Efficacité de l’utilisation postopératoire des antibiotiques en chirurgie orthopédique - Le Point Vétérinaire expert canin n° 359 du 01/10/2015
Le Point Vétérinaire expert canin n° 359 du 01/10/2015

ANTIBIOTHÉRAPIE

Analyse d’article

Auteur(s) : Quentin Cabon

Fonctions : Service de chirurgie
VetAgro Sup
Campus vétérinaire de Lyon
1, avenue Bourgelat
69280 Marcy-L’Étoile

L’utilisation des antibiotiques en chirurgie est un sujet actuel en raison du développement de résistances bactériennes aux antibiotiques (ATBQ). Les infections postopératoires ont comme conséquences d’augmenter la morbidité et la durée d’hospitalisation de l’animal malade, de retarder la cicatrisation, et d’accroître le coût des soins pour le propriétaire.

Elles proviennent le plus souvent de la flore endogène de l’animal, avec une contamination du site chirurgical depuis la peau lors de l’intervention.

Toutefois, ces infections peuvent également provenir d’un élément extérieur (air, matériel, faute d’asepsie, solutions injectables).

Elles sont divisées en infections superficielle et profonde, ou sont relatives à un organe ou à un espace.

Elles sont considérées être en lien avec l’intervention dans les 30 jours postopératoires en l’absence d’implants et dans l’année suivante en cas d’utilisation d’implants [4].

DEGRÉ DE CONTAMINATION DES CHIRURGIES

Les interventions chirurgicales sont réparties en quatre groupes selon le degré de contamination. Elles sont considérées comme :

– “propres” en cas de plaie chirurgicale sans pénétration d’un tractus et sont associées à un risque d’infection de 2 à 4,8 % ;

– “propres-contaminées” lors de pénétration d’un tractus sans contamination ou d’utilisation d’un drain, avec un risque d’infection de 3,5 à 5 % ;

– “contaminées” en cas de pénétration d’un tractus avec contamination, de faute d’asepsie majeure ou de plaie purulente, et sont associées à un risque d’infection de 4,6 à 12 % ;

– “sales” lors de perforation viscérale ou en présence de plaie nécrotique ou contenant de nombreux débris, avec un risque d’infection de 6,7 à 18,1 % [4].

FACTEURS DE RISQUE D’INFECTION

Toutes les plaies chirurgicales sont contaminées par des bactéries. Toutefois, seules certaines vont développer une infection en raison de facteurs favorisants.

Les facteurs de risque d’infection postopératoire décrits sont les suivants : une tonte trop précoce avant l’intervention, un temps de chirurgie trop long (le risque d’infection double à chaque heure supplémentaire de chirurgie), un temps d’anesthésie prolongé (augmentation du risque de 30 % à chaque heure supplémentaire d’anesthésie), l’utilisation de propofol, la présence d’un hyperadrénocorticisme ou d’une hypothyroïdie, un nombre trop important de personnes dans le bloc (augmentation du risque de 30 % à chaque personne supplémentaire) ou l’opération d’un mâle entier [2, 3, 5-9].

Plusieurs facteurs sont également suspectés sans avoir été confirmés à ce jour : le diabète sucré, la thérapie immunosuppressive, une infection active à distance, l’hypotension, l’hypothermie, le score corporel, des pertes sanguines, la quantité de matériel de suture, le score asa, la durée de l’hospitalisation et l’âge de l’animal [4].

ANTIBIOPROPHYLAXIE CHIRURGICALE

L’antibioprophylaxie chirurgicale est définie par l’utilisation d’un antibiotique pour protéger un individu d’une invasion bactérienne anticipée telle qu’en chirurgie. Elle s’oppose donc à l’antibiothérapie qui consiste à traiter une infection déjà présente. Trois facteurs sont importants pour mener à bien une antibioprophylaxie : le choix de l’antibiotique, le délai entre l’injection et l’incision cutanée et l’arrêt de l’antibiotique en phase postopératoire. La première injection doit avoir lieu entre 30 et 60 minutes avant l’incision cutanée et être répétée toutes les 90 à 120 minutes durant l’intervention pour maintenir une concentration tissulaire efficace (toutes les deux demi-vies de l’ATBQ) [4]. Une ou deux injections peuvent être réalisées après l’intervention et arrêtées dans les 24 heures suivantes. L’arrêt de l’antibioprophylaxie en phase postopératoire est important puisque son prolongement peut sélectionner des résistances bactériennes et augmenter le risque infectieux [3, 4]. En cas de chirurgie propre sans utilisation d’implant, l’antibioprophylaxie ne serait pas nécessaire, selon certains auteurs.

