Comment réaliser une visite d’élevage canin ou félin ? - Le Point Vétérinaire n° 351 du 01/12/2014
Le Point Vétérinaire n° 351 du 01/12/2014

ZOOTECHNIE

Dossier

Auteur(s) : Hanna Mila*, Sylvie Chastant-Maillard**, Catherine Boucher***, Pierre Bergamo****, Aurélien Grellet*****

Fonctions :
*Unité toulousaine d’élevage
et de reproduction (Uter), ENV de Toulouse,
23, chemin des Capelles, 31300 Toulouse
**Unité toulousaine d’élevage
et de reproduction (Uter), ENV de Toulouse,
23, chemin des Capelles, 31300 Toulouse
***Responsable technique, Royal Canin,
650, avenue de la Petite-Camargue,
30470 Aimargues
****Responsable technique Maladies infectieuses
et vaccination, Merial, Animaux de compagnie,
254, rue Marcel-Mérieux, 69007 Lyon
*****Recherche et développement, Royal Canin,
650, avenue de la Petite-Camargue,
30470 Aimargues

Cet article aborde les principaux points permettant au vétérinaire de réaliser efficacement une visite d’élevage.

→ Le concept de visite d’élevage se justifie par la constatation que, dans une collectivité canine ou féline, toutes les affections ne se résolvent pas toujours avec un traitement et qu’il est parfois plus payant de lutter contre les facteurs favorisants plutôt que contre les agents pathogènes. Ces facteurs favorisants ne peuvent guère se détecter que grâce à une visite d’élevage. Celle-ci va donc permettre au vétérinaire d’appréhender l’élevage dans son ensemble, c’est-à-dire :

– l’éleveur et ses projets ;

– les animaux et leur mode de vie (structure du cheptel, races, logement, alimentation, etc.) ;

– la conduite du cheptel (reproduction, élevage des jeunes) ;

– l’état sanitaire global.

Cette connaissance globale de l’élevage, toujours utile, devient indispensable lorsque le praticien se trouve confronté à des affections de groupe plus ou moins chroniques ou qu’il veut effectuer un suivi de gestion technique.

→ La visite d’élevage a été également réglementée. Ainsi, l’arrêté du 3 avril 2014, faisant suite au décret n° 2008-871 du 28 août 2008 relatif à la protection des animaux de compagnie et modifiant le Code rural, précise que l’éleveur « doit établir, en collaboration avec un vétérinaire, un règlement sanitaire régissant les conditions d’exercice de l’activité afin de préserver la santé et le bien-être des animaux en fonction de leur espèce, ainsi que la santé et l’hygiène du personnel ». Pour cela, il est précisé que « la personne responsable de l’activité fait procéder au moins deux fois par an à une visite des locaux par le vétérinaire de son choix. Ce vétérinaire est tenu informé sans délai de toute mortalité anormale ou de toute morbidité répétée des animaux. Il propose, le cas échéant, lors de ses visites annuelles, par écrit, la modification du règlement sanitaire. Le compte rendu de ses visites, ainsi que ses propositions sont portés sur le registre de suivi sanitaire et de santé ».

1 Comment préparer une visite d’élevage ?

Définir les attentes et les objectifs

Le vétérinaire peut être sollicité par l’éleveur pour une visite d’élevage dans plusieurs cas :

– lors de l’apparition d’une affection aiguë ou, à l’inverse, chronique ou récidivante ;

– en vue d’un suivi technique continu de son élevage ;

– pour mettre en place un programme personnalisé de prophylaxie ;

– afin de réaliser les deux visites d’élevage annuelles réglementaires.

Les besoins de l’éleveur doivent être clairement identifiés de manière à répondre au mieux à sa demande. Le vétérinaire doit également préciser les différentes étapes qui vont se mettre en place et indiquer le délai entre chacune.

Préquestionnaire

COMMENT CONSTRUIRE UN PRÉQUESTIONNAIRE DE VISITE

Afin de n’omettre aucune information, de noter les renseignements dans un ordre cohérent qui facilite leur exploitation ultérieure et d’être le plus rapide possible, il est recommandé d’employer un questionnaire guide fondé sur des tableaux à compléter et des réponses présélectionnées à cocher. Le préquestionnaire est le même pour une visite ponctuelle et lors d’une première visite en vue d’un suivi continu d’élevage. En revanche, lors d’un suivi, les visites sont simplifiées et seuls les changements majeurs, positifs ou négatifs, sont notés. La date de la mise en œuvre de cette modification est clairement indiquée de manière à évaluer son impact sur les paramètres zootechniques de l’élevage. Cette façon de faire présente l’avantage d’être plus rapide et moins coûteuse pour l’éleveur.

