DERMATOLOGIE PRATIQUE
Article de synthèse
Auteur(s) : Pierre-Antoine Germain
Fonctions : Consultant en référés en dermatologie
Clinique vétérinaire des Hutins,
7, av. Napoléon-III,
74160 Saint-Julien-en-Genevois
et Clinique vétérinaire des Cerisioz,
5, route de Saint-Symphorien-d’Ozon,
69800 Saint-Priest
« Pourquoi mon chien se gratte-t-il ? » Question existentielle que les propriétaires nous posent tous les jours ! La réponse peut être immédiate avec des examens praticables “au chevet du malade”. C’est simple comme un coup de brosse ou de scalpel ! Entre autres…
Les examens complémentaires extemporanés permettent de mettre en évidence sur ou dans la peau des parasites, des agents bactériens ou fongiques, et des modifications de l’épiderme ou du pelage. Ils sont incontournables lors d’une consultation de dermatologie [2].
Les principaux examens complémentaires directs sont le brossage, le test à la cellophane adhésive, le raclage et l’examen trichoscopique. Ils ne possèdent pas le même “spectre” diagnostique, et il convient de sélectionner la ou les techniques adaptées en fonction des hypothèses diagnostiques retenues (figure).
Si ce n’est un microscope de bonne qualité, la réalisation des examens directs ne nécessite que très peu de matériel : bistouri, ruban adhésif type Crystal, lames porte-objet, lamelle, huile minérale ou chloral-lactophénol, pince hémostatique. (encadré 1, photo 1). Plusieurs précisions sont importantes à connaître concernant le lactophénol : il peut être irritant pour la peau du préleveur ou du prélevé, et même abîmer les lentilles de l’objectif en cas de contact.
Le brossage consiste à recueillir des squames et des poils par brossage de la surface cutanée pour visualiser des parasites présents sur celle-ci et dans le pelage : principalement les poux, les cheylétielles et les puces, ou leurs déjections.
L’animal est assis sur une feuille de papier, puis un brossage vigoureux est effectué avec la main ou un peigne (photo 2). Sont ainsi recueillis des squames et des poils qui peuvent être observés entre lame et lamelle dans une goutte d’huile minérale (photo 3). Comme pour le raclage, il est préférable que le prélèvement ne soit pas trop épais pour une meilleure observation.
Cet examen est très similaire au brossage et permet d’observer les mêmes parasites superficiels. Une bande de cellophane adhésive est appliquée en regard des zones intéressantes, à plusieurs reprises de façon à capturer des agents figurés présents en superficie (photo 4). Le ruban est ensuite collé sur une lame porte-objet pour une observation microscopique en utilisant une goutte d’huile minérale afin de chasser l’air et de faciliter la lecture.
Le raclage consiste à recueillir les couches les plus superficielles de la peau (en pratique toute l’épaisseur de l’épiderme, ainsi que les couches superficielles du derme) pour prélever d’éventuels parasites présents dans l’épiderme ou dans le follicule pileux, principalement les agents de la gale et les Demodex.
Afin de faciliter le prélèvement, il est recommandé de couper les poils au niveau des lésions. Un pli est formé en pressant doucement la peau, puis un raclage vigoureux de la surface lésée est pratiqué à l’aide d’une lame de scalpel émoussée (n° 10 ou n° 20 ronde), remplacée, dans certains cas (confort du praticien, peau à risque, etc.), par une curette de Volkman ou un bistouri (photo 5). Ces matériels doivent être trempés dans une goutte de lactophénol (encadré 2). Le raclage doit être effectué idéalement sur une zone d’environ 1 cm2 jusqu’à obtention d’un suintement hémorragique ou d’une rosée sanguine (photo 6). Le matériel recueilli est ensuite mélangé avec une goutte de lactophénol sur une lame porte-objet, puis recouvert d’une lamelle. L’objectif est d’obtenir un prélèvement homogène et peu épais.
Il est possible de moduler la profondeur en fonction du type de parasite recherché :
– raclage superficiel : la rosée sanguine n’est pas requise ;
– raclage profond : bien presser le pli pour exprimer le contenu du follicule pileux.
Cet examen consiste à recueillir des poils pour observer leur structure et d’éventuels agents pathogènes présents dans les follicules pileux : dermatophytes, Demodex. Il n’est pas recommandé en cas de suspicion de dermatophytose due à Microsporum persicolor car seule la couche cornée est envahie.
Le prélèvement peut être effectué avec une pince hémostatique. Une petite quantité de poils (environ une dizaine) sont arrachés sur les zones lésées, puis observés entre lame et lamelle dans une goutte d’huile minérale (photos 7 et 8). Pour faciliter la lecture, il est préférable que les poils soient disposés de façon parallèle sur la lame.
