Immunophénotype du lymphome canin : dernières techniques diagnostiques - Le Point Vétérinaire n° 326 du 01/06/2012
Le Point Vétérinaire n° 326 du 01/06/2012

ONCOLOGIE CANINE

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Auteur(s) : Isabelle Desmas

Fonctions : Royal Veterinary College,
Hawkshead Lane,
AL97TA Hatfield,
United Kingdom
idesmas@rvc.ac.uk

Déterminer l’immunophénotype d’un lymphome canin peut permettre d’affiner un diagnostic définitif, et également d’orienter le pronostic.

Le lymphome est une tumeur hématopoïétique couramment diagnostiquée au sein de la population canine, comptant pour environ un cinquième des cancers chez le chien. Voir l’article “Le lymphome non hodgkinien de type B : comparaison chez l’homme et le chien” de F. Serres dans le Point Vétérinaire 319. Le diagnostic initial s’établit généralement à l’aide d’un examen cytologique (après cytoponction) ou histologique (après biopsie). L’immunophénotype d’un lymphome est défini par l’expression de molécules spécifiques aux lymphocytes de type B ou aux lymphocytes de type T. Déterminer l’immunophénotype d’un lymphome permet d’affiner le diagnostic lorsque la cytologie ou l’histologie seules ne sont pas conclusives, mais également d’orienter le pronostic et le traitement.

Utilité diagnostique et pronostique de l’immunophénotypage

La valeur diagnostique des examens cytologiques ou histologiques d’un échantillon de cellules ou de tissu suspect d’être un lymphome est normalement assez élevée et ces tests sont souvent suffisants pour obtenir un diagnostic définitif. Cependant, dans de rares cas, la différenciation entre des populations réactive et cancéreuse est difficile et de plus amples investigations sont requises. La différence entre un tissu lymphoïde réactif et un tissu cancéreux réside dans l’homogénéité de la population lymphocytaire. En effet, la présence d’une population homogène dominante (issue d’un même clone cellulaire, soit B, soit T) est en faveur d’un processus cancéreux alors qu’une population lymphoïde réactive (processus inflammatoire) est composée de lymphocytes de divers types (B et T) et à plusieurs stades de maturation, d’où une population hétérogène (photo). Ces deux types de population peuvent prêter à confusion, mais leur distinction se révèle pourtant nécessaire pour poursuivre le traitement comme pour émettre un pronostic. Diagnostiquer un immunophénotype dominant ou la clonalité d’une population peut aider à démontrer le caractère cancéreux d’un échantillon.

Au-delà de la distinction entre un processus réactif et un cancer, la caractérisation d’une population lymphoïde est utile pour différencier un lymphome d’une maladie spécifique, par exemple, un lymphome thymique d’un thymome, une hématopoïèse normale d’un lymphome splénique dans un échantillon provenant de la rate (les nodules spléniques peuvent contenir de nombreux lymphoblastes possiblement confondus avec une population cancéreuse) ou encore un lymphome de stade V (avec une lymphocytose) d’une leucémie lymphoïde aiguë.

L’obtention de l’immunophénotype du lymphome permet également d’émettre un pronostic en cas de présentation classique. Les chiens atteints d’un lymphome T présentent généralement un taux de rémission et une durée de survie inférieurs aux animaux touchés par le type B, à la suite de la chimiothérapie.

Immunocytochimie et immunohistochimie

Les cellules cancéreuses lymphoïdes présentent des caractéristiques morphologiques qui permettent de les classer dans un immunophénotype particulier. Cependant, ces critères ne sont pas suffisants pour déterminer à eux seuls si un lymphome appartient au type B ou T.

Les lymphocytes B et T expriment à leur surface des antigènes (ou marqueurs) de différenciation appelés CD (cluster of differentiation en anglais). Ces antigènes peuvent être reconnus grâce à des anticorps monoclonaux (ayant une spécificité étroite pour un antigène donné) à partir d’un échantillon de cytologie ou d’histologie. L’immunocytochimie (ICC) ou l’immunohistochimie (IHC) sont réalisées sur des cellules ou des tissus fixés sur lame. Ces techniques d’immunophénotypage exploitent l’identification d’un antigène en lui couplant l’anticorps qui lui est spécifique. Ce dernier est par la suite détecté par immunofluorescence (figure 1).

