L’Anses veut l’abandon de la prévention et l’encadrement des pratiques à risque - Le Point Vétérinaire n° 348 du 01/09/2014
Le Point Vétérinaire n° 348 du 01/09/2014

ANTIBIOTHÉRAPIE

Thérapeutique

Auteur(s) : Éric Vandaële

Fonctions : Le Fougerais
44850
Saint-Mars-du-Désert

Les traitements préventifs, voire de métaphylaxie, ceux par voie orale ou mis dans l’environnement (bains, etc.), ceux jugés inacceptables par un panel d’experts sont classés comme des pratiques “à risque” à encadrer ou à abandonner.

L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a diffusé fin juin un avis et un rapport très attendus sur les risques d’antibiorésistance associés aux usages des antibiotiques chez les animaux. Ces recommandations, notamment sur les « pratiques à risque à abandonner sans délai ou à terme », ainsi que sur celles dites « à encadrer », serviront probablement à la préparation des textes d’application de la loi d’avenir en cours d’examen. D’où l’importance de ces documents.

Un compromis « acceptable » qui fait consensus

La méthodologie retenue pour déterminer ces pratiques à risque n’est pas d’une grande rigueur scientifique. Il s’agit plus d’un consensus fondé sur des opinions d’experts de la santé animale que d’une véritable évaluation scientifique des données disponibles permettant d’affirmer que telle ou telle pratique ou famille thérapeutique dans telle ou telle indication est plus “à risque” qu’une autre. Indépendamment des données scientifiques sur le risque de sélection de résistance, une pratique pouvait être jugée « inacceptable » par un panel d’experts et de vétérinaires, et, par conséquent, être classée comme à risque. Alors que d’autres ne le sont pas si elles sont « acceptables » pour le panel d’experts, même si aucune donnée rassurante n’est produite. Le vote des experts sur une pratique confère une sorte de légitimité démocratique à ce document. Ce rapport est donc le fruit d’un compromis très discuté au cours d’une trentaine de réunions d’un groupe de travail de plusieurs dizaines d’experts. De plus, trente-cinq représentants d’organisations professionnelles ou syndicales ont donné aussi leur avis. Et trois comités d’experts spécialisés (CES santé animale, alimentation animale, médicaments vétérinaires) se sont réunis à plusieurs reprises fin 2013 pour examiner les conclusions de ces 3 années de débats. L’indéniable atout de ce rapport est qu’il apparaît comme une sorte de « compromis qui fait consensus » pour toutes les parties (malgré l’avis divergent d’un seul expert vétérinaire spécialisé dans les médecines alternatives, qui aurait souhaité un abandon de davantage de pratiques).

Les antibiotiques mondialement critiques

Plusieurs critères ont été pris en compte pour déterminer une sorte de score de criticité de la pratique à examiner (tableau 1 complémentaire sur www.lepointveterinaire.fr).

Tout d’abord, l’Anses s’est intéressée à la classification des antibiotiques critiques selon les deux listes des organisations mondiales de la santé humaine (OMS) et animale (OIE). Toutefois, celles-ci sont elles-mêmes fixées par des panels d’experts. Elles ne regroupent pas les antibiotiques les plus sélectionnants, mais ceux dont la disparition poserait des difficultés thérapeutiques en santé humaine ou animale en raison de l’absence ou du faible nombre de solutions alternatives. Ces listes sont établies par consensus dans des réunions d’experts (tableau 2).

Critiques : la prévention et la voie orale

> Puis l’exposition des animaux à l’antibiotique a été examinée, dans la mesure où il est bien établi que la pression de sélection des résistances est corrélée à l’exposition de la flore commensale ou présente dans l’environnement. Sur ce critère, l’antibioprévention qui traite un grand nombre d’animaux sains est donc plus à risque que la métaphylaxie qui traite les animaux au contact de ceux qui sont cliniquement malades. Et c’est le traitement curatif qui est le moins à risque, surtout lorsqu’il est prescrit à titre individuel, et non pas collectif.

> De même, la voie orale apparaît, pour l’Anses, plus à risque que la voie parentérale. La voie locale, notamment intramammaire, est celle qui expose le moins la flore commensale à la pression de sélection, sauf si les veaux se nourrissent du lait des vaches traitées durant la période de temps d’attente. La pratique est « à abandonner sans délai », selon ce rapport. À l’opposé de la voie locale, les traitements via l’environnement (bains, nébulisation, pédiluves, etc.) sont aussi à bannir sans délai.

“Acceptable” ou “inacceptable”

> De plus, il a été demandé aux experts, à l’aide d’un questionnaire, de se prononcer de manière quasi exhaustive sur le caractère acceptable ou inacceptable de chacune des pratiques.

> En dernier lieu, chacune des pratiques recensées a fait l’objet d’une discussion et d’une pondération pour aboutir, pour chaque espèce animale, à une classification à quatre niveaux :

– pratique « à risque et à abandonner sans délai », ou, à défaut, « à terme » dans un délai proche dans l’attente de solutions alternatives ;

– pratique « à encadrer » ;

– pratique actuelle recensée ne nécessitant aucun encadrement supplémentaire.

Privilégier le spectre étroit

Après 3 ans de discussions, l’Anses recommande, au final, « d’abandonner l’usage des antibiotiques en prévention » dans toutes les espèces, y compris pour les chirurgies de convenance des animaux de compagnie. Comme pour tout usage d’un antibiotique, le risque de sélection des résistances dans la flore commensale est toujours présent. Mais, en prévention, le bénéfice est incertain, car la présence de l’agent pathogène n’est pas certaine, mais suspectée.

Métaphylaxie après examen clinique

> Pour remplacer les usages préventifs, l’Anses souhaite que la métaphylaxie soit encadrée en précisant des indicateurs de décisions thérapeutiques et en la conditionnant à une visite vétérinaire pour les ruminants.

> Sans surprise, l’Anses propose aussi « d’encadrer et de restreindre au dernier recours l’usage des céphalosporines de dernière génération (C3G/C4G) et des fluoroquinolones », d’autant qu’il semble démontré que l’augmentation de leur emploi est corrélée à une élévation des résistances.

> L’Anses recommande aussi « de privilégier l’usage d’antibiotiques à spectre étroit », en évitant par conséquent les associations d’antibiotiques fondées sur l’élargissement du spectre.

> Enfin, l’Anses détaille la classification des différentes pratiques dans chaque espèce animale sous forme de tableaux récapitulatifs (tableaux 3 à 6).

Pour en savoir plus

Avis et rapport de l’Anses relatifs aux risques d’émergence d’antibiorésistance liés aux modes d’utilisation des antibiotiques dans le domaine de la santé animale (avril 2014).

http://www.anses.fr/fr/documents/SANT2011sa0071Ra.pdf

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