Les prélèvements doivent être observés de façon méthodique, champ par champ, au petit grossissement. Ces examens permettent l’observation directe de nombreux parasites : agents de gale (Sarcoptes, Notoedres), Demodex (souvent très nombreux), dermatophytes (spores et mycéliums dans les poils, filaments dans les squames), larves de nématodes, etc. (photos 9 à 13). Ils sont très spécifiques. Il n’existe jamais de faux positifs lorsque la lecture de la lame et la diagnose du parasite sont réalisées correctement. Attention à ne pas confondre un manchon pilaire et l’envahissement d’un poil par un dermatophyte. En revanche, des faux négatifs sont possibles, surtout si les prélèvements sont de mauvaise qualité ou pas assez nombreux (gale).
Lors d’un examen trichoscopique, il est également possible de s’intéresser à d’éventuelles modifications de la structure du poil ou du cycle folliculaire (tableau 1, photos 14 à 16). Cette interprétation est plus délicate et il convient de se rapporter systématiquement à la clinique.
L’objectif est de recueillir des cellules et/ou des éléments figurés à partir de lésions cutanées sur une lame porte-objet. Ces examens sont applicables à toute lésion permettant d’isoler un matériel cellulaire. Ils sont principalement utilisés dans le cadre du diagnostic d’infections cutanées et lors de suspicion de tumeur ou de pemphigus foliacé. Il existe différentes techniques, toutes assez simples de réalisation, qui permettent de s’adapter à la diversité des lésions cutanées rencontrées en pratique dermatologique. Dans tous les cas, il est préférable d’effectuer plusieurs prélèvements et de choisir avec soin les sites intéressants afin d’obtenir de meilleurs résultats.
Outre un microscope de bonne qualité et bien entretenu, il faut disposer de lames porte-objet neuves et propres, d’aiguilles de faible diamètre (2G), de seringues, d’écouvillons, de ruban adhésif type Crystal, de fixateurs et de colorants de type Romanowsky (photo 17). Parmi les différentes techniques disponibles, les plus utiles sont le calque direct, le calque par cytoponction et le test à la cellophane adhésive.
Cette technique consiste à recueillir le matériel directement sur la lame par écrasement ou, éventuellement, après avoir délicatement crevé la lésion intacte (photo 18). Il convient de prendre toutes les précautions usuelles en présence de pus. Le matériel exprimé est ensuite étalé par étirement ou écrasement modéré avec une autre lame, puis séché par agitation (photo 19). Cette méthode peut être utilisée pour les lésions papuleuses, pustuleuses, vésiculeuses et fistuleuses.
Le matériel est obtenu par ponction et aspiration de la lésion à l’aide d’une aiguille fine (5 à 7 dixièmes) montée sur une seringue (photo 20). La ponction doit être réalisée dans plusieurs directions et à plusieurs profondeurs pour augmenter la représentativité de l’échantillon. L’aiguille est ensuite déconnectée de la seringue et de l’air aspiré avant la reconnexion. Puis, le matériel ponctionné est ensuite expulsé sur une lame porte-objet, puis étalé à l’aide d’une autre lame tout en veillant à ne pas provoquer de lyse cellulaire. Cette méthode est particulièrement indiquée pour les lésions nodulaires. Lors de lésions très vascularisées, il peut être indiqué de ne pas appliquer de pression négative sur le piston de la seringue et de se contenter de la ponction : la petite quantité “carottée” comprend suffisamment de cellules et prévient une hémodilution. Pour gagner du temps, il peut être utile de faire rentrer de l’air avant la ponction.
Un morceau de ruban adhésif est appliqué sur la peau de façon à recueillir les couches superficielles du stratum corneum, ainsi que des micro-organismes présents à ce niveau. Le morceau de ruban adhésif est ensuite coloré, sans utiliser de fixateur qui dissout la colle de l’adhésif, avant d’être apposé encore légèrement humide sur une lame porte-objet. Cette technique est utilisée pour rechercher des micro-organismes : bactéries et levures, principalement Malassezia pachydermatis.
Le séchage se fait en général par simple agitation à l’air. La coloration de référence en cytologie est le May-Grünwald-Giemsa (MGG) et les colorations rapides disponibles ne permettent pas la même finesse d’analyse cytologique. Elles suffisent cependant dans la grande majorité des cas pour la cytologie cutanée au chevet de l’animal car elles permettent une coloration bien spécifique du cytoplasme, des produits cellulaires et des micro-organismes. En revanche, si une seconde lecture par un cytologiste est indiquée, il convient d’envoyer des lames non colorés.
L’examen microscopique peut permettre de différencier des lésions néoplasiques et non néoplasiques, et d’identifier des micro-organismes et différents types cellulaires présents dans la lésion.
Avant de passer à l’interprétation cytologique, il est important d’évaluer la qualité et la représentativité de l’échantillon (tableau 2).