La description du logement est la partie de la visite la plus délicate et la plus chronophage, surtout pour les élevages où les animaux ont été logés dans des locaux préexistants, aménagés en fonction des besoins et de l’inspiration du moment. Il est donc intéressant de demander un plan d’ensemble mettant en place les bâtiments et, à l’intérieur de ceux-ci, les différents locaux (entretien, maternité, postsevrage, infirmerie, quarantaine, locaux techniques).

COMMENT ANALYSER LES DONNÉES ZOOTECHNIQUES COLLECTÉES

→ L’analyse des données zootechniques d’élevage peut être également une source d’informations. Cet enregistrement est la phase primordiale, mais aussi la plus difficile à maîtriser, les habitudes en la matière étant tenaces, surtout quand le changement va dans le sens apparent d’une complexité et d’une quantité accrues. En effet, il s’agit non plus de noter sur des supports divers (calendrier, cahier, etc.) et de manière isolée et irrégulière certains faits plus ou moins marquants, mais d’enregistrer de manière systématique tous les événements utiles au bilan, même ceux apparemment les plus anodins. Ainsi, les noms de la lice et de l’étalon, les dates de saillie et de mise bas et le nombre de chiots nés vivants sont régulièrement notés dans beaucoup d’élevages. En revanche, le rang de portée (parité), le déroulement de la mise bas, la mortalité des chiots aux différents âges et les signes cliniques observés avant leur mort sont rarement indiqués. Un effort important de persuasion et d’éducation de l’éleveur est donc nécessaire. En effet, l’enregistrement systématique de ces données permet à ce professionnel et au vétérinaire de situer les résultats de l’élevage par rapport à des moyennes de référence et d’évaluer l’impact des mesures mises en place sur l’évolution des paramètres. Ces données doivent être collectées pour l’ensemble des animaux de l’élevage (chiennes, étalons et chiots) (figure 1). Différents logiciels en français sont disponibles pour collecter ces données et aider les éleveurs dans la gestion de leurs animaux : Gestelv®, Chenil®, Breeding Managements Support® et Win Breed®.

Les renseignements sur les chiennes mises à la reproduction et les étalons doivent être des données brutes, directement accessibles et ne nécessitant aucun calcul de la part de l’éleveur (encadré 1). Ces informations sont traitées dans un second temps en vue d’évaluer les paramètres suivants (encadré 2 complémentaire sur www.lepointveterinaire.fr) :

– l’intervalle entre les chaleurs ;

– le taux de fécondation (nombre de diagnostics de gestation positifs ou de mises bas par rapport au nombre de saillies) ;

– l’intervalle entre la saillie et la mise bas ;

– la prolificité moyenne ;

– le taux de mortalité (mort-né, 0 à 2 jours, 2 à 21 jours, 21 à 60 jours) ;

– le nombre de chiots ou de chatons sevrés par femelle ;

– le nombre de chiots ou de chatons vendus par femelle et par an.

→ Ces données calculées peuvent être ensuite comparées à des valeurs de référence nationales ou internationales (tableaux 1 et 2). Certaines manquent en cynotechnie et en félinotechnie, mais, par exemple, l’intervalle entre l’ovulation et la mise bas chez la chienne est en moyenne de 63 +/- 1 jours, avec une période optimale de saillie 2 ou 3 jours postovulation. Un intervalle moyen entre la saillie et la mise bas de 58 jours ou moins indique donc des saillies trop tardives par rapport à l’ovulation, pouvant entraîner une hypofertilité, une faible prolificité ou une infertilité dans l’élevage (figure 2). À l’inverse, un intervalle de 64 jours ou plus correspond à des saillies trop précoces, avec potentiellement les mêmes conséquences.

2 Comment réaliser une visite d’élevage ?

Matériel nécessaire pour la visite

Lors de la visite d’élevage, il est préconisé de se munir du matériel nécessaire pour faire une série de prélèvements. Celui-ci doit être adapté au motif de la visite. Des surchaussures et une blouse de protection constituent l’équipement de base indispensable pour éviter d’introduire de potentiels agents pathogènes résistants dans l’environnement, comme le parvovirus canin de type 2 et le champignon de la teigne, mais également de contaminer les élevages suivants (photo). L’utilisation de matériel jetable est préférable. Les surchaussures et la blouse sont jetées sur place après la visite. Des pots étanches stériles permettent la collecte de selles en vue d’un bilan parasitaire de l’élevage. Des écouvillons stériles peuvent également être utiles non seulement pour la recherche d’entéropathogènes comme le parvovirus (écouvillon rectal), mais aussi pour la réalisation de frottis vaginaux (recherche de vaginites chez des chiennes infertiles). Enfin, le matériel permettant la réalisation de prélèvements sanguins en vue d’analyses sérologiques (tube sec, garrot, aiguille, seringue, etc.) est également à apporter lors de la visite.

