Insulinome chez une chienne shih tzu - Le Point Vétérinaire expert canin n° 355 du 01/05/2015
Le Point Vétérinaire expert canin n° 355 du 01/05/2015

CANCÉROLOGIE CANINE

Cas clinique

Auteur(s) : Maëlie Huguet*, Pauline De Fornel-Thibaud**, Isabelle Valin***

Fonctions :
*Clinique vétérinaire de Joué-lès-Tours,
1, rue de la douzillère, 37300 Joué-lès-Tours
maelie_huguet@yahoo.fr
**MICEN Vet, 58, rue Auguste-Perret, 94000 Créteil
***Clinique Michel Baron,
58, rue Auguste-Perret, 94000 Créteil

Rare chez le chien, l’insulinome peut provoquer des crises épileptiformes. Un bilan d’extension doit être effectué avant de réaliser une intervention chirurgicale, seul traitement qui prolonge la survie de l’animal.

Une chienne non stérilisée de race shih tzu âgée de 9 ans et demi est présentée en consultation à la suite de deux crises épileptiformes apparues à 10 jours d’intervalle (photo 1).

CAS CLINIQUE

1. Anamnèse, commémoratifs

Les propriétaires rapportent deux crises épileptiformes partielles, simples, ayant duré chacune 1 à 2 minutes. La première a eu lieu il y a 10 jours et la seconde la veille de la consultation. Elles se caractérisent par des troubles d’équilibre avec chutes et tremblements, l’état de conscience n’étant pas altéré. Le retour à la normale se fait en quelques minutes. Entre les crises, l’animal ne présente pas de signes cliniques si ce n’est une légère baisse d’activité.

2. Examen clinique

Le jour de la consultation, l’état général de la chienne est bon et l’examen clinique ne révèle aucune anomalie cardiaque ni neurologique. Elle pèse 7,3 kg et a bon appétit. Elle ne présente pas de troubles digestifs ni nerveux. De plus, elle est correctement vaccinée, y compris contre la rage.

3. Hypothèses diagnostiques

Des crises épileptiformes partielles, c’est-à-dire sans perte de conscience, peuvent être extracrâniennes ou intracrâniennes (le cortex cérébral étant alors impliqué) (tableau 1).

Parmi les causes extracrâniennes ou métaboliques, une intoxication et une insuffisance rénale semblent peu probables, la première en raison de la brièveté des crises épileptiformes et de leur résolution spontanée, la seconde car elle s’accompagnerait d’autres symptômes entre les crises. Les hypothèses d’hypoglycémie, d’insuffisance hépatique ou de trouble électrolytique doivent être conservées.

Parmi les causes intracrâniennes, une anomalie congénitale (âge de la chienne), de l’épilepsie essentielle (âge d’apparition des symptômes, période interictale courte, race), une infection virale (vaccins à jour) et un traumatisme (pas d’antécédents) sont écartés [11]. Une méningite ou une méningo-encéphalite semblent peu probables vu l’absence d’autres symptômes. Il reste à considérer l’hypothèse d’une origine tumorale ou vasculaire.

4. Examens complémentaires

Bilan sanguin

Un bilan sanguin est réalisé le lendemain matin à jeun. Il met en évidence une hypoglycémie ainsi qu’une hypokaliémie modérée (tableau 2).

Devant la glycémie diminuée, une prise de sang de contrôle est effectuée à la clinique 6 jours plus tard. La glycémie est alors à moins de 0,2 g/l. Un suivi sur la journée est réalisé : la courbe de glycémie révèle des valeurs comprises entre 0,2 et 0,52 g/l (valeurs usuelles : 0,57 à 1,26). L’animal présente donc une hypoglycémie persistante sur la journée.

