La desmocolline 1, un auto-allergène majeur du pemphigus foliacé canin ? - Le Point Vétérinaire expert canin n° 329 du 01/10/2012
Le Point Vétérinaire expert canin n° 329 du 01/10/2012

MALADIES AUTO-IMMUNES CANINES

Analyse d’article

Auteur(s) : Catherine Laffort

Fonctions : Clinique vétérinaire
8, boulevard Godard
33000 Bordeaux

Le pemphigus foliacé (PF) est une dermatose auto-immune peu fréquente chez l’homme et les animaux domestiques [6, 10].

LE PEMPHIGUS FOLIACÉ CHEZ LE CHIEN

Contrairement à la maladie humaine dans laquelle les lésions primaires sont des vésicules, chez le chien, le pemphigus foliacé est initialement une dermatose pustuleuse. Ces pustules sont souvent de grande taille, irrégulières, et peuvent avoir une distribution circulaire, polycyclique ou serpigineuse. Généralement, elles sont transitoires évoluant vers la formation de croûtes et d’érosions, et s’accompagnent souvent de prurit. Les lésions sont plus fréquemment localisées sur la face (chanfrein, pavillon auriculaire et la zone péri-oculaire), les membres et les extrémités. Dans de nombreux cas, les lésions se généralisent à l’ensemble du tégument cutané en quelques semaines à quelques mois [6, 10].

L’examen cytologique permet de mettre en évidence le phénomène d’acantholyse, évocateur d’un pemphigus superficiel [6, 10]. Les lésions histopathologiques du pemphigus foliacé sont considérées comme caractéristiques [2]. Cependant d’autres maladies peuvent provoquer une acantholyse (dermatophytie à Trichophyton spp., infections bactériennes, leishmaniose).

La corticothérapie par voie orale est généralement considérée comme le traitement de première intention. Les nombreux effets secondaires liés à l’utilisation des corticoïdes à haute dose et à long terme nécessitent la mise en place rapide d’un traitement d’entretien moins toxique. La corticothérapie à jours alternés est souvent utilisée, mais d’autres possibilités ont aussi été recommandées [6, 10].

L’étiologie du pemphigus chez le chien est encore inconnue. Il pourrait être déclenché par des maladies inflammatoires chroniques, une exposition aux ultraviolets, la leishmaniose, l’action de certaines bactéries et dermatophytes [6, 10]. Des cas de pemphigus ne rechutant pas après l’arrêt du traitement ont été décrits [7, 8, 15]. Le pemphigus foliacé, chez le chien, est sans doute un “patron réactionnel” qui résulte de divers mécanismes étiopathogéniques [10].

AUTO-ANTICORPS

Chez l’homme, des auto-anticorps sont dirigés contre des glycoprotéines desmosomales, les cadhérines, ce qui entraîne une perte de l’adhérence intercellulaire des kératinocytes. Cela se traduit, lors de l’examen histopathologique de biopsies cutanées, par la formation de bulles intra-épidermiques qui contiennent des kératinocytes acantholysés, ainsi que la présence de kératinocytes dyskératosiques dans les couches superficielles de l’épiderme. La desmogléine 1 est l’auto-antigène reconnu par les anticorps du pemphigus foliacé humain [12].

Chez le chien, des auto-anticorps circulants dirigés contre la surface des kératinocytes ont été identifiés par immunofluorescence indirecte sur des coupes d’épithélium normal ou sur des cultures cellulaires de kératinocytes canins dès les années 1980 [4]. L’apparente faible sensibilité de cette technique a cependant longtemps limité son utilisation. Ces résultats variables ont depuis été expliqués par la nature du substrat utilisé. Celle-ci est en effet le critère principal qui influence la sensibilité et la spécificité de l’immunofluorescence indirecte [11]. Dans les premiers essais, l’œsophage de singe et la lèvre de chien étaient utilisés, puis l’œsophage bovin, différentes cultures de kératinocytes, la peau de souris néonatale ont permis progressivement d’améliorer la sensibilité et la spécificité de l’immunofluorescence indirecte. Récemment, l’intérêt de la peau de coussinet de chien sain a été démontré [5]. Dans l’étude choisie, l’utilisation de cellules humaines transfectées par le gène cDCS1 permet de détecter spécifiquement les anticorps dirigés contre cette cadhérine membranaire dans le sérum de chiens malades. Différents essais préliminaires à cette détection (immunofluorescence indirecte, western blot, immuno-absorption) ont permis de valider l’expression de la protéine à la surface des cellules transfectées. Cette culture cellulaire transfectée utilisée comme substrat permet encore d’améliorer la sensibilité de l’immunofluorescence indirecte dans le dépistage des chiens malades par rapport au coussinet de chien sain.

