Prise en charge non pharmacologique et chirurgicale du traumatisme crânien - Le Point Vétérinaire n° 356 du 01/06/2015
Le Point Vétérinaire n° 356 du 01/06/2015

RÉANIMATION CHEZ LE CHIEN ET LE CHAT

Dossier

Auteur(s) : Tatiana Cruciani

Fonctions : Clinique vétérinaire Veto34, 17, bd Alsace-Lorraine,
94170 Le Perreux-sur-Marne
Clinique vétérinaire V24, 108, rue Rivay,
92300 Levallois-Perret
tatiana.cruciani@hotmail.fr

Lors de traumatisme crânien, en plus d’un traitement médical, une prise en charge non pharmacologique spécifique et générale est importante à mettre en place.

En plus des traitements purement pharmacologiques lors de la prise en charge des animaux traumatisés crâniens, il existe des soins non pharmacologiques, spécifiques et généraux, à intégrer dans l’arsenal thérapeutique des traumatisés crâniens. Par ailleurs, malgré son rôle mineur en médecine vétérinaire, l’option chirurgicale est parfois indiquée.

1 Prise en charge non pharmacologique spécifique

Diminution du volume sanguin cérébral

Lors de traumatisme crânien, la diminution du volume sanguin cérébral limite l’hypertension intracrânienne. Pour cela, surélever la tête de l’animal d’un angle de 15 à 30° permet de réduire ce volume sanguin cérébral tout en augmentant le retour veineux, sans changements délétères de l’oxygénation cérébrale [1-4, 6] (photo 1). L’ensemble du thorax peut également être surélevé afin d’éviter de plier le cou et d’obstruer le retour veineux [2, 3, 6]. De plus, il convient d’enlever tout collier ou bandage susceptible de comprimer les veines jugulaires, augmentant secondairement la pression intracrânienne [1, 4, 7]. Pour les mêmes raisons, les prises de sang aux veines jugulaires sont à éviter [3].

Comme décrit dans l’article précédent, la ventilation assistée (manuelle ou mécanique) permet aussi de modifier le volume sanguin cérébral, l’objectif étant d’obtenir une normocapnie. Lors d’hypertension intracrânienne aiguë ne répondant pas au traitement médical de première intention, une hyperventilation de courte durée peut être utilisée pour réduire le volume sanguin cérébral [1-3, 6, 7]. En revanche, l’hyperventilation de longue durée est déconseillée pour les raisons décrites dans l’article précédent.

Diminution du métabolisme cérébral : hypothermie

L’hypothermie entraîne une baisse de la demande métabolique cérébrale, menant à une diminution de l’œdème cérébral et de la pression intracrânienne [1, 6]. Elle réduit aussi la libération de neurotransmetteurs excitateurs et inhibe la réponse inflammatoire post-traumatique en limitant la libération des cytokines inflammatoires et en préservant la barrière hémato-méningée [2, 6]. Une étude chez un chien présentant un traumatisme crânien a utilisé avec succès l’hypothermie thérapeutique, en association avec un coma pharmacologique et une ventilation assistée, à la suite de crises épileptiformes non contrôlées [2]. Cependant, en médecine humaine, les études sur la réanimation en hypothermie avec une température corporelle de 32 à 34 °C pendant 24 heures ont obtenu des résultats contradictoires [6]. En effet, l’hypothermie présente aussi des effets indésirables tels que des désordres de la coagulation, une bradycardie et une hypotension [6]. Un refroidissement iatrogène ne peut donc être recommandé actuellement. Cependant, une hyperthermie (due à une douleur, à des crises convulsives, à des lésions du centre de thermorégulation, ou iatrogène) doit être évitée et nécessite l’instauration rapide d’un traitement, pour prévenir l’augmentation du métabolisme cellulaire et une vasodilatation menant à une élévation de la pression intracrânienne [1, 6].

2 Prise en charge non pharmacologique non spécifique

Nursing

Le nursing est essentiel dans la prise en charge des traumatisés crâniens [6]. Pour les animaux non ambulatoires, des mesures permettent de diminuer les risques d’escarres, de dermatite et de contractions musculaires : changer fréquemment l’animal de décubitus, s’assurer que le couchage reste propre et sec, et pratiquer de la physiothérapie [2, 6].

Chez les animaux incapables de vidanger physiologiquement leur vessie, la pose d’une sonde urinaire peut être requise. Cependant, une cathétérisation augmente le risque d’infection du tractus urinaire, lequel est plus élevé en cas de maladie urinaire préexistante et de sondage à demeure, plutôt qu’avec des sondages intermittents [6]. Un sondage intermittent dans des conditions stériles est considéré comme plus approprié par certains auteurs [2].

Des soins oculaires avec une lubrification fréquente de la cornée doivent être effectués pour diminuer les risques de lésions cornéennes [2].

Contrôle de la glycémie

L’hyperglycémie qui suit le traumatisme est le résultat d’une réponse sympathique : sa valeur peut être corrélée à la sévérité des lésions [2, 6]. Des études ont montré que, lors de traumatisme crânien, l’hyperglycémie est associée à une augmentation de la mortalité et à un assombrissement du pronostic neurologique chez l’homme et chez l’animal en conditions expérimentales. Le degré d’hyperglycémie a été associé à la sévérité du traumatisme crânien chez les animaux [2, 6]. De plus, elle potentialise les lésions neurologiques, en augmentant la production de radicaux libres, la libération de neurotransmetteurs excitateurs, l’œdème et l’acidose cérébraux, et en altérant les vaisseaux du cerveau [6]. L’hyperglycémie iatrogène, notamment secondaire à l’administration de corticoïdes, doit ainsi être évitée [6]. Cependant, sur la base d’études réalisées en médecine humaine, l’insulinothérapie n’est pas recommandée pour contrôler l’hyperglycémie [2].

