Intussusception jéjuno-jéjunale chronique chez un chien adulte - Le Point Vétérinaire expert canin n° 326 du 01/06/2012
Le Point Vétérinaire expert canin n° 326 du 01/06/2012

PATHOLOGIE GASTRO-INTESTINALE CANINE

Cas clinique

Auteur(s) : Florence Vessières*, Aurélie Zahra**

Fonctions :
*École nationale vétérinaire de Toulouse
23, chemin des Capelles
31300 Toulouse
f.vessieres_08@envt.fr
**Clinique vétérinaire du Vernet
366, avenue de Labarthe
31810 Le Vernet
a.zahra@free.fr

L’intussusception jéjuno-jéjunale fait partie du diagnostic différentiel de la diarrhée chronique avec amaigrissement et dégradation de l’état général, chez le chien.

L’intussusception résulte du reploiement d’une portion du tractus intestinal dans la lumière d’une portion adjacente. Lorsque l’occlusion intestinale est partielle, elle se traduit dans certains cas par une diarrhée chronique associée à un amaigrissement sévère, sans autre signe clinique. Ainsi, l’intussusception doit faire partie du diagnostic différentiel de la diarrhée chronique chez le chien. Elle peut être mise en évidence par une échographie abdominale. Le diagnostic précoce d’une intussusception permet parfois sa réduction manuelle et, ainsi, le pronostic en est meilleur. Dans la majorité des cas, une entérectomie-anastomose doit être réalisée. L’une des complications postopératoires est le syndrome du grêle court en cas de nécessité d’une résection très étendue.

CAS CLINIQUE

1. Motif de consultation et commémoratifs

Un chien de race american staffordshire terrier âgé de 4 ans est référé pour un amaigrissement sévère associé à une diarrhée hémorragique, évoluant depuis 3 semaines. Il est correctement vacciné, mais non vermifugé. Il vit dans un chenil à la campagne avec d’autres chiens qui ne présentent aucun signe clinique. Il n’a pas d’antécédents de trouble digestif, ni d’une autre maladie depuis son acquisition à l’âge de 3 mois.

2. Anamnèse

Le chien a été présenté une première fois il y a moins de 1 mois chez son vétérinaire pour une diarrhée hémorragique survenue à la suite d’une course avec son maître. L’abattement brutal, l’hyperthermie (40 °C) et l’essoufflement laissent supposer un “coup de chaleur”. Un traitement à base de méthylprednisolone (Oro-Medrol®), d’amoxicilline (Amoxival®) et de phosphate d’aluminium (Phospaluvet®) est mis en place (posologies inconnues). Face à la dégradation de l’état général de l’animal, à l’apparition d’une cachexie et d’une anémie (hématocrite inférieur aux valeurs usuelles de l’espèce, valeur exacte inconnue) et à l’absence de réponse au traitement symptomatique, une transfusion de sang total est réalisée par le vétérinaire traitant. Ce traitement stabilise l’animal. Depuis, malgré une grande vivacité et un bon appétit, une diarrhée chronique associée à un méléna persiste. Les selles sont liquides à pâteuses, marron foncé à rougeâtres (photo 1). La fréquence de défécation n’est pas augmentée (deux ou trois fois par jour). L’amaigrissement se poursuit. Quelques régurgitations de croquettes suivent immédiatement la prise alimentaire, mais aucun vomissement n’est observé. Le chien est référé pour l’exploration de ces troubles digestifs.

3. Examen clinique

L’examen clinique à distance révèle une cachexie marquée avec un score corporel de 1/9. Le chien pèse aujourd’hui 20 kg, alors que son poids optimal était de 33 kg il y a 21 jours (photo 2). Son comportement est normal. Lors de l’examen clinique rapproché, l’animal est normotherme et déshydraté à 10 % (estimation délicate en raison de l’état de cachexie extrême de l’animal). La palpation abdominale déclenche des borborygmes et révèle une masse cylindrique dans l’abdomen moyen ventral, non douloureuse à la manipulation, qui semble appartenir au tube digestif. Le toucher rectal met du méléna en évidence.

4. Liste des anomalies

L’anomalie majeure de ce chien est une diarrhée chronique en présence de méléna et d’une masse, a priori intestinale, en région abdominale moyenne.

