DERMATOLOGIE FÉLINE
Analyse d’article
Auteur(s) : Catherine Laffort
Fonctions : Clinique vétérinaire
8, boulevard Godard
33000 Bordeaux
Les plaques et les ulcères labiaux éosinophiliques sont des présentations cliniques fréquentes en dermatologie féline. Elles appartiennent au complexe granulome éosinophilique (CGE) qui comprend également les granulomes éosinophiliques [6]. Ces dénominations correspondent à un mélange de descriptions cliniques et histopathologiques. Ces lésions sont en effet caractérisées par un infiltrat dermique périvasculaire à diffus à dominante éosinophilique, associé à des figures en flammes [2]. Plus que des entités cliniques séparées, il s’agit plutôt d’un patron réactionnel de la peau du chat en réponse à différentes causes, parmi lesquelles les allergies et les parasites dominent [3, 8]. Cependant d’autres facteurs ont été évoqués (chimiques, bactériens, réactions à un corps étranger, composante génétique), et certains cas restent idiopathiques [3].
Hormis les abcès, les infections bactériennes sont rares chez le chat, mais elles sont probablement sous-diagnostiquées [5]. Les pyodermites superficielles staphylococciques sont responsables de l’apparition de papules, de pustules et de croûtes, en particulier sur la face. Elles peuvent se manifester sous la forme d’une dermatite miliaire ou de lésions du CGE [7]. Elles sont en général secondaires à une autre dermatose (dermatite allergique, démodécie), à une maladie systémique (diabète, infection par des rétrovirus, etc.) ou à un traitement immunosuppresseur (glucocorticoïdes, chimiothérapie, etc.) [5]. Lorsqu’elles ne sont pas la cause primaire du développement des lésions du CGE, le caractère érodé, voire ulcéré, de ces lésions favorise leur apparition. Elles viennent alors aggraver et compliquer le tableau clinique. Leur diagnostic doit s’appuyer sur l’examen cytologique de calques cutanés qui révèle alors la présence de neutrophiles et de bactéries intracellulaires. Dans certains cas, une culture bactériologique et un examen histopathologique de biopsies cutanées sont nécessaires [5].
Simultanément à la recherche et au contrôle de toute dermatite allergique sous-jacente, certains auteurs recommandent la mise en place d’une antibiothérapie dans la prise en charge du CGE, avant même toute prescription d’immunomodulateurs comme les corticostéroïdes [1, 3, 4]. Les études contrôlées démontrant l’efficacité de cette option thérapeutique manquent cependant. Cet article apporte les premières informations sur le sujet.
L’étude a été bien construite et s’est appuyée sur de nombreux critères cliniques et paracliniques (calque par impression pour examen cytologique à J1 et à J21, biopsies cutanées pour examen histopathologique, culture mycologique, culture bactériologique à partir d’écouvillons prélevés en surface et en profondeur, c’est-à-dire un écouvillon inoculé à partir des tissus biopsiés). Il existe cependant une contradiction entre le postulat de départ (le diagnostic de plaques ou d’ulcères éosinophiliques est un diagnostic clinique) et l’accumulation d’examens complémentaires après inclusion. Cela conduit à l’exclusion après le début de l’étude de 3 cas qui ne seront pas, par la suite, utilisés dans l’étude statistique. Il aurait sans doute été plus efficace d’être plus strict sur le diagnostic différentiel et les critères d’inclusion. A contrario, 2 chats pour lesquels les résultats de l’examen histopathologique et de la culture bactériologique réalisés à partir des biopsies cutanées ne sont pas disponibles ont été maintenus dans l’étude. Les auteurs ont expliqué les raisons de ces déviations dans l’article. Une description plus précise des lésions histopathologiques aurait également été souhaitable. Les auteurs mentionnent seulement la présence ou non de bactéries au sein des lésions, mais il aurait été intéressant de savoir où elles se trouvaient (en surface ou en profondeur) et si leur présence s’accompagnait de lésions compatibles avec une infection bactérienne.
Malgré ces imprécisions, cet essai a été construit en respectant les standards de l’énoncé Consort. Bien qu’apparemment faible, le nombre de chats dans chaque lot a été calculé pour assurer une puissance suffisante à l’étude (les règles et les détails de calculs ne sont pas fournis). L’aveugle a été respecté à tous les niveaux de l’étude : randomisation à l’aide d’une liste constituée par un programme informatique, allocation par un tiers, fabrication d’un placebo similaire au produit actif en couleur et en arôme, mesure de la taille des lésions, lecture des lames de cytologie et d’histopathologie en aveugle.
Malgré quelques faiblesses, cet essai confirme, sur la base de critères cliniques et cytologiques, la fréquence des infections bactériennes secondaires lors de plaques et d’ulcères éosinophiliques et montre que l’association amoxicilline/acide clavulanique est efficace pour traiter ces infections lors de plaques éosinophiliques. La réponse à cette intervention, en cas d’ulcère labial éosinophilique et reposant sur la réduction de taille des lésions, a été plus décevante (pas de différence significative avec le lot placebo), ce qui est étonnant au regard des données de la littérature qui suggèrent que certains ulcères labiaux d’intensité modérée pourraient répondre à une antibiothérapie [6]. Ces données ne s’appuyaient jusqu’à présent sur aucun essai contrôlé.
Face à ces présentations cliniques, lorsque l’examen cytologique d’un calque cutané par impression des lésions montre des images d’une infection bactérienne, une antibiothérapie, par exemple à l’aide d’amoxicilline/acide clavulanique, est indiquée.
OBJECTIFS
• Évaluer la présence d’une infection bactérienne secondaire lors de plaques et d’ulcères labiaux éosinophiliques félins.
• Connaître l’efficacité d’une antibiothérapie à base d’amoxicilline/acide clavulanique (amoxiclav) face à ces deux présentations cliniques.
MÉTHODE
Seize chats présentés pour plaque (PE) et/ou ulcère labial (ULE) éosinophiliques ont été inclus dans cette étude prospective en double aveugle randomisée contrôlée contre placebo. L’inclusion a reposé sur des paramètres cliniques et cytologiques. Pour chaque animal, des clichés photographiques des lésions ont été pris au début (J1) et à la fin de l’étude (J21). Quatre chats PE et 4 chats ULE ont été alloués au lot amoxiclav, 5 chats PE et 4 chats ULE ont été alloués au lot placebo.
RÉSULTATS
Une infection bactérienne a été détectée par l’examen cytologique et bactériologique de surface pour les 16 chats de l’étude. Les bactéries les plus fréquemment incriminées étaient des staphylocoques coagulase positive.
Dans le lot PE traité avec l’amoxiclav, une réduction statistiquement significative de la taille moyenne des lésions (p = 0,0078) et du nombre de champs microscopiques montrant des images d’infections bactériennes (p = 0,001) a été observée, alors que cette différence n’était pas statistiquement significative dans le lot placebo.
Pour les chats ULE, la réduction de la taille moyenne des lésions n’a été statistiquement significative dans aucun des deux lots. La diminution du nombre de champs microscopiques montrant des images d’infections a été statistiquement significative dans le lot traité par l’amoxiclav (p < 0,0001) alors qu’elle ne l’était pas dans le lot placebo.
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