Nutrition

Les traumatismes crâniens conduisent à un état hypermétabolique et catabolique [2, 6]. Une nutrition entérale précoce qui maintient l’intégrité de la muqueuse gastro-intestinale a des effets bénéfiques sur l’immunocompétence et atténue la réponse métabolique au stress [6]. Si l’alimentation spontanée est impossible (diminution de l’état d’éveil, fracture de la mâchoire), une alimentation par sonde est recommandée [6, 7]. La nutrition parentérale est parfois requise, mais elle est à éviter le plus souvent possible en raison du risque d’hyperglycémie qu’elle induit.

La mise en place des sondes naso-œsophagiennes ou nasogastriques requiert les mêmes précautions que celle des sondes à oxygène (risques d’éternuements et d’augmentation de la pression intracrânienne) [4, 6]. Une sonde d’œsophagostomie se révèle parfois intéressante.

Soutien de la fonction gastro-intestinale

En médecine humaine, une intolérance à la nutrition parentérale secondaire à une distension abdominale, à un iléus, à un retard de vidange gastrique ou à des diarrhées a été décrite chez les patients atteints de traumatisme crânien [6]. Le retard de vidange gastrique peut être secondaire à une augmentation de pression intracrânienne, à une stimulation du système nerveux sympathique, à une libération de cytokines, à une hyperglycémie et à une utilisation d’opioïdes [6]. Il peut entraîner une diminution de la nutrition, des colonisations bactériennes du tractus gastro-intestinal, des reflux gastro-œsophagiens et une augmentation de l’incidence des pneumonies par aspiration [6]. Étant donné l’incidence élevée des retards de vidange gastrique en médecine humaine, l’utilisation de molécules prokinétiques (métoclopramide, cisapride) couplées à une alimentation entérale doit être envisagée en médecine vétérinaire [6].

De plus, lors de traumatisme crânien, un risque accru de saignements gastro-intestinaux est observé [6]. Un traitement prophylactique des ulcères gastriques, tels des antagonistes des récepteurs H2 (cimétidine, ranitidine, famotidine), des inhibiteurs de la pompe à protons (oméprazole) ou du sucralfate, est donc recommandé (tableau) [6].

3 Prise en charge chirurgicale

Chez l’homme, dans les cas d’augmentation de la pression intracrânienne réfractaire aux traitements médicaux, des options telles que des procédures de décompression chirurgicale sont décrites [6]. Actuellement, la chirurgie joue un rôle mineur dans la prise en charge du traumatisme crânien en médecine vétérinaire [6]. Le développement de méthodes d’imagerie médicale (scanner, imagerie par résonance magnétique [IRM]) avancées pourrait permettre de poser des indications chirurgicales pour les animaux traumatisés crâniens, notamment lors de certaines fractures du crâne, de corps étranger ou d’hématome extraparenchymateux important, associé à une dégradation malgré le traitement médical (photos 2a à 3g) [6]. Dans ce cadre, ces techniques d’imagerie ne seraient donc plus des examens complémentaires de seconde ligne, mais des outils afin d’adapter le traitement au cas par cas. En effet, une imagerie précoce de l’encéphale serait intéressante dans l’évaluation des lésions et pour poser une indication chirurgicale précoce.

Conclusion

En plus des traitements pharmacologiques, les animaux traumatisés crâniens peuvent bénéficier d’une prise en charge non pharmacologique spécifique, comprenant la diminution du volume sanguin cérébral par un positionnement et des mesures appropriés, ainsi que la limitation de la demande métabolique cérébrale en prévenant les hyperthermies. De plus, le nursing et la nutrition, associés à la gestion de l’hyperglycémie et au soutien de la fonction gastro-intestinale, ont une part importante dans la prise en charge des animaux traumatisés crâniens. Enfin, en l’absence de réponse au traitement de première intention, une option chirurgicale peut être envisagée.

Références

  • 1. Armitage-Chan E, Wetmore L, Chan D. Anesthetic management of head trauma patient. J. Vet. Emerg. Crit. Care 2007;17(1):5-14.
  • 2. DiFazio J, Fletcher DJ. Updates in the management of the small animal patient with neurologic trauma. Vet. Clin. North Am. Small Anim. Pract. 2013;43(4):915-940.
  • 3. Fletcher D, Syring R. Traumatic brain injury. In: Silverstein D, Hopper K. Small animal critical care medicine. Elsevier Saunders, Saint Louis. 2009:658-662.
  • 4. Platt SR. Evaluation and treatment of the head trauma patient. In Practice. 2005;27:31-35.
  • 5. Plumb CD. Veterinary drug handbook. 4th ed. Iowa State Press, Ames. 2002:960p.
  • 6. Sande A, West C. Traumatic brain injury: a review of pathophysiology and management. J. Vet. Emerg. Crit. Care. 2010;20(2):177-190.
  • 7. Sturges BK, LeCouteur RA. Intracranial hypertension. In: Silverstein D, Hopper K. Small animal critical care medicine. Elsevier Saunders, Saint Louis. 2009:423-429.

Conflit d’intérêts

Aucun.

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