5. Hypothèses diagnostiques

Le diagnostic différentiel de la diarrhée chronique et le contexte épidémioclinique orientent vers un syndrome occlusif partiel en première hypothèse (corps étranger, intussusception, processus néoplasique) (tableau 1). Une affection primaire ou secondaire peuvent venir compliquer le tableau : une infection digestive (bactérienne ou parasitaire), une infiltration inflammatoire chronique (moins probable en raison de l’absence d’un trouble digestif antérieur) ou une affection extradigestive (hépatopathie, insuffisance rénale, pancréatite chronique ou hypocorticisme).

6. Examens complémentaires

Examens sanguins

Un examen biochimique est réalisé afin de détecter une éventuelle hépatopathie (phosphatases alcalines, alanine aminotransférase, cholestérol, albumine) ou une insuffisance rénale (créatine). Le dosage des protéines totales permet également d’estimer la perte protéique due à la diarrhée. Enfin, le dosage du calcium a pour objectif la recherche d’une hypercalcémie paranéoplasique (associée à un lymphome, par exemple). L’examen biochimique montre une augmentation significative des marqueurs de cytolyse hépatique et de cholestase, sans insuffisance rénale (tableau 2). La valeur de la créatininémie est inférieure à l’intervalle de référence utilisé chez le chien, ce qui est à mettre en relation avec l’amyotrophie sévère de l’animal. L’albuminémie et la protéinémie sont dans les limites inférieures avant réhydratation, reflétant un état de dénutrition avancé.

L’hémogramme et l’examen du frottis, réalisés en routine en tant qu’examens complémentaires de base, sont en faveur d’un syndrome inflammatoire (tableau 3). Ils révèlent une anémie macrocytaire hypochrome non régénérative et une leucocytose neutrophilique avec de nombreux granulocytes neutrophiliques à noyau non segmenté (déviation à gauche de la courbe d’Arneth, ce qui signifie la présence en nombre plus important de granulocytes neutrophiliques immatures), ce qui est en faveur d’un phénomène inflammatoire aigu. Des macrophages activés sont présents. Une thrombocytose est également présente, sous-estimée par de nombreux agrégats plaquettaires.

Examen des urines et des selles

L’analyse urinaire (réalisée en routine dès que possible, comme examen complémentaire de base) (bandelette, réfractomètre et culot) est normale, les urines sont hypersténuriques, ce qui peut être mis en relation avec la déshydratation sévère du chien.

L’examen coproscopique, réalisé pour infirmer ou confirmer le parasitisme suspecté, révèle la présence de 0 ou de 1 Giardia par champ (observation x 400). L’excrétion d’œufs de vers et de Giardia étant intermittente, ce résultat ne permet pas d’écarter une affection parasitaire, en plus de la masse palpée dans l’abdomen.

Examen échographique

Une échographie est réalisée pour tenter d’identifier la masse palpée dans l’abdomen cranial. L’échographie abdominale met en évidence un épanchement abdominal modéré, non ponctionnable, et une graisse péritonéale hyperéchogène sur tout le pourtour des anses digestives, en faveur d’une péritonite généralisée. Cet aspect est plus important en regard d’une structure renvoyant une image “en cible” (photo 3). Celle-ci correspond à trois cercles concentriques d’échogénicités différentes. Elle est caractéristique de l’emprisonnement de graisse mésentérique et d’une anse intestinale dans la lumière d’une autre anse. Il s’agit d’une intussusception. Le reste de l’abdomen révèle uniquement une entérite généralisée et une hypertrophie surrénalienne modérée bilatérale.

7. Traitement médical

Une perfusion est mise en place, avec un débit adapté à l’état de déshydratation et à la diarrhée chronique : 8,5 ml/kg/h de NaCl 0,9 % (encadré 1). Le NaCl a été choisi ici car les syndromes occlusifs se traduisent généralement par une alcalose chlorémique.

De la morphine est administrée par voie intraveineuse à 0,2 mg/kg toutes les 4 heures pour lutter contre la douleur. Nous avons utilisé la morphine, malgré ses effets modificateurs du transit, pour des raisons de praticité et de disponibilité. Des injections de ranitidine (Azantac®(1)) ont également été réalisées par voie intraveineuse lente, à 2 mg/kg toutes les 8 heures pour son effet antisécrétoire gastrique. Une antibiothérapie est mise en place, à base d’amoxicilline et d’acide clavulanique par voie intraveineuse à 12,5 mg/kg toutes les 12 heures (Augmentin®(1)).

