Principales affections oculaires chez le lapin - Le Point Vétérinaire expert canin n° 359 du 01/10/2015
Le Point Vétérinaire expert canin n° 359 du 01/10/2015

OPHTALMOLOGIE DES NAC

Article de synthèse

Auteur(s) : Julien Goin

Fonctions : Clinique vétérinaire Ligeria
31, allée du Grand-Coquille
45800 Saint-Jean-De-Braye
juliengoin.vetnac@yahoo.fr

Fréquentes en médecine du lapin, les affections oculaires sont rappelées, avec leurs principales caractéristiques et les spécificités de cet animal en ce qui concerne leur origine, leur expression clinique et leur prise en charge thérapeutique.

Les affections oculaires sont un motif de consultation fréquent chez le lapin de compagnie. À l’instar de ce qui se passe chez les carnivores domestiques, toutes les annexes et les structures de l’œil peuvent être mises en cause, comme les paupières, la conjonctive, l’appareil lacrymal, les segments antérieur et postérieur.

ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE DE L’ŒIL DU LAPIN

> Les globes oculaires sont volumineux, proéminents, peu mobiles et situés en position latérale, conférant à cet animal de proie un champ de vision proche de 360°, utile pour repérer et fuir les prédateurs. Il existe un angle mort devant le museau, compensé par la présence de vibrisses à rôle tactile (photo 1, encadré 1) [3, 8, 28, 38, 41, 43].

> Les paupières sont au nombre de trois : la paupière supérieure, la paupière inférieure et la troisième paupière. Leur ouverture a lieu à l’âge de 10 jours. La troisième paupière est bien développée. Elle est visualisable par pression du globe oculaire, qu’elle peut alors recouvrir jusqu’aux deux tiers. La fréquence des clignements palpébraux est de 10 à 12 par heure [3, 17, 28, 41, 43].

> La conjonctive abrite une flore Gram+ (Bacillus spp., Corynebacterium spp., Micrococcus spp., Staphylococcus spp., Stomatococcus spp., Streptococcus spp.) et une flore Gram- (Bordetella spp., Moraxella spp., Neisseria spp., Pasteurella spp., Pseudomonas spp.) [12, 13, 36].

> Les glandes lacrymales sont au nombre de quatre : les glandes superficielles de la troisième paupière, profonde de la troisième paupière, lacrymale et lacrymale accessoire. La glande profonde de la troisième paupière (glande de Harder) est située en région rostro-médiale de l’orbite. Elle est grande (5 x 15 mm), bilobée, contenue dans une fine capsule de tissu conjonctif et entourée par le sinus veineux orbitaire [5, 17, 30, 41, 43, 57].

> Les voies lacrymales comprennent le point lacrymal, le canalicule lacrymal, le sac lacrymal et le canal nasolacrymal. Il n’existe qu’un point lacrymal, situé en face interne de la paupière inférieure, près du canthus médial. Le court canalicule débouche dans le sac lacrymal. Le canal nasolacrymal chemine dans l’os lacrymal, et présente deux zones de courbure et de rétrécissement : la première en regard des racines des prémolaires supérieures, la seconde des incisives supérieures. Il débouche par un petit orifice au sein de la cavité nasale. Étroit, il possède un épithélium avec de nombreuses zones d’ondulation [5, 7, 11, 41, 43].

> La cornée est de grande taille et représente 30 % du globe oculaire. Pour cette raison, elle est exposée aux risques de traumatisme, d’ulcère et de sécheresse oculaire, notamment lors d’exophtalmie. Le segment antérieur de l’œil est très réactif sur le plan inflammatoire. Ces caractéristiques font du lapin un modèle expérimental qui peut être comparé à l’être humain, dont la cornée est moins étendue et l’uvée nettement moins réactive [3, 4, 14, 41, 43].

