GÉNÉTIQUE FÉLINE
Article de synthèse
Auteur(s) : Pauline Fick*, Anne Gogny**
Fonctions :
*Clinique des animaux de compagnie
**Service hospitalier de reproduction
des animaux de compagnie
Centre hospitalier
universitaire vétérinaire
École nationale vétérinaire,
agroalimentaire et de l’alimentation
Nantes Atlantique-Oniris
BP 40706, 44307 Nantes Cedex 3
Esthétiquement, les robes des chats sont importantes, ce qui explique l’intérêt de les prévoir. Médicalement, elles peuvent être associées à une anomalie.
En élevage félin, les standards de races n’incluent que certaines robes parmi lesquelles les robes singulières, plus rares, sont recherchées. Il est donc important de comprendre les attentes des éleveurs sur la couleur des chatons issus de leurs reproducteurs. De plus, certaines robes sont parfois associées à des anomalies. Il est donc préférable d’éviter de les sélectionner et de dépister rapidement les défauts qui y sont associés afin de prendre des mesures préventives.
Cet article explique comment prévoir la couleur des produits issus d’un croisement donné, à partir d’exemples représentatifs. Les anomalies associées à certaines robes sont détaillées.
Quatre couleurs typiques associées aux races suivantes (le british shorthair, le siamois, le maine coon et le ragdoll) servent d’exemples pour déterminer la couleur des produits issus d’un croisement connu.
Le chat british shorthair peut présenter toutes les robes. Lorsqu’il est bleu, le chat présente une couleur solide, bleue unie. Il possède donc un génotype B-, dd (avec le second allèle étant B, b ou b1) ; B étant dominant sur les autres mutations, les allèles b et b1ne se retrouvent pas dans le phénotype.
Lors de croisement de deux représentants de cette race présentant avec une robe bleue, soit B-, dd x B-, dd, au moins 75 % de chatons de phénotype identique à celui des géniteurs sont obtenus, donc bleus (de génotype B-, dd) (tableau 1). Les autres chatons sont lilas ou faon (de génotype bb1, dd, bb, dd ou b1b1, dd), si les deux reproducteurs sont hétérozygotes (non BB). Dans le cas contraire, tous les chatons de la portée sont bleus.
Le siamois est un chat colourpoint, chez lequel il existe de nombreuses robes pour lesquelles la dénomination anglaise est utilisée : le seal point (B-,D-), le chocolate point (bb, D-), le cinnamon point (b1b1, D-), le red point (XOY, ou XOXO, D-) et leurs versions diluées le blue point (B-, dd), le lilac point (bb, dd), le fawn point (blbl, dd) et le cream point (XOY ou XOXO, dd), pour les robes les plus simples. Il existe également des tabby, smoke. Ces chats sont tous mutés cscs au locus Color. Le croisement de deux chats colourpoint donne donc toujours des chats colourpoint, dont la couleur de robe est déterminée par les allèles des gènes B, O et D (tableau 2).
Les chats maine coon peuvent montrer toutes les robes, y compris la robe tabby. Pour la robe tabby tiquetée : si le chat est homozygote TiATiA, sa descendance est uniquement tabby tiquetée (de génotype TiA-) quel que soit le génotype de l’autre reproducteur, car l’allèle TiA du locus Ticked exerce un effet d’épistasie sur le locus Tabby et ne permet pas l’expression des allèles TaM et tab au phénotype.
Au contraire, chez un chat hétérozygote, les allèles récessifs peuvent s’exprimer et la descendance est plus variée (tableau 3).
Les chats ragdoll peuvent être colourpoint comme le siamois, ou particolores (van, arlequin ou bicolores). Cela dépend de la présence du facteur S. Les chats homozygotes SS, généralement arlequin ou van, ont plus de marques blanches que les hétérozygotes Ss, bicolores, mais d’autres facteurs (génétiques ou non ; des gènes modificateurs et l’environnement utérin sont supposés non génétiques) interviennent également. La reproduction entre chats particolores donne essentiellement des chats particolores (SS ou Ss), mais peut aussi aboutir à des chats sans panachure (ss), ce qui est le cas dans 25 % des produits de croisement de deux chats bicolores. Au contraire, le croisement de chats sans panachure avec des chats particolores peut donner des individus particolores, mais uniquement bicolores (tableau 4).
Il est possible d’identifier le génotype d’un animal donné en le croisant avec un autre chat, de façon à mettre en évidence les allèles récessifs, invisibles sur le phénotype. Ces croisements sont dits “croisements-tests”. Pour les éleveurs qui ne souhaitent pas en effectuer, il est possible de définir le génotype des reproducteurs pour les gènes de couleur et de patrons connus (tableau 5). Le laboratoire Genindexe (La Rochelle, France) propose le génotypage pour les locus Agouti, Black et Dilution et le laboratoire Antagene (Limonest, France) peut rechercher la mutation colourpoint sur le locus Color, ainsi que la mutation responsable de la couleur ambre chez le chat des forêts norvégiennes.