Après cette phase d’analyse critique, l’examen commence par une évaluation du contexte cellulaire général aux petits grossissements (x 4 et x 10). Cela permet de s’orienter en déterminant s’il s’agit d’une population normale, réactionnelle ou tumorale, et de choisir des zones représentatives. Les lésions inflammatoires sont caractérisées par une population cellulaire hétérogène, alors que les lésions néoplasiques présentent en général un aspect homogène. Il existe cependant des pièges, comme les tumeurs avec une surinfection (photo 21).
Dans un second temps, le manipulateur passe progressivement aux plus forts grossissements, pour terminer par l’immersion de façon à identifier des éléments figurés (bactéries intra- ou extracellulaires, spores de dermatophyte, levures, leishmanies) et à déterminer avec précision les différentes populations cellulaires (épithéliale, sanguines) (photos 22 à 26). Les cellules épithéliales sont de grande taille, parfois regroupées en amas. Il est possible de distinguer des cellules basales, suprabasales, épineuses et des cornéocytes, cellules anucléées complètement kératinisées. Il est important de savoir reconnaître les kératinocytes acantholytiques qui sont des grandes cellules rondes ou allongées à cytoplasme très basophile, homogène, à bords nets, à noyau granuleux (photo 27). La présence de ce type de cellules résulte de la rupture des liaisons intercellulaires entre les kératinocytes. Parmi les cellules d’origine sanguine, il est possible d’observer des hématies, des polynucléaires (neutrophiles et éosinophiles), des lymphocytes et des macrophages (photo 28). Des mastocytes et des fibroblastes peuvent aussi être observés (photo 29). Lors de population hétérogène, le type cellulaire prédominant peut permettre de classer les lésions inflammatoires cutanées (tableau 3).
Pour l’examen à la lumièrede Wood, une lampe à ultraviolets (3 650 A) est nécessaire. Ces rayonnements excitent des pigments contenus dans les filaments de certains dermatophytes. Les poils parasités présentent alors une fluorescence verdâtre franche, similaire à celle observée sur une montre à aiguille phosphorescente.
Un chauffage préalable de la lampe d’au minimum 5 minutes est conseillé pour obtenir la bonne longueur d’onde. L’examen se pratique dans une pièce noire. Une observation minutieuse de l’ensemble du pelage doit être effectuée.
Seulement 50 à 60 % des souches de Microsporum canis présentent une fluorescence. Les autres dermatophytes pathogènes du chien et du chat (comme les trois autres souches les plus fréquentes du chien : M. persicolor, M. gypseum et Trychophyton mentagrophytes) n’expriment pas le pigment fluorescent. En dehors de ces dermatophytes non fluorescents, un mauvais examen ou des conditions d’utilisation erronées sont les principales causes de faux négatifs. Il est également très important de faire attention aux faux positifs. De nombreux topiques, les croûtes et les exsudats peuvent ressortir fluorescents lors de l’observation en lumière de Wood. Cette fluorescence est rarement de la bonne couleur et ces cas de faux positifs peuvent donc facilement être écartés. L’examen en lumière de Wood permet aussi de prélever les poils fluorescents pour les observer au microscope ou pour effectuer une culture mycologique indispensable.
Les examens complémentaires immédiats en dermatologie permettent dans de nombreux cas une orientation ou même un diagnostic [1].
Il s’agit d’examens peu invasifs, faciles d’accès et peu coûteux qui valorisent la consultation de dermatologie. Leur réalisation et leur interprétation nécessitent toutefois de suivre quelques règles simples pour obtenir des résultats concluants.
Aucun.
En dermatologie, de nombreux examens complémentaires simples et très informatifs nécessitent l’utilisation d’un microscope. Le choix de cet outil est un facteur limitant de la bonne réalisation de ces derniers et il convient de disposer d’un microscope de qualité.
L’examen au microscope doit être dynamique et systématique. L’ensemble du prélèvement doit faire l’objet d’une observation attentive champ par champ au faible grossissement. Dans un second temps, de plus forts grossissements peuvent être utilisés, en particulier lors d’un examen cytologique, pour analyser plus finement les populations cellulaires ou rechercher des bactéries ou d’autres micro-organismes.
Une des règles fondamentales pour obtenir des résultats fiables lors de la réalisation d’examens complémentaires en dermatologie est de choisir en priorité comme site de prélèvement des lésions peu ou pas remaniées, et, si possible, des lésions typiques des parasites recherchés (papulo-croûtes pour la gale et alopécie avec comédons pour la démodécie). Si l’examen est réalisé sur une zone très remaniée, les informations recueillies reflèteront essentiellement les conséquences de la réaction inflammatoire chronique, et non l’affection originale.
Numéro spécial « Dermatologie clinique du chien », à paraître en novembre 2013.
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