8. Traitement chirurgical

Une laparotomie médiane est effectuée et l’ensemble des organes est inspecté. L’intussusception jéjuno-jéjunale est localisée avec précision et un boudin d’invagination de 40 cm est isolé de l’abdomen (photo 4). Les lésions sont irréductibles et conduisent à la réalisation d’une entérectomie d’une portion estimée à 1 m de long, suivie d’une anastomose jéjuno-jéjunale. L’examen histologique du boudin d’invagination montre une zone d’intussusception ancienne avec des adhérences fibreuses diffuses et une ulcération extensive.

9. Évolution

Suivi en phase postopératoire

Après l’opération, la perfusion de NaCl 0,9 % est maintenue, à 60 ml/kg/j (ce qui correspond aux besoins hydriques quotidiens normaux d’un chien), et les traitements antibiotique, antisécrétoire gastrique et analgésique sont poursuivis. 48 heures plus tard, du métronidazole (Flagyl®(1)) est ajouté, à la dose de 25 mg/kg/12 h par voie orale, pour lutter contre la giardiose et la probable pullulation bactérienne du grêle. De l’eau puis de petites quantités fractionnées d’aliment humide hyperdigestible (I/D de Hill’s®) sont bien acceptées 12 heures après l’intervention chirurgicale. Progressivement, l’alimentation est reprise. Les selles ne présentent plus de traces de sang visibles à l’œil nu, mais restent peu moulées. Comme le chien mange, boit et ne présente pas de signe de douleur, la perfusion ainsi que les injections de morphine sont arrêtées 72 heures après l’opération.

Cinq jours postopératoires, l’animal est rendu à son propriétaire avec une prescription pour le traitement suivant : amoxicilline et acide clavulanique à 12,5 mg/kg deux fois par jour (Kesium®), oméprazole à 1 mg/kg/j en une seule prise (Mopral®(1)) (l’antisécrétoire a été changé pour des raisons pratiques d’observance : la ranitidine s’administre par injection et l’oméprazole, par voie orale) et prednisolone à 1 mg/kg/j en une seule prise (Dermipred®), le tout pendant 10 jours, par voie orale. Le métronidazole est poursuivi pendant 5 jours, pour traiter l’éventuelle giardiose de l’animal.

Suivi à long terme

Un mois après l’opération, le propriétaire est contacté : il décrit un chien en bon état général qui a repris 9 kg (il pèse désormais 29 kg, son poids idéal étant estimé à 33 kg). Les selles ne sont pas complètement moulées et l’animal présente des épisodes de diarrhée non hémorragique. Pour des raisons financières, le propriétaire n’a pas poursuivi l’aliment hyperdigestible. Une fois les traitements médicaux terminés, aucun examen complémentaire supplémentaire n’a été pratiqué, ces diarrhées ne gênant pas le propriétaire et ne semblant pas affecter la santé du chien.

DISCUSSION

1. Chronicité de l’intussusception

L’examen histologique réalisé sur le boudin d’invagination conclut à une affection chronique. Celle-ci semble être apparue de façon brutale au moment du “coup de chaleur” décrit par le propriétaire 3 semaines auparavant, et être à l’origine de la diarrhée hémorragique et de l’amaigrissement sévère observés depuis. Dans l’étude rétrospective de Levitt et Bauer portant sur 27 chiens atteints d’intussusception, 15 animaux ont présenté des signes cliniques durant moins de 1 semaine, 7 pendant 1 à 2 semaines, et, enfin, 5 durant plus de 2 semaines avant le diagnostic (médiane de 9 jours) [3]. Le cas de cet animal n’est pas isolé. La plupart des formes d’intussusception restent aiguës. Cependant, il ne faut pas exclure cette maladie du diagnostic différentiel de la diarrhée chronique chez le chien. La période écoulée entre la survenue des symptômes et le diagnostic dépend de l’intensité des lésions digestives et des capacités d’adaptation de l’animal, ce qui rend plus ou moins difficile ce diagnostic.

