Les greffes cutanées chez le chien - Le Point Vétérinaire expert canin n° 326 du 01/06/2012
Le Point Vétérinaire expert canin n° 326 du 01/06/2012

CHIRURGIE CANINE

Analyse d’article

Auteur(s) : Alexandre Caron

Fonctions : Fitzpatrick Referrals Ltd.,
Halfaway lane – Eashing,
Godalming,
GU72QQ
Surrey – United Kingdom

Les greffes cutanées, aussi appelées greffes cutanées libres, puisque dépourvues de toute attache, permettent le traitement de plaies pour lesquelles une fermeture directe ou un lambeau cutané ne sont pas adaptés. Ainsi, elles peuvent être intéressantes dans le traitement des plaies cutanées de la partie distale des membres ou lors de plaies extensives du tronc, comme dans le cas de plaies de brûlure, par exemple [2, 4]. Une greffe cutanée implique un segment d’épiderme et de derme libéré entièrement de toute attache du site dit donneur pour être transféré au site dit receveur. Une étape importante de la réalisation d’une greffe est le débridement du tissu sous-cutané de manière à exposer le derme, permettant les anastomoses vasculaires entre le site donneur et le site receveur [2, 4].

Le terme de peau totale signifie que l’épiderme et l’ensemble du derme sont greffés alors qu’une greffe partielle impliquerait le prélèvement de l’épiderme et d’une portion du derme seulement [2, 4].

La réalisation d’une greffe cutanée implique le prélèvement de la greffe et son traitement, la préparation du site receveur, la mise en place de la greffe et enfin la réalisation d’un pansement contentif et protecteur.

PRÉPARATION DE LA GREFFE

Dans le cas d’une greffe de peau totale, la peau est prélevée, et le tissu sous-cutané doit ensuite être disséqué afin de ne conserver que l’épiderme et le derme. Historiquement, cela est décrit au moyen de ciseaux ou d’une lame de scalpel. L’article résumé présente une nouvelle technique qui permet une préparation plus rapide. Le paramétrage de l’instrument permet en effet de sélectionner la quantité de tissu à débrider et offre ainsi une sécurité supplémentaire au chirurgien. Le gain de temps permet de limiter la période pendant laquelle la greffe est séparée de tout apport vasculaire, donc en ischémie. Bien que cette durée n’ait jamais été corrélée au taux d’échec des greffes cutanées, il paraît logique de penser qu’une durée limitée aide à la survie de cette dernière.

Les greffes peuvent être simples ou en filet. Pour la réalisation d’une greffe en filet, de multiples courtes incisions, en ligne, sont réalisées dans la greffe au moyen d’une lame de scalpel. Cela crée un aspect maillé et permet à la fois la couverture d’une surface de plaie plus importante, une adaptabilité plus grande au site receveur ainsi qu’un meilleur drainage, limitant le risque de décollement. L’utilisation d’une unité d’expansion spécifique permet la réalisation rapide et précise du maillage.

PRÉPARATION DU SITE RECEVEUR

Le site receveur doit être une plaie chirurgicale aiguë ou recouvert d’un tissu de granulation sain, la vascularisation de la greffe étant plus rapide dans la première situation [2]. Une greffe a peu de chances de survivre si la plaie est infectée, les tissus lésés ou lors d’ulcère chronique. La greffe de peau est déconseillée sur des tissus irradiés, sur un tissu de granulation chronique et peu vascularisé ainsi que sur du tissu osseux, nerveux, vasculaire ou tendineux. Les causes communes d’échec d’une greffe cutanée sont la présence d’une infection, de mouvement et la séparation du tissu greffé du site receveur (hématome, sérome, etc.) [2, 4].

RÉALISATION DE LA GREFFE

La mise en place de la greffe totale consiste à placer le tissu de greffe sur la plaie et à le maintenir en place au moyen de sutures cutanées périphériques, ou parfois centrales, afin de limiter le décollement. Le praticien peut réaliser une greffe dite en îlot pour laquelle des cavités sont formées au sein du site receveur et des fragments de peau du site donneur de tailles et de formes identiques aux cavités formées y sont insérés (biopsie punch, languette).

Un pansement protecteur, non adhérent, doit être appliqué. Il est changé régulièrement et laissé en place pendant 2 à 3 semaines, c’est-à-dire jusqu’à cicatrisation cutanée complète en cas de succès.

