La relation homme-chien : nouvelles hypothèses - Le Point Vétérinaire expert canin n° 336 du 01/06/2013
Le Point Vétérinaire expert canin n° 336 du 01/06/2013

ÉTHOLOGIE CANINE

Article de synthèse

Auteur(s) : Emmanuelle Titeux*, Franck Péron**, Caroline Gilbert***

Fonctions :
*Médecine du comportement, ENV d’Alfort,
7, avenue du Général-de-Gaulle, 94700 Maisons-Alfort
etiteux@hotmail.com
**Research fellow, School of life sciences,
University of Lincoln, LN2 2LG, Lincoln, United Kingdom
fperon2008@yahoo.fr
***Université Paris-Est, ENV d’Alfort,
UMR 7179 CNRS MNHN,
7, avenue du Général-de-Gaulle,
94700 Maisons-Alfort
cgilbert@vet-alfort.fr

Les relations entre l’homme et le chien sont un des sujets essentiels abordés lors de toute consultation vétérinaire. Certains concepts devraient être abandonnés comme la « famille-meute ». D’autres apparaissent, tel le leadership, et la balance des interactions.

Depuis les années 1970 et afin d’expliquer la relation interspécifique homme-chien, certaines données issues de recherches sur la socialité menées chez le loup sont transposées au chien. Ainsi, le chien actuel vivrait dans un groupe plurispécifique d’individus dénommé “famille-meute” [40]. Dans ce contexte, l’homme devrait se positionner en dominant ou en chef de meute afin de construire une relation cohérente et de prévenir les agressions. Depuis quelques années, des scientifiques se sont penchés sur la validité de ce modèle. Celui-ci ne serait pas confirmé par les dernières recherches en éthologie cognitive et sociale menées chez le chien et dans le cadre de l’étude des relations interspécifiques (encadré 1). Quelles sont ces nouvelles données qui pourraient nous éclairer sur la relation homme-chien ?

LA NOTION DE HIÉRARCHIE DANS LES MODES DE GROUPEMENT DES ESPÈCES

1. Hiérarchie et concept de relation de dominance/subordination

Le concept de hiérarchie est utilisé en éthologie pour décrire la distribution ordonnée des “droits et des devoirs” au sein d’un groupe d’animaux d’une même espèce sociale [20]. Les premières études concernant l’organisation sociale et la hiérarchie chez l’animal sont apparues avec la hiérarchie de becquetage. L’observation des poules domestiques par Schjelderup-Ebbe a mis en évidence un pecking order (en français, ordre de becquetage), classement dans lequel le rang d’un individu au sein du groupe est obtenu après un affrontement deux à deux [38]. Le vainqueur de cette compétition est appelé dominant, le perdant subordonné. Le concept de relation de dominance/subordination (D/S) répond à des critères précis (figure 1) :

– existence d’une interaction agonistique avec des comportements d’agression, d’évitement ou de soumission. À l’issue de celle-ci émergent un vainqueur et un vaincu, deux individus étant en compétition ;

– la relation de dominance/subordination entre deux individus d’une même espèce est un type de relation qui s’établit à partir de la répétition d’interactions agonistiques. Un individu devient dominant, l’autre subordonné (ou dominé) ;

– un facteur d’apprentissage peut intervenir : le résultat des interactions précédentes est prédictif de l’issue des interactions suivantes. La dominance est une “relation apprise” [2].

À l’issue de l’analyse de l’ensemble des relations de dominance/subordination entre chaque dyade d’individus au sein d’un groupe, il est possible de mettre en évidence une hiérarchie de dominance/subordination. Certains auteurs préfèrent même employer le terme de hiérarchie de subordination [37]. Nous allons utiliser le terme de hiérarchie de dominance/subordination (HDS).

→ La hiérarchie peut être linéaire : l’organisation des dyades fait apparaître une transitivité. Si A domine B et B domine C, alors A domine C. C’est le cas des poules.