Une mesure de l’insulinémie est réalisée en parallèle. En attendant le résultat, un traitement à base de cortisone est mis en place (prednisolone 0,5 mg/kg matin et soir, per os [PO]). L’insulinémie est de 99 Ul/ml (supérieure à 20 Ul/ml). Il existe donc une hyperinsulinémie. Une valeur d’insulinémie au-delà de 20 Ul/ml, associée à une hypoglycémie (inférieure à 0,6 g/l), traduit un hyperinsulinisme compatible avec un insulinome. Conjointement avec le propriétaire, la décision est prise d’explorer cette piste.

Examens d’imagerie

L’animal est référé pour une scintigraphie associée à un scanner. Les examens scintigraphique et tomodensitométrique sont réalisés 4, 24 et 48 heures après l’injection intraveineuse d’Octréoscan® (pentétréotide marqué à l’indium 111). Ces examens sont pratiqués sous anesthésie générale de courte durée. L’induction s’effectue au propofol (6,5 mg/kg, par voie intraveineuse [IV]) et l’entretien à l’isoflurane.

Le premier jour, l’examen tomodensitométrique est réalisé sur coupes transversales de l’abdomen et du thorax, obtenues par acquisitions volumiques spiralées de 16 barettes millimétriques, avant et après injection du produit de contraste iodé Télébrix 35® (bolus de 2 ml/kg IV). Pour l’examen du thorax, la chienne est maintenue en apnée inspiratoire pendant l’acquisition des données.

Le deuxième jour, un produit de contraste (Micropaque scanner®) lui est administré par voie orale, préalablement à l’examen, pour marquer les anses intestinales (duodénum en particulier) afin de mieux localiser le pancréas. Cela n’est cependant pas indispensable, le pancréas étant, le plus souvent, bien individualisable sur l’examen tomodensitométrique.

L’examen tomodensitométrique montre une lésion nodulaire à l’extrémité du lobe gauche du pancréas mesurant 8,5 mm de diamètre, située caudalement à l’estomac (photos 2a à 2f). En phase précoce, c’est-à-dire dans les 30 secondes après l’injection du Télébrix 35®, la lésion fixe en périphérie le produit de contraste. En phase tardive (3 minutes), elle le fixe de façon homogène. Un nodule est visualisé ventralement à la veine cave caudale et à l’abouchement de la veine rénale droite à la veine cave caudale mesurant 7,5 x 9,5 x 12 mm. Les autres structures abdominales sont normales et aucun nodule pulmonaire évocateur de lésion métastatique n’est observé.

La scintigraphie met en évidence un seul site de captation anormale se superposant au nodule pancréatique observé dans le lobe gauche au scanner.

Les caractéristiques de fixation du produit de contraste iodé sont en faveur d’un insulinome situé sur le lobe gauche du pancréas ne présentant pas de métastases visibles.

5. Traitement chirurgical

La veille et le matin de l’opération, la chienne est alimentée avec du Fortol® et un traitement médical à base de cortisone lui est administré. La glycémie est contrôlée à l’induction le matin puis pendant l’intervention, au réveil ainsi que le soir à l’aide d’un glucomètre, dans l’objectif de limiter les risques hypoglycémiques peropératoires.

La prémédication s’effectue avec de la morphine (Morphine® 0,2 mg/kg, IV) et du diazépam (Valium® 0,5 mg/kg, IV), l’induction au thiopental (Nesdonal® 10 mg/kg, IV) et l’entretien à l’isoflurane. Une fois anesthésiée, la chienne reçoit une analgésie sous la forme d’une perfusion continue de MLK (morphine 0,24 mg/kg/h, lidocaïne 3 mg/kg/h et kétamine 0,6 mg/kg/h).

Une laparotomie xypho-ombilicale est réalisée. Le contrôle de la branche droite du pancréas ne montre pas de lésion macroscopique. La visualisation de l’extrémité gauche du pancréas montre un nodule tumoral d’environ 8,5 mm de diamètre qui paraît bilobé (photo 3). Après ligature des vaisseaux afférents, le pancréas est ligaturé en masse à environ 1 cm de la limite macroscopique de la lésion (Vicryl® 2/0) puis retiré.

