Œdèmes pulmonaires non cardiogéniques : outils diagnostiques et prise en charge thérapeutique - Le Point Vétérinaire n° 357 du 01/07/2015
Le Point Vétérinaire n° 357 du 01/07/2015

PNEUMOLOGIE CANINE ET FÉLINE

Dossier

Auteur(s) : Sarah Bouyssou*, Pascaline Pey**, Barbara Steblaj***

Fonctions :
*Services d’imagerie médicale
et de soins intensifs
CHUVA, ENV d’Alfort
7, av. du Général-de-Gaulle
94704 Maisons-Alfort Cedex
**Services d’imagerie médicale
et de soins intensifs
CHUVA, ENV d’Alfort
7, av. du Général-de-Gaulle
94704 Maisons-Alfort Cedex
***Services d’imagerie médicale
et de soins intensifs
CHUVA, ENV d’Alfort
7, av. du Général-de-Gaulle
94704 Maisons-Alfort Cedex

L’œdème pulmonaire non cardiogénique est une affection rare et secondaire à de multiples causes. Son diagnostic et sa prise en charge sont de réels défis pour le clinicien, confronté, le plus souvent, à des animaux dans un état critique.

L’œdème pulmonaire est une accumulation anormale de liquide dans le compartiment extravasculaire pulmonaire. Il convient d’en différencier deux types : la forme cardiogénique, secondaire à une élévation de la pression hydro­statique à la suite d’une insuffisance cardiaque congestive gauche, et la forme non cardiogénique, résultant d’une augmentation de la perméabilité de la barrière alvéolo-capillaire, parfois associée à une élévation de la pression hydrostatique pulmonaire. Cette dernière est secondaire à de multiples causes(1) [1].

Il incombe au clinicien d’établir le diagnostic d’œdème pulmonaire, de différencier une forme cardiogénique d’une forme non cardiogénique et, enfin, d’en découvrir la cause sous-jacente afin de pouvoir mettre en place la thérapeutique qui convient pour une prise en charge optimale de l’animal [15].

Toutes les formes d’œdème non cardiogénique (neurogénique, postobstructif, noyade, inhalation de fumées) sont le résultat d’une association entre l’augmentation de la pression hydrostatique dans les capillaires pulmonaires et l’élévation de la perméabilité de la barrière alvéolo-capillaire, à une exception près : les causes inflammatoires (systemic inflammatory response syndrome [SIRS], septicémie, pneumonie, pancréatite, etc.) pour lesquelles seule l’élévation de la perméabilité est mise en cause dans le mécanisme pathogénique [1].

1 Présentation clinique

→ Un œdème pulmonaire non cardiogénique (OPNC) peut apparaître chez n’importe quel animal, quels que soient son espèce, sa race, son sexe ou son âge. Cependant, les traumatismes crâniens, les électrocutions et les noyades ont tendance à survenir chez des animaux plus jeunes, manquant de prudence [8, 12].

→ Les signes cliniques peuvent apparaître dans les minutes qui suivent le traumatisme dans le cas d’œdème neurogénique, jusque dans les 72 heures avec les causes inflammatoires [8].

→ L’importance des symptômes est proportionnelle à la gravité des lésions pulmonaires. En d’autres termes, la sévérité de la détresse respiratoire est fonction de la quantité de liquide entrant dans les alvéoles. Les alvéoles touchées par l’œdème se collabent, réduisant ainsi les capacités ventilatoires du poumon et l’hématose. À terme, une hypoxie cellulaire se met en place [8].

→ Cette détresse respiratoire peut se manifester par une intolérance à l’effort, une tachypnée, une dyspnée, une orthopnée ou une cyanose. Lorsque le liquide d’œdème atteint les voies respiratoires profondes et/ou superficielles, une toux ou de l’hémoptysie peuvent être observées [8].

→ La posture et le comportement des animaux permettent de juger de la sévérité de la dyspnée. Une position debout, les pattes écartées, le cou étendu et les narines dilatées chez le chien, un décubitus sternal chez le chat, associés à une mydriase, une respiration gueule ouverte, un tirage costal et un tirage abdominal sont des indices de sévérité de la détresse respiratoire [11].

L’existence de crépitements à l’auscultation des champs pulmonaires est fréquente. Dans certains cas, une fièvre ou une douleur peuvent être mis en évidence [8, 11].