EFFETS DES ANTIBIOTIQUES EN PHASE POSTOPÉRATOIRE

Les antibiotiques en phase postopératoire sont classiquement admis lors de chirurgie contaminée ou sale [4]. Toutefois, leur utilisation est déconseillée lors de chirurgie propre ou propre-contaminée [4]. Certaines études ont rapporté une diminution du taux d’infection avec l’emploi d’un ATBQ en phase postopératoire lors de TPLO (tibial plateau leveling osteotomy) [6]. Cela semble corroborer les résultats de l’étude présentée ici, dans laquelle 72 % des interventions sont des TPLO. Or la TPLO est associée à un taux d’infection d’environ 6 à 8 %, légèrement supérieur à celui des autres chirurgies orthopédiques propres, ce qui peut représenter un biais dans les résultats de l’étude présentée [6]. Une autre étude très récente menée sur 400 cas de chirurgie orthopédique utilisant un implant métallique n’a montré aucune différence significative selon l’utilisation ou non d’un ATBQ en phase postopératoire [1].

Conclusion

L’utilisation d’antibiotique en phases per- et postopératoire ne remplace pas le strict respect des principes chirurgicaux définis par hälsted, notamment l’asepsie. L’emploi des antibiotiques en phase postopératoire semble limiter le risque d’infection lors de chirurgie orthopédique propre, d’après cet essai. Cependant, d’autres études sont en contradiction et cette pratique ne peut pas être recommandée actuellement.

Références

  • 1. Aiken MJ, Hughes TK, Abercromby RH et coll. Prospective, randomized comparison of the effect of two antimicrobial regimes on surgical site infection rate in dogs undergoing orthopedic implant surgery. Vet. Surg. 2015;44:661-667.
  • 2. Beal MW, Brown DC, Shofer FS. The effects of perioperative hypothermia and the duration of anesthesia on postoperative wound infection rate in clean wounds: a retrospective study. Vet. Surg. 2000;29:123-127.
  • 3. Brown DC, Conzemius MG, Shofer F et coll. Epidemiologic evaluation of postoperative wound infections in dogs and cats. J. Am. Vet. Med. Assoc. 1997;210:1302-1306.
  • 4. Brown DC. Wound infections and antimicrobial use. In: Tobias KM, Johnson SA, eds. Veterinary Surgery Small Animals. Elsevier Saunders, St-Louis. 2012;135-139.
  • 5. Eugster S, Schawalder P, Gaschen F et coll. A prospective study of postoperative surgical site infections in dogs and cats. Vet. Surg. 2004;33:542-550.
  • 6. Fitzpatrick N, Solano MA. Predictive variables for complications after TPLO with stifle inspection by arthrotomy: 1000 consecutive dogs. Vet. Surg. 2010;39:460-474.
  • 7. Hamilton HW, Hamilton KR, Lone FJ. Preoperative hair removal. Can. J. Surg. 1977;20:269-275.
  • 8. Heldmann E, Brown DC, Shofer F. The association of propofol usage with postoperative wound infection rate in clean wounds: a retrospective study. Vet. Surg. 1999;28:256-259.
  • 9. Nicholson M, Beal M, Shofer F et coll. Epidemiologic evaluation of postoperative wound infection in clean-contaminated wounds: a retrospective study of 239 dogs and cats. Vet. Surg. 2002;31:577-581.

Conflit d’intérêts

Aucun.

RÉSUMÉ

OBJECTIF

Évaluer l’efficacité de l’utilisation d’antibiotiques (ATBQ) en phase postopératoire sur la prévention des infections lors de chirurgie orthopédique propre utilisant une plaque et des vis en acier inoxydable.

MÉTHODE

Étude prospective sur 100 cas consécutifs de chirurgie orthopédique propre avec suivi à 1 an. Les infections postopératoires ont été définies par la présence d’un suintement purulent, d’un abcès, d’une culture positive ou par l’association de signes tels que la chaleur, une rougeur et une douleur au niveau de la plaie. Le protocole de désinfection est le suivant : deux lavages à la chlorhexidine (5 minutes), l’administration d’une solution alcoolique de chlorhexidine, puis l’application d’un champ collant. Les chiens ont reçu une injection de céfuroxime (20 mg/kg par voie intraveineuse [IV]) ou d’amoxicilline-acide clavulanique (20 mg/kg IV) 30 à 60 minutes avant l’incision cutanée, toutes les 90 à 120 minutes durant l’intervention, puis toutes les 4 à 6 heures jusqu’à 12 heures postopératoires, suivie respectivement par une prescription de céfalexine ou d’amoxicilline-acide clavulanique pendant 7 jours.

RÉSULTATS

• 82,3 % d’ostéotomie correctrice (72/100 TPLO), 12,9 % de fractures, 5,4 % d’arthrodèses.

• Taux d’infection global : 12,9 %.

• Taux d’infection sans ATBQ postopératoire : 21,3 % (10/47).

• Taux d’infection avec ATBQ postopératoire : 4,3 % (2/46).

• Facteurs de risque d’infection postopératoire en analyse multivariable : durée de l’anesthésie et utilisation d’un ATBQ postopératoire.

• Augmentation de 2 % du risque d’infection par minute d’anesthésie supplémentaire.

• Utilisation d’un ATBQ postopératoire : diminution significative du risque d’infection de 84 %.

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