La zone hébergeant le nodule est explorée : seule une structure fibreuse est palpée en région rétropéritonéale, cranialement à la glande surrénale gauche et ventro-latéralement à la veine cave. La dissection ne permet pas de mettre en évidence de structure ganglionnaire et, au vu de l’environnement vasculaire immédiat, empêche toute exérèse. Une biopsie est réalisée a minima afin de procéder à une analyse histologique.

6. Suivi

La glycémie en phase postopératoire immédiate est de 1,7 g/l. L’animal est gardé en hospitalisation 48 heures pour surveiller l’apparition d’une éventuelle pancréatite.

La chienne est présentée une semaine après sa sortie pour un abattement, une dysorexie, de la diarrhée et des vomissements (un épisode la veille de la consultation). L’examen clinique ne révèle aucune anomalie. La glycémie mesurée par la suite est de 0,77 g/l. Une échographie de contrôle ne montre pas d’anomalie. Un traitement avec du chlorhydrate de métoclopramide (Emeprid buvable®, 0,5 mg/kg deux fois par jour, 4 jours, PO) et du phosphate d’aluminium (Phosphaluvet®, 145 mg/kg trois fois par jour, 4 jours, PO) est prescrit.

La semaine suivante, l’appétit est toujours inconstant, mais les troubles digestifs ont cessé. Quinze jours après, l’animal a recouvré un appétit normal et pèse 6,6 kg. Des contrôles de poids, de glycémie et de la fructosamine sont effectués régulièrement (tableau 3). La chienne a presque retrouvé son poids de forme 2 mois et demi après l’opération. Un an après l’intervention, elle présente un très bon état général et aucun trouble neurologique n’est rapporté par ses propriétaires.

7. Diagnostic histologique

L’analyse histologique montre que la masse pancréatique retirée est un insulinome avec des signes histologiques de malignité. L’exérèse a été complète et aucun embole vasculaire de cellules tumorales n’est identifié. Le prélèvement de la structure fibreuse concerne un fragment de la séreuse péritonéale sans lésion histologique notable.

8. Pronostic

Un immuno-marquage est réalisé : l’index de prolifération Ki-67 est de 3,1 % (le seuil étant de 2,5 %). Cet index est en faveur d’une tumeur potentiellement agressive. Il est à confronter à la taille de la tumeur (moins de 2 cm), au staging TNM (dans le cas décrit T1, N0, M0) et à la fibrose stromale (modérée) qui sont, au contraire, de meilleur pronostic en ce qui concerne la durée de rémission et le temps de survie.

DISCUSSION

1. Définition de l’insulinome

L’insulinome est une tumeur du pancréas, rare chez le chien, qui touche les cellules β des îlots de Langerhans. La grande majorité des insulinomes est maligne (jusqu’à 95 %) et 40 à 50 % ont des métastases visibles au moment de l’intervention [12]. Ces métastases concernent le plus souvent les nœuds lymphatiques abdominaux et le foie, mais aussi le mésentère adjacent au pancréas [3, 9]. Ces tumeurs sécrètent une quantité excessive d’insuline provoquant une hypoglycémie chronique.

Les animaux concernés ont un âge moyen situé entre 8,5 et 10 ans, sont plutôt de moyenne ou de grande race (poids moyen plus de 25 kg) [3]. Les west highland white terriers semblent surreprésentés. Il n’existe pas de prédisposition de sexe [3].

2. Signes cliniques

Les signes cliniques des insulinomes sont provoqués par l’hypoglycémie et l’hyperinsulinémie. Ils sont souvent épisodiques et parfois reliés à un exercice, à un stress ou à un repas. Lorsque l’organisme s’habitue progressivement à l’état d’hypoglycémie, il arrive qu’aucun signe ne soit observable.

Le signe le plus fréquent est la crise convulsive (présent chez plus de 60 % des chiens) [3].

Il est possible de distinguer des symptômes généraux comme une fatigue, une intolérance à l’exercice, une polyphagie, une polyuro-polydipsie, une prise de poids, et des symptômes neurologiques tels des tremblements, de la parésie, une faiblesse des membres postérieurs, une ataxie, des fasciculations, des polyneuropathies périphériques et un coma [3, 5, 9].