→ La hiérarchie peut également être intransitive et circulaire (ou triangulaire). A domine B, B domine C et C domine A. Par exemple, chez les bovins, la hiérarchie au sein d’un groupe est à la fois linéaire et circulaire [6].

2. L’organisation sociale du loup

Le modèle linéaire de la hiérarchie de D/S a initialement été appliqué aux loups à la suite d’observations d’animaux captifs (photo 1) [47]. Mais les travaux de Mech sur le loup sauvage ne confirment pas ces données largement répandues [25]. En réalité, l’organisation des meutes non captives est sensiblement différente et se compose d’une cellule familiale constituée des parents, du couple reproducteur et de leurs descendants nés durant les 2 à 3 années précédentes (photo 2) [45]. Au sein de la meute, les individus sont donc apparentés et le système familial est fondé sur la coopération, les jeunes animaux issus des portées précédentes aidant aux soins parentaux et à la chasse. Ces derniers se dispersent à l’âge adulte et cherchent d’autres congénères à des fins de reproduction pour constituer une nouvelle meute. Les parents, reproducteurs et dominants, reçoivent des comportements de soumission spontanés de ces jeunes loups [25]. De plus, la hiérarchie est circulaire (figure 2).

LA SOCIALITÉ DU CHIEN DOMESTIQUE

1. La domestication : le passage du loup au chien

La domestication du chien est complexe, mais commence à être mieux connue. La domestication est le processus par lequel une population animale s’adapte à l’homme et à un environnement de captivité par des changements génétiques [32]. Les données archéologiques et génétiques montrent que le loup gris (Canis lupus) est l’ancêtre du chien domestique (Canis familiaris). Cependant, la pression de sélection par l’homme a conduit à des disparités phénotypiques et comportementales majeures. L’estimation actuelle de la domestication du chien est, d’au minimum, 15 000 ans (photo 3) [30]. C’est de très loin la première espèce domestiquée, et ce avant même la sédentarisation de l’homme. Sous la pression de sélection artificielle, les relations sociales observées chez le chien ne peuvent donc être identiques à celles observées chez le loup, comme le montrent un certain nombre d’études que nous allons détailler.

2. Études sur les chiens féraux

Les études de Boitani et Ciucci se sont intéressées à une population de chiens qui vivent en liberté en Italie [3]. Ces travaux ont permis de faire émerger des différences importantes entre les structures sociales des chiens et des loups qui évoluent sur une même zone géographique. Les unités sociales des chiens féraux ne fonctionnent pas comme les meutes de loups. Ces auteurs recommandent d’ailleurs de ne pas utiliser le terme de meute (qui correspond à une unité familiale avec un couple reproducteur monogame et ses descendants) pour décrire les groupes sociaux de chiens. Contrairement aux loups, les chiens se regroupent sans organisation particulière car les individus du groupe sont le plus souvent non apparentés. Cela affecte directement la taille potentielle du groupe, le système de reproduction et l’efficacité de cet ensemble en tant qu’unité fonctionnelle (chasse, défense du territoire, soins aux jeunes). La structure sociale comprenant plusieurs couples reproducteurs qui ne sont pas forcément apparentés n’autorise pas un mécanisme efficace de régulation de la population selon les conditions environnementales. Les comportements sociaux des chiens ne leur permettent pas d’être suffisamment efficients dans des activités de groupe. Il en résulte une faible habileté à la chasse, une limite dans la taille des proies chassées, des soins alloparentaux peu développés, voire absents, et, indirectement, une dépendance alimentaire et spatiale vis-à-vis des hommes [3]. Bien que quelques différences dans d’autres groupes de chiens féraux soient observées en Inde, en Italie ou en Éthiopie, les auteurs aboutissent tous à la même conclusion : le chien n’est plus un loup, ni dans sa structure et son organisation sociales, ni dans ses comportements individuels (photos 4 et 5) [24, 28, 29].

