ÉTAPE 10 : Cytologie des tumeurs du système mélanogène et à cellules rondes - Le Point Vétérinaire n° 350 du 01/11/2014
Le Point Vétérinaire n° 350 du 01/11/2014

EN 10 ÉTAPES

Auteur(s) : Laetitia Piane*, Catherine Trumel**

Fonctions :
*Laboratoire central de biologie médicale, INP,
ENV de Toulouse,
23, chemin des Capelles
31076 Toulouse
**Laboratoire central de biologie médicale, INP,
ENV de Toulouse, 23, chemin des Capelles
31076 Toulouse

La cytoponction des tumeurs cutanées et sous-cutanées à cellules rondes permet souvent d’obtenir un diagnostic grâce à des prélèvements riches en cellules.

Dans l’étape précédente(1), les tumeurs cutanées et sous-cutanées de nature épithéliale et mésenchymateuse ont été abordées. Dans cette étape, les tumeurs du système mélanogène et les tumeurs cutanées à cellules rondes sont concernées. Les cellules rondes n’étant pas liées entre elles, les prélèvements réalisés sur les tumeurs à cellules rondes sont richement cellulaires et permettent souvent d’obtenir un diagnostic. Lors de tumeurs peu différenciées, un diagnostic différentiel doit être envisagé et l’utilisation de colorations complémentaires ou un examen histopathologique associé à des immunomarquages et/ou des colorations spécifiques peuvent alors être nécessaires.

TUMEURS DU SYSTÈME MÉLANOGÈNE

1. Généralités

Les tumeurs du système mélanogène sont fréquentes chez le chien et le chat et représentent respectivement 5 et 3 % des tumeurs de la peau. Les animaux âgés sont les plus concernés, en particulier les animaux à peau pigmentée.

La plupart des tumeurs du système mélanogène sont bénignes (70 % des cas), mais, chez le chien notamment, la localisation anatomique joue un rôle significatif dans la prédiction du comportement biologique de la tumeur. Les tumeurs des doigts, des babines ou de la cavité orale sont généralement agressives. Les atypies cytonucléaires et l’index de prolifération (Ki67) doivent être utilisés comme indicateur pronostique.

Les tumeurs du système mélanogène sont d’origine neuro-ectodermique. C’est pourquoi elles prennent parfois des aspects cytologiques qui peuvent être déroutants même pour un cytologiste confirmé.

2. Aspect cytologique

Cytologiquement, les prélèvements sont généralement riches. Les cellules peuvent être rondes à polygonales, pseudo-épithéliales ou encore fusiformes, voire stellaires, et prendre toutes ces formes sur un même prélèvement.

Les cellules sont de taille variable (de petite à très grande) avec un rapport nucléocytoplasmique moyen à faible, un noyau rond à ovoïde paracentral et un cytoplasme basophile clair avec des granulations noirâtres à verdâtres.

Lors de tumeurs bénignes, le noyau présente une chromatine finement réticulée régulière et le cytoplasme est le plus souvent richement granuleux (photo 1a).

Lors de tumeurs malignes, le noyau révèle une chromatine grossièrement réticulée à anormalement mottée dévoilant un nucléole unique (central dit en “œil d’oiseau”) ou plusieurs nucléoles de taille variable, parfois volumineux et irréguliers. Le cytoplasme est variablement granuleux et les cellules peuvent présenter des atypies cytonucléaires marquées (photos 1b et 1c) [1-3].

Sur des formes achromiques, de rares granulations de mélanine peuvent être retrouvées après une observation attentive permettant d’orienter le diagnostic cytologique, mais une analyse histologique est parfois requise pour le confirmer. Des colorations spécifiques permettent de mettre en évidence ces granulations difficilement visibles dans les formes achromiques.

Un diagnostic différentiel doit parfois être établi avec une tumeur basale pigmentée car les mélanocytes normaux injectent la mélanine dans les cellules épithéliales de l’épiderme. Les pigments mélaniques peuvent également être confondus avec des pigments d’hémosidérine (marron à noirâtres) contenus dans des macrophages [1-3].

TUMEURS À CELLULES RONDES

1. Tumeurs histiocytaires

Langerhansome (ou histiocytome bénin juvénile)

Le langerhansome (ou histiocytome bénin juvénile) est le plus souvent observé chez le jeune chien, et principalement sur la tête et le bord libre de l’oreille, les membres postérieurs, aux extrémités des membres et sur le tronc.

Cytologiquement, une population de cellules rondes isolées aux contours cytoplasmiques plus ou moins bien délimités est observée. Leur rapport nucléocytoplasmique est faible à moyen. Le noyau est rond à ovoïde, voire indenté, à la chromatine finement réticulée dévoilant des nucléoles plus ou moins visibles et le cytoplasme est clair à légèrement basophile. Ces cellules présentent de légères anisocytose et anisocaryose, mais de fréquentes figures de mitose peuvent être observées.

Un infiltrat inflammatoire lymphoïde peut également être présent en phase de régression de la lésion (photo 2) [1-3].

Sarcome histiocytaire

Le sarcome histiocytaire peut être localisé ou disséminé. Les formes localisées sont fréquentes chez le chien et rares chez le chat. Ce sarcome a pour origine les cellules dendritiques du tissu sous-cutané. Certaines races de chien (par exemple le bouvier bernois, le rottweiler) y sont particulièrement sensibles.

