ÉTAPE 2 : Savoir reconnaître les différents types cellulaires et leur organisation - Le Point Vétérinaire n° 342 du 01/01/2014
Le Point Vétérinaire n° 342 du 01/01/2014

EN 10 ÉTAPES

Auteur(s) : Laetitia Piane*, Catherine Trumel**

Fonctions :
*CES hématologie et biochimie clinique animales
**Dipl ECVP
Laboratoire central de biologie médicale, INP,
ENV de Toulouse, 23, chemin des Capelles,
31076 Toulouse

La reconnaissance des différents types de cellules et de l’architecture tissulaire est un prérequis indispensable à toute interprétation cytologique.

Dans les prélèvements cytologiques, des cellules circulantes dites rondes, des cellules mésenchymateuses et des cellules épithéliales sont possiblement rencontrées (tableau). Les cellules rondes comprennent les cellules normalement présentes dans le sang, la lymphe et les tissus. Elles sont isolées les unes des autres et non rattachées à une matrice conjonctive. Les cellules épithéliales sont jointives, retrouvées le plus souvent en amas organisés. Les cellules mésenchymateuses constituent le tissu conjonctif. Elles sont généralement isolées et maintenues ensemble par une matrice extracellulaire qu’elles sécrètent.

RECONNAÎTRE LES CELLULES RONDES

Les cellules rondes comprennent l’ensemble des cellules circulantes : granulocytes, lymphocytes, cellules histiocytaires, mastocytes, hématies et plaquettes. Les mélanocytes sont fréquemment classés dans cette catégorie.

1. Généralités

Les cellules rondes ont pour caractéristiques générales d’être isolées les unes des autres et les prélèvements sont généralement riches (photo 1). Lorsque le prélèvement est peu cellulaire ou hémodilué, il est aisé de reconnaître des cellules rondes car elles sont alors le plus souvent dispersées et entourées d’hématies. Lorsque le prélèvement est très cellulaire, elles peuvent être accolées les unes aux autres et sembler cohésives. Il convient alors de rechercher si des hématies ne s’insinuent pas entre elles afin de les reconnaître spécifiquement.

2. Particularités

Les cellules sanguines, décrites dans de nombreuses publications, ne le seront pas ici. Cependant, lorsqu’elles se trouvent dans un autre secteur que le sang, elles peuvent prendre des morphologies différentes.

Granulocytes neutrophiles

Les granulocytes neutrophiles (GNN) subissent parfois de nombreuses modifications morphologiques dans les tissus ou les fluides. Dans les fluides visqueux (liquide synovial, épanchement de péritonite infectieuse féline, liquide broncho-alvéolaire), les GNN sont comme rétractés et la segmentation du noyau est moins facile à visualiser. Parfois, le noyau paraît rond et il devient alors difficile de les différencier de petits lymphocytes [4].

Le vieillissement des GNN est caractérisé par une hypersegmentation du noyau, qui devient pycnotique, c’est-à-dire divisé en plusieurs petites sphères violet foncé. Cette modification morphologique “normale” ne doit pas être confondue avec une dégénérescence. La dégénérescence survient lorsque les GNN se trouvent dans un environnement hostile, en présence de bactéries productrices d’endotoxines par exemple. Le noyau apparaît alors gonflé, plus rose, peut perdre sa lobation et devenir rond. La présence de nombreux GNN dégénérés doit conduire à la recherche minutieuse de bactéries [4].

Plasmocytes

Les plasmocytes (lymphocytes B) sont des cellules de taille moyenne, au noyau rond et excentré, à la chromatine densément agglomérée, au cytoplasme abondant basophile foncé laissant apparaître une zone plus claire (arcoplasme), situé sous le noyau et indiquant l’appareil de Golgi. Ils peuvent contenir plusieurs vacuoles cytoplasmiques claires (corps de Russel) chargées d’immunoglobulines et sont alors appelés “cellules de Mott” [5].

Mastocytes et mélanocytes

Les mastocytes sont des cellules de taille moyenne au noyau rond et central et au cytoplasme riche en granulations violet foncé (photo 2). Ils ne doivent pas être confondus avec des mélanocytes, dont le noyau est excentré et qui sont riches en granulations noires [4].