3. Diagnostic différentiel

Les causes d’hypoglycémie sont nombreuses. L’âge de l’animal, sa race, son statut physiologique, ses antécédents, l’anamnèse ainsi que l’examen clinique permettent d’orienter le diagnostic et les examens complémentaires (tableau 4).

4. Diagnostic

Analyse d’urine, numération et formule sanguines, biochimie

Lors d’insulinome, l’analyse d’urine et les numération et formule sanguines sont, en général, normales. La biochimie l’est aussi excepté la glycémie qui est diminuée. Cependant, la glycémie varie au cours de la journée, et plusieurs mesures sont parfois nécessaires avant de montrer une hypoglycémie. Parfois, une hypokaliémie modérée est présente, ce qui est le cas pour le chien du cas décrit. En effet, l’insuline stimulerait la pénétration du potassium dans les cellules (stimulation des pompes sodium-potassium [Na+-K+] ATPase qui entraînent la translocation du potassium de l’espace extracellulaire vers l’espace intracellulaire). Enfin, une augmentation des phosphatases alcalines (PAL) et des alanines aminotransférases (Alat) a été rapportée [3].

Le diagnostic d’insulinome est établi lorsque l’hypoglycémie est corrélée à une hyperinsulinémie (en général > 20 Ul/ml). Il est donc important de mesurer l’insulinémie lors d’hypoglycémie. Chez un animal sain présentant un épisode d’hypoglycémie, l’insulinémie est basse. Une insulinémie normale ou augmentée, associée à une hypoglycémie (comme dans le cas décrit) doit donc évoquer un insulinome [3].

L’interprétation du rapport insuline/glucose n’est pas intéressante dans le cas du diagnostic d’insulinome [3, 5].

Le dosage de la fructosamine est un bon indicateur d’une hypoglycémie chronique puisqu’il reflète la glycémie moyenne des 7 derniers jours. Plusieurs études montrent que les animaux atteints d’insulinome ont effectivement une concentration plasmatique de fructosamine diminuée [3]. Dans le cas décrit, l’hypoglycémie a été facilement détectée et la valeur élevée de l’insulinémie a suffi pour retenir l’hypothèse d’un insulinome. Cependant, le dosage de la fructosamine s’est avéré précieux pour le suivi au long terme de la chienne. Des prises de sang espacées de plusieurs mois suffisent pour refléter la glycémie des semaines précédentes et permettent ainsi de surveiller une éventuelle récidive subclinique.

Imagerie

Les images radiographiques sont peu utiles y compris pour rechercher des métastases (très rarement pulmonaires ou osseuses), même si elles sont classiquement utilisées pour réaliser le bilan d’extension [3].

Selon une étude comparant l’échographie, le scanner, et la scintigraphie couplée au scanner (ou single-photon emission computed tomography, SPECT) chez 13 chiens, l’échographie est la technique la moins sensible pour la détection des insulinomes [13]. Mais elle est largement répandue, peu onéreuse et permet aussi d’identifier des tumeurs extrapancréatiques responsables d’hypoglycémie. Le scanner a une meilleure sensibilité, mais il n’est pas approprié pour rechercher des métastases présentes dans les nœuds lymphatiques (nombreux faux positifs) [13].

Selon l’étude, la scintigraphie est la technique de choix chez l’homme avec une sensibilité de 60 à 70 %. Elle consiste à injecter un produit radioactif qui se fixe sur des récepteurs à la somatostatine exprimés par les insulinomes (par exemple le pentétréotide ou l’octréotide marqués à l’indium 111 ; tous deux analogues de la somatostatine) [3, 13]. Les résultats obtenus dans cette étude ne sont pas aussi probants que chez l’homme. La détection des insulinomes dépend de l’accumulation de la radioactivité, donc de la taille de la lésion ainsi que de la densité en récepteurs à la somatostatine. Une faible densité de ces récepteurs ainsi qu’une accumulation non spécifique de la radioactivité dans les intestins, les reins et la vessie expliquent ses résultats peu satisfaisants. Sa sensibilité s’avère intermédiaire par rapport à l’échographie et au scanner [13].

