Les carcinomes de la tête et du cou : comparaison entre les formes humaines, félines et canines - Le Point Vétérinaire expert canin n° 326 du 01/06/2012
Le Point Vétérinaire expert canin n° 326 du 01/06/2012

ONCOLOGIE COMPARÉE

Fiche

Auteur(s) : François Serres

Fonctions : Oncovet
Clinique des référés
Avenue Paul-Langevin
59650 Villeneuve-d’Ascq

Le chien et le chat constituent des modèles très proches des cancers des voies aéro-digestives supérieures.

Les carcinomes de la tête et du cou regroupent des tumeurs des voies aéro-digestives supérieures, de comportements biologiques similaires. Ce terme désigne toutes les tumeurs épithéliales dont le point de départ se situe dans les tissus ou les organes de la tête et du cou, à l’exception des yeux, des oreilles, du cerveau, de la thyroïde et de l’œsophage. Il s’agit le plus souvent (dans 90 à 95 % des cas) de carcinomes à cellules squameuses (ou carcinomes épidermoïdes). Ces tumeurs se caractérisent souvent par une évolution localement très agressive, associée à un comportement métastatique variable à élevé, avec un envahissement ganglionnaire local, la plupart du temps précoce et marqué. Le pronostic est essentiellement lié à la précocité du diagnostic et à l’agressivité des traitements réalisés. Le chien et le chat présentent des lésions également très profondes, pour lesquelles la démarche thérapeutique peut être améliorée.

Épidémiologie et éthiopathogénie

L’incidence annuelle des carcinomes de la tête et du cou chez l’homme est de 500 000 cas par an à l’échelle mondiale. Il existe une relation étroite entre ces tumeurs de la tête et du cou et la consommation de tabac (qui multiplie le risque par 5 à 25) et l’abus d’alcool. Les autres facteurs de risque évoqués sont une exposition solaire intense, l’inhalation de substances toxiques (amiante, sciure de bois et certaines vapeurs chimiques), une infection au papillomavirus (HPV-16), le virus d’Epstein-Barr ou une mauvaise hygiène buccale. Les localisations sont variables, avec notamment une prédisposition des carcinomes buccaux chez les populations européennes.

L’incidence des lésions carcinomateuses de la tête et du cou chez le chien et chez le chat est également très élevée. Elles constituent la deuxième tumeur buccale chez le chien (après le mélanome) et la première tumeur chez le chat [1, 2]. L’exposition aux agents toxiques environnementaux comme facteurs de risque a été également soulignée. Les chats tabagiques “passifs” présentent un risque doublé de développer un carcinome lingual. Ce type de cancer est également associé à l’emploi de colliers antipuces [3].

Les principales localisations observées pour ces tumeurs chez les carnivores domestiques sont buccales (chiens et chats), linguales (chez le chat davantage que chez le chien) et amygdaliennes (chez le chien davantage que chez le chat).

Diagnostic

La symptomatologie lors de la présentation est étroitement liée à la localisation de l’affection. Les localisations buccales rostrales sont souvent détectées alors qu’elles ne représentent qu’une gêne minime (visualisation directe par le propriétaire, parfois saignement buccal). À l’inverse, les localisations caudales sont associées à des signes plus marqués en raison d’une détection plus tardive (troubles de la déglutition, déformation de la face) (photo 1). En ce qui concerne les carcinomes amygdaliens, la plupart des cas observés chez le chien sont présentés à un stade avancé, la maladie étant détectée à la suite de l’apparition d’une adénopathie cervicale qui s’accompagne de troubles de la déglutition et d’une atteinte générale souvent marqués. Ces lésions sont souvent caractérisées par une grande différence entre la tumeur initiale, souvent petite, voire microscopique et asymptomatique, et des adénopathies associées, souvent majeures et responsables de troubles importants. Chez le chat, la plupart des animaux sont présentés pour une dysorexie (liée à une odynophagie souvent majeure), une halitose ou un défaut de toilette. Les lésions étant le plus souvent situées sur la face ventrale de la langue, elles ne sont visualisées que tardivement.