3. Organisation et relations sociales du chien

En raison des difficultés méthodologiques, très peu d’études scientifiques existent concernant les relations intraspécifiques du chien domestique et la hiérarchie de D/S au sein de groupes d’individus. Une étude réalisée par Bradshaw concerne un groupe de 19 chiens castrés, choisis pour que les interactions agressives soient observées en dehors d’un contexte reproducteur [7]. Les comportements en situation de compétition ont été classés en comportements de type “confiant” (grogne, morsure inhibée, se tient au-dessus de l’autre chien, regard fixe, monte, poursuit, aboie en direction de l’autre chien) et de type “soumis” (évite, lèche, bâille, fuit devant l’autre animal). L’analyse des interactions entre paires de chiens fait apparaître plusieurs éléments.

→ Selon les individus, l’auteur distingue trois tendances dans les relations sociales : des chiens qui interagissent très peu avec les autres et cherchent à les éviter, des chiens qui affichent plus de comportements de type “soumis” que de type “confiant” et, inversement, des individus exprimant davantage de comportements de type “confiant”.

→ Au sein du groupe étudié, aucune structure hiérarchique n’a pu être mise en évidence. En effet, pour certaines dyades, aucune relation de D/S n’a pu être montrée, les interactions n’étant pas asymétriques ou trop peu nombreuses. Aucun chien n’apparaît ainsi comme constamment dominant.

→ Les relations semblent s’instaurer par dyade, sans aucune structure hiérarchique prépondérante. Bradshaw en conclut que la hiérarchie de D/S n’est pas applicable aux groupes de chiens car ils sont structurés uniquement par de simples relations entre certaines dyades.

Afin d’expliquer les relations entre paires, Bradshaw avance donc l’hypothèse que la valeur de la ressource et un apprentissage associatif sont deux éléments suffisants pour expliquer l’organisation de groupes de chiens, sans faire référence à la hiérarchie de D/S.

RELATION INTERSPÉCIFIQUE HOMME-CHIEN

1. Capacités cognitives du chien en lien avec la relation homme-chien

→ Les chiens domestiques sont très sensibles aux indices émis par l’homme (indices visuels par les postures, les mouvements, les expressions faciales ou indices vocaux par le langage, les intonations) (photo 6). La majorité des études qui comparent les capacités des chiens et des loups à suivre les indices fournis par un homme montrent que les chiens de compagnie sont plus performants pour les indices de pointage (l’homme indique un objet, un endroit précis en tendant son index) [15, 16]. Lorsque des chiens et des loups sont exposés à une même expérience de familiarisation vis-à-vis de l’homme, les réponses des premiers à ses indices (de pointage, de suivi du regard, etc.) sont plus performantes et plus précoces [13, 26, 36]. De plus, à la différence du loup, le chien se retourne vers l’homme lorsqu’il fait face à une situation impossible à résoudre, dès le plus jeune âge [18, 31]. Cette capacité des chiens à être attentifs, à rechercher et à utiliser les indices que son maître lui fournit serait une des conséquences du processus de domestication.

→ Cette sensibilité aux indices fournis (intentionnellement ou non par l’homme) est tellement prononcée chez le chien qu’elle peut être une source d’erreur potentielle dans la résolution d’un problème auquel il est confronté (comme choisir entre deux boîtes dont une seule contient de la nourriture). En effet, les chiens et les loups élevés à la main se comportent différemment lorsque des informations contradictoires leur parviennent. Les chiens donnent plus d’importance aux indices fournis par l’homme qu’à ceux issus de leur propre perception ou expérience. Par exemple, dans l’étude de Szeitei, alors que les chiens parviennent à choisir la boîte contenant la récompense en utilisant des indices olfactifs et/ou visuels, ils se font en revanche berner lorsqu’un homme est présent et pointe la mauvaise boîte [44]. Les loups ne sont, eux, pas influencés par l’homme lorsqu’ils effectuent un choix [12].