Les premières études réalisées en immunoblot avaient montré que les IgG sériques de chiens atteints de PF reconnaissaient, sur des extraits de kératinocytes canins, un antigène de 148 ou 160 Kd supposé être l’homologue canin de la Dsg1 humaine [4, 13]. Cependant, une étude postérieure a démontré que des IgG dirigées contre la partie extracellulaire de la Dsg1 canine étaient présentes dans le sérum de 6 % des chiens atteints seulement et que cette Dsg1 canine n’était donc pas un antigène majeur du pemphigus foliacé canin [9]. En 2009, Yabuzoe et coll. ont démontré par des études ultrastructurales que les antigènes du pemphigus foliacé canin étaient localisés au sein des desmosomes [14]. Parallèlement, en 2011, Bizikova et coll. ont cartographié les principales protéines des desmosomes et des structures adjacentes, et comparé leur distribution avec les profils de marquage en immunofluorescence indirecte des IgG présentes dans le sérum de chiens atteints de PF. Quatre-vingts pour cent des sérums étaient à l’origine d’un marquage en IIF semblable à celui de la desmocolline 1 [1]. En médecine humaine, de rares patients atteints de formes de pemphigus foliacé atypiques présentent des anticorps (IgA et IgG) dirigés contre certaines desmocollines, en particulier la desmocolline 1.

Chez ces malades, contrairement à ce qui est observé dans la majorité des cas de pemphigus foliacé humain, la formation des vésicules s’accompagne d’une infiltration neutrophilique. Cela conduit à l’apparition de pustules. La desmocolline 1 est par ailleurs un auto-antigène majeur de la dermatose pustuleuse sous-cornée à IgA [3].

Conclusion

Les résultats de l’étude choisie ont été présentés au Congrès mondial de dermatologie vétérinaire en juillet 2012 et sont en cours de publication. Ils viennent conforter l’hypothèse de l’implication de la cDSC1 comme antigène du cPF, il pourrait même s’agir d’un antigène majeur car 81 % des chiens atteints ont des anticorps dirigés contre cette protéine. Le taux de ces anticorps a diminué en cours de traitement, parallèlement à l’amélioration clinique chez 7 chiens sur 10. Cela est un élément en faveur de l’implication réelle de ces anticorps dans le développement de la maladie, même si leur action pathogénique reste à démontrer.

La majorité des chiens atteints de pemphigus foliacé possèdent des auto-anticorps dirigés contre une protéine desmosomale, la desmo-colline 1