Macrophages

Les macrophages peuvent prendre des aspects extrêmement variables dans les tissus, ce qui peut dérouter le cytologiste débutant. Ce sont des cellules de grande taille, au cytoplasme souvent très vacuolisé. Elles peuvent phagocyter des hématies (érythrophagocytose), des leucocytes, des débris d’origine indéterminée (corps tingibles) ou des pigments (hémosidérine, mélanine), qui ne doivent pas être confondus avec des agents infectieux (photo 3). Des macrophages bi- ou plurinucléés sont souvent rencontrés dans des processus inflammatoires chroniques. Ils sont parfois géants, avec de nombreux noyaux possiblement épithélioïdes, c’est-à-dire en amas cohésifs, et ne doivent alors pas être confondus avec des cellules épithéliales néoplasiques [4].

RECONNAÎTRE LES CELLULES MÉSENCHYMATEUSES

Les cellules mésenchymateuses sont rencontrées dans les tissus de soutien (tissu conjonctif, cartilage, os, notamment), la graisse, les structures vasculaires et nerveuses.

1. Généralités

Les cellules mésenchymateuses synthétisent une trame à laquelle elles sont solidement accrochées. Ainsi, un processus néoplasique à cellules mésenchymateuses desquame peu et donne généralement des prélèvements pauvrement cellulaires. Les cellules sont le plus souvent isolées, mais peuvent aussi se regrouper en amas storiformes, c’est-à-dire en vagues multidirectionnelles parfois associées à une trame conjonctive reconnaissable sous la forme de grands traits roses (fibres de collagène) suivant les différentes vagues, comme c’est souvent le cas dans les sarcomes (photo 4) [4].

À fort grossissement, les cellules mésenchymateuses se reconnaissent par leur forme fuselée aux contours cytoplasmiques souvent mal délimités. Ces cellules sont dites “fusiformes” [4].

2. Particularités

Les processus néoplasiques bénins ou malins à cellules mésenchymateuses sont souvent peu différents les uns des autres en dehors du lipome. Ainsi, une cytoponction à l’aiguille fine (CPAF) de fibrosarcome ou de schwannome malin, par exemple, est caractérisée par la présence de cellules de taille variable, fusiformes, au noyau allongé en cigare et aux bordures cytoplasmiques souvent mal délimitées (photo 5). Ces cellules peuvent être isolées ou en paquets désorganisés au sein desquels une trame azurophile est parfois observable (fibres de collagène) [4].

Les adipocytes provenant de lipomes ou de tissu adipeux sous-cutané sont identiques : ce sont des cellules de très grande taille, au noyau aplati, comprimé par une énorme vacuole lipidique occupant tout le cytoplasme (photo 6) [4].

Enfin, les ostéoblastes sont parfois reconnaissables dans les ostéosarcomes car ce sont des cellules de taille moyenne à grande, au noyau rond et excentré avec un nucléole proéminent, un cytoplasme basophile moyen avec une zone plus claire (arcoplasme), situé sous le noyau (appareil de Golgi), leur donnant un aspect “plasmocytoïde” [1].

RECONNAÎTRE LES CELLULES ÉPITHÉLIALES

Les cellules épithéliales sont rencontrées dans la plupart des préparations cytologiques. Plusieurs types d’épithéliums existent : épithéliums de couverture (squameux et kératinisé), glandulaires (glandes de la peau, pancréas, par exemple) et spécialisés (urothélium, épithélium digestif ou respiratoire).

1. Généralités

Les prélèvements contenant des cellules épithéliales sont généralement riches, et les cellules sont principalement reconnaissables par leur caractère cohésif et organisé (photo 7). Différents types d’arrangements cellulaires sont possibles (figure) [3].

À fort grossissement, le caractère cohésif de ces cellules se traduit parfois par la présence d’un ciment intercellulaire qui apparaît sous la forme d’un trait blanchâtre situé entre deux d’entre elles [3, 4].

Une absence d’architecture tissulaire est parfois notée lors de transformation tumorale anaplasique, quand les cellules se dédifférencient et perdent leur caractère cohésif. Ces dernières peuvent alors prendre la forme de cellules rondes et desquament individuellement [3].

2. Organisation des épithéliums

Les épithéliums glandulaires se présentent selon plusieurs organisations possibles : en nid d’abeilles (prostate, tube digestif, thyroïde, etc.), acineuse (glande salivaire, thyroïde, pancréas, etc.), papillaire ou tubulaire (tissu mammaire, etc.) (photo 8). Celles-ci peuvent se retrouver lors de cytoponction à l’aiguille fine et aider au diagnostic [3].