Le tissu ou les cellules sont placés sur un support solide. L’anticorps monoclonal relié à un système de détection (enzyme liée à l’anticorps, dont la mise en présence du substrat provoque une réaction colorée ou fluorescente) est ajouté à la préparation, provoquant un signal visible à l’œil nu, ou par des techniques de microscopie et de spectrophotométrie.

Cette méthode peut être réalisée a posteriori sur les échantillons de cytoponctions ou de biopsies préalablement envoyées au laboratoire pour un diagnostic histologique ou cytologique.

Cytométrie de flux

La cytométrie de flux est une technique qui permet de compter et de mesurer les caractéristiques de particules individuelles dans un flux de cellules. Concrètement, elle s’apparente aux méthodes d’ICC et d’IHC, mais dans une préparation liquide (sang, moelle osseuse, effusion, liquide céphalo-rachidien, cellules placées en suspension). Les cellules lymphoïdes sont marquées par un ou plusieurs anticorps monoclonaux fluorescents et soumises au faisceau d’un laser (figure 2). La lumière réémise (diffusion ou fluorescence) par les cellules lymphoïdes couplées à des anticorps permet de les classer suivant plusieurs critères (complexité et taille des cellules, expression d’antigène de surface), donc de les trier. L’intérêt de cette technique est qu’elle donne des résultats quantitatifs et plusieurs marqueurs peuvent être combinés. L’immunophénotype peut donc être affiné.

L’échantillon doit être envoyé rapidement au laboratoire (viabilité maximale de 24 à 48 heures). Cependant, il existe des milieux de stockage qui prolongent sa durée de vie, qui sont généralement fournis au préalable par le laboratoire (culture tissulaire, EDTA et source de protéines).

Réaction en chaîne par polymérase

→ Une des caractéristiques principales du lymphome est liée au fait que les cellules tumorales sont dérivées de la prolifération d’une cellule originelle mutée en cellule cancéreuse. Déterminer la clonalité d’une population lymphocytaire permet de la caractériser comme cancéreuse, c’est-à-dire issue d’un même clone cellulaire (une infection chronique à Erhlichia canis pourrait également entraîner une expansion lymphocytaire monoclonale, mais le cas reste rare). La différenciation des lymphocytes implique normalement le réarrangement des gènes codant pour les immunoglobulines des lymphocytes B et les récepteurs T des lymphocytes T, en réponse à la multitude d’antigènes du soi et étrangers (infectieux, environnementaux) que le système immunitaire rencontre pendant son développement.

→ Réaliser une réaction en chaîne par polymérase (PCR) permet le dépistage de ces gènes spécifiques aux lymphocytes. Ce procédé nécessite la récolte d’ADN à partir d’échantillons cellulaires séchés à l’air libre, précédemment colorés ou non, ou à partir d’échantillons liquides. Des amorces sont appliquées pour détecter et amplifier les gènes spécifiques qui codent pour la partie variable des immunoglobulines dans les cellules B et pour les récepteurs des cellules T, permettant d’obtenir rapidement une quantité importante et exploitable d’un segment précis d’ADN. La présence dominante d’un produit d’une seule taille indique un groupe de lymphocytes issus d’une expansion clonale. La présence de produit de tailles diverses suggère un groupe de lymphocytes polyclonaux.

→ Cette méthode permet de diagnostiquer un lymphome (clonalité d’une population lymphocytaire), mais également de déterminer le phénotype (des amorces différentes sont disponibles pour les lymphocytes T et B). Des faux négatifs peuvent apparaître en cas d’absence d’amorces qui pourraient hybrider toutes les séquences de gènes possibles ou de non-réarrangement de ces gènes (lymphocytes NK).

Conclusion

Les nouvelles techniques diagnostiques disponibles pour le lymphome canin permettent de confirmer et d’affiner le diagnostic. Cependant, elles ne peuvent remplacer les méthodes traditionnelles (cytologie et histologie), requises en première ligne et moins onéreuses. Les cliniciens sont encouragés à discuter la nécessité de ces tests avec le cytopathologiste en charge du cas afin de déterminer la technique la plus adaptée.

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