Suivi d’un hypercorticisme hypophysaire sans test de stimulation à l’ACTH - Le Point Vétérinaire expert canin n° 342 du 01/01/2014
Le Point Vétérinaire expert canin n° 342 du 01/01/2014

ENDOCRINOLOGIE CANINE

Analyse d’article

Auteur(s) : Magalie Decome

Fonctions : Clinique vétérinaire Alliance,
8, boulevard Godard,
33300 Bordeaux

Le trilostane constitue le traitement de choix de l’hypercorticisme hypophysaire. Un contrôle périodique de la fonction surrénalienne est requis pour prévenir un hypocorticisme iatrogène et assurer un contrôle adéquat de la production de cortisol.

La réponse au traitement est classiquement évaluée à partir de la résolution des signes cliniques couplée au test de stimulation à l’hormone adrénocorticotrophine (adrenocorticotropin hormone, ACTH). Un hypercorticisme non traité augmente le risque d’apparition d’un état hypercoagulable, d’un diabète sucré, d’une lithiase urinaire (oxalate de calcium), d’infections et d’une mucocèle [3].

MODE D’ACTION DU TRILOSTANE

Le trilostane est un stéroïde de synthèse, inhibiteur compétitif du complexe enzymatique 3β-hydoxystéroïde déshydrogénase, essentiel à la synthèse de cortisol et de l’aldostérone, notamment [1, 5, 7, 9]. L’influence du trilostane sur le cortisol et l’ACTH endogène est bien documentée [9]. Les surrénales sont le site de production de stéroïdes le plus sensible au trilostane et la synthèse en glucocorticoïdes est la voie sur laquelle ce traitement est le plus efficace [3].

L’effet maximal du trilostane sur la production en glucocorticoïdes atteint un pic 2 à 4 heures après l’administration par voie orale. Le cortisol est alors à sa concentration minimale. Le rétrocontrôle négatif sur la sécrétion d’ACTH est diminué et c’est pourquoi un pic de l’hormone est observé à la suite de la baisse du cortisol [9].

Afin d’évaluer au mieux la réponse au traitement, les prélèvements sont réalisés au moment du pic d’activité du trilostane. Des disparités entre les protocoles utilisés sont observées dans les publications scientifiques (échantillonnage entre 2 et 6 heures après l’administration), rendant la comparaison des études difficile en l’absence de consensus.

ADMINISTRATION UNE FOIS VERSUS DEUX FOIS PAR JOUR

La plupart des auteurs utilisent le trilostane une fois par jour, comme décrit dans l’autorisation de mise sur le marché [1]. Cependant, l’effet de celui-ci sur la production de cortisol dure moins de 13 heures [2, 10]. Depuis 2006, plusieurs études ont décrit des protocoles d’administration deux fois par jour. Aucun consensus n’existe concernant le protocole idéal du trilostane : dose initiale, fréquence d’administration, suivi [1]. Dans plus de la moitié des cas, un ajustement de la dose initiale est nécessaire [6]. Un excès chronique de cortisol expose les animaux aux complications de l’hypercorticisme à long terme. Les signes cliniques semblent mieux contrôlés chez les individus traités deux fois par jour, selon une étude récente [1].

QUEL CRÉDIT ACCORDER AUX TESTS ENDOCRINIENS ALTERNATIFS

Aucun consensus n’existe sur le suivi des animaux traités au trilostane. Cependant, il est établi que le contrôle clinique est insuffisant et qu’il convient de le corréler au test de stimulation à l’ACTH [6].

Une étude précédente a montré que la mesure de la cortisolémie basale chez un chien cliniquement contrôlé permet d’apprécier la qualité du traitement, alors que l’article présenté ici n’apporte que peu de crédit à cette seule mesure [5]. Les deux essais s’accordent à définir un seuil au-delà duquel un contrôle excessif de la maladie est exclu : dans 98 % des cas pour une valeur supérieure à 27 nmol/l dans la première étude et dans 97 % des cas pour une valeur supérieure à 33 nmol/l dans la seconde [4, 5]. Ainsi, dans 2 ou 3 % des cas, la mesure de la cortisolémie basale ne permet pas de diagnostiquer un hypocorticisme iatrogène. Cependant, les auteurs de cet article soulignent l’importance de dépister ces animaux et d’adapter leur traitement. Un cortisol basal inférieur à ce seuil n’est pas non plus synonyme d’un hypocorticisme iatrogène [4]. Un second seuil est également établi dans cette étude, qui permet d’identifier de façon fiable les chiens insuffisamment traités (cortisol basal supérieur à 121 nmol/l). La difficulté de déterminer si le traitement est insuffisant, adéquat ou excessif en deçà de cette dernière valeur ne fait donc pas de la mesure de la cortisolémie basale un paramètre optimal pour le suivi des animaux traités [4].

La concentration en ACTH endogène semble augmenter significativement chez les animaux excessivement contrôlés. Néanmoins, une variation interindividuelle marquée de cette dernière est observée pendant les 24 heures qui suivent l’administration de trilostane. C’est pourquoi ce paramètre ne peut être considéré comme utile pour l’évaluation de la qualité de la prise en charge [4, 8]. Pour les mêmes raisons, le rapport cortisol/ACTH endogène n’apporte pas d’information supplémentaire [4].