Enfin, deux études montrent que la détection des insulinomes dépend aussi du moment de l’acquisition des données tomodensitométriques après l’injection du produit de contraste [4, 7]. La première étude chez 10 chiens sains différencie trois phases : artérielle (précoce, 15 secondes après l’injection), pancréatique (28 secondes) et d’équilibre (90 secondes) [4]. Dans ces deux études chez 3 chiens présentant un insulinome, soit la tumeur est fortement marquée en phase artérielle mais ne l’est pas ensuite, soit la différence de contraste entre l’insulinome et le pancréas est maximale en phase artérielle [4, 7].

Dans le cas décrit, le scanner a permis d’identifier la tumeur de 8,5 mm de diamètre et a aussi montré un nodule de 2 mm de diamètre sur le lobe droit du pancréas. En ce qui concerne l’examen, la phase précoce a dépassé la phase artérielle pure, fugace. La scintigraphie corrobore la présence de la première, mais non de la seconde. Enfin, l’examen peropératoire par palpation confirme l’absence de masse sur ce lobe droit. Nos observations rejoignent celles de l’étude précitée : le scanner utilisé seul est sensible mais peu spécifique. La scintigraphie semble, dans ce cas, avoir l’avantage d’être plus spécifique que le scanner.

5. Traitement chirurgical

La chirurgie est le traitement de choix de l’insulinome. En présence de plusieurs métastases ou d’une tumeur dont l’exérèse n’est pas possible, le traitement médical reste le seul recours [3].

Maîtrise de l’hypoglycémie

Avant l’intervention chirurgicale, l’hypoglycémie doit être contrôlée (repas fréquents, prednisolone/prednisone) [3, 5]. Un petit repas est distribué 2 à 3 heures plus tôt afin de prévenir une hypoglycémie peropératoire. Une perfusion de soluté glucosé en continu ainsi que des contrôles de la glycémie durant la chirurgie sont à mettre en œuvre pour limiter les hypoglycémies, difficiles à détecter pendant l’anesthésie.

Dans notre cas, le traitement à base de prednisolone a été poursuivi jusqu’au matin de la chirurgie et un repas a été donné la veille et le matin de l’opération sous forme liquide (Fortol®) pour éviter les risques de régurgitation pendant l’anesthésie. L’animal étant normoglycémique au début, en cours et à la fin de l’intervention (contrôle avec un glucomètre), une perfusion de glucose n’a pas été nécessaire.

Temps chirurgical

L’exploration de la cavité abdominale craniale doit être complète afin de rechercher d’éventuelles métastases. Le pancréas est à inspecter visuellement et à palper doucement, les insulinomes étant typiquement plus fermes que le tissu sain [5]. Ce sont souvent des tumeurs uniques, de petite taille (0,5 à 4 cm) trouvées dans le lobe droit ou gauche, plus rarement dans le corps, 15 % seraient multiples [3, 5]. Une pancréatectomie partielle est en général réalisée, en prenant une marge de 1 à 2 cm si possible. Si la tumeur est dans le corps ou près d’un canal excréteur, une énucléation simple est réalisée [5].

Dans le cas décrit, une pancréatectomie partielle, comme elle est préconisée dans les publications scientifiques, a pu être réalisée, à environ 1 cm de la masse car celle-ci se situait à l’extrémité du lobe gauche, était unique et de petite taille.

Complications

La persistance d’une hypoglycémie après retrait de la tumeur est de mauvais pronostic car elle indique souvent la persistance de cellules tumorales.

Une hyperglycémie peut être présente et est souvent transitoire, durant quelques jours voire quelques mois, le temps que les cellules pancréatiques retrouvent leur fonction. Un diabète persistant est rare [3, 5].