2. Détection de l’intussusception

Le diagnostic extrêmement précoce d’une intussusception peut permettre la réduction manuelle de la lésion, c’est-à-dire sans entérectomie. Plus l’intervention chirurgicale est rapidement mise en œuvre et moins les tissus emprisonnés sont ischémiés et nécrosés, et ils peuvent donc être conservés. Ainsi, certaines complications postchirurgicales sont évitables (déhiscence de l’anastomose, obstruction intestinale, péritonite, syndrome du grêle court ou short bowel syndrome). Dans l’étude de Levitt et Bauer, 36 % des chiens qui ont subi une entérectomie-anastomose après intussusception sont morts ou ont présenté des complications, contre seulement 10 % de ceux qui ont fait l’objet d’une réduction manuelle [3]. En revanche, dans cette série, aucune différence significative concernant le taux de récidive n’a été observée selon la méthode de réduction choisie (réduction manuelle ou entérectomie-anastomose). Plus généralement, il est considéré que les complications après entérectomie concernent 11 à 20 % des cas [3]. Ici, le diagnostic était trop tardif pour espérer une réduction manuelle et l’entérectomie-anastomose était obligatoire. Certains éléments permettent de suspecter, puis de confirmer rapidement une intussusception, et ainsi d’en améliorer le pronostic.

3. Diagnostic clinique

Les signes cliniques les plus souvent rencontrés lors d’une intussusception sont, par ordre décroissant : des vomissements (peu présents en cas d’évolution chronique), une diarrhée (avec une hématoschésie ou un méléna selon la localisation de la lésion et la rapidité du transit digestif), une anorexie et une perte de poids (dans le cadre d’une évolution chronique) [3]. La palpation abdominale révèle dans 50 à 70 % des cas une masse dans l’abdomen cranial, généralement non douloureuse à la palpation. Il convient d’être vigilant et de ne pas confondre ce signe avec un iléus mécanique, lequel peut également provoquer la sensation d’une masse à la palpation abdominale [1]. Le chien présentait donc ici un tableau typique d’intussusception avec une diarrhée hémorragique chronique et un amaigrissement, et la présence d’une masse abdominale. L’absence de vomissements est en relation avec le caractère chronique de l’affection.

4. Examens complémentaires

Radiographie

La radiographie sans préparation ne permet que rarement d’établir le diagnostic d’intussusception [1]. Les images sont celles d’un iléus sévère localisé à quelques anses (plus de deux fois la hauteur du corps vertébral de la deuxième vertèbre lombaire), ce qui est commun à tous les phénomènes obstructifs, sauf si des vomissements intenses ont précédé l’examen ou que l’obstruction est partielle. Les radiographies successives avec un produit de contraste, ou transit baryté, sont plus longues à mettre en place, mais permettent une meilleure distinction des lésions et parfois un diagnostic de certitude. Cependant, un iléus généralisé peut empêcher la progression du produit de contraste et mener à des faux négatifs. Cet examen est à réaliser avec précaution lors de suspicion de perforation intestinale : une péritonite aseptique en réaction au baryum est possible. Néanmoins, des signes radiographiques directs ou indirects d’obstruction digestive suffisent pour prendre la décision chirurgicale qui s’impose dans des situations d’urgence vitale.

Dans notre cas, aucune radiographie n’a été réalisée en raison des moyens limités du propriétaire et des résultats de l’échographie réalisée en première intention dans ce contexte de diarrhée chronique sans vomissements.

Échographie

L’échographie paraît être la technique la plus sensible et la plus spécifique [4]. L’image en coupe transversale du boudin d’invagination est celle d’une “cible” : au moins trois cercles concentriques (paroi de l’anse invaginante, graisse mésentérique, paroi de l’anse invaginée), avec une alternance d’hyper- et d’hypoéchogénicité (la graisse étant hyperéchogène). En coupe longitudinale, des lignes parallèles les unes aux autres sont observées, toujours selon des degrés d’échogénicité différents. D’autres images peuvent être confondues avec celle d’une intussusception. Des éléments digestifs (entérite secondaire à un corps étranger intestinal, corps étranger intestinal linéaire) ou extradigestifs (évolution post-partum de l’utérus, œdème, tumeur, hématome, adénomégalie) sont à distinguer des clichés précédemment décrits [4]. Grâce à l’échographie réalisée chez notre chien, le diagnostic d’intussusception a été établi avec certitude.