TECHNIQUE HYDRO-CHIRURGICALE

Le système hydro-chirurgical utilisé dans l’article résumé (Versajet®) est une nouvelle technologie opératoire qui utilise un flux de liquide (une solution de NaCl, par exemple) circulant à haute vitesse [5]. La très grande vitesse de ce flux crée un effet Venturi qui permet à l’opérateur de débrider et d’évacuer simultanément les débris tissulaires. Cet instrument a été initialement utilisé dans le débridement de plaie mais trouve également une application lors de la préparation de greffes totales de peau, permettant le retrait rapide et efficace du tissu sous-cutané.

Conclusion

La réussite d’une greffe cutanée totale est variable (49 à 100 % rapportés) [2]. Elle nécessite une préparation minutieuse, de manière à rassembler les conditions requises. Le débridement sous-cutané est une étape cruciale et la technique décrite dans l’étude résumée est une solution alternative intéressante aux techniques plus classiques. Mais cette méthode requiert du matériel (dermatome) adéquat.

Les techniques de greffe cutanée partielle donnent de meilleurs résultats que celles des greffes cutanées totales en termes de viabilité (89 % versus 58 %). Néanmoins, elles nécessitent également un matériel spécifique.

Les greffes de peau totale leur sont préférées en chirurgie vétérinaire pour leur simplicité mais aussi leur taux supérieur de follicules pileux conservés et le plus faible taux de contraction [2, 4].

Très peu d’études ont été réalisées sur les greffes de peau chez le chien au cours des 20 à 30 dernières années [1, 3, 5, 6]. La comparaison entre les différentes techniques de greffe cutanée est alors difficile, et beaucoup de concepts sont importés directement des connaissances de la médecine humaine.

Références

  • 1. Bhandal J, Langohr IM, Degner DA et coll. Histomorphometric analysis and regional variations of full thickness skin grafts in dogs. Vet. Surg. 2012.
  • 2. Bohling MW, Swaim SF. Skin grafts. In: Tobias K, Johnston S. Veterinary surgery: small animal. Ed. Elsevier, Philadelphia. 2012:1271-1790.
  • 3. Harris JE, Dhupa S. Treatment of degloving injuries with autogenous full thickness mesh scrotal free grafts. Vet. Comp. Orthop. Traumatol. 2008;21(4):378-381.
  • 4. Pavletic MM. Atlas of small animal wound management and reconstructive surgery, 3rd ed, Wiley-Blackwell, Oxford. 2010.
  • 5. Townsend FI 3rd, Ralphs SC, Coronado G et coll. Comparison of a new hydro-surgical technique to traditional methods for the preparation of full-thickness skin grafts from canine cadaveric skin and report of a single clinical case. Vet. Comp. Orthop. Traumatol. 2012;25(1):42-48.
  • 6. Wells S, Gottfried SD. Utilization of the scrotum as a full thickness skin graft in a dog. Can. Vet. J. 2010;51(11):1269-1273.

RÉSUMÉ

OBJECTIF

Comparer la technique classique et la technique hydro-chirurgicale pour la dissection sous-cutanée dans la préparation d’une greffe cutanée totale.

MÉTHODE

Étude sur 4 chiens morts et application à un cas clinique d’escarre sur la face cranio-médiale du jarret. Des segments de peau de 4 x 4 cm sont préparés selon trois méthodes différentes par le même chirurgien : débridement du tissu sous-cutané aux ciseaux (Metzenbaum), avec une lame de bistouri ou avec un instrument hydro-chirurgical (Versajet®). Un total de 36 greffes sont préparées. Une biopsie est réalisée dans deux tiers de celles-ci pour la réalisation d’une analyse histologique, permettant d’évaluer l’efficacité de la méthode de débridement, par comparaison avec un échantillon de peau non préparée.

RÉSULTATS

• Le temps de préparation de la greffe est significativement plus court lors de l’utilisation de l’instrument hydro-chirurgical que lors de celle de ciseaux ou d’une lame de bistouri (88 s versus 327 s versus 568 s). La différence n’est pas significative entre ces deux dernières techniques.

• La plupart des paramètres histologiques évalués ne démontrent pas de différence significative entre les trois techniques employées.

• Aucune différence significative n’est déterminée entre les trois techniques en ce qui concerne l’épaisseur de tissu sous-cutané toujours présent après débridement.

• Une escarre du tarse de 8 x 4 cm a été traitée à l’aide d’une greffe cutanée totale préparée avec l’instrument hydro-chirurgical. La greffe est complètement cicatrisée sans signe de rejet 21 jours après l’intervention. Aucune complication n’est observée.

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