> La rétine possède une vascularisation de type mérangiotique (localisée à une partie seulement de la surface rétinienne, et non sur sa totalité). La papille optique est en dépression et située au-dessus d’une ligne médiane horizontale. Les cellules en bâtonnets prédominent, conférant une bonne vision nocturne. La pigmentation est absente chez les individus albinos, rendant bien apparente la choroïde, à l’origine de l’aspect rouge de leurs yeux. Aucun tapis clair (tapetum lucidum) n’est présent. À l’instar de nombreux herbivores, il n’existe pas de fovéa, mais une bande visuelle horizontale, assurant une vision à l’horizon développée, ce qui permet, là encore, le repérage des prédateurs [3, 4, 41, 43, 57].

> Un important sinus veineux orbitaire est situé à proximité de la glande profonde de la troisième paupière, en région rostro-médiale de l’orbite [8, 28, 41, 43].

BLÉPHARITE

La blépharite peut revêtir différentes formes cliniques en fonction de la cause (photos 2 et 3). Elle est souvent le reflet d’une affection sous-jacente.

1. Étiologie

La blépharite peut avoir une origine :

– traumatique : griffure de congénère ou de prédateur (lésions traumatiques telles que les plaies, etc.) ;

– bactérienne : Pasteurella multocida, Staphylococcus aureus (blépharoconjonctivite purulente), Treponema cuniculi (agent de la syphilis : vésicules, ulcères et croûtes en régions faciale et génitale), etc. ;

– virale : virus de la myxomatose (myxomes, blépharo-conjonctivite bilatérale œdémateuse) ;

– fongique : dermatophytose à Trichophyton mentagrophytes (alopécie, érythème, squamosis) ;

– parasitaire : gale notoédrique à Notoedres cati, gale sarcoptique à Sarcoptes scabiei [8, 27, 28, 37].

2. Traitement

Le traitement est étiologique : gestion des plaies par suture ou cicatrisation par seconde intention lors d’atteinte traumatique, antibiothérapie pour une atteinte bactérienne, absence de traitement efficace en cas de myxomatose (la vaccination seule étant performante), traitement antifongique lors de dermatophytose (tableaux 1 et 2).

CONJONCTIVITE

La conjonctivite se traduit par un œdème et une rougeur de la conjonctive, et une douleur (blépharospasme), associés à un écoulement oculaire (photo 4, tableau 3).

1. Étiologie

Elle peut être d’origine :

– irritative ou traumatique : ectropion, entropion, litière ou foin poussiéreux, litière souillée par les urines, corps étranger végétal, griffure de congénère ou de prédateur, etc. ;

– bactérienne : Bordetella bronchiseptica, Pasteurella multocida (agent pathogène primaire ou secondaire), Staphylococcus aureus (isolement fréquent), Streptococcus spp., Treponema cuniculi (agent de la syphilis), Chlamydophila spp., etc. Ces infections sont souvent opportunistes et secondaires à une irritation, et les bactéries incriminées ont fréquemment un tropisme respiratoire ;

– virale : virus de la myxomatose ;

– ou être secondaire à une dacryocystite [8, 9, 12, 28, 29, 32, 36, 37, 50].

2. Traitement

Le traitement repose sur l’éviction de la cause irritative lorsqu’elle existe, sur une antibiothérapie locale, et sur une antibiothérapie par voie générale lors de syphilis ou d’atteinte sévère. La mise en place d’un traitement anti-inflammatoire est indispensable et doit être précoce (encadré 2).

SYNDROME OCCLUSIF CORNÉEN

1. Clinique et étiologie

Le syndrome occlusif cornéen, ou membrane conjonctivale épicornéenne, correspond à une hyperplasie anormale bénigne de la conjonctive bulbaire, envahissant la cornée de manière centripète et non adhérente, partiellement ou totalement, de façon uni- ou, plus rarement, bilatérale. Généralement, aucune gêne visuelle n’est objectivable. Chez l’homme, il existe une affection semblable, le ptérygion. La cause est inconnue.

2. Traitement

Le traitement est chirurgical. Différentes techniques ont été décrites. L’exérèse seule aboutit à une récidive en quelques semaines, bien qu’un retrait large réalisé à quelques millimètres en arrière du limbe a permis la guérison dans un cas décrit. La méthode avec une fixation sans résection donne de bons résultats : la membrane est divisée en six parties égales, puis chacune est éversée et son bord central replacé au fond du cul-de-sac conjonctival où il est suturé au travers de la peau, avec le nœud à l’extérieur.