Analyses sanguines

Peu de modifications biochimiques ou cellulaires permettent d’infirmer ou d’affirmer le diagnostic d’intussusception. Les variations dépendent de la vitesse d’évolution et de la localisation de la lésion. Les compressions vasculaires et lymphatiques peuvent entraîner une hypoalbuminémie (par exsudation), ce qui a semblé être le cas pour notre chien (protéines dans les valeurs basses de l’espèce alors que l’animal est déshydraté). Une hypocalcémie et une hypocholestérolémie ont été observées dans certains cas [6].

Un ionogramme aurait pu être effectué, car c’est un indicateur majeur lors de diarrhée chronique : une alcalose hypochlorémique évoque une occlusion intestinale. La kaliémie est également importante à évaluer car les pertes digestives peuvent provoquer une hypokaliémie. Le soluté de choix lors d’occlusion est alors le NaCl 0,9 %.

Trois coproscopies à 24 heures d’intervalle (pour plus de sensibilité diagnostique), un dosage des enzymes spécifiques pancréatiques canines (cPLi), une cinétique des acides biliaires et un contrôle échographique seraient indiqués, avant d’envisager une endoscopie digestive si le propriétaire le souhaite.

Une fois le diagnostic de certitude établi, un traitement chirurgical est nécessaire pour traiter une intussusception (encadré 2 complémentaire sur www.WK-Vet.fr).

5. Complication postchirurgicale : syndrome de l’intestin grêle court ?

Signes cliniques lors de syndrome d’intestin grêle court

En plus de la sténose intestinale postchirurgicale, une autre complication pourrait également expliquer la persistance de la diarrhée modérée et le retard à la reprise de poids : le short bowel syndrome. Ce syndrome du grêle court est observé après la résection chirurgicale d’un long segment d’intestin grêle (généralement plus des deux tiers). La surface intestinale restante est insuffisante pour assurer l’absorption des nutriments et des électrolytes. Les principaux signes cliniques sont une diarrhée chronique aqueuse, une polyphagie, une perte de poids et une stéatorrhée. Dans notre cas, le boudin d’invagination mesure 40 cm de long et est situé en regard du jéjunum. La longueur de la portion retirée est de 1 m environ. En considérant que l’intestin grêle du chien mesure environ trois fois et demie la longueur du chien, soit ici 3,10 m (dont environ 1,20 m de jéjunum), près d’un tiers de l’intestin grêle et trois quarts du jéjunum ont été retirés. Ainsi, l’hypothèse du short bowel syndrome peut être conservée au vu des signes cliniques, bien que la diarrhée soit peu aqueuse et que la résection semble faible par rapport aux cas cités dans la littérature (74 à 88 % d’intestin grêle retiré) [8]. Un suivi de la concentration sanguine de la vitamine B12 peut être envisagé pour rechercher un éventuel défaut d’absorption ou une prolifération bactérienne (surtout si la valvule iléocæcale a été retirée lors de l’entérectomie, ce qui n’est pas le cas ici).

Adaptation fonctionnelle

L’intestin est capable de s’adapter histologiquement et fonctionnellement de façon à augmenter l’absorption après une importante résection : élongation des villosités, augmentation de la profondeur des cryptes et du nombre de cellules par villosité. La durée de cette adaptation est estimée à 2 mois chez le chien [5]. Elle se manifeste par une diminution de la fréquence de défécation, ainsi que par une baisse de la teneur en eau des selles. Le poids optimal de l’aminal n’est presque jamais atteint. Cela pourrait coïncider avec l’état de maigreur persistant du chien de ce cas. Toutefois, des examens complémentaires seraient encore nécessaires pour éliminer les autres hypothèses, notamment parasitaires : des examens coproscopiques réalisés plusieurs jours de suite (au minimum 3 jours) pourraient pallier l’intermittence de l’excrétion de certains parasites.

