La consultation du furet âgé : mise en œuvre pratique - Le Point Vétérinaire n° 350 du 01/11/2014
Le Point Vétérinaire n° 350 du 01/11/2014

GÉRIATRIE DES NAC

Dossier

Auteur(s) : Adeline Linsart*, Véronique Mentré**

Fonctions :
*Unité NAC, CHV Saint-Martin
275, route Impériale
74370 Saint-Martin-de-Bellevue
**Consultant NAC exclusif,
Clinique vétérinaire
195, bd Victor-Bordier
95370 Montigny-lès-Cormeilles

Le furet devrait être considéré comme âgé dès l’âge de trois à quatre ans. Une consultation semestrielle permet de détecter précocement des affections que les propriétaires ne remarquent que tardivement.

L’espérance de vie des furets est comprise entre 6 et 8 ans en moyenne [7]. De nombreux auteurs considèrent donc que les affections gériatriques et les dégénérescences liées à l’âge apparaissent dès l’âge de 3 à 4 ans chez ces animaux [10, 12].

Ces furets âgés sont souvent présentés avec de nombreuses maladies concomitantes que le praticien doit diagnostiquer afin d’instaurer les traitements les mieux adaptés [10]. De plus, même attentifs, les propriétaires ne remarquent la plupart des maladies qu’à un stade avancé, lorsque le furet décompense brutalement (fiche 1 complémentaire sur www.lepointveterinaire.fr). La mise en place de consultations gériatriques systématiques permet de dépister précocement ces affections et de mieux les prendre en charge [10].

1 Examen clinique

Un bilan à la fois anamnestique, clinique et biologique semestriel devrait idéalement être réalisé chez tous les furets âgés de plus de 4 ans. Un questionnaire peut être donné à remplir au propriétaire en salle d’attente avant la consultation gériatrique (fiche 2 complémentaire sur www.lepointveterinaire.fr).

Au cours de cette consultation semestrielle, le mode de vie et les habitudes de l’animal sont évoqués, et un examen clinique attentif est effectué : suivi du poids, observation de la masse musculaire, des mues et de la qualité du pelage, palpation abdominale et auscultation cardiorespiratoire attentives, examens dentaire et oculaire.

2 Examens complémentaires

→ Un bilan biologique (analyses sanguines et urinaires) est systématique (tableau 1, photo 1). Un prélèvement d’urine, effectué de préférence par cystocentèse, permet de détecter une infection urinaire (protéinurie importante, hématurie, cytologie du culot) et une diminution de la capacité du rein à concentrer les urines (abaissement de la densité urinaire mesurée au réfractomètre) [3]. La mesure de la densité urinaire peut également être pratiquée sur des urines recueillies sur une surface propre après une miction spontanée ou un taxis vésical doux. En revanche, la bandelette urinaire et le culot doivent être interprétés avec précaution dans ces circonstances.

→ Un bilan biochimique est effectué, qui comporte les recherches suivantes :

– une épreuve de jeûne de quelques heures. Elle est intéressante pour dépister des insulinomes débutants. En effet, une glycémie normale chez un furet ayant consommé un repas moins de 4 à 6 heures auparavant ne permet pas d’exclure un insulinome. Une glycémie inférieure aux normes usuelles chez un furet, à jeun ou non, est, à l’inverse, très évocatrice, bien que le diagnostic différentiel des hypoglycémies doive être systématiquement conduit (septicémie, insuffisance hépatique, polyglobulie, syndrome paranéoplasique, etc.) ;

→ l’urée et la créatinine. Leur augmentation tardive ne permet pas de dépister précocement l’insuffisance rénale chronique. Une analyse d’urines complète et les mesures de la kaliémie, de la phosphatémie et de la calcémie précisent le fonctionnement rénal ;

– les alanines aminotransférases et les phosphatases alcalines. Leur élévation peut également être liée à une anorexie (mobilisation des réserves hépatiques). D’autres examens doivent être réalisés pour confirmer la nature de l’atteinte hépatique (échographie abdominale notamment, la technique de référence restant la biopsie) ;

– les protéines totales, l’albumine et les globulines. La diminution de l’albumine peut être due à une anorexie prolongée, à une maladie digestive chronique ou à une affection rénale. Une hyperglobulinémie évoque une atteinte inflammatoire, virale ou cancéreuse ;

– une numération et une formule sanguines. Une lymphocytose persistante doit conduire le praticien à rechercher une maladie inflammatoire chronique, une affection virale ou cancéreuse. Les leucocytes des furets présentent souvent des concentrations assez basses pouvant donner lieu à une interprétation erronée de leucopénie [2, 5, 10-13].