Les récidives peuvent être limitées par l’application de mitomycine C à 0,02 % sur la conjonctive pendant 3 minutes après l’intervention chirurgicale et celle de ciclosporine à 0,02 % sur l’œil opéré deux fois par jour pendant 1 à 2 mois [2, 8, 16, 20, 31, 35, 47-49, 55].

DACRYOCYSTITE

La dacryocystite est une inflammation des voies lacrymales se traduisant par un écoulement oculaire, parfois séreux (épiphora) ou purulent (lors de surinfection), en regard du canthus interne, qui entraîne une souillure du pelage (photos 5 à 8). La pression du canthus interne peut faire sourdre du pus par le point lacrymal. Une dilatation du sac lacrymal est parfois présente. La dacryocystite se complique d’une conjonctivite, d’une kératite, d’un ulcère cornéen et d’une pyodermite.

1. Étiologie

Cette affection oculaire peut avoir une origine :

– bactérienne : infection primaire par Pasteurella multocida ;

– dentaire (cas le plus fréquent) : élongation ou abcédation d’une racine dentaire, le plus souvent d’une incisive, entraînant l’obstruction et l’infection secondaire du canal nasolacrymal [22, 28, 36, 44, 47].

2. Diagnostic

La perméabilité des voies lacrymales peut être vérifiée par un test à la fluorescéine. Lors de dacryocystite, le cathétérisme des voies lacrymales est incontournable. Il est réalisé sous anesthésie générale. La paupière inférieure est éversée, et le point lacrymal repéré et cathétérisé à l’aide d’une sonde ou d’un cathéter de petit diamètre (24 ou 26 G). L’emploi d’une sonde plastique est à privilégier, une sonde métallique pouvant se révéler traumatique. Cet acte présente un double intérêt :

– un intérêt diagnostique, car il permet la réalisation d’une dacryocystographie ou d’un dacryoscanner, après injection de 1 à 2 ml de produit de contraste iodé. D’éventuelles anomalies dentaires, ainsi que des zones d’obstruction, de déformation, de dilatation ou de perforation des voies lacrymales peuvent alors être visualisées. Le recours au dacryoscanner est préférable, car cet examen permet de s’affranchir des superpositions osseuses et dentaires présentes lors d’un examen radiographique ;

– un intérêt thérapeutique, car il permet l’irrigation au sérum physiologique stérile, et l’évacuation du pus et des débris inflammatoires, qui peuvent être recueillis pour une analyse bactériologique.

Une pression est réalisable simultanément sur le canthus interne pour faciliter l’irrigation. L’injection ne doit être ni brutale, ni forcée, sous peine d’entraîner la rupture du sac lacrymal et l’apparition d’un gonflement périorbitaire. Quelques gouttes de topique oculaire antibiotique (gentamicine, chloramphénicol, association néomycine, bacitracine et polymyxine B) peuvent ensuite être injectées de la même façon [7, 8, 10, 22, 28, 47].

3. Traitement

Le traitement repose sur :

– l’irrigation des voies lacrymales à la clinique, puis leur vidange quotidienne par pression du canthus médial chez les propriétaires ;

– une antibiothérapie locale, et générale lors d’atteinte sévère (par exemple, enrofloxacine, à la dose de 10 mg/kg, deux fois par jour, per os [PO], ou pénicilline G, 40 000 à 60 000 UI/kg, par voie sous-cutanée [SC] ou intramusculaire [IM], en général tous les 3 à 5 jours selon l’état de l’animal, pendant 15 jours au minimum). Un traitement topique sous forme de collyre est à privilégier en raison de sa pénétration efficace dans les voies lacrymales, bien que la fréquence d’application soit augmentée par rapport à une pommade ;

– le traitement de l’affection dentaire causale (par exemple, l’extraction de dents). Lors de lésion irréversible des voies lacrymales, l’épiphora peut toutefois persister et un traitement au long cours se révéler nécessaire ;

– le maintien d’une bonne hygiène locale, par un nettoyage, puis une tonte ou un peignage du canthus médial, et l’application d’un topique cutané antibiotique (acide fusidique, sulfapyridine) lors de pyodermite secondaire.