L’apparition d’une pancréatite doit être surveillée car elle peut être sévère et mettre la vie de l’animal en danger [3, 5]. Son incidence est minorée par des manipulations délicates de l’organe. Plus la tumeur est proche d’un canal excréteur, plus le risque est important de déclencher une pancréatite. La surveillance est clinique avec l’apparition de vomissements ou de douleur abdominale notamment. Dans le cas décrit, la localisation de la tumeur à l’extrémité du lobe gauche n’a pas favorisé l’apparition de cette complication. Toutefois l’épisode de troubles digestifs une semaine après l’intervention l’a fait craindre. Si les troubles avaient persisté, un dosage cPL (canine pancreas-specific lipase) aurait pu être utile. C’est le marqueur le plus spécifique et sensible d’une pancréatite par rapport au dosage des cTLI (canine trypsin-like immunoreactivity), amylase et lipase [15].

6. Traitement médical

Le traitement médical repose avant tout sur l’utilisation de glucocorticoïdes qui antagonisent les effets de l’insuline et stabilisent la glycémie. Au préalable, il convient de s’assurer qu’il n’existe pas de cause septique responsable de l’hypoglycémie car dans ce cas, l’initiation d’une corticothérapie pourrait être dramatique pour l’animal. Les glucocorticoïdes peuvent être utilisés lors de crise hypoglycémique, en attente d’une intervention chirurgicale ou en traitement au long cours si la chirurgie n’est pas envisageable. C’est l’approche privilégiée dans le cas décrit, en utilisant la prednisolone à la dose de 0,5 mg/kg matin et soir, par voie orale, dans l’attente du traitement chirurgical.

Traitement de la crise hypoglycémique

Lors d’hypoglycémie sévère, entraînant notamment des convulsions, l’objectif du traitement est de restaurer la glycémie rapidement. Pour cela un bolus de glucose à 50 % peut être injecté à raison de 0,5 g/kg, soit 1 ml/kg dilué dans le même volume de NaCl 0,9 %, par IV, sur 5 à 10 minutes [2]. L’animal doit être nourri fréquemment ou mis sous perfusion continue de glucose 5 % (reconstitué dans du NaCl 0,9 % à partir de glucose 50 %) pour éviter un effet d’hyperinsulinémie rebond à la suite du bolus d’attaque. L’utilisation de glucagon en perfusion constante à 5 ng/kg/min est décrite [3]. Dans le cas décrit, la chienne n’a pas été présentée en crise d’hypoglycémie, donc ces traitements n’ont pas été utilisés.

Traitement médical au long terme

Les corticostéroïdes (prednisone ou prednisolone) sont utilisés en première intention à la dose de 0,5 mg/kg/j deux ou trois fois par jour. La dose peut être augmentée jusqu’à 4 mg/kg/j, l’objectif étant de stopper les crises convulsives [3].

Des mesures diététiques sont mises en place : les repas doivent être fractionnés, préparés à partir d’aliments adaptés à la gestion du diabète sucré, et l’exercice est restreint.

D’autres molécules peuvent être utilisés en cas d’échec des traitements précédents : le diazoxide (Proglicem®(1)) et l’octréotide (Octréotide Hospira®(1), Sandostatine®(1)) qui inhibent tous deux la sécrétion d’insuline par le pancréas et vont donc limiter l’hypoglycémie [3, 5, 8, 10]. La streptozotocine (Zanosar®(1)) peut être employée dans le cadre d’une chimiothérapie anticancéreuse, elle est cytotoxique pour les cellules β du pancréas.

L’utilisation de ces molécules ne se fait qu’en seconde intention en raison d’effets secondaires importants, voire mal connus, de leur coût et de leur disponibilité, ou des résultats obtenus. Ainsi le diazoxide provoque, entre autres, des vomissements. L’octréotide ne semble avoir une efficacité que de 3 à 4 heures. Enfin l’utilisation de la streptozotocine est complexe du fait de sa néphrotoxicité majeure. Celle-ci peut être atténuée par une diurèse agressive avant et après administration et par l’injection d’antiémétiques. À la suite de son utilisation, un diabète sucré peut se développer.

