Différence de neurotoxicité parmi les lactones macrocycliques - Le Point Vétérinaire expert canin n° 338 du 01/09/2013
Le Point Vétérinaire expert canin n° 338 du 01/09/2013

PHARMACOLOGIE

Analyse d’article

Auteur(s) : Catherine Laffort

Fonctions : Clinique vétérinaire Alliance
8, boulevard Godard
33300 Bordeaux

GLYCOPROTÉINE P : UNE POMPE À EFFLUX MULTIMOLÉCULES

La glycoprotéine P, codée par le gène MDR1 (ABCB1) appartient à la superfamille des ABC (pour ATP Binding Cassette), transporteurs présents dans les membranes de certaines cellules, en particulier dans le tractus digestif, le rein, le foie et les cellules endothéliales des capillaires du cerveau et des testicules [1]. Le gène MDR1 (ABCB1) existe chez tous les mammifères testés, dont le chien. Chez les rongeurs, ce gène est dupliqué (MDR1a et MDR1b) [1]. La glycoprotéine P est une pompe à efflux qui expulse de façon active hors de la cellule différents substrats, notamment de nombreux médicaments. Elle confère par exemple aux cellules cancéreuses une résistance à de multiples médicaments anticancéreux (multiple drug resistance, MDR). Parmi les autres substrats de la glycoprotéine P, il est possible de citer les immuno-suppresseurs, les antiparasitaires, dont les lactones macrocycliques, les antibiotiques, les médicaments cardiovasculaires, les opoïdes, les hormones stéroïdes ainsi que de nombreuses autres molécules. La glycoprotéine P limite l’absorption de ces molécules par le tube digestif et favorise leur élimination par les reins, le foie et les intestins. Elle limite également leur captage par différents tissus et cellules, en particulier leur passage à travers la barrière hémato-méningée.

GLYCOPROTÉINE P ET LACTONES MACROCYCLIQUES

La glycoprotéine P joue ainsi un rôle important dans le traitement antiparasitaire des mammifères par des lactones macrocycliques en protégeant le cerveau de leur pénétration. Dans l’organisme des invertébrés parasites, ces molécules se lient avec une forte affinité aux récepteurs Gaba et glutamate des canaux à chlorures de la membrane des cellules nerveuses et musculaires, ce qui conduit à une inhibition neuronale, à une paralysie et à la mort des parasites. Chez les mammifères, les récepteurs à glutamate sont absents et les récepteurs Gaba sont confinés dans le système nerveux central où ils sont protégés de l’action des lactones macrocycliques, grâce à la glycoprotéine P qui empêche leur passage à travers la barrière hémato-méningée. Ainsi chez les mammifères, une glycoprotéine P fonctionnelle assure une large sécurité d’emploi à ces molécules aux doses thérapeutiques.

MUTATION MDR1 CHEZ LE COLLEY ET AUTRES RACES CANINES SENSIBLES À L’IVERMECTINE

Chez des colleys sensibles à cette molécule, l’administration de doses aussi faibles que 120 µg/kg d’ivermectine provoque l’apparition de signes nerveux comme une mydriase, une ataxie et une dépression. D’autres chiens appartenant à des races non sensibles à l’ivermectine tolèrent des doses bien plus élevées, jusqu’à 2 mg/kg. La base génétique de cette sensibilité a été identifiée en 2001 par Mealey. Il s’agit d’une délétion de quatre paires de base dans le gène MDR1, qui provoque la formation d’une protéine fortement tronquée non fonctionnelle [4]. La mutation nt230(del4) MDR1 homozygote modifie les propriétés pharmacologiques des médicaments transportés par la glycoprotéine P en raison d’une augmentation de la biodisponibilité orale, d’une diminution des éliminations hépatique, rénale et intestinale. De plus, la pénétration dans le système nerveux central est augmentée et conduit à une neurotoxicité. C’est le cas pour les lactones macrocycliques et aussi pour les autres substrats de la glycoprotéine P. Un test génétique est désormais disponible afin d’identifier le génotype d’un chien appartenant à une race à risque avant la prescription d’un médicament substrat de la glycoprotéine P. Parmi les races à risque, sont cités le colley, mais également le shetland, le berger australien, le border collie, l’old english sheepdog, le berger blanc suisse, le berger allemand, le whippet, le bobtail. Leurs croisements sont également concernés [2].

TRAITEMENTS DES CHIENS MUTÉS POUR LE GÈNE MRD1 PAR DES LACTONES MACROCYCLIQUES

Les lactones macrocycliques sont largement utilisées comme antiparasitaires en médecine vétérinaire en raison de leur activité contre les helminthes et différents ectoparasites. Sont distinguées les avermectines comme l’ivermectine, la doramectine et la sélamectine, des milbémycines comme la moxidectine ou la milbémycine oxime. Ainsi que précédemment évoquée, la toxicité de cette classe de molécule est liée à leur fixation sur les récepteurs Gaba. Tout chien avec une mutation du gène MDR1, qui induit la formation d’une glycoprotéine P non fonctionnelle, est susceptible de développer des signes de neurotoxicité. Pourtant, leur traitement avec des lactones macrocycliques ne se traduit pas systématiquement par une neurotoxicité. L’innocuité du traitement dépend de plusieurs facteurs, dont la dose et l’indication de traitement, la voie d’administration (spot-on versus voie sous-cutanée versus voie orale), le caractère homo- ou hétérozygote de la mutation et la molécule utilisée [1, 3].