2 Diagnostic

Pour assurer une prise en charge optimale de l’animal, il convient tout d’abord d’établir le diagnostic d’œdème pulmonaire, puis de distinguer la forme non cardiogénique de la forme cardiogénique, et enfin d’en identifier la cause (neurogénique, postobstructif, inflammatoire, toxique, noyade, etc.) [1].

Données de l’anamnèse et de l’examen clinique

→ Une connaissance précise de l’historique de l’animal peut être très utile : des antécédents de crises convulsives, un souffle cardiaque connu, un accident de noyade ou une électrocution peuvent être d’une grande aide dans la recherche diagnostique [15].

→ L’examen clinique général doit être effectué avec une grande minutie. Une dyspnée restrictive associée à des crépitements à l’auscultation des champs pulmonaires est plutôt en faveur d’une atteinte du parenchyme pulmonaire. L’évaluation des paramètres cardiovasculaires (fréquence cardiaque, temps de recoloration capillaire [TRC], distension jugulaire, pouls fémoral, auscultation cardiaque) peut être utile pour différencier une cause cardiogénique d’une cause non cardiogénique. Cependant, en particulier chez le chat, une auscultation normale n’exclut pas l’existence d’une cardiopathie [8, 11].

→ Compte tenu du stress engendré, il est primordial de stabiliser et de surveiller les fonctions vitales de l’animal dans un premier temps. Il est fréquent que les chiens et les chats atteints d’œdème pulmonaire arrivent dyspnéiques ou le deviennent durant leur hospitalisation [11].

→ Une oxygénothérapie avec une fraction inspirée en oxygène (FiO2) approchant les 100 % et un environnement calme, parfois associés à l’administration de molécules sédatives et analgésiques, comme le butorphanol, sont les premiers gestes thérapeutiques à mettre en place avant toute manipulation et surtout avant la réalisation d’examens complémentaires. Le clinicien doit constamment rester prudent avec ces animaux, en raison de leur extrême fragilité. La moindre manipulation inadéquate peut se révéler fatale et chaque acte médical doit être mûrement réfléchi avant sa mise en œuvre. Tout arrêt respiratoire compromet grandement les chances de récupération de l’animal et assombrit le pronostic [15].

→ L’usage du masque à oxygène est alors très utile. Il a l’avantage d’être aisément disponible et de permettre d’effectuer un examen clinique en parallèle. Il est possible d’obtenir une FiO2 de 100 % avec un débit de 100 à 200 ml/kg/min. Cependant, certains animaux peuvent ne pas le supporter et leur état peut se dégrader à la suite du stress engendré. Dans ce cas, il est préférable de privilégier d’autres moyens d’oxygénation. La cage à oxygène a l’avantage de moins stresser les animaux et d’apporter une FiO2 contrôlable et modulable en fonction des débits d’oxygène choisis. Il s’agit toutefois d’une méthode coûteuse qui demande de gros volumes en oxygène, nécessite un temps de remplissage au préalable et isole l’animal. De plus, le niveau d’oxygène chute drastiquement à chaque ouverture de la cage [15].

→ Il importe également de surveiller la fonction respiratoire à l’aide d’un pulsoxymètre (une saturation à plus de 90 % correspondant à une pression artérielle en oxygène d’au moins 60 mmHg) ou, idéalement, par la mesure des gaz du sang. La prise de sang est cependant un acte médical potentiellement stressant pour l’animal [11].

→ En règle générale, les animaux hypoxémiques limitent leurs mouvements afin de permettre une oxygénation suffisante des organes nobles, comme le cerveau et le cœur. Mais en cas de stress, les animaux s’agitent et réclament davantage d’oxygène pour assurer leur activité musculaire, ce que l’organisme ne peut leur fournir. C’est pourquoi les risques d’arrêt cardiorespiratoire sont beaucoup plus importants chez ces animaux [11].

Une sédation légère est donc envisageable afin de limiter le stress et d’améliorer la fonction respiratoire, à condition que l’état de l’animal le permette. En raison de son activité antitussive et de ses effets cardiovasculaires limités, le butorphanol, opioïde à courte durée d’action, reste la molécule de choix. L’utilisation de midazolam peut aussi être envisagée [15].