Cytologiquement, les cellules observées peuvent être rondes à pseudo-fusiformes, de grande taille avec un rapport nucléocytoplasmique variable, un cytoplasme basophile clair parfois microvacuolisé. Elles présentent des atypies cytonucléaires parfois marquées avec de l’anisocytose, de l’anisocaryose, du gigantisme, de la plurinucléation, de la pluri- et de la macronucléolation, etc. Des cellules géantes multinucléées peuvent être présentes (photo 3) [1-3].

2. Tumeurs lymphoïdes

Plasmocytome

Le plasmocytome représente environ 2 % des tumeurs cutanées du chien et est rare chez le chat. Il est retrouvé le plus souvent de manière isolée sous la forme d’une masse bien circonscrite sur les doigts, les oreilles ou la gueule.

Cytologiquement, le plasmocytome se caractérise par des cellules isolées de taille variable, avec un noyau rond à ovoïde souvent excentré parfois en forme de “nez de clown” (aplati d’un côté). Le cytoplasme est basophile moyen avec des bordures discrètes et laisse parfois apparaître une zone arcoplasmique plus claire sous le noyau. Ces cellules montrent une anisocytose et une anisocaryose marquées et de fréquentes binucléations. Des cellules multinucléées sont aussi notées (photo 4). Un matériel éosinophile amorphe évoquant de l’amyloïde est observé dans moins de 10 % des cas.

Un diagnostic différentiel doit être établi avec une autre tumeur à cellules rondes (par exemple un lymphome, un histiocytome, un mélanome achromique) ou avec une tumeur des gaines nerveuses (par exemple un schwannome) [1-3].

Lymphome cutané

Le lymphome cutané est la tumeur la plus fréquente chez le vieux chien et le vieux chat, bien que des cas aient été décrits chez le jeune chien. Ces lymphomes sont divisés en deux groupes : épithéliotropes et non épithéliotropes. Le premier représente 1 % des tumeurs cutanées du chien. Chez le chat, le lymphome cutané (épithéliotrope et non épithéliotrope) représente environ 3 % des tumeurs cutanées. Les lésions peuvent être uniques ou multiples et parfois prurigineuses. Il s’agit le plus souvent de lymphome T (les lymphomes B cutanés étant très rares).

Cytologiquement, les cellules sont rondes, isolées et de taille variable (petite à grande), avec un rapport nucléocytoplasmique élevé. Le noyau est rond, indenté ou circonvoluté et le cytoplasme est basophile clair. Les nucléoles sont souvent difficiles à visualiser, mais sont parfois proéminents [1, 2, 3].

3. Mastocytomes

Le mastocytome est l’une des tumeurs les plus fréquentes chez les carnivores domestiques et représente environ 10 % des tumeurs cutanées. Sa prévalence est forte chez certaines races canines comme le boxer notamment. Il est le plus souvent observé chez des animaux d’âge moyen, mais il peut survenir à tout âge.

Chez le chien, cette tumeur est considérée comme maligne avec un potentiel de dissémination. Son comportement biologique peut être déterminé au moyen d’un grading histologique. Elle peut également être retrouvée au niveau sous-cutané et semble alors moins agressive que la forme cutanée.

Chez le chat, cette tumeur a de multiples présentations. Lorsqu’elle est isolée, elle est généralement considérée comme une lésion bénigne. Les tumeurs disséminées (cutanées multiples ou intéressant des organes internes) sont de mauvais pronostic.

Cytologiquement, les prélèvements sont généralement richement cellulaires, hémodilués et avec un fond de frottis parsemé de granulations violacées. Les cellules sont rondes le plus souvent isolées ou regroupées en paquets au sein desquels des structures fibrillaires rosées potentiellement dégradées peuvent être observées (il s’agit de collagénolyse). Des cellules fusiformes réactionnelles peuvent être associées à ces fibres de collagène dégradées. Elles présentent un noyau rond à ovoïde paracentral souvent dissimulé par les nombreuses granulations violacées que contient le cytoplasme (photo 5).

Un infiltrat inflammatoire éosinophilique accompagne le plus souvent ces tumeurs. Chez le chat, quelques cellules lymphoïdes normales peuvent également être observées ainsi que de quelques à nombreux fibroblastes d’aspect hyperplasique.

Chez le chien, lors de mastocytome de haut grade de malignité, les cellules peuvent apparaître peu différenciées avec notamment peu ou pas de granulations, et présenter des atypies cytonucléaires [1-3].

Conclusion

La cytoponction des tumeurs du système mélanogène et des tumeurs cutanées et sous-cutanées à cellules rondes donne en général des prélèvements cytologiques richement cellulaires et diagnostiques. Cet acte est utile et peu invasif. Il permet d’envisager une démarche diagnostique complémentaire adéquate ainsi qu’une prise en charge thérapeutique adaptée.

  • (1) voir “l’étape 9 : cytologie des tumeurs épithéliales et mésenchymateuses” des mêmes auteurs, dans point vét. 2014 ;349 :15-19.

Références

  • 1. DeNicola DB. Round cells. In: Cowell RL, Valenciano AC, Meinkoth JH, DeNicola DB. Diagnostic cytology and hematology of the dog and the cat. 4th ed. Mosby Elsevier, Saint-Louis. 2014:70-79.
  • 2. Fisher DJ. Cutaneous and Subcutaneous lesion. In: Cowell RL, Valenciano AC, Meinkoth JH, DeNicola DB. Diagnostic cytology and hematology of the dog and the cat. 4th ed. Mosby Elsevier, Saint-Louis. 2014:80-109.
  • 3. Raskin RE. Skin and subcutaneous tissues. In: Raskin RE, Meyer D. Canine and feline cytology, a color atlas and interpretation guide. 2nd ed. WB Saunders, Philadelphia. 2009:26-76.

Conflit d’intérêts

Aucun.

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