Évaluation des lésions rénales lors de pyomètre chez la chienne - Le Point Vétérinaire expert canin n° 324 du 01/04/2012
Le Point Vétérinaire expert canin n° 324 du 01/04/2012

PATHOLOGIE DE LA REPRODUCTION CANINE

Analyse d’article

Auteur(s) : Mathieu Faucher

Fonctions : Clinique vétérinaire Alliance
8, boulevard Godard
33300 Bordeaux

Le pyomètre est une affection couramment rencontrée en pratique quotidienne. Il se définit comme l’accumulation de matériel purulent dans la lumière utérine chez les femelles non stérilisées [9]. La prise en charge classique associant une ovario-hystérectomie et une antibiothérapie est habituellement couronnée de succès. Cependant, dans un certain nombre de cas, des complications, notamment rénales, peuvent être rencontrées.

LES COMPLICATIONS RÉNALES SONT-ELLES FRÉQUENTES LORS DE PYOMÈTRE ?

Une polyuro-polydypsie (PUPD) est souvent rencontrée. Elle peut s’expliquer par une forme réversible de diabète insipide néphrogénique, mais aussi par une insuffisance rénale (IR) intrinsèque [12]. Une baisse de la densité urinaire (du) est donc fréquente. Dans une étude, 80 % des chiennes ont une du inférieure à 1,020 à l’admission [2].

L’azotémie est régulièrement rencontrée. Sa fréquence varie selon les études. Ici, elle est de 13 % et associée dans quatre cas sur huit à une baisse de la densité urinaire. Elle peut traduire une IR prérénale et/ou intrinsèque.

Le débit de filtration glomérulaire (DFG) a été étudié lors de pyomètre [2]. Les chiennes avec les niveaux urinaires les plus élevés d’enzymes tubulaires ont présenté aussi les DFG les plus faibles. Cependant, les chiennes d’âge et de race différents n’ont pas été comparées à un groupe témoin et le DFG n’a pas montré de valeur différente lors de la visite de contrôle [2, 4, 10].

Une protéinurie est fréquemment rencontrée lors de pyomètre [1, 2, 7]. Dans cette étude, 47 % des chiennes ont présenté un rapport protéines/créatinine urinaire (RPCU) supérieur à 0,5 et 26 % un RPCU supérieur à 1. La protéinurie est un facteur de risque connu de crise urémique et de mortalité chez les chiens insuffisants rénaux chroniques [5]. Elle pourrait être le témoin d’une maladie rénale subclinique susceptible d’évoluer vers une IR.

COMMENT CES ANOMALIES ÉVOLUENT-ELLES APRÈS L’EPISODE DE PYOMÈTRE ?

Une étude s’est intéressée au devenir de 41 chiennes plusieurs années après l’épisode de pyomètre [1]. Deux chiennes seulement sont mortes d’IR et 4 ont présenté une PUPD permanente après l’intervention chirurgicale [1]. Deux autres études ayant suivi des chiennes à pyomètre documentent une normalisation du RPCU et de plusieurs biomarqueurs urinaires plusieurs mois après la chirurgie [2, 7]. Les anomalies rénales consécutives au pyomètre paraissent donc le plus souvent transitoires.

Cependant, une protéinurie persistante est identifiée chez la plupart des chiennes ayant développé une IR [1, 3]. Il est donc indiqué de suivre les chiennes présentant une protéinurie lors d’un épisode de pyomètre et de monitorer leur fonction rénale, particulièrement si la protéinurie persiste.

ANALYSE DES BIOPSIES RÉNALES

Une glomérulosclérose est retrouvée chez la plupart des chiennes à protéinurie persistante. Cette lésion ressemble à la sclérose glomérulaire focale et segmentaire rencontrée chez l’homme et qui est réputée se développer de manière spontanée chez la personne âgée [1]. Cette lésion a également été décrite chez le beagle sain vieillissant [8]. En dehors d’une comparaison avec des chiennes saines du même âge, il est difficile de savoir si cette lésion est associée ou préexistante au pyomètre. De plus, une précédente étude a montré la présence d’une glomérulosclérose chez 37 % des chiennes à pyomètre et chez 56 % des chiennes servant de témoins [1].

Cette lésion est aussi rencontrée lors de glomérulo-pathie avancée chez le chien. Dans notre étude, aucune preuve de glomérulonéphrite n’a été identifiée par l’immunohistochimie. L’immunoréactivité modérée pour l’IgM et le C3 est rencontrée lors de glomérulosclérose chez le chien et survient à la suite d’un piégeage de ces constituants dans les zones sclérotiques. Une glomérulonéphrite paraît donc improbable, comme il l’a été rapporté dans d’autres études [1].