Examen radiographique

→ La réalisation de clichés radiographiques thoraciques est essentielle pour confirmer le diagnostic d’œdème pulmonaire et peut permettre, dans certains cas, de différencier une forme cardiogénique d’une forme non cardiogénique, voire d’orienter le clinicien vers la cause de l’œdème. Ces clichés sont très utiles pour le suivi de l’animal au cours de son hospitalisation [11, 15].

→ En raison des difficultés respiratoires que peut présenter l’animal, il est important d’effectuer les clichés dans les conditions les moins stressantes possibles [11].

→ Pour cela, tout le matériel doit être prêt avant de transporter l’animal en salle de radiologie. Dans l’idéal, une source d’oxygène est présente, afin de supplémenter l’animal au masque pendant toute la durée de l’examen. Il peut aussi être nécessaire, dans un premier temps, de n’effectuer qu’un seul cliché avec une incidence dorso-ventrale, qui est la position la mieux tolérée et la moins stressante pour l’animal [11, 15].

→ Un œdème pulmonaire est caractérisé par une radio-opacité accrue, associée à un volume pulmonaire normal à plus élevé. L’augmentation de la radio-opacité pulmonaire est de type interstitiel à alvéolaire selon la gravité de l’œdème (figure). En effet, le liquide s’accumule dans un premier temps dans l’interstitium pulmonaire avant d’atteindre la lumière des alvéoles [16, 19].

→ Ce type d’image est aussi retrouvé dans d’autres types lésionnels, comme les bronchopneumonies, les pneumonies, les processus néoplasiques et les hémorragies pulmonaires. Pour faire la différence, le clinicien peut s’appuyer sur l’anamnèse et l’examen clinique de l’animal, mais aussi sur la distribution des lésions radiographiques. Les lésions de bronchopneumonie ont plutôt tendance à être localisées dans les lobes pulmonaires cranio-ventraux. Celles de pneumonie parasitaire sont préférentiellement localisées en périphérie et dorsalement. Les lésions hémorragiques sont réparties de façon très aléatoire, mais le plus souvent associées à un historique de traumatisme et parfois à un pneumothorax. Les processus néoplasiques peuvent prendre différentes formes, un effet de masse y est parfois associé [16].

→ Une fois le diagnostic radiographique d’œdème pulmonaire posé, il convient de différencier une forme cardiogénique d’une forme non cardiogénique. L’œdème cardiogénique, sauf rare exception, apparaît en général dans un contexte de cardiomégalie et/ou d’hypertension pulmonaire. Des modifications de la taille et/ou de la conformation du cœur sont donc observées en fonction des lésions cardiaques sous-jacentes. De plus, les veines pulmonaires sont congestionnées, et ce de façon plus marquée en se rapprochant du cœur, et leur diamètre devient plus important que celui des artères (plus marqué en région crâniale) [19].

→ Quelques caractéristiques concernant la localisation des lésions radiographiques ont pu également être définies. Chez le chien, les lésions d’œdème cardiogénique sont localisées préférentiellement en région péri-hilaire avec une extension secondaire aux lobes caudaux dorsaux et un lobe caudal droit plus gravement atteint que les autres (photos 1a et 1b). Dans la plupart des cas, le tissu pulmonaire ventral et périphérique est épargné [4, 19]. Chez le chat, la répartition des lésions d’œdème est très aléatoire. Elle est diffuse et non uniforme dans la majorité des cas, parfois diffuse et uniforme, quelquefois multifocale et rarement focale. Chez les chats présentant une répartition régionalisée de l’œdème, elle est ventrale dans près de la moitié des cas, caudale dans un tiers des cas, mais rarement péri-hilaire. La répartition de l’œdème est bilatérale et symétrique dans peu de cas. Cette extrême variabilité rend les interprétations radiographiques beaucoup plus difficiles dans cette espèce (photos 2a et 2b) [2].

→ Comme pour l’œdème cardiogénique, certaines caractéristiques radiographiques ont été identifiées dans les cas d’œdème non cardiogénique. Variables selon la cause, elles peuvent orienter le clinicien quant à l’origine de l’œdème non cardiogénique (encadré) [5, 9].

Autres outils diagnostiques

L’interprétation des clichés radiographiques est donc difficile. Lorsqu’il n’est pas aisé de trancher entre une cause cardiogénique et une cause non cardiogénique, d’autres examens complémentaires sont à la portée du clinicien [1].

