 75 % des cas traités au fluconazole ont été résolus. La résistance au fluconazole a précédemment été rapportée [9]. Le posaconazole et le voriconazole devraient être réservés aux cas ne répondant pas aux autres antifongiques.

LIMITES DE L’ÉTUDE

Les limites majeures de cette étude résident dans son caractère rétrospectif et la petite taille de l’échantillon. En effet, les données concernant chaque cas ne sont pas exhaustives et les facteurs de risque ne sont pas vérifiables statistiquement. De plus, la culture fongique ne peut pas prouver définitivement le caractère infectieux d’Aspergillus. Le champignon étant saprophyte, une contamination est possible. Une analyse histologique démontrant l’envahissement des tissus par les hyphes fongiques devrait être systématiquement associée.

Conclusion

Cette étude suggère que les otites externes aspergillaires sont très rares, souvent unilatérales, et qu’elles peuvent se compliquer d’une otite moyenne. Les chiens de grande race seraient prédisposés, ainsi que les animaux immunodéprimés et ceux qui présentent un corps étranger végétal auriculaire. Une antibiothérapie préalable est souvent rapportée. Un essai incluant plus d’animaux serait nécessaire pour évaluer l’importance du lavage auriculaire ou du traitement chirurgical dans la prise en charge de l’otite aspergillaire.

Références

  • 1. Barrs VR, Halliday C, Martin P et coll. Sinonasal and sino-orbital aspergillosis in 23 cats: Aetiology, clinicopathological features and treatment outcomes. Vet. J. 2012;191(1):58-64.
  • 2. Coyner K. Otomycosis due to Aspergillus spp. in a dog: case report and literature review. Vet. Dermat. 2010;21(6):613-618.
  • 3. Ghibaudo G, Peano A. Chronic monolateral otomycosis in a dog caused by Aspergillus ochraceus. Vet. Dermatol. 2010;21(5):522-526.
  • 4. Ho T, Vrabec JT, Yoo D et coll. Otomycosis: clinical features and treatment implications. Otolaryngology-head and neck surgery. Am. Acad. Otolaryngol.-Head and Neck Surg. 2006;135(5):787-791.
  • 5. Jackman A, Ward R, April M et coll. Topical antibiotic induced otomycosis. Intern. J. Pediatr. Otorhinolaryngol. 2005;69(6):857-860.
  • 6. Lelievre L, Groh M, Angebault C et coll. Azole resistant Aspergillus fumigatus: an emerging problem. Méd. Maladies Infect. 2013;43(4):139-145.
  • 7. Lyskova P, Vydrzalova M, Mazurova J. Identification and antimicrobial susceptibility of bacteria and yeasts isolated from healthy dogs and dogs with otitis externa. J. Vet. Med. Physiol. Pathol. Clin. Med. 2007;54(10):559-563.
  • 8. Meler E, Dunn M, Lecuyer M. A retrospective study of canine persistent nasal disease: 80 cases (1998-2003). Canadian Vet. J. 2008;49(1):71-76.
  • 9. Paulose KO, Al Khalifa S, Shenoy P et coll. Mycotic infection of the ear (otomycosis): a prospective study. J. Laryngol. Otol. 1989;103(1):30-35.

Conflit d’intérêts

Aucun.

RÉSUMÉ

CONTEXTE

Aspergillus spp. est un champignon saprophyte et opportuniste souvent incriminé dans les otites fongiques de l’homme. Bien que quelques cas d’otites aspergillaires aient été rapportés chez le chien, il s’agit ici de la plus grande étude rétrospective intéressant le chien et le chat.

OBJECTIF

Regrouper des informations épidémio-cliniques sur chacun des cas recensés : leur signalement, les facteurs de risque supposés, le traitement et l’évolution.

MÉTHODE

Les données ont été recueillies à partir de cas diagnostiqués entre 1989 et 2014. Les otites fongiques aspergillaires ont été confirmées par culture fongique.

RÉSULTATS

• Initialement, 33 cas étaient retenus, mais seulement 8 chiens et 9 chats satisfaisaient à tous les critères d’inclusion.

• Les chiens étaient de grand gabarit. Leur poids moyen était de 34,7 kg.

• Les facteurs de risque les plus souvent incriminés étaient une maladie intercurrente, un traitement immunosuppresseur, un historique de corps étranger auriculaire.

• Tous les chiens présentaient une otite externe unilatérale. Une otite moyenne concomitante a été diagnostiquée chez 3 chiens et 1 chat, et suspectée chez 2 chats supplémentaires.

• Les données cytologiques étaient disponibles uniquement pour 4 chiens et, pour 2 d’entre eux, des éléments fongiques étaient visualisables. Sur sept cytologies disponibles dans l’espèce féline, deux étaient évocatrices.

• Tous les animaux ont fait l’objet de nombreux traitements antifongiques topiques et systémiques. Cependant, le nettoyage auriculaire sous anesthésie générale ou le traitement chirurgical augmentait les chances de guérison.

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