→ D’autres recherches soulignent la singularité des chiens dans leur analyse des comportements, des postures, de la présence et de la direction du regard de l’homme. Par exemple, les chiens agissent différemment selon que l’homme les regarde ou non [9]. Notre présence et notre regard influencent leur motivation à suivre un ordre. Si au cours d’expériences la consigne de rester couché est donnée à des chiens, ils se couchent plus souvent ou plus longtemps lorsqu’ils voient les yeux de l’expérimentateur et, au contraire, tendent à désobéir si ce dernier est occupé à lire, a la tête ou le dos tourné, ou s’il n’est plus dans la pièce [39]. Les recherches récentes en éthologie cognitive ont également mis en évidence que les chiens étaient capables de reconnaître les visages humains uniquement par les traits du visage, d’associer la voix de leur propriétaire à leur visage, de reconnaître les expressions faciales et les émotions de l’homme, et d’adapter leur comportement selon les émotions de ce dernier [1, 11, 14, 27, 33, 34]. Les chiens domestiques, vivant au contact étroit de l’homme et qui dépendent de nous pour leur survie, peuvent également utiliser nos expressions faciales comme indices pour prendre une décision. Par exemple, si un expérimentateur prend un air dégoûté ou joyeux en découvrant le contenu respectif de deux boîtes, le chien va s’orienter préférentiellement vers celle qui est associée à un visage joyeux [8].

→ De plus, les chiens sont capables d’analyser, par observation, les comportements d’un homme en interaction avec un congénère, ainsi que leurs conséquences. Ils sont, par exemple, sensibles à l’inégalité ou à la quantité des récompenses fournies par un expérimentateur en réponse à un comportement produit par un congénère [19, 35]. S’il se montre injuste avec un congénère (pas de récompense après une consigne obéie), le chien observateur va moins répondre à l’expérimentateur [35]. De plus, si un expérimentateur est moins généreux dans ses récompenses, il va être choisi (approché) plus rarement par les chiens observateurs [19].

→ Un tel processus de domestication particulièrement ancien a entraîné des adaptations dans les comportements du chien et dans ses capacités à s’informer auprès de l’homme en détectant et en utilisant ses signaux de communication, mais aussi l’expression de ses émotions.

2. Pourquoi n’est-il pas possible d’utiliser la notion intraspécifique de hiérarchie de D/S pour expliquer la relation interspécifique entre Homo sapiens et Canis familiaris ?

Pour définir la relation qui s’établit entre l’homme et le chien, le concept de HDS (associé à celui de famille-meute) est communément utilisé. Or, sur le plan éthologique, la relation interspécifique ne peut être décrite d’après la hiérarchie de D/S intraspécifique (encadré 2). Cette dernière permet de structurer le groupe et de limiter les conflits en situation de compétition (pour une ressource alimentaire, un partenaire sexuel). Le caractère interspécifique de la relation homme-chien exclut de fait toute compétition entre les deux espèces, l’origine de la domestication étant au contraire une réelle symbiose entre les deux [10]. L’homme subvient en effet aux besoins des espèces domestiques (ressources alimentaires, abris, etc.) et, en même temps, ne se trouve pas en compétition avec ces espèces pour l’accès aux partenaires sexuels !

Alors, comment décrire la relation homme-chien ? Deux grandes hypothèses sont actuellement avancées.

3. La relation homme-chien : leadership

→ Une des hypothèses pour décrire cette relation homme-chien serait l’existence d’un leadership de l’homme sur le chien [46]. La notion fait appel à celle de recrutement d’individus au sein d’un groupe. Ce mécanisme a été montré à la fois chez l’homme et dans plusieurs espèces animales [21]. L’animal leader est celui qui déclenche un déplacement, ou celui qui est placé en tête lors de ce déplacement. Contrairement à la notion de dominance/subordination, qui est liée à l’organisation sociale d’un groupe, le leadership fait référence à un rôle social de plusieurs individus au sein du groupe. Le leadership permet d’adapter la vie du groupe à son environnement, cela excluant la notion de compétition pour faire émerger celle de coopération en vue d’une exploitation optimale du milieu. Ainsi, cette notion de leadership (même si elle n’est pas encore étayée scientifiquement entre l’homme et le chien) est compatible avec les relations interspécifiques. Le leadership interspécifique a notamment été démontré concernant les déplacements de deux espèces de tamarins ou la recherche alimentaire au sein de groupes mixtes d’oiseaux, potentialisant celle-ci [42, 43]. Ainsi l’homme, en menant le chien à ces différentes ressources et en les offrant en récompense après l’exécution d’un comportement demandé, pourrait se placer en position de leader [46]. L’animal suivrait les indications de l’homme puisqu’elles conduisent aux ressources et aux récompenses.