Le propriétaire doit être informé de la chronicité de cette affection et de la fréquence des récidives, afin d’optimiser l’observance du traitement et des soins d’hygiène, ainsi que le suivi dentaire ultérieur.

PROLAPSUS DE LA GLANDE PROFONDE DE LA TROISIÈME PAUPIÈRE

> Le prolapsus de la glande profonde de la troisième paupière (également appelé prolapsus de la glande de Harder, ou “œil de cerise”) se traduit par une protrusion anormale de cette glande sous la troisième paupière, entraînant la luxation de cette dernière. Il peut être uni- ou, plus rarement, bilatéral.

> Le traitement repose sur un enfouissement chirurgical dont le mode opératoire est identique à celui décrit chez les carnivores domestiques. L’exérèse de la glande est déconseillée en raison du risque de sécheresse oculaire secondaire et de la proximité du sinus veineux orbitaire [8, 15, 28, 30].

KÉRATITE ET ULCÈRE CORNÉEN

Les kératites et les ulcères cornéens, souvent associés, se traduisent par un œil rouge et douloureux (blépharospasme), un œdème cornéen et un écoulement oculaire (photos 9 à 11). Dans le cas de l’ulcère cornéen, une perte de substance est présente, qui peut être mise en évidence par un test à la fluorescéine. Les ulcères profonds sont souvent de grande taille avec la présence d’un magma jaunâtre central. Ils peuvent évoluer en panophtalmie avec une abcédation complète du globe oculaire.

1. Étiologie

Les kératites et les ulcères peuvent être d’origine :

– traumatique : corps étranger végétal, griffure de congénère ou de prédateur, etc. ;

– bactérienne : Pasteurella multocida, Pseudomonas aeruginosa, Staphylococcus aureus, etc. ;

– immunitaire : kératoconjonctivite éosinophilique ;

– ou bien être secondaires à une dacryocystite ;

– à une paralysie faciale lors d’otite moyenne (kératite d’exposition) ;

– à une exophtalmie avec un défaut de recouvrement palpébral [3, 8, 25, 28].

2. Traitement

> En raison de la grande réactivité inflammatoire de l’œil du lapin et de la douleur qui lui est associée, la mise en place d’un traitement anti-inflammatoire topique et par voie générale à base d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) est fondamentale. Comme dans les autres espèces, les corticoïdes sont contre-indiqués en cas d’ulcère cornéen. Les protecteurs et cicatrisants oculaires (Clearapliq®, Twelve®, Viskyal®) sont également efficaces et très utiles. Les collyres anticollagénases ne sont pas spécialement indiqués, les ulcères à collagénases étant rares chez le lapin.

> Bien qu’elle ne soit ni la base, ni l’essentiel du traitement, une antibiothérapie est également prescrite, par voie locale, et par voie générale lors d’atteinte profonde ou sévère.

> Le traitement de la kératite éosinophilique repose sur l’administration d’un topique corticoïde ou contenant de la ciclosporine.

> Lors d’ulcères avec abcédation, une kératectomie est souvent nécessaire. En cas d’ulcère ne répondant à aucun traitement médical, la blépharorraphie est indiquée. La tarsorraphie est à éviter, car elle peut s’accompagner d’une déchirure de la troisième paupière. Comme dans d’autres espèces, une greffe cornéenne par biomatériau de type Biosys® ou ACell® est une solution alternative intéressante, sous réserve que la membrane de Descemet soit encore intègre. Une autogreffe conjonctivale pédiculée est également possible pour les atteintes plus profondes ou perforées. Lors d’atteinte irréversible, l’énucléation est à envisager.

UVÉITE

L’uvéite se traduit par un œil rouge, un œdème cornéen (éventuellement associé à un pannus cornéen), et l’apparition d’un hypopion ou d’un abcès intra-oculaire (en regard de l’iris notamment) (photo 12). Chez le lapin, la réaction inflammatoire est particulièrement intense, comparée à celle des autres espèces. Une énophtalmie est parfois présente. Comme en cas d’ulcère cornéen, l’évolution peut aller vers la panophtalmie avec une abcédation complète du globe oculaire.