Le diagnostic repose sur la réalisation de cytoponctions ou de biopsies (photo 2). Le bilan d’extension local et pulmonaire fait le plus souvent appel à l’examen tomodensitométrique et se révèle indispensable pour adapter la démarche thérapeutique. Ce bilan permet d’établir le stade clinique (1). Une évolution métastatique systémique (notamment pulmonaire) apparaît dans 10 % des cas de carcinomes amygdaliens au diagnostic. Les autres localisations présentent plus rarement une évolution systémique.

Chez l’homme, les symptômes rapportés sont globalement similaires (visualisation d’une masse et/ou gêne fonctionnelle). La lésion est confirmée par des examens d’imagerie (imagerie par résonance magnétique, scanner) et l’examen histologique d’une biopsie (photo 3). La classification clinique est superposable à celle employée chez le chien. Le traçage du nœud lymphatique satellite constitue un élément fondamental de la démarche clinique et thérapeutique, l’objectif étant de retirer le maximum de nœuds lymphatiques potentiellement atteints par le processus tumoral. Cette démarche n’est pas encore proposée systématiquement chez le chien et le chat.

Évolution

Le pronostic dépend de nombreux paramètres. En effet, l’évolution et le choix du traitement dépendent essentiellement de l’extension de l’affection au moment du diagnostic, quelle que soit l’espèce.

La survie moyenne des patients humains atteints d’une forme récurrente de la maladie et/ou présentant des métastases est de 6 à 9 mois, lorsque des traitements de chirurgie/radiothérapie/chimiothérapie sont utilisés [5]. Le stade clinique et un patient fumeur sont des facteurs pronostiques majeurs. Chez le chien, selon la localisation de l’affection et son extension au diagnostic, la médiane de survie rapportée varie de plusieurs mois (lors de lésions linguales ou amygdaliennes, avec un taux de survie à un an inférieur à 10 %) à un an, voire davantage lors de tumeurs maxillaires ou mandibulaires traitées par chirurgie [4].

Chez le chat, en ce qui concerne les localisations linguales, la médiane de survie rapportée par la plupart des études est le plus souvent inférieure à 3 mois en raison de l’extension de la maladie et de son caractère symptomatique marqué dès le diagnostic.

Traitement de référence

Avec l’ajout de certaines thérapies ciblées (en particulier le cetuximab, un anticorps monoclonal qui cible le récepteur du facteur de croissance endothélial), en combinaison avec l’emploi de dérivés platinés ou de 5-FU, des durées de survie pouvant dépasser 10 mois sont rapportées chez l’homme [6]. La mise en place d’un traitement multimodal est encore insuffisante pour permettre un contrôle local et systémique satisfaisant pour les formes les plus agressives chez le chien et le chat. En l’absence de chirurgie réalisable, l’association de traitements d’irradiation palliative réalisés par voie externe ou intratumorale et de traitements de chimiothérapie (notamment de dérivés platinés) peut être proposée (photo 4). En ce qui concerne les carcinomes amygdaliens, une régression importante des lésions est observée dans 75 % des cas. L’association d’inhibiteurs de la cyclo-oxygénase 2 à ces traitements est prometteuse [7].

Les traitements d’avenir

Les modèles canins et félins de carcinomes épidermoïdes présentent de nombreux intérêts en pathologie comparée. Ils permettent l’emploi dans des conditions proches de l’affection humaine de nouvelles associations de thérapie multimodale et de nouvelles thérapies ciblées. En plus de l’étude de l’efficacité chez un animal aux “proportions” comparables à celles de l’homme, l’évaluation de sa qualité de vie et de l’impact esthétique et social du traitement est possible.

  • (1) Les stades 1, 2 et 3 correspondent à une tumeur non métastatique d’un diamètre inférieur à 2 cm, compris entre 2 et 4 cm ou supérieur à 4 cm. Le stade 4 est défini par une lésion qui présente des métastases locorégionales ganglionnaires ou systémiques.

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