→ Dès lors que la notion de leadership est applicable aux relations interspécifiques, qu’est-il possible de connaître de cette notion chez le chien ? Actuellement, une seule étude en Italie s’est intéressée au leadership au sein de groupes de chiens féraux, en étudiant la distribution des individus au cours des déplacements. Il en ressort deux résultats importants [5]. D’une part, le leadership n’appartient pas à un seul membre du groupe : un petit nombre d’animaux peuvent être leaders. D’autre part, les individus leaders sont des animaux plutôt âgés, occupant une position centrale dans le groupe, qui possèdent le plus d’alliances et ont le plus d’interactions affines avec les autres membres.

En l’état actuel des connaissances, aucune étude ne montre l’existence d’un leadership homme-chien. Cependant, si le recrutement par leadership est retenu pour décrire des relations interspécifiques, il apparaîtrait ainsi fondé clairement sur les affinités entre les individus.

4. La relation homme-chien : équilibre entre interactions positives, négatives et neutres

Une autre hypothèse évoquée actuellement et décrite chez les animaux de rente pour définir la relation homme-animal est la balance de la somme des interactions positives, négatives et neutres entre l’homme et l’animal [4]. Les travaux de recherche chez les animaux de rente et le cheval sont à ce jour plus avancés car les effets du stress lié à une relation homme-animal de mauvaise qualité se révèlent délétères pour la productivité des élevages ou les performances sportives des chevaux [17, 23]. Pour Boivin et coll., « c’est l’ensemble de ces interactions (positives, négatives et neutres) qui module la perception qu’a l’animal de l’homme et réciproquement, et qui permet de construire la relation entre les individus. En effet, chacun des partenaires de cette relation identifie et adapte en conséquence son comportement à l’autre, voire aux autres, par discrimination et généralisation. Il existe une mémoire des interactions. Dès lors, que ce soit pour les partenaires de ces interactions répétées mais aussi pour un observateur extérieur qui les suit sur la durée, il apparaît possible de prévoir l’issue des futures interactions » [4]. De plus, il a été montré que la distance de fuite moyenne des animaux dans une ferme est corrélée négativement avec la proportion de contacts positifs (caresses, paroles calmes) que les hommes leur donnent [22]. L’application de cette balance positive/négative à la relation homme-chien est donc envisageable (figure 3). Ainsi, en tenant compte des capacités cognitives développées du chien, ce concept explique pourquoi, au sein d’un groupe familial, un chien peut agresser uniquement un membre de la famille. C’est celui avec lequel la somme des interactions négatives (menaces, agressions, coups, punitions) excède celle des interactions positives (photo 8).

Conclusion

La relation interspécifique homme-chien reste encore à étudier afin de la décrypter dans son ensemble. Cependant, une explication du type DS, qui fait référence à une structure de famille-meute, doit être reconsidérée.

Pour les théories émergentes (leadership ou somme des interactions) les interactions positives (relations affines) seraient les fondements de cette relation.

Dès lors, en présence de comportements d’agression d’un chien vis-à-vis de l’homme, il semble primordial d’analyser à la fois la motivation de l’animal et son expérience vécue au travers de ses apprentissages avec l’homme. L’un des éléments clés dans l’analyse de la relation homme-chien serait la somme de l’ensemble des interactions positives garantes d’une relation de bonne qualité. Maîtriser ces différents concepts (relations intraspécifiques de D/S, leadership, relations interspécifiques, apprentissages) permettrait au clinicien de mieux comprendre les agressions du chien envers l’homme et de conseiller au mieux les propriétaires afin d’améliorer leur relation avec leur chien.