1. Étiologie

L’uvéite peut avoir une origine :

– traumatique : corps étranger pénétrant, griffure, etc. ;

– bactérienne : Pasteurella multocida (infection primaire par voie hématogène ou secondaire à une uvéite parasitaire) ;

– parasitaire : Encephalitozoon cuniculi (agent de l’encéphalitozoonose) (encadré 3) ;

– tumorale : lymphome (avec atteinte bilatérale), mélanome des corps ciliaires ;

– ou bien être secondaire à une kératite ou à un ulcère cornéen sévère [8, 19, 24, 26, 28, 43, 51, 56, 60].

2. Traitement

> Comme pour les autres affections inflammatoires décrites précédemment, les volets analgésique et anti-inflammatoire sont essentiels. Un traitement par voie générale est indiqué, les topiques étant en général, ici, peu, voire pas efficaces, et les topiques corticoïdes étant controversés chez le lapin.

> Lors de suspicion d’encéphalitozoonose (par exemple, sérologie positive), un traitement antiparasitaire à base d’albendazole ou de fenbendazole (20 mg/kg/j pendant 28 jours) est indiqué, bien que l’efficacité de ces molécules reste controversée et ne serait que partielle. En cas de cataracte associée, une phaco-émulsification est également indiquée.

> La mise en place d’une antibiothérapie locale (par exemple, ciprofloxacine) et par voie générale (par exemple, enrofloxacine, 10 mg/kg, deux fois par jour, PO ; ou pénicilline G, pour son activité sur Pasteurella multocida malgré sa pénétration oculaire inférieure à celle des quinolones, 40 000 à 60 000 UI/kg SC ou IM tous les 3 à 5 jours suivant la présentation, pendant au minimum 15 jours) est également indiquée, en cas d’uvéite bactérienne primaire ou secondaire à une encéphalitozoonose.

> En l’absence de réponse au traitement médical, ou en cas d’évolution vers la panophtalmie, l’énucléation est indiquée.

CATARACTE

1. Étiologie

La cataracte se traduit par une opacification partielle ou totale du cristallin (photo 13). Elle peut avoir une origine :

– congénitale (cas décrits chez des lapins de laboratoire) ;

– sénile ;

– parasitaire (Encephalitozoon cuniculi) ;

– génétique ;

– traumatique ;

– postuvéitique [8, 18, 19, 28, 40, 43, 51, 60].

La cause n’est pas toujours déterminée avec certitude. À la différence de ce qui se passe chez les carnivores domestiques, la cataracte n’est pas un signe clinique de diabète sucré chez le lapin. Lors d’encéphalitozoonose, elle est souvent unilatérale, associée à une rupture de la capsule antérieure du cristallin et à la présence de débris opaques dans la chambre antérieure, sans inflammation associée. Il s’agit alors fréquemment d’une découverte fortuite.

2. Traitement

> Le traitement repose sur une phaco-émulsification (sous réserve d’un électrorétinogramme normal), avec si possible l’implantation d’un cristallin artificiel. Le retrait chirurgical du cristallin a également été décrit. Cependant, ces interventions restent peu réalisées en pratique pour des raisons de coût et de disponibilité du matériel en routine. De plus, le lapin s’adapte généralement bien à la cataracte, donc le bénéfice de l’opération par rapport aux risques encourus est à relativiser.

> Dès le diagnostic de cataracte, un traitement local AINS est recommandé, afin de limiter les complications d’uvéite phaco-induite, qu’une intervention chirurgicale soit ou non envisagée. À moyen et long terme, la cataracte peut se compliquer de luxation du cristallin et de glaucome.

EXOPHTALMIE

L’exophtalmie n’est pas une affection en soi, mais un signe clinique qui se traduit par une protrusion anormale du globe oculaire (photos 14 et 15). Elle se complique fréquemment d’une kératite et d’une ulcération cornéenne linéaire par défaut de recouvrement palpébral.