Le diagnostic du short bowel syndrome est essentiellement clinique : l’animal présente une diarrhée aqueuse 24 à 48 heures après l’opération, suivie d’une perte de poids. Une hypokaliémie, une hyponatrémie, une créatininémie élevée et une acidose métabolique peuvent également être constatées. Un examen des selles permet de mettre en évidence une stéatorrhée. Le traitement de cette affection est essentiellement symptomatique. Un apport nutritionnel adéquat (aliment hautement digestible : I/D de Hill’s® à distribuer en 4 ou 5 repas par jour) permet d’accélérer l’adaptation de l’intestin (l’alimentation par voie orale est débutée dès que l’animal est correctement réveillé, si possible 6 à 12 heures après la chirurgie). Le transit gastrique et intestinal doit être ralenti (le lopéramide est utilisé à cette fin en médecine humaine [2]). L’administration de probiotiques est recommandée en médecine humaine dans le traitement du syndrome de l’intestin grêle court, pour diminuer la prolifération bactérienne et limiter le risque de translocation bactérienne [7]. Aucune étude spécifique concernant l’usage de probiotiques dans la gestion du syndrome du grêle court n’a été publiée en médecine vétérinaire.

Conclusion

Le diagnostic d’une intussusception est tout d’abord clinique, avec une palpation abdominale lors de troubles digestifs. La radiographie peut mettre en évidence des signes directs ou indirects d’occlusion intestinale, et guider immédiatement vers une intervention chirurgicale. L’échographie est l’examen complémentaire de choix en cas de doute sur l’option thérapeutique, et permet surtout d’affiner le diagnostic et de déterminer l’origine de l’occlusion. Cependant, les résultats de cet examen dépendent fortement du manipulateur.

La détection précoce d’une intussusception permet d’améliorer le pronostic en prévenant les complications postopératoires les plus sévères, telles que le syndrome du grêle court. La recherche des causes sous-jacentes est essentielle pour éviter les récidives.

  • (1) Médicament humain.

Références

  • 1. Applewhite AA, Cornell KK, Selcer BA. Diagnostic and treatment of intussusceptions in dogs. Compend.Contin. Educ. Pract. Vet. 2002;24(2):110-114.
  • 2. Jeejeebhoy KN. Short bowel syndrome: a nutritional and medical approach. Can. Med. Assoc. J. 2002;166(10):1297-1302.
  • 3. Levitt L, Bauer MS. Intussusception in dogs and cats: a review of 36 cases. Can. Vet. J. 1992;33:660-664.
  • 4. Patsikas MN, Papazoglou LG, Papaioannou NG et coll. Normal and abnormal ultrasonographic findings that mimic small intestinal intussusception in the dog. J. Am. Anim. Hosp. Assoc. 2004;40(2):147-151.
  • 5. Payne JT, Brent DJ. Short bowel syndrome. In: Disease mechanisms in small animal surgery. Ed. Lea & Febiger, Philadelphia. 1993:249-251.
  • 6. Peterson PB, Willard MD. Protein-losing enteropathies. Vet. Clin. North Am. Small. Anim. Pract. 2003;33(5):1061-1082.
  • 7. Stoidis CN, Misiakos EP, Patapis P, Fotiadis CI, Spyropoulos BG. Potential benefits of pro- and prebiotics on intestinal mucosal immunity and intestinal barrier in short bowel syndrome. Nutr. Res. Rev. 2010;21:1-9.
  • 8. Yanoff SR, Willard MD, Boothe HW et coll. Short bowel syndrome in four dogs. Vet. Surg. 1992;21(3):217-222.

ENCADRÉ 1
Calcul de la quantité de fluide à administrer sur une journée, en ml (Q)

Q = besoins hydriques quotidiens (B) + déficits dus à la déshydratation (D) + pertes associées à la diarrhée du chien (P), avec B = 60 ml/kg/j, D = pourcentage de déshydratation x poids (kg) x 10, avec P = 20 ml/kg/j, dans notre cas.

Points forts

→ Une diarrhée chronique n’exclut pas une intussusception.

→ Une intussusception doit faire partie du diagnostic différentiel lors de diarrhée hémorragique associée à une masse dans l’abdomen moyen.

→ L’échographie abdominale est l’examen complémentaire de choix à réaliser pour diagnostiquer une intussusception.

→ Une résection très importante de l’intestin grêle peut entraîner un syndrome du grêle court (ou short bowel syndrome).

REMERCIEMENTS

à la clinique vétérinaire du Vernet (Le Vernet, 31) et au laboratoire Vet’Histo (Marseille, 13).

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