Tout d’abord, des examens échocardiographiques et électrocardiographiques peuvent être envisagés, afin de rechercher une éventuelle cardiopathie [1]. De plus, il est possible de doser le NT-proBNP sanguin. Ce peptide est un biomarqueur synthétisé par le tissu cardiaque en réponse à une élévation de la pression hydrostatique intracardiaque, à une hypoxie tissulaire, à une souffrance du muscle cardiaque, ainsi qu’en cas de tonus sympathique excessif. La concentration sanguine de ce peptide est donc plus élevée chez les animaux atteints d’une insuffisance cardiaque congestive gauche que chez ceux présentant d’autres maladies à l’origine de troubles respiratoires [1, 14].

Il est aussi possible de mesurer et de comparer les taux de protéines contenues dans le liquide d’œdème et le plasma. Dans le cas d’un œdème de type cardiogénique, seule une augmentation de la pression hydrostatique pulmonaire est à l’origine du passage d’eau dans les alvéoles. Le liquide d’œdème est donc pauvre en protéines. À la différence de l’œdème non cardiogénique, où l’élévation de la perméabilité permet le passage à la fois de protéines et d’eau dans la lumière alvéolaire (tableau 1). Cette technique a été mise au point chez l’homme afin d’établir un diagnostic d’œdème pulmonaire non cardiogénique en faisant l’économie d’autres méthodes plus invasives et moins sûres. Elle consiste en l’aspiration par endoscopie du liquide présent dans les voies aériennes, le plus profondément possible. À la différence du lavage broncho-alvéolaire, il est important de ne pas injecter de liquide par la sonde, sous peine de diluer le prélèvement. Dans l’idéal, il est recommandé de recueillir 0,5 à 2 ml. Par la suite, le taux de protéines dans le liquide d’œdème peut être obtenu à l’aide d’un réfractomètre. Cependant, cette technique requiert une anesthésie générale chez un animal à risque. De plus, il convient de collecter l’échantillon au début de l’apparition des symptômes. En effet, avec l’évolution de la maladie et la guérison, le liquide contenu dans les alvéoles est résorbé par l’organisme, et ce plus rapidement que les protéines présentes dans le liquide d’œdème. Ainsi, le taux protéique de l’œdème risque d’être faussement élevé [1, 11, 20].

Recherche de la cause de l’œdème pulmonaire non cardiogénique

L’œdème pulmonaire non cardiogénique peut être secondaire à de multiples causes. En déterminer l’origine sous-jacente est fondamental pour la prise en charge thérapeutique et nécessite la réalisation de plusieurs examens complémentaires en l’absence de cause aisément identifiable.

Certains peuvent être effectués dans l’immédiat, au chevet du malade, d’autres, plus invasifs, requièrent une stabilisation de l’animal (tableau 2) [1, 11].

3 Traitement

Le traitement des œdèmes non cardiogéniques est en premier lieu symptomatique. Une stabilisation de l’animal est nécessaire avant la recherche et le traitement de la cause sous-jacente, si celle-ci n’est pas aisément identifiable [11, 15].

Oxygénothérapie

Après avoir stabilisé l’animal en urgence à l’aide d’une oxygénothérapie au masque ou à la cage à oxygène, en association si nécessaire avec une administration de molécules sédatives pour réduire le stress, d’autres solutions de supplémentation en oxygène à long terme sont envisageables [15].

La sonde nasale est un moyen disponible, peu coûteux et bien toléré par les chiens. Cependant, elle induit un stress important lors de sa pose, inenvisageable au moment de l’admission, quand l’animal n’est pas encore stabilisé. Elle est en mesure d’apporter une FiO2 de 40 à 60 % avec un débit d’oxygène de 100 à 200 ml/kg/min [15].

Dans les cas les plus critiques, lorsque la saturation en oxygène est inférieure à 90 %, la pression artérielle en oxygène (PaO2)inférieure à 60 mmHg ou la pression artérielle en dioxyde de carbone (PaCO2)supérieure à 60 mmHg malgré la mise en place de mesures de supplémentation en oxygène non invasives, une intubation et une ventilation mécanique sont nécessaires [1, 11, 15].

En revanche, une supplémentation excessive en oxygène peut avoir des effets délétères sur le poumon. Une oxygénothérapie avec une FiO2 de 100 % ne doit pas dépasser 6 heures, 48 heures avec une FiO2 de 60 %. Une supplémentation inférieure à 50 % est en général bien supportée à plus long terme [15].