1. Étiologie

Dans le cas de l’exophtalmie unilatérale, l’affection est liée à la présence d’une masse rétrobulbaire (généralement, un abcès dentaire des racines des molaires maxillaires ; plus rarement, un lymphome, une sialocèle zygomatique, un kyste parasitaire à Coenurus serialis).

Dans le cas de l’exophtalmie bilatérale, un syndrome veine cave craniale est responsable de la maladie. La présence d’une masse thoracique entraîne la compression de la veine cave craniale, à l’origine d’une stase veineuse et d’une dilatation des sinus veineux rétrobulbaires, entraînant l’exophtalmie. Une tumeur du thymus est la cause la plus fréquente, en raison de la persistance de cette glande chez le lapin adulte [8, 28, 34, 42, 45-47, 54, 58].

2. Diagnostic

Lors d’exophtalmie unilatérale, un examen dentaire est indiqué en première intention pour rechercher un abcès des molaires maxillaires (examen bucco-dentaire sous anesthésie, radiographie ou, mieux, scanner). L’échographie oculaire est également intéressante dans l’investigation des masses rétrobulbaires. Lors d’exophtalmie bilatérale, l’imagerie thoracique (radiographie, échographie ou scanner) est indiquée, associée à une cytoponction échoguidée.

3. Traitement

Le traitement des abcès dentaires rétrobulbaires est chirurgical (extraction des dents atteintes, parage de l’abcès) et peut, dans certains cas, nécessiter l’énucléation (pour accéder au site chirurgical, et en raison de l’atteinte oculaire parfois irréversible). Lorsque l’œil a pu être préservé, une blépharorraphie est parfois requise pour le protéger et favoriser la cicatrisation de la kératite d’exposition. Le traitement des tumeurs thymiques a fait l’objet de plusieurs publications. L’exérèse chirurgicale est difficile en raison de la localisation médiastinale. La chimiothérapie et la radiothérapie sont envisageables [7, 8, 28, 34, 39, 45-47, 54].

AUTRES AFFECTIONS OCULAIRES

D’autres maladies oculaires sont occasionnellement rencontrées chez le lapin :

– des anomalies congénitales des paupières : ectropion, entropion, trichiasis ;

– des malformations congénitales du globe oculaire : anophtalmie, micro­phtalmie ;

– d’autres anomalies congénitales : colobome, dermoïde cornéen ;

– un glaucome ;

– des dystrophies cornéennes de type calcique ou lipidique ;

– des affections rétiniennes, telles qu’un décollement, une dégénérescence, une choriorétinite, etc.

– des maladies tumorales, comme un lymphome, un mélanome, etc.

Ces affections ont été décrites, mais elles demeurent rares en pratique.

Conclusion

Les affections oculaires ont une origine le plus souvent traumatique, bactérienne (Pasteurella multocida et bactéries à tropisme oculaire le plus souvent) ou parasitaire (Encephalitozoon cuniculi). Un épiphora doit conduire à suspecter une dacryocystite d’origine dentaire. Une exophtalmie évoque un abcès dentaire rétrobulbaire. Lorsqu’elle est bilatérale un thymome médiastinal doit être envisagé. Un hypopion ou un abcès intra-oculaire est en faveur d’une uvéite. Une cataracte unilatérale d’apparition brutale, éventuellement associée à une uvéite, est le signe d’une encéphalitozoonose. D’autres affections plus rares existent également.

Conflit d’intérêts

Aucun.

ENCADRÉ 1
Particularités anatomo-physiologiques ayant une conséquence clinique

> De par la position et le volume des globes oculaires, la faible fréquence des clignements palpébraux (10 à 12 par heure) et la grande taille de la cornée, l’œil du lapin est exposé aux risques de traumatisme, de dessication et d’ulcère cornéen, notamment lors d’exophtalmie.

> Une glande profonde de la troisième paupière (glande de Harder) est présente en région rostro-médiale de l’orbite. Comme chez le chien, elle peut être l’objet d’une procidence pathologique.