7. Pronostic

La chirurgie donne sans conteste de meilleures durées de rémission et de meilleurs temps de survie chez les chiens atteints d’insulinome [3, 12, 14]. Une étude sur 39 chiens montre un temps de survie médian de 381 jours pour les chiens ayant subi une pancréatectomie partielle contre 74 jours pour ceux ayant reçu un traitement médical uniquement [14]. Une seconde étude, cette fois-ci sur 28 chiens, met en évidence une durée de survie moyenne de 785 jours contre 196 jours pour les animaux ayant respectivement eu une chirurgie et un traitement médical [12]. La durée moyenne de survie, après intervention chirurgicale, varie entre 12 et 18 mois [12, 14].

Des marqueurs peuvent être utilisés à des fins pronostiques :

– la taille de la tumeur. Elle influence la durée de rémission et le temps de survie. Des tumeurs de taille inférieure à 2 cm sont de meilleur pronostic ;

– le stade TNM. Plus le stade est faible, meilleur est le temps de rémission (tableau 5) [1, 12]. Les stades III et?IV ont un temps de survie nettement plus court que les stades I et II [1]. Selon une étude, la durée médiane de survie est de 785 jours pour les stades I et II, 547 jours pour le stade III et 217 jours pour le stade IV [12] ;

– le degré de fibrose stromale est un indicateur pronostique du temps de survie ;

– l’index Ki-67. Il s’agit d’un marqueur de prolifération, il est présent dans les cellules en phase active de leur cycle et souvent utilisé chez l’homme. Les animaux avec un Ki-67 supérieur à 2,5 % ont une durée de survie et un temps de rémission inférieurs à ceux ayant un Ki-67 inférieur ou égal à 2,5 % [1, 12].

Dans le cas décrit, la taille de la tumeur est inférieure à 2 cm (8,5 mm), elle est à un stade I (T1, N0, M0) (aucun embole visible à l’histologie, pas de métastase dans les nœuds lymphatiques ou à distance détectée par scanner et angiographie) et la fibrose stromale est modérée. Tous ces éléments orientent vers un pronostic favorable sur le moyen terme. Au contraire du Ki-67 (3,1) qui, lui, est supérieur à 2,5 % et plutôt défavorable à une durée de survie longue. Sur 26 chiens atteints d’insulinome, le temps de survie moyen pour un Ki-67 supérieur à 2,5 est de 333 jours contre 870 jours [1]. Il a donc été difficile de donner un pronostic.

Conclusion

L’insulinome est une affection rare chez le chien. Lors de crise épileptiforme, un bilan sanguin est fortement recommandé car il est parfois difficile de différencier une origine neurologique d’une origine organique. Les critères épidémiologiques doivent orienter les examens réalisés. Le diagnostic est principalement effectué grâce à la biochimie : hypoglycémie et hyperinsulinémie. Les techniques d’imagerie permettent de faire un bilan d’extension en vue d’une chirurgie. C’est le traitement de choix afin de prolonger le temps de survie de l’animal. Des améliorations sont attendues sur la scintigraphie et le traitement médical des insulinomes (nouvelles molécules à adapter de la médecine humaine) [3].

  • (1) Médicament humain.

Références

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Conflit d’intérêts

Aucun.

Points forts

→ Peu fréquent chez le chien, l’insulinome peut être diagnostiqué par tout praticien : la triade troubles neurologiques, hypoglycémie et hyperinsulinémie est fortement évocatrice.

→ Un traitement chirurgical doit ensuite être proposé, il donne de bien meilleurs temps de survie que les traitements médicaux.

→ Pour qu’un traitement chirurgical soit envisagé, la tumeur pancréatique doit être localisée précisément et le bilan d’extension doit être permissif.

→ Cela nécessite des examens d’imagerie poussés : un examen tomodensitométrique associé à la scintigraphie est à privilégier.

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L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

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