Enfin, les épithéliums respiratoire, digestif et urinaire sont des épithéliums spécialisés. Par exemple, l’épithélium respiratoire est pseudo-stratifié et cilié. Il assure un rôle à la fois protecteur et actif dans l’élimination des poussières atmosphériques. Les cellules de cet épithélium sont de forme cylindrique, et sont polarisées avec un noyau rond basal et un cytoplasme basophile qui présente des cils sur sa face apicale [2]. L’ensemble de ces caractéristiques permet de les reconnaître dans un liquide de lavage trachéo-bronchique, par exemple.

3. Particularités

L’épithélium squameux est caractérisé le plus souvent par la présence de deux populations cellulaires : les cellules de la couche basale et les cellules squameuses superficielles.

Cellules basales

Les cellules basales sont de petite taille, jointives, avec une organisation palissadique. Elles sont de forme ronde à cuboïdale, à fort rapport nucléocytoplasmique (RNP), et présentent un noyau rond central à la chromatine réticulée et un cytoplasme basophile moyen à foncé.

Cellules squameuses

Les cellules squameuses peuvent s’organiser en amas pavimenteux, mais ont le plus souvent tendance à s’individualiser [3]. Une fois matures, elles prennent une forme polyédrique et plate, avec un cytoplasme très abondant et de couleur variable (basophile clair à moyen, rosé). Leur noyau est central, et devient petit et pycnotique. Lorsqu’elles se kératinisent, ces cellules perdent leur noyau (photo 9).

Conclusion

Les cellules rondes sont les plus faciles à identifier car elles contrastent généralement bien avec les autres types cellulaires. Il est parfois difficile de faire la distinction entre des cellules épithéliales et des amas storiformes de cellules mésenchymateuses. Il convient donc, d’une part, de bien choisir la région de lecture, en évitant les zones les plus épaisses et, d’autre part, de prêter une attention particulière à ce qui caractérise les différents types cellulaires (caractère cohésif et ciment intercellulaire, délimitation des bordures cytoplasmiques, forme du noyau et du cytoplasme, etc.).

Références

  • 1. Barger AM. Musculoskeletal system. In: Raskin RE, ed. Canine and feline cytology: A color atlas and interpretation guide. Saint Louis, Missouri, ed. Saunders Elsevier. 2010:309-324.
  • 2. Burkhard MJ, Millward LM. Respiratory tract. In: Raskin RE, ed. Canine and feline cytology: A color atlas and interpretation guide. Saint Louis, Missouri, ed. Saunders Elsevier. 2010:123-170.
  • 3. Masserdotti C. Architectural patterns in cytology: correlation with histology. Vet. Clin. Pathol. 2006;35:388-396.
  • 4. Meinkoth JH, Cowell RL, Tyler RD. Cell types and criteria of malignancy. In: Cowell RL, ed. Diagnostic cytology and hematology of the dog and cat. 3rd ed. Saint Louis, Missouri, ed. Mosby Elsevier. 2008:20-46.
  • 5. Raskin RE. Lymphoid system. In: Raskin RE, ed. Canine and feline cytology: A color atlas and interpretation guide. Saint Louis, Missouri, Saunders Elsevier. 2010:77-122.

Conflit d’intérêts

Aucun.

Points forts

→ Les prélèvements contenant des cellules rondes sont généralement riches. Les cellules sont isolées les unes des autres et de morphologie variable en fonction du type cellulaire.

→ Les prélèvements renfermant des cellules mésenchymateuses sont généralement pauvres. Les cellules sont isolées ou organisées en amas storiformes. Elles sont le plus souvent de forme allongée (fusiforme), aux contours cytoplasmiques mal délimités, et produisent une trame conjonctive éosinophile.

→ Les prélèvements contenant des cellules épithéliales sont généralement riches. Les cellules s’organisent en amas cohésifs, qui peuvent présenter une organisation particulière (tubes, acini). Le ciment intercellulaire est parfois visible à fort grossissement.

→ L’absence d’architecture tissulaire est parfois retrouvée lors de transformation tumorale anaplasique, quand les cellules se dédifférencient et perdent leurs caractéristiques propres.

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