> Le canal nasolacrymal présente deux zones de rétrécissement, en regard des racines des prémolaires et des incisives supérieures. En raison de cette structure particulière, son obstruction est rapide en présence de débris inflammatoires et/ou d’affections des racines des incisives ou des dents jugales maxillaires, et conduit à une dacryocystite se traduisant cliniquement par un épiphora.

> Les racines des molaires supérieures sont en contact avec la partie ventrale de la cavité orbitaire. Une exophtalmie unilatérale est le plus souvent la conséquence d’un abcès dentaire molaire.

> Le sinus veineux orbitaire étant important, lors d’énucléation, il convient de veiller à ne pas le léser afin de prévenir tout risque hémorragique.

Points forts

→ Les affections oculaires du lapin ont fréquemment une origine traumatique, bactérienne ou parasitaire.

→ Un épiphora doit conduire à suspecter une dacryocystite d’origine dentaire.

→ Dans ce cas, la dacryocystographie est l’examen complémentaire de choix.

→ Une exophtalmie unilatérale doit évoquer un abcès dentaire rétrobulbaire.

→ Encephalitozoon cuniculi est un protozoaire responsable d’uvéite et de cataracte chez le lapin.

ENCADRÉ 2
Prise en charge du volet inflammatoire lors d’affection oculaire chez le lapin

> Chez le lapin, les affections oculaires inflammatoires sont fréquentes et nombreuses : blépharite, conjonctivite, dacryocystite, kératite, uvéite, etc. De plus, le segment antérieur de l’œil du lapin est très réactif sur le plan inflammatoire, beaucoup plus que celui de l’homme. Par conséquent, la prise en charge thérapeutique efficace de l’inflammation oculaire, donc de la douleur qui en découle, est essentielle.

> L’utilisation des corticoïdes, par voie locale ou générale, doit être évitée au maximum chez le lapin, espèce “corticosensible”. En effet, ils peuvent être responsables d’une immunodépression, qui favorise l’expression de maladies bactériennes et parasitaires latentes. Ils sont également susceptibles d’entraîner des ulcères gastro-intestinaux, de déséquilibrer les sécrétions surrénaliennes et de retarder la cicatrisation (comme dans les autres espèces, ils sont contre-indiqués lors d’ulcère cornéen). Si leur administration par voie orale ne peut être évitée, la prescription simultanée d’un protecteur digestif (par exemple, un pansement oral) est indiquée.

> L’emploi des anti-inflammatoires non stéroïdiens, que ce soit sous forme locale (diclofénac, flurbiprofène, kétorolac trométhamine) ou par voie générale, est à préférer. À ce titre, le méloxicam est particulièrement intéressant chez le lapin. Tout d’abord, sa présentation sous forme buvable facilite son administration et son observance. De plus, il est bien toléré et peut être prescrit à la dose de 1 mg/kg deux fois par jour sur une période de temps prolongée, sans effet secondaire notable [13 bis].

ENCADRÉ 3
Uvéite à Encephalitozoon cuniculi : diagnostic

Épidémiologie et clinique

Encephalitozoon cuniculi est un protozoaire intracellulaire dont la prévalence est élevée et le portage asymptomatique fréquent chez le lapin de compagnie. À l’origine de lésions granulomateuses, il est responsable d’une encéphalite (pouvant se traduire par un syndrome vestibulaire d’apparition brutale), d’une néphrite interstitielle, d’une cataracte et d’une rupture spontanée de la capsule antérieure du cristallin (présence de débris opaques dans la chambre antérieure), avec une possible uvéite phacoclastique secondaire. L’atteinte oculaire est souvent unilatérale. Le mode de transmission serait vertical, de la mère au fœtus in utero, lorsque la capsule du cristallin est encore absente ou peu développée.

Diagnostic

Le diagnostic de certitude repose sur une analyse histologique du cristallin et des structures tissulaires adjacentes, mettant en évidence le parasite au sein de lésions granulomateuses. Des examens sérologiques existent également, qui permettent de confirmer ou non un contact antérieur avec le parasite, mais pas toujours de relier ce dernier avec les symptômes observés [18, 19, 24, 33, 51, 59, 60].

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