Intérêt d’une fiche d’évaluation

Afin de ne rien oublier lors de la visite, il est recommandé d’utiliser un questionnaire guide. Comme le préquestionnaire, ce document doit contenir des tableaux à compléter et des réponses présélectionnées à cocher. Ce formulaire présente l’avantage de ne perdre aucune information et d’être rapide à remplir. Les questions doivent être organisées dans l’ordre de la visite d’élevage c’est-à-dire en commençant par les secteurs où se trouvent les animaux les plus sensibles (maternité) vers les secteurs les plus à risque (infirmerie, puis quarantaine) (figure 3, encadré 3 complémentaire sur www.lepointveterinaire.fr). Pour chaque zone, les animaux sont évalués, ainsi que les matériaux de construction et l’environnement général.

Points à considérer lors de la visite

Au cours de la visite, le praticien procède à l’appréciation :

– de la gestion sanitaire des animaux (prophylaxies sanitaire et médicale comme la nutrition, les protocoles de vermifugation et de vaccination) ;

– des locaux (matériaux utilisés, paramètres d’ambiance, respect du bien-être animal, etc.)

– du personnel ;

– de la gestion de la pharmacie vétérinaire ; - de la tenue des documents sanitaires de l’élevage(1).

Lors de la visite, chaque écart par rapport à une situation optimale peut être classé comme :

– non conforme par rapport à la réglementation (point à corriger à court terme pour être en accord avec celle-ci) ;

– un risque sanitaire majeur (point à corriger à court terme pour diminuer la pression infectieuse) ;

– un risque sanitaire mineur (point à corriger à moyen ou long terme pour diminuer la pression infectieuse) ;

– un paramètre affectant le bien-être animal (point à modifier pour améliorer le bien-être animal) ;

– une valorisation économique (donnée n’entrant pas dans les catégories précédentes, mais dont la prise en compte permet d’améliorer les performances globales de l’élevage).

Conclusion

Des données zootechniques en élevages canins et félins existent. Cependant, les visites sanitaires obligatoires devraient augmenter la précision de ces indicateurs, donc faciliter l’interprétation des principaux paramètres zootechniques.

  • (1) Voir les articles “Évaluation des animaux, de leur alimentation et de leur bien-être” et “Évaluation des méthodes d’élevage, des locaux et du personnel” des mêmes auteurs, dans ce numéro.

Références

  • 1. Belin M. Croissance et mortalité du chiot en élevage. Thèse de docteur vétérinaire, université de Toulouse. 2013:82.
  • 2. Billault C. La durée de gestation réelle chez la chienne et les facteurs l’influençant : étude rétrospective effectuée au centre d’étude en reproduction des carnivores de l’École nationale vétérinaire d’Alfort entre 2001 et 2006. Thèse de doctorat vétérinaire, faculté de médecine de Créteil. 2008:139.
  • 3. Esparel A. Contribution à l’étude de la reproduction chez la chienne: analyse des dossiers des chiennes suivies au centre d’étude en reproduction des carnivores de l’École nationale vétérinaire d’Alfort de 2005 à 2008. Thèse de doctorat vétérinaire, faculté de médecine de Créteil. 2010:128.
  • 4. Poinssot M. Étude des performances de reproduction du chien de race. Thèse de doctorat vétérinaire, faculté de médecine de Créteil. 2011:135.
  • 5. Stenkiste A. Contribution à l’étude des conditions de mise bas et de la mortalité des chatons chez le chat de race en France. Thèse de doctorat vétérinaire, faculté de médecine de Créteil. 2009:176.

Conflit d’intérêts

Pierre Bergamo est salarié du laboratoire Merial. Catherine Boucher et Aurélien Grellet sont salariés de la compagnie Royal Canin.

ENCADRÉ 1
Paramètres bruts à proposer à l’éleveur pour un enregistrement systématique

Chez les femelles

→ Date du début des chaleurs (détecté).

→ Score corporel et poids lors de la mise à la saillie.

→ Type de suivi des chaleurs (frottis vaginaux, dosage de la progestérone, etc.).

→ Nom de l’étalon utilisé pour la saillie.

→ Méthode d’insémination (saillie naturelle, insémination artificielle).

→ Date du diagnostic de gestation.

→ Type de diagnostic de gestation (palpation, échographie, dosage de la relaxine).

→ Résultat du diagnostic de gestation (positif ou négatif).

→ Date de la mise bas.

→ Déroulement de la mise bas (normale, assistée, césarienne).

→ Nombre total de chiots ou de chatons dans la portée.

→ Nombre de chiots ou de chatons mort-nés.

→ Nombre de chiots ou de chatons morts entre 0 et 48 heures (mort-nés exclus).

→ Nombre de chiots ou de chatons morts entre 2 et 21 jours.

→ Nombre de chiots ou de chatons morts entre 21 jours et 2 mois.

Chez les mâles

→ Date et mode d’insémination.

→ Identité, âge, parité des chiennes ou des?chattes saillies.

→ Saillie à l’extérieur ou non.

→ Résultat de la saillie.

→ Nombre de chiots ou de chatons nés.

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