Références

  • 1. Bizikova P, Linder KE, Olivry T. Immunomapping of desmosomal and nondesmosomal adhesion molecules in healthy canine footpad, haired skin and buccal mucosal epithelia : comparison with canine pemphigus foliaceus serum immunoglobulin G staining patterns. Vet. Dermatol . 2011 ; 22 : 132-42.
  • 2. Gross TL, Ihrke PJ, Walder EJ et coll. Skin diseases of the dog and cat. Clinical and histopathological diagnosis. 2nd Ed. Blackwell Publishing, London. 2005 : 932 p.
  • 3. Heng A, Nwaneshiudu A, Hashimoto T et coll. Intraepidermal neutrophilic IgA/IgG antidesmocollin 1 pemphigus. Br. J. Dermatol . 2006 ; 154 : 998-1023.
  • 4. Iwasaki T et coll. Detection of canine pemphigus foliaceus autoantigen by immunoblotting. Vet. Immunol. Immunopathol . 1997 ; 59 : 1-10.
  • 5. Lennon EM, Dunston SM, Olivry T. Immunological heterogeneity of canine pemphigus foliaceus : I– variability of indirect immunofluorescence patterns (abstract). Vet.Dermatol . 2006 ; 17 : 216.
  • 6. Muller RS et coll. Pemphigus foliaceus in 91 dogs. J. Am. Anim. Hosp. Assoc. 2006 ; 42 : 189-196.
  • 7. Oberkirchner U, Linder KE, Dunston S et coll. Metaflumizone-amitraz (Promeris)-associated pustular acantholytic dermatitis in 22 dogs : evidence suggests contact drug-triggered pemphigus foliaceus. Vet. Dermatol . 2011 ; 22 : 436-48
  • 8. Olivry T, Bergvall KE, Atlee B. Prolonged remission after immunosuppressive therapy in six dogs with pemphigus foliaceus. Vet. Dermatol . 2004 ; 15 : 245-252.
  • 9. Olivry T et coll. Desmoglein-1 is a minor autoantigen in dogs with pemphigus foliaceus. Vet. Immunol. Immunopathol . 2006 ; 110 : 245-255.
  • 10. Olivry T. A review of autoimmune skin diseases in domestic animals : I 6 Superficial Pemphigus. Vet. Dermatol . 2006 ; 17 : 291-305.
  • 11. Olivry T, Dunston SM, Walker RH et coll. Investigations on the nature and pathogenicity of circulating antikeratinocyte antibodies in dogs with pemphigus foliaceus. Vet. Dermatol . 2009 ; 20 : 42-50.
  • 12. Schwartz RA, Majewski S. Pemphigus foliaceus (last update : 15 May 2012). http://emedcine.com/DERM/topic318.htm (last accessed : sep 7, 2012).
  • 13. Suter M, Ziegra CJ, Cayattes et coll. Identification of canine pemphigus antigens, In : Advances in veterinary dermatology. Ihrke PJ, Mason IS, White SD. Ed. Pergamon Press, Osford. 1993 ; 2 : 367-380.
  • 14. Yabuzoe et coll. Canine pemphigus foliaceus antigen is localized within desmosomes of keratinocytes. Vet. Immunol. Immunopathol . 2009 ; 127(1-2): 57-64.
  • 15. White SD et coll. Putative drug-related pemphigus foliaceus in four dogs. Vet. Dermatol . 2002 ; 13 : 195-202.

RÉSUMÉ

OBJECTIF

Déterminer si la desmocolline1 (cDSC1) est un antigène cible du pemphigus foliacé canin (cPF)

MÉTHODE

Le gène de la cDSC1 a été cloné, puis transfecté à des cellules humaines embryonnaires de rein 293T afin qu’elles expriment cette molécule à leur surface. La présence d’anticorps dirigés contre la cDSC1 dans le sérum de 85 chiens souffrant de cPF, 35 chiens sains, 21 chiens atteints de dermatose auto-immune bulleuse autre que le cPF et 8 chiens présentant une pyodermite exfoliative superficielle a été testée par immunofluorescence indirecte (IIF) sur culture de cellules vivantes 293T transfectées ou non, immunoblotting et immuno-absorption. Des échantillons sériques ont été collectés chez 10 chiens atteints de cPF avant et pendant le traitement pour suivre la corrélation entre les taux d’IgG anti-DSC1 et la sévérité de la maladie.

RÉSULTATS

• Le gène cloné code pour un polypeptide de 842 acides aminés qui correspond au variant b de DSC1. L’expression de cDSC1 par les cellules 293T a été confirmée par immunoblotting et IIF à l’aide d’un panel d’Ac et de sérums de patients humains contenant des IgA anti-DSC1.

• Sur culture de cellules 293T transfectées, aucun marquage n’a été détecté en IIF avec le sérum de chiens sains ou de chiens atteints de pyodermite exfoliative superficielle. 64 sur 85 sérums des chiens atteints de cPF contenaient des taux détectables d’IgG anti-DCS1, 5 sur 85 contenaient également des IgG anti-DSG1, 1 sur 85 seulement des IgG anti-DSG1. Aucun de ces sérums ne marquaient les cellules non transfectées. 5 sur 21 des sérums de chiens atteints de dermatoses auto-immunes non PF contenaient un titre faible d’IgG anti-DSC1. Chez 7 sur 10 des chiens pour lesquels du sérum avait été collecté au cours du traitement, une diminution des taux d’IgG anti-DSC1 était observée parallèlement à la régression des signes cliniques.

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