Enfin, une absence de corrélation entre la mesure du rapport cortisol/créatinine urinaires (RCCU) et le cortisol poststimulation à l’ACTH est notée. Ce paramètre ne peut donc pas non plus être utilisé pour ajuster le traitement. Dans les revues scientifiques, il est suggéré que le suivi du RCCU est parfois intéressant pour mettre en évidence un contrôle excessif, mais ce résultat repose sur peu de cas et doit donc être utilisé avec précaution [7].

Conclusion

Le test de stimulation à l’ACTH ne peut être remplacé, bien que celui-ci soit indisponible en France actuellement. L’adaptation du traitement est donc réalisée sur la base d’une évaluation clinique et d’une cortisolémie basale. Néanmoins, les résultats sont à interpréter avec précaution.

Conflit d’intérêts

Aucun.

RÉSUMÉ

OBJECTIF

Évaluer si le dosage de la cortisolémie basale, de la concentration en hormone adrénocorticotrophine (adrenocorticotropin hormone, ACTH) ou la mesure du rapport cortisol/ACTH peuvent remplacer le test de stimulation à l’ACTH lors du suivi des animaux traités pour un hypercorticisme hypophysaire.

MÉTHODE

Les animaux inclus dans cette étude prospective présentent des signes cliniques et des résultats d’analyses évocateurs d’un hypercorticisme (test de freinage à la dexaméthasone à faible dose et/ou rapport cortisol/créatinine urinaires positifs). Au moins trois contrôles après l’initiation du traitement sont réalisés. L’établissement de l’origine hypophysaire de l’hypercorticisme est fondé sur la concentration en ACTH endogène et/ou sur une échographie abdominale.

L’efficacité du traitement est évaluée grâce au test de stimulation à l’ACTH. Trois groupes sont définis à partir de la valeur poststimulation de la cortisolémie : contrôles excessif (< 41 nmol/l), adéquat (41 à 148 nmol/l) et insuffisant (> 148 nmol/l). Les mesures du rapport cortisol/ACTH urinaires et/ou de l’ACTH endogène sont réalisées.

RÉSULTATS

• Une cortisolémie basale supérieure à 33 nmol/l exclut un contrôle excessif dans 97 % des cas. Une valeur inférieure ne permet pas de conclure.

• Une cortisolémie basale supérieure à 121 nmol/l caractérise un contrôle insuffisant. Une valeur inférieure ne permet pas de conclure.

• Les intervalles de valeur du rapport cortisol/ACTH des trois groupes se superposent.

• Aucune corrélation n’existe entre l’ACTH endogène, le cortisol basal et le cortisol post-ACTH. De plus, la concentration en ACTH n’est pas significativement différente entre les trois groupes.

Références

1. Arenas C, Melian C, Perez-Alenza MD. Evaluation of 2 trilostane protocols for the treatment of Canine-dependent hyperadrenocoticism : Twice daily versus once daily. J. Vet. Intern. Med. 2013 ; 27 : 1478-1485. 2. Bell R, Neiger R, McGrotty Y et coll. Study of the effects of once daily doses of trilostane on cortisol concentrations and responsiveness to adrenocorticotrophic hormone in hyperadreno­corticoid dogs. Vet. Rec. 2006 ; 159 : 277. 3. Bonagura JD, Twedt DC. Kirk’s Current Veterinary Therapy XIV. 14th ed. Ed. Saunders Elsevier, St. Louis, Missouri. 2008 : 224-227. 4. Burkhardt WA, Boretti FS, Reusch CE et coll. Evaluation of baseline cortisol, endogenous ACTH, and cortisol/ACTH ratio to monitor trilostane treatment in dogs with pituitary-dependent hypercortisolism. J. Vet. Intern. Med. 2013 ; 27 : 919-923. 5. Cook AK, Bond KG. Evaluation of the use of baseline cortisol concentration as a monitoring tool for dogs receiving trilostane as a treatment for hyperadrenocorticism. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2010 ; 237(7): 801-805. 6. Ettinger SJ, Feldman EC. Textbook of Veterinary Internal Medicine. 7th ed. Ed. Saunders Elsevier, St. Louis, Missouri. 2010 ; 2 : 1816-1840. 7. Galac S, Buijtels JJ et coll. Urinary corticoid : creatinine ratio in dogs with pituitary-dependent hypercortisolism during trilostane treatment. J. Vet. Intern. Med. 2009 ; 23 : 1214-1219. 8. Galac S, Buijtels JJ, Mol JA et coll. Effects of trilostane of the pituitary-adrenocortical and renin-aldosterone axis in dogs with pituitary-dependent hypercortisolism. Vet. J. 2010 ; 183 : 75-80. 9. Griebsch G, Lehnert C, Williams GJ et coll. Effect of trilostane on hormone and serum electrolyte concentrations in dogs with pituitary-dependent hyperadrenocorticism. J. Vet. Intern. Med. 2013 ; publication en ligne. 10. Vaughan MA, Feldman EC, Hoar BR et coll. Evaluation of twice-daily, low-dose trilostane treatment administered orally in dogs with naturally occurring hyperadrenocorticism. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2008 ; 232 : 1321.
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