Chez les chiens avec une mutation MDR1 homozygote, l’ivermectine et la doramectine semblent posséder le même potentiel neurotoxique et sont à l’origine de signes sévères dès l’administration de doses variant de 200 à 600 µg/kg et susceptibles de conduire à la mort de l’animal. La sélamectine, la milbémycine oxime et, dans une moindre mesure, la moxidectine semblent posséder un potentiel neurotoxique moins important [7]. L’étude choisie permet de mieux comprendre ces différences de profil en démontrant qu’elles sont liées chez la souris, non à des variations de passage à travers la barrière hémato-méningée, mais bien à des propriétés neurotoxiques plus faibles pour les milbémycines. Quelle que soit la molécule, l’utilisation de lactones macrocycliques chez des chiens mutés pour le gène MDR1 nécessite de respecter les protocoles autorisés et requiert une attention particulière afin de dépister au plus tôt des signes d’intolérance (mydriase, ataxie, hypersalivation).

Pour les chiens n’appartenant pas aux races à risque, lorsque le test de dépistage génétique n’a pas été réalisé, il est recommandé d’augmenter graduellement la dose administrée jusqu’à la dose thérapeutique afin d’interrompre le traitement dès l’apparition éventuelle de signes de toxicité [1, 6].

Références

  • 1. Geyer J, janko C. Treatment of MDR1 mutant dogs with macrocyclic lactones. Curr. Pharm. Biotechnol. 2012;13(6):969-986.
  • 2. Gramer I, Leidolf R, Döring B et coll. Breed distribution of the nt230(del4) MDR1 mutation in dogs. Vet. J. 2011;189:67-71.
  • 3. Lallemand E, Lespine A, Alvinerie M et coll. Estimation of absolute oral bioavailability of moxidectin in dogs using a semi-simultaneous method: influence of lipid co-administration. J. Vet. Pharmacol. Therap. 2007;30(5):375-80.
  • 4. Mealey, KL, Bentjen SA, Gay JM, Cantor GH. Ivermectin sensitivity in collies is associated with a deletion mutation of the mdr1 gene. Pharmacogenetics. 2001;11(8):727-733.
  • 5. Miller WH, Griffin CE, Campbell KL. In: Muller and Kirk’s Small Animal Dermatology Ed. 7th Ed. Elsevier Mosby, Saint-Louis. 2013:200p
  • 6. Mueller RS, Bensignor E, Ferrer L et coll. Treatment of demodicosis in dogs: 2011 clinical practice guidelines. Vet. Dermatol. 2012;23(2):86-e21.
  • 7. Paul AJ, Tranquilli WJ, Hutchens DE. Safety of moxidectin in avermectin-sensitive collies. Am. J. Vet. Res. 2000;61(5):482-483.

Conflit d’intérêts

Aucun.

RÉSUMÉ

OBJECTIF

Déterminer si la différence de neurotoxicité entre l’ivermectine et la moxidectine est liée à une pénétration plus faible de la moxidectine à travers la barrière hémato-méningée ou à des effets neurotoxiques moindres.

MATÉRIEL ET MÉTHODES

• De l’ivermectine et de la moxidectine radio-activement marquées ont été administrées par voie orale à des souris mutées pour le gène mdr1a, donc déficientes en glycoprotéine P ainsi qu’à des souris au phénotype sauvage pour ce gène. Les souris ont ensuite été placées dans des cages afin d’observer leur comportement et, en particulier, leur capacité à marcher sur un cylindre rotatif, ce qui demande une très bonne coordination motrice, un bon équilibre et constitue ainsi un outil adapté pour mesurer l’ataxie. La durée de marche et la façon de se déplacer sur le cylindre avant de chuter ont été les deux mesures qui ont servi à l’établissement d’un score destiné à quantifier le degré d’ataxie.

• Les souris ont été sacrifiées 4 heures ou 24 heures après l’administration, afin de quantifier la radioactivité dans différents organes, tissus et liquides biologiques dont le cerveau, l’urine et le sang.

RÉSULTATS

• Les concentrations en ivermectine et en moxidectine marquées étaient équivalentes dans le cerveau des souris déficientes en glycoproteine P et des souris sauvages.

• Pour obtenir un même défaut de marche sur le cylindre, les doses administrées de moxidectine étaient supérieures à celles d’ivermectine (dosage 2,7 fois plus important). Pour un même défaut de marche, à 4 heures après l’administration, moment auquel les effets neurotoxiques des deux molécules sont les plus sévères, les concentrations absolues en moxidectine dans le cerveau étaient bien supérieures à celles d’ivermectine.

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