Tant que les mesures de PaO2sont inférieures à 60 mmHg, la supplémentation en oxygène est requise, en raison des risques d’hypoxie cellulaire [11].

Il est très important de maintenir les animaux en position sternale, plutôt que latérale, facilitant ainsi l’expansion pulmonaire [11].

Fluidothérapie

La mise en place d’une fluidothérapie reste actuellement débattue et aucun consensus n’a pu être établi. Son utilisation est donc à envisager au cas par cas.

L’usage de cristalloïdes permet de maintenir l’animal normohydraté, et de prévenir une dysfonction rénale ou d’autres organes par hypotension. Cependant, il induit une élévation de la pression hydrostatique et peut aggraver les lésions d’œdème, en particulier lors d’un œdème pulmonaire non cardiogénique mixte. Dans les cas les plus graves, les colloïdes peuvent être nécessaires afin d’augmenter la pression oncotique dans les capillaires pulmonaires et de réduire l’extravasation de liquide dans l’interstitium pulmonaire. Cependant, lorsque les lésions de la barrière alvéolo-capillaire sont de taille suffisante, il arrive qu’elles livrent passage aux molécules vers l’interstitium, ce qui aggrave dramatiquement l’œdème en favorisant le franchissement de liquide par augmentation de la pression oncotique.

Pour prévenir le plus possible cette complication, l’emploi des cristalloïdes et des colloïdes par bolus est fortement déconseillé car il entraîne une élévation brutale de la pression hydrostatique et aggrave l’œdème pulmonaire. De plus, la fonction respiratoire de l’animal doit être surveillée en permanence afin d’agir au plus vite en cas de complication secondaire à l’administration de fluides [15, 17].

Diurétiques

L’utilisation des diurétiques dans la gestion des œdèmes pulmonaires non cardiogéniques est aussi très controversée. Ces molécules permettent d’obtenir une diminution de la pression hydrostatique dans les capillaires pulmonaires. Le furosémide est aussi connu pour avoir la propriété d’améliorer la capacité de l’épithélium alvéolaire à pomper les fluides en dehors de la lumière des alvéoles [15].

Cependant, dans le cas des OPNC, l’augmentation de la pression hydrostatique n’est pas le seul mécanisme qui entre en jeu. C’est pourquoi la diminution de l’œdème sous diurétique n’est pas aussi rapide que lors d’OPC [8]. De plus, dans le cas d’OPNC d’origine inflammatoire, l’élévation de la pression hydrostatique n’intervient pas. L’utilisation de diurétiques est donc inefficace, voire délétère, en raison de l’hypovolémie provoquée [15]. Pour les autres types d’OPNC, une faible dose de furosémide (0,1 mg/ kg/h) peut être administrée conjointement à une surveillance clinique accrue (paramètre de perfusion sanguine, pression artérielle, état d’hydratation, production d’urine) [15].

Antibiothérapie

Lors de maladies inflammatoires infectieuses d’origine bactérienne comme la bronchopneumonie ou la septicémie, une antibiothérapie ciblée et raisonnée est conseillée [6].

β-agonistes

L’utilisation de β-agonistes comme la terbutaline a parfois été évoquée. Ces molécules ont la capacité d’augmenter la clairance pulmonaire et de stimuler l’élimination de l’eau présente dans les alvéoles. Elles accroissent aussi le débit lymphatique et réduisent la perméabilité vasculaire induite par les médiateurs de l’inflammation comme l’histamine.

Cependant, aucune étude n’a prouvé leur réelle efficacité [1].

α-lytiques

L’utilisation d’α-lytiques comme la phentolamine a été décrite en médecine humaine, mais leur disponibilité reste limitée en médecine vétérinaire. Ils auraient la propriété de limiter l’hypertension, donc l’élévation de la pression hydrostatique intravasculaire pulmonaire. Lorsque ces molécules sont administrées, la pression artérielle doit être contrôlée, en raison des risques d’hypotension et de réduction de la filtration rénale [13].

Inotropes positifs

Les inotropes positifs comme la dobutamine pourraient avoir un intérêt dans la gestion des œdèmes pulmonaires non cardiogéniques neurogéniques. Par leur action inotrope positive et vasodilatatrice, ils augmentent le débit cardiaque et limitent la congestion veineuse pulmonaire en amont du cœur gauche [13].