APPORT DES BIOMARQUEURS URINAIRES

Les biomarqueurs de lésions glomérulaires sont l’albumine, la protéine C-réactive (CRP) et l’immunoglobuline G (IgG). Ce sont des protéines plasmatiques dont la concentration urinaire augmente lors de lésion glomérulaire [6, 11]. L’élévation de la concentration urinaire de retinol binding protein (RBP) traduit une dysfonction tubulaire, tandis que la N-acétyl-b-D-glucosaminidase (NAG) est un marqueur lésionnel de l’étage tubulaire [6, 11]. Le thromboxane B2 (TXB2) est un marqueur de l’hémodynamique intrarénale [6].

Comme il a été rapporté précédemment, tous ces biomarqueurs montrent une valeur augmentée lors de pyomètre [7]. À l’exception du TXB2, leur valeur est corrélée à celle du RPCU [7]. Ils ont tendance à retrouver une valeur similaire à celle de chiennes témoins quelques mois plus tard, ce qui suggère que l’atteinte glomérulaire et tubulaire est transitoire lors de pyomètre [2, 7]. Contrairement à ce qui a été décrit précédemment, la CRP urinaire est ici basse dans 40 % des cas, ce qui pourrait être expliqué par des lésions glomérulaires peu sévères ou une valeur peu modifiée de la CRP plasmatique.

Enfin, les chiennes présentant les lésions glomérulaires ou tubulaires les plus marquées tendent à avoir les valeurs les plus élevées de biomarqueurs urinaires et de RPCU. Cependant, ces résultats ne sont pas détaillés et le nombre de chiennes étudiées est faible. De plus, dans un cas, un RPCU et des biomarqueurs urinaires élevés ont été associés à des lésions histologiques minimes.

Conclusion

Lors de pyomètre chez la chienne, la présence d’une protéinurie est fréquente. Elle est habituellement transitoire, mais, si elle persiste, elle pourrait être associée au développement d’une insuffisance rénale. La lésion la plus souvent identifiée chez les chiennes protéinuriques est une glomérulosclérose dont il est difficile de dire si elle est préexistante ou causée par le pyomètre. L’augmentation des biomarqueurs urinaires tend à refléter la sévérité des lésions rénales.

RÉSUMÉ

OBJECTIFS

Lors de pyomètre chez la chienne : évaluer la prévalence de la protéinurie ; décrire les lésions rénales associées ; étudier les modifications de certains biomarqueurs urinaires.

MÉTHODE

• Des chiennes présentant un pyomètre sont prospectivement incluses. Dix chiennes saines servent de témoins.

• Un bilan biologique incluant le rapport protéines sur créatinine urinaire (RPCU) est effectué chez toutes les chiennes. Lorsque la protéinurie est marquée, une biopsie rénale est réalisée durant l’ovario-hystérectomie (OVH). Une histologie conventionnelle, une immunofluorescence et une microscopie électronique sont effectuées.

• Les biomarqueurs urinaires mesurés sont l’albumine, l’immunoglobuline G (IgG), la CRP (C reactive protein), la RBP (retinol binding protein), le TXB2 (thromboxane B2), la NAG (N-acétyl-β-D-glucosaminidase).

Une visite de suivi avec analyse urinaire est proposée.

RÉSULTATS

• 47 chiennes sont incluses, dont 10 subissent une biopsie rénale.

• Le RPCU est supérieur à 0,5 dans 47 % des cas, supérieur à 1 dans 26 % des cas et supérieur à 2 dans 15 % des cas. Il baisse significativement après l’OVH, mais, chez 5 sur 6 chiennes biopsiées avec un RPCU supérieur à 1, une protéinurie persistante est observée lors de la visite de suivi.

• La lésion la plus fréquemment rencontrée est la glomérulosclérose (chez 5 sur 10 chiennes). Quatre chiens montrent une immunoréactivité modérée pour les IgM et le C3. En microscopie électronique, une rétraction des pieds des podocytes et une hypercellularité glomérulaire sont notées.

• Tous les biomarqueurs urinaires testés sont augmentés et diminuent après l’OVH. La sévérité des lésions histologiques tend à être corrélée au RPCU et à la valeur des biomarqueurs urinaires.

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