→ Un examen échographique abdominal devrait être proposé de manière semestrielle, tant les modifications surrénaliennes et les lymphomes sont fréquents. En pratique, l’échographie est proposée au moindre doute lors de la palpation abdominale ou quant à l’état général de l’animal : évaluation des surrénales et des autres organes abdominaux (reins, foie, rate notamment), recherche d’anomalies des nœuds lymphatiques susceptibles de traduire une inflammation chronique ou une infiltration lymphomateuse, etc. La mise en évidence de kystes rénaux est fréquente et généralement sans conséquence [4, 9].

→ Une fatigabilité accrue, une courbe respiratoire anormale (dyspnée expiratoire et/ou inspiratoire, discordance), un amaigrissement et/ou des épisodes de toux constituent des signes d’appel de cardiopathie [6, 14]. L’échocardiographie est l’examen de choix (photo 2).

Chez le furet âgé, lors de l’examen clinique ou au cours d’une laparotomie, il convient d’inspecter tous les organes afin de dépister une maladie subclinique. Des auteurs suggèrent que des facteurs génétiques semblables à ceux connus chez l’homme seraient à l’origine de tumeurs multiples chez le furet (multiple endocrine neoplasia) [4, 6]. Des biopsies des nœuds lymphatiques ou du foie permettent de détecter précocement des maladies inflammatoires chroniques.

3 Thérapeutique chez le furet âgé

Les molécules utilisées chez le furet âgé sont identiques à celles habituellement prescrites chez les autres carnivores domestiques (tableau 2). Cependant, les formes galéniques sont à adapter à la petite taille de l’animal (nécessité de précision dans les dosages) et à son caractère (facilité d’administration). Les présentations buvables, inodores ou appétentes, doivent toujours être préférées, lorsqu’elles existent. Les effets secondaires des médicaments sont majorés chez les individus âgés, en raison de la diminution des capacités de biotransformation et d’élimination. Une attention particulière est portée aux effets secondaires hypotenseurs de médicaments tels que les inhibiteurs de l’enzyme de conversion, auxquels les furets semblent très sensibles.

4 Recommandations nutritionnelles

Avec l’âge, les dépenses énergétiques du furet diminuent, son tube digestif perd en capacités fonctionnelles et ses reins sont plus sensibles à une alimentation inadaptée (déshydratation chronique, excès de déchets azotés) (encadré, photo 3). Le caractère carnivore strict du furet et la forte fréquence des insulinomes dans cette espèce conduisent également à déconseiller le recours à des aliments contenant des sucres. Un régime carné est idéal à cette période de la vie, bien que la transition vers ce type de ration chez un furet adulte soit difficile. Il apporte une importante part humide, permettant une bonne hydratation de l’organisme, et fournit des protéines animales de haute valeur biologique en quantité mesurable. La ration carnée limite également considérablement la teneur en fibres, en amidon et en sucres simples.

Certaines marques de croquettes commercialisent des aliments “sénior” pour le furet. Cela constitue un excellent concept commercial. Cependant, les besoins spécifiques du furet âgé sont mal connus. De plus, le principal défaut de l’alimentation industrielle sèche reste l’apport incompressible d’amidon en grande quantité (contrainte technique liée au procédé industriel pour assurer la cohésion du produit fini) et de fibres qui diminuent la digestibilité de l’aliment.

Conclusion

La mise en place de consultations gériatriques chez le furet permet de dépister précocement les affections dues à l’âge et d’instaurer immédiatement un traitement, améliorant le pronostic. Le mode de vie et les conditions de logement sont également revus par le vétérinaire et adaptés à l’animal âgé, afin d’améliorer son confort de vie. Des mesures diététiques préventives sont instaurées pour limiter la cachexie liée aux maladies chroniques et au vieillissement.