Corticoïdes

L’utilisation des corticoïdes comme la dexaméthasone a longtemps été décrite, en particulier dans les cas d’inhalation de fumée afin de réduire l’inflammation, et de limiter les dommages causés à l’endothélium vasculaire et à l’épithélium alvéolaire [6, 7].

Cependant, la plupart des études sur le sujet ne rapportent pas de bénéfice clinique significatif à la suite de leur utilisation et décrivent une incidence plus élevée des surinfections bactériennes. Les glucocorticoïdes sont donc aujourd’hui fortement déconseillés [18].

4 Pronostic

Lors d’œdème non cardiogénique, le pronostic vital reste sombre. Selon les études, des taux de létalité de 50 % chez les chiens et les chats atteints d’un œdème pulmonaire non cardiogénique postobstructif, de 39 % lors d’électrocution, de 37,5 % dans le cadre d’une noyade chez le chien, de 28 % à la suite d’un traumatisme crânien et de 50 % en cas de crises convulsives sont observés. Enfin, plus de 80 % des animaux dont l’état clinique nécessite une ventilation assistée meurent ou sont euthanasiés dans les 48 heures suivant leur admission [5, 10, 12].

Conclusion

L’œdème pulmonaire non cardiogénique est une accumulation anormale de liquide dans l’espace interstitiel et/ou les alvéoles pulmonaires secondaire à une augmentation de la perméabilité de la barrière alvéolo-capillaire, associée, dans certains cas, à une composante hypertensive pulmonaire.

Il peut être la conséquence de multiples causes classées selon leur mécanisme pathogénique : neurogéniques, postobstructives, inflammatoires, toxiques, sans oublier les noyades, les hypoalbuminémies graves et les défauts de drainage lymphatique.

À la suite du recueil rigoureux de l’anamnèse et des signes cliniques, et de la mise en place raisonnée d’examens complémentaires, il convient de confirmer le diagnostic d’œdème pulmonaire, de différencier une cause non cardiogénique d’une cause cardiogénique et d’en identifier l’origine afin d’instaurer le traitement adéquat, spécifique à chaque cas.

  • (1) Voir l’article “Étiopathogénie des œdèmes pulmonaires non cardiogéniques” des mêmes auteurs, dans ce numéro.

Références

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Conflit d’intérêts

Aucun.

ENCADRÉ
Caractéristiques radiographiques

→ Œdème neurogénique

Dans le cas d’un œdème pulmonaire non cardiogénique d’origine neurogénique chez le chat et le chien, les images radiographiques sont assez caractéristiques. La radio-opacité pulmonaire est en général d’emblée alvéolaire et touche préférentiellement les lobes pulmonaires caudaux dorsaux. les lésions sont rarement symétriques (photos 3a et 3b, 4a et 4b) [5, 9].

→ Œdème postobstructif

La répartition des lésions peut être symétrique et semblable à celle des images d’œdème cardiogénique, à la différence qu’il n’existe pas de signe de cardiopathie ni de congestion veineuse associé. Bien souvent, les présentations sont cependant très variables : les lésions peuvent être unilatérales, bilatérales, caudales, dorsales, etc. Dans la majorité des cas, leur répartition est symétrique (photos 5a et 5b, 6a et 6b) [9].

→ Inhalations de fumée

Les inhalations de fumée sont une des causes àl’origine d’un œdème pulmonaire non cardiogenique d’origine inflammatoire. La nature des lésions pulmonaires est variable et souvent associée àune bronchite, la plupart du temps non détectable à l’examen radiographique thoracique conventionnel. Les signes radiographiques peuvent mettre jusqu’à 24 heures àapparaître et s’accompagner de lésions de surinfection dans les 72 heures suivant le traumatisme. La radio-opacité pulmonaire peut aller de l’interstitiel à l’alvéolaire en fonction de la gravité des brûlures. Les lésions sont fréquemment unilatérales dans un premier temps pour ensuite progresser vers une extension à l’ensemble des deux champs pulmonaires (photos 7a et 7b, 8a et 8b) [9].

→ Noyade

Dans ce cas, les images radiographiques sont très variables. La radio-opacité pulmonaire peut aller de l’interstitiel à l’alvéolaire en fonction de la gravité des lésions. Selon la nature de l’eau inhalée (présence de bactéries, de végétaux, d’arbres), des lésions secondaires de pneumonie se développent parfois (photos 9a et 9b) [9].

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