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Conflit d’intérêts

Aucun.

ENCADRÉ 1
Définitions

→ Affine : qualifie une interaction affiliative, amicale, de tolérance et de proximité, entre deux individus et inclut les comportements de léchage, les frottements, le toilettage.

→ Agonistique : définit une interaction négative en situation de compétition et inclut les comportements d’agression, d’évitement et de soumission.

→ Chiens féraux : chiens retournés à l’état sauvage, vivant sans interactions avec l’homme.

→ Dyade : deux individus (d’une même espèce ou de deux espèces différentes) interagissant entre eux.

→ Espèce sociale : espèce présentant tous les critères de socialité : la stabilité temporelle, la cohésion spatiale, la communication et la coordination des activités, la reconnaissance des membres du groupe et la discrimination des non-membres.

→ Éthologie cognitive : branche de l’éthologie étudiant la cognition.

→ Cognition : ensemble des mécanismes psychologiques par lesquels un individu acquiert, traite, mémorise et utilise les informations de l’environnement [41].

→ Groupe social : groupe d’individus d’une même espèce appartenant à une espèce sociale, formant un système dont les éléments sont les membres du groupe, conspécifiques et dont les relations sont les liaisons entre les membres.

→ Ressource :denrées, éléments ou services consommables servant à alimenter le métabolisme (eau, alimentation, etc.), à fournir les espaces nécessaires aux activités (reproduction, repos, etc.) et à laisser une descendance (partenaire sexuel).

Points forts

→ La hiérarchie de dominance/subordination est fondée sur les relations agonistiques (menaces, agressions, évitement, soumission) entre individus.

→ En confrontant la théorie de la hiérarchie de dominance/subordination aux observations des chiens féraux et domestiques, ce concept ne semble pas approprié pour décrire les relations sociales au sein des groupes de chiens. La valeur de la ressource, associée à un apprentissage associatif, peut être suffisante pour décrire les relations sociales chez le chien.

→ La hiérarchie de dominance/subordination décrit une relation intraspécifique.

→ La domestication a permis au chien d’acquérir les compétences cognitives pour comprendre et utiliser les signaux émis par l’homme.

→ Deux nouvelles hypothèses permettraient de décrire la relation homme-chien : le leadership et la balance de la somme des interactions positives, négatives et neutres. Pour ces théories émergentes, les interactions affines ou positives seraient les fondements de la relation homme-chien.

ENCADRÉ 2
Décryptage d’un mauvais conseil

« L’homme doit “montrer au chien qu’il est le dominant”, par exemple en l’obligeant à se placer sur le dos, comme le loup subordonné face au dominant » (photo 7).

Ce mauvais conseil cumule plusieurs idées fausses.

• L’animal dominant au sein du groupe est plus agressif. Il oblige les subordonnés à se soumettre.

→ Faux : les subordonnés se soumettent spontanément au dominant, sans agressivité de la part du dominant.

• La hiérarchie de dominant/subordonné chez le loup est linéaire.

→ Faux : elle est circulaire.

• La structure sociale, l’organisation sociale et la hiérarchie de dominant/subordonné du loup et du chien sont comparables.

→ Faux : elles sont totalement différentes.

• Le concept intraspécifique de hiérarchie de dominant/subordonné peut s’appliquer à la relation interspécifique.

→ Faux : la hiérarchie de dominant/subordonné structure le groupe en cas de compétition d’accès à une ressource.

Loin de résoudre d’éventuels soucis de communication ou de relation entre le propriétaire et le chien, ce type de conseil favorise la multiplication d’interactions négatives et une relation de mauvaise qualité pouvant être à l’origine d’agressions.

REMERCIEMENTS

À Anne Le Gorrec, Alexandra Thormählen, Anaïs Racca, Annette Deschamps pour leurs photos, et aux professeurs Bertrand Deputte et Henri Brugère pour leur relecture bienveillante.

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