Références

  • 1. Bauer JE. Therapeutic use of fish oils in companion animals. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2011;239(11):1441-51.
  • 2. Carpenter JW. Exotic animal formulary. 3rd ed. Ed. Elsevier Saunders, Saint Louis. 2005:592p.
  • 3. Eshar D, Wyre NR, Brown DC. Urine specific gravity values in clinically healthy young pet ferrets (Mustela furo). J. Small Anim. Pract. 2012;53(2):115-119.
  • 4. Fox JG. Biology and diseases of the ferret. Ed. Wiley-Blackwell, Baltimore. 1998:568p.
  • 5. Hein J, Spreyer F et coll. Reference ranges for laboratory parameters in ferrets. Vet. Rec. 2012;171:218.
  • 6. Hoppes SM. The senior ferret (Mustela putorius furo). Vet. Clin. Exot. Anim. 2010;13(1):107-122.
  • 7. Ivey E, Morrisey J. Ferrets: Examination and preventive medicine. Vet. Clin. Exot. Anim. 1999;2(2):471-494.
  • 8. Johnson-Delaney CA. Update of ferret adrenal disease: etiology, diagnosis, and treatment. Proceedings AEMV, Oakland. 2006:69-74.
  • 9. Lewington JH. Ferret husbandry, medicine and surgery. 2nd ed. Ed. Saunders, Saint Louis. 2007:536p.
  • 10. Mayer J. Management of ferrets with multiple pathologies. Proceedings NAVC, Orlando. 2006:1750.
  • 11. Oglesbee B. The 5-minute veterinary consult: small mammals. Ed. Wiley-Blackwell, Saint Louis. 2011:720p.
  • 12. Quesenberry K, Carpenter JW. Ferrets, rabbits and rodents, Clinical medicine and surgery. 3rd ed. Ed. Saunders, Saint Louis. 2012:600p.
  • 13. Schoemaker NJ. How I work up the ferret with hind limb weakness. Proceedings NAVC, Orlando. 2008:1867-9.
  • 14. Wagner RA. Ferret cardiology. Vet. Clin. Exot. Anim. 2009;12(1):115-134.

Conflit d’intérêts

Aucun.

ENCADRÉ
Conseils nutritionnels pour l’alimentation du furet âgé

→ Maintenir un accès constant à la nourriture.

→ Privilégier une alimentation contenant des protéines de haute valeur biologique en quantité adaptée (éviter une restriction trop importante à l’origine d’une cachexie).

→ Limiter l’apport de phosphore et de sucre.

→ Préférer des aliments appétents. bien que les rations ménagères et une alimentation humide industrielle ne soient pas idéales pour l’hygiène bucco-dentaire, elles offrent une excellente appétence et participent au maintien d’une hydratation correcte.

→ Le recours à des compléments alimentaires industriels doit être réfléchi. toutes les pâtes appétentes (ferretone®, ferretvite® ou nutriplus gel®) sont riches en sucre et contre-indiquées chez les animaux présentant un insulinome. mieux vaut les réserver aux cas d’urgence (crise d’hypoglycémie) et éviter d’y avoir recours tous les jours.

→ La distribution de compléments alimentaires sous la forme d’un aliment humide de convalescence pour carnivores est très bénéfique chez des furets amaigris, dénutris ou atteints d’affections chroniques. il convient alors de privilégier des produits à faible teneur en extractif non azoté (oxbow carnivore care®, hill’s a/d®). cela permet d’augmenter le volume énergétique ingéré (lipides et protéines animales) en proposant de nombreux petits repas tout au long de la journée et contribue à une meilleure hydratation de l’organisme.

→ Les croquettes peuvent être humidifiées avec un filet d’eau chaude pour en augmenter l’appétence.

→ La supplémentation en acides gras essentiels est bénéfique dans la gestion des maladies chroniques et des troubles liés au vieillissement (actis omega félin®, synerbiol®(1)).

(1) Médicament humain.

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