Les chats écaille de tortue et tricolore possèdent les deux allèles du locus Orange, O et o, portés par le chromosome X, ce qui implique la présence de deux chromosomes X [5]. Les robes écaille de tortue et tricolore devraient donc être retrouvées uniquement chez les chattes. Lorsqu’ils sont porteurs d’une anomalie du nombre de chromosomes X telle que le syndrome de Klinefelter (formule chromosomique de 39, XXY ou (38+n), XnY), les chats de phénotype mâle peuvent néanmoins présenter une robe écaille de tortue ou tricolore. Ce génotype est généralement associé à une stérilité. Toutefois, ce n’est pas toujours le cas car certains animaux sont des mosaïques, c’est-à-dire que toutes leurs cellules ne sont pas affectées par l’anomalie.
Les chats colourpoint, tels que les siamois, peuvent parfois présenter un strabisme convergent [3, 9]. Ce défaut est dû à une anomalie des voies optiques nerveuses présente chez tous les siamois. Il est la conséquence de la mutation sur le gène C, qui entraîne un déficit partiel en mélanine. Or celle-ci est indispensable au développement embryonnaire des neurones de la rétine vers le cerveau. Les anomalies de développement des voies visuelles sont associées à la perception d’une image incomplète. Si le cerveau ne peut effectuer une correction suffisante, les yeux convergent pour compenser, ce qui permet à l’animal d’obtenir une image interprétable, plus détaillée et en relief.
La surdité du chat blanc est liée à l’expression de l’allèle W [7, 8]. Toutefois, tous les chats blancs porteurs de l’allèle W ne sont pas sourds, et il semble que la surdité de ces animaux soit également associée à d’autres facteurs. Ainsi la fréquence de la surdité chez les chats blancs porteurs de l’allèle W est augmentée chez les animaux qui ont les deux yeux bleus, par rapport à ceux qui ont les yeux vairons (un œil bleu et un œil coloré) ou les deux yeux or à vert [1] (photo).
Selon le degré d’expression de l’allèle W, l’absence de mélanocytes dans la peau, dans les yeux et dans la cochlée est plus ou moins prononcée. Dans l’oreille, la transmission du signal auditif est conditionnée par une concentration élevée en potassium dans la cochlée. Or celle-ci est régulée par les mélanocytes cochléaires. Leur absence engendre la dégénérescence de la vascularisation de la cochlée, qui se traduit par l’établissement d’une surdité chez l’animal dans les 2 à 4 semaines après sa naissance.
L’albinisme vrai correspond à une anomalie organique : les mélanocytes sont présents, mais ne produisent pas de mélanine, donc pas de pigmentation [2]. Ainsi, la peau est rose, les poils sont donc blancs et les yeux bleu très pâle. Leur phénotype étant dû à une mutation du locus C, comme chez les chats à robe colourpoint, les albinos sont également sujets au strabisme. En effet, l’organisation de leur cortex visuel est anormale, notamment au niveau du noyau géniculé dorsal latéral [6].
Chez le chat albinos, la surdité du chat blanc n’est pas observée, car la couleur blanche est due alors à une absence de production de mélanine, mais les mélanocytes sont présents.
Connaître le support génétique des couleurs permet de prévoir le phénotype de la descendance lors d’un croisement donné. Afin d’obtenir les couleurs de produits souhaitées avec certitude, effectuer un génotypage des reproducteurs est possible afin de révéler les allèles non exprimés dans le phénotype. Cependant, des mutations peuvent se produire et aboutir à des robes non attendues ou avec des anomalies. Par exemple, la sélection de la mutation e au locus Extension a permis le maintien et la perpétuation de la couleur ambre chez le chat des forêts norvégiennes.
→ Chez un chat hétérozygote, les allèles récessifs ne sont pas visibles au phénotype, car ils sont masqués par l’allèle dominant.
→ Le croisement de chats hétérozygotes permet d’obtenir des robes plus variées qu’avec des chats homozygotes.
→ Le croisement de chats colourpoint donne toujours des chatons colourpoint.
→ Les chats écaille de tortue et tricolores ne sont pas toujours des femelles. Afin d’éviter les interventions inadaptées à leur sexe, il convient de toujours le vérifier au préalable.
→ La surdité du chat blanc est associée à la couleur des yeux : un chat avec deux yeux bleus aura plus de risque d’être sourd qu